Préface
Image: Sixtine jour de ses seize ans
-Adieu.
Elle s'assit près du corps et caressa avec tendresse la main glacée que quelques nuances bleues recouvraient. Avant de la serrer contre son cœur et de se mettre à pleurer, non ce n'était pas possible. Le corps inerte avait été de force allongé sur le lit bancal de l'hôpital et elle se tenait agenouillé à côté, le sol froid pétrifiant ses jambes nues ainsi que ses orteils. L'amnésie du choc l'avait endormie et elle serrait fort le corps contre elle en espérant que celui-ci se réanime. Mais rien ne se passait à son grand désespoir, rien même pas le temps qui lui non plus ne voulait plus avancer. Elle éclata en sanglots, bruyamment.
-Ça va ma chérie ? Le visage rougi de son père apparut dans l'ouverture de la porte. Il tenait dans ses mains un bouquet de rose rouge et avait l'air fatigué.
-Oui, oui, affirma-t-elle en cachant légèrement son visage entre ses mains. Mais pas toi, on dirait...
- Si, si... C'est juste qu'après sa mort eh bien je... Il sourit tristement. Je suis encore sous le choc, c'est tout. Elle sourit à son tour et regarda le visage fatigué de son père avec un air désolé.
-Je crois que tu devrais aller prendre une douche chuchota-t-elle en le serrant fort dans ses bras. Tu te sentiras peut-être un peu mieux après...Il sourit mélancoliquement avant de lui caresser la joue.
-Il y a quelque chose que je ne comprends pas dit-il, tu es ma fille et c'est moi qui suis censé te réconforter, pas le contraire. Tu es tellement forte ma princesse s'exclama-t-il en éclatant en sanglots. Tellement forte que... que ...
-Chut, chut lui murmura-t-elle en le prenant dans ses bras une seconde fois, et puis tu sais peut importe qui réconforte l'autre l'important, c'est qu'on soit ensemble... Elle versa quelques larmes avant de les essuyer et de se rasseoir au chevet du lit.
-Je venais juste déposer ces fleurs insista-t-il avant de déposer tendrement le bouquet contre la poitrine de sa femme. Mais tu sais, pour ce que tu m'as dit à propos des cours... Eh bien j'ai beau t'aimer très fort c'est hors de question ! Ce n'est pas le moment de te parler de ça, mais il fallait que je te le dise ! Je veux que tu te battes ! Que tu te battes, tu comprends ! Si tu abandonnes tout maintenant...Tu arrêteras ce combat. Notre combat à tous les deux... Il lui caressa de nouveau la joue mais elle se dégagea brusquement.
-Papa ! Comprends-moi, je ne veux plus jamais aller en cours ! Que dirais-je à mes amis quand ils me demanderont où est ma mère ? Comment peux-tu parler de combat alors que maman vient de perdre le sien il y a quelques heures !
- Écoute, je te laisserais le temps qu'il faudra... Et puis pour tes amis avec le temps tu pourras en parler mais..tu dois penser à toi...
-Ma mère viens de mourir et je devrais penser à moi! Hurla-t-elle en sanglotant.
-On en reparlera plus tard, pardon mon cœur je ne voulais pas te... Je n'aimes pas te voir comme ça... Elle le fixa avec désespoir tandis que des larmes salées emplissaient ses joues. Il releva la tête, la vit pleurer et la prit dans ses bras.
-C'est ce que ta mère aurait voulu, lui murmura t-il à l'oreille. Que nous nous battions ma princesse....
-Ne parles pas à sa place répondit-elle en se dégageant de ces bras. Tu es vraiment cruel.
-Sixtine je... commença t-il. Je vais prendre une douche finit-il en refermant la porte.
-Maman, ma petite maman, regarde tous le mal que tu nous as fait...
Elle ressortit de la pièce en traînant des pieds à la fois coupable d'avoir laissé sa mère seule et soulagée : l'air extérieur lui faisait du bien. Elle écrivit un bref SMS à son père et monta à vélo appuyant avec rage ses pieds contre les pédales bleues, et se dirigea vers son lycée les yeux rougis et les mains tremblantes sur son guidon rouillé. Ce n'était pas l'endroit où elle allait se recueillir. Non. Mais avant d'affronter la dure réalité, de rentrer chez elle et de pleurer, elle avait besoin de rêver. De rêver qu'il était un matin comme un autre, et que comme n'importe quel enfant de son âge, elle allait en cours.
Pas besoin de penser le parcours qu'elle faisait avec automatisme chaque matin : à droite, puis à gauche. Il fallait ensuite suivre un petit panneau indiquant de faire attention car il y avait une école primaire à côté et au bout de la rue se trouvait son lycée. Avant d'apercevoir le grillage elle s'arrêta. Et si quelqu'un l'apercevait que dirait-elle ?
A côté d'un buisson elle fixa l'établissement ; il avait été repeint il y a quelques mois et celui-ci brillait aux éclats du soleil sec.
Sèche, comme cette réalité impossible à accepter. Mais en voyant le bâtiment, au moins, elle fut sûre d'une chose : jamais elle ne remettrait les pieds à l'intérieur, et cela, quoi que son père fasse ou dise. Trop brisée pour feindre l'innocence au milieu de ce moule qu'imposait le lycée.
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