Chapitre 31: Escapade enneigée
Je reconnus la demeure et pris mes jambes à mon coup. C'était un vrai cauchemar, mes démons étaient partout et il ne fallait surtout pas que je croise Finette ! Elle me persuaderait de venir habiter ici et j'en deviendrais sûrement folle. Je me précipitai vers la porte, laissant des marques de boues avec mes grosses bottes pleines de terre et poussa la porte d'entrée angoissée. Je parcourus les jardins rapidement et aperçus Finette penché à la fenêtre de ma chambre. Mon cœur fit un double bond dans ma poitrine et se mit à battre si fort, que des sueurs chaudes perlèrent le long de mon front glacé. Comment n'avais-je pas pu me rendre compte que j'étais là-bas ? Malgré mon malaise ainsi que mon rhume, je me résolus à marcher un peu dehors pour me changer les idées.
Je fixai la neige blanche et immaculée, qui sous nos pas entendait murmurer nos histoires aux rythmes de nos bottes.
Je me baladais dans les rues dorénavant vides, il y a quelques semaines remplient de monde et de marchés.
Laissai échapper un sourire en me promenant dans la grande avenue, me vis nager dans l'eau, maintenant gelée et injuriai le cocher en retrouvant caché en retrouvant un bout de ma dentelle accrochée à une branche, avant de m'allonger sur la mousse blanche qui recouvrait le sol. Je ne voulais pas, une nouvelle fois faire un malaise et avoir encore des ennuis, je voulais simplement me sentir comme elle : épurée. Comme la neige blanche qui craquelle sous nos pas. Je m'allongeais sur la neige et fermais les yeux : le froid m'empêchait peut-être de dormir, mais lui au moins, il ne m'empêchait pas de rêver.
De loin une ombre grandit au fur et à mesure qu'elle s'avançait vers moi, au point de me recouvrir entièrement.
- Arisul ! Que dou bêtises, je ne sus poua coutent du tout ! Je lui sautai au coup et m'extirpai de la neige fraîche.
- Alfred ! Je suis contente moi aussi de te revoir. J'avais dorénavant bien progressé en français et m'entraînais régulièrement avec lui, dès qu'il rentrait de son travail ou pendant le repas même si la plupart du temps, c'était toute seule, pour espérer un jour me trouver du travail.
- Arisul, tu as disparu toute la nuit ! Je mou sus inquiété j'ou cru qu'elle t'avait retrouvé.
- En quelques sortes oui.... Il s'arrêta de marcher et m'attrapa les mains.
- Écoute, gentil Arisul, j'ai travullé deplou mes huit ans lou bas et je ne sus pas pourquoi cette femme je ne lou sens pas.
- Moi, non plus et j'aimerais bien te dire que je ne l'aime pas du tout, mais elle est tellement douce avec moi que parfois.... parfois j'ai... j'ai l'impression qu'on est relié par un lien fort. Un bruit de pas lourd se fit entendre derrière nous avant de s'alléger et de se transformer en faible bourdonnement. Il sourit et haussa les épaules, et souris de nouveau en arrivant à la chaumière.
- Guillemette, ma femme pensait que tu ne reviendrou plou que tu étais retourné manger chez Finette par ce que lou luxe tu manquais... et su matin je tu retrouves allongée dans lu neige ! S'exclama-t-il en s'avançant dans la pièce à vivre avant d'appeler sa femme. Mon amour, rit-il rougarde tou meilleure amie et revenou ! Celle-ci ressortit de l'arrière ferme me fixa et indiqua l'emplacement de la marmite.
- Pourquoi elle m'en veut tellement, le questionnais-je en m'asseyant sur le banc à trois pieds qui était posé juste à côté. Ce n'est pas juste par ce que je suis partis !
- Avec tout l'argent de la semaine, ajouta-t-il en grinçant des dents.
- Je suis vraiment désolée... Je ne voulais pas... Enfin dès que j'aurais trouvé un travail, je partirais d'ici. Il se releva et se dirigea vers la marmite.
- Prends ton temps, dit-il en souriant. Mais je savais qu'il ne le pensait pas au fond et que comme sa femme il devait me trouver chère à entretenir.
*
L'aube ne s'était même pas encore pointée, que je m'extirpais déjà hors du foin. Un simple instant de douceur.
Je me relevai en râlant : le foin s'était accroché à mes vêtements grâce à l'humidité du petit matin : il allait faire chaud. Sûrement pas une chaleur d'été, mais du moins plus chaud que les jours précédents. Le poney hennit bruyamment en me voyant me relever.
J'ouvris les barrières de l'enclos, plus précisément celle du poney avant de caresser son doux pelage brun.
Je le fis sortir de l'arrière ferme discrètement et le chevauchai à vif. C'était un jeu dangereux : je n'avais aucun équipement et devais me cramponner à sa crinière, jambes serrées pour ne pas tomber, mais un jeu excitant ; car cramponnée à ce poney, je me sentais libre, j'avais l'impression de pouvoir m'enfuir et d'enfin reprendre le contrôle. Mais alors où irais-je ? Je savais que mon pays natal était l'Allemagne, car j'en parlais la langue, mais comment ferais-je pour retrouver mes parents si je connaissais à peine mon prénom ? Et s'ils n'y étaient plus ? Toutes ces questions, se formaient dans ma tête et pendant que le cheval trottait, formèrent à l'unanimité un « non » catégorique. J'allais rester ici et vivre dans la paille, car si je partais, on me retrouverait dans la rue.
Le soleil commençait doucement à apparaître à travers la brume, bien trop épaisse pour faire fondre la neige. Je le fis galoper le plus vite possible, accrochée de toutes mes forces à sa crinière : la vitesse me faisait frissonner.
Ses sabots, éclaboussaient la neige majestueusement et malgré qu'il ne soit pas très grand, de là-haut, je me sentais un peu plus grande, un peu plus forte face à la vie, face à ma vie. Mais au moment où je m'apprêtais à me diriger vers la forêt, une ombre se dessina devant moi me barrant le chemin. Un bref instant d'incompréhension, avant que je me rende compte qu'elle était vivante et que la peur ne me transperce. J'essayai de freiner tirai tant que je pus, mais pour seul résultat le cheval cabra avant de s'élancer toujours plus vite sur l'ombre qui elle restait figée. L'ombre au fur et à mesure que je m'approchais devint une jeune femme. Le cheval hennit avant de s'arrêter devant elle à quelques centimètres à peine de la silhouette. Je baissai tout d'abord les yeux, où était-elle passée ? Je n'étais même pas descendue que la silhouette s'était littéralement fondue dans la brume à croire que mon esprit avait tout inventé. Un bruit de pas, puis un léger crissement sur la neige me firent changer d'avis avant qu'un écureuil ne ressorte cacher d'une cime d'arbre et se faufile entre les jambes du cheval. Je soupirai, il fallait absolument que je retrouve cette fille.
- Vous êtes là ? Je suis vraiment désolé, je n'ai pas...enfin je ne voulais pas... je me coupa en l'apercevant, ce n'était pas possible que la vie soit aussi mal faite d'abord Finette et maintenant... La jeune fille était sortie de derrière les arbres et s'était avancée vers moi.
-Finette, constat-elle avec un ton enjoué.
Je la fixai haletante ; Paradis.
-Écoute, quand quelqu'un s'enfuit, c'est qu'il n'a pas spécialement envie de te revoir.
-Je crois que tu n'as pas saisis la vraie nature de mes intentions, dit-elle en s'approchant. Je reculai en m'agrippant au poney.
-Elle t'as envoyée pour me chercher ? Demandais-je la voix tremblante.
-Je veux juste te rendre un service. Je poussai sur mes bras et remontai sur le poney. Le message était clair pourtant hier, je ne voulais pas de ses services.
-Je te propose un travail dit-elle alors que je m'apprêtais à la dépasser, bien payé en plus. Je m'arrêtai quelques secondes avant de recommencer à la fixer.
-Je ne souhaite pas travailler avec toi et encore moins avec Finette ! Je donnai quelques coups de talon et commençai à faire trotter le poney.
-Attends, la Finette dont tu parles et simplement ma propriétaire et rien d'autre. Je laissai le vent engloutir ses dernières paroles avant de me retourner vers elle : elle avait disparu aussi facilement qu'elle n'avait apparu.
Mais pourquoi diable, me retrouvais-je sans cesse sur son chemin ? La matinée était maintenant tout juste entamée et les marchands, réveillaient doucement la géante avenue où des manteaux à des prix exorbitants, certifiés en fourrure d'animaux ou en poils de renard se vendaient par centaines. Je n'eus pas le courage d'aller mendier une nouvelle fois du travail à la porte de toutes les marchandes et tous les marchands de la ville et me contentai de traverser les rues à poney. J'avais beau refaire tous les jours le même parcours, explorer les mêmes rues, à cheval tout était moins fatiguant, plus simple.
*
Deux semaines et toujours rien, le travail ne courait décidément pas les rues, et pourtant, j'avais pensé à tout jusqu'au travail à domicile. Hypothèse qui avait vite était écartée vu que mon « domicile » se situait dans le foin d'un enclos à poney.
Il n'en restait plus qu'une ; Paradis, et la décision n'était désormais plus négociable ; demain j'irais lui annoncer en personne.
Comme j'avais pris l'habitude de le faire, j'emmenai le poney du nom de Lucifer avec moi. J'avais répété plusieurs fois les mots à dire pour avoir l'air sérieuse, et avais fait en sorte de nouer mes cheveux en chignon haut grâce à un bandeau violet que j'avais piqué à Guillemette ; la femme d'Alfred. J'appréhendais énormément de me retrouver face à Finette ; j'avais quand même fuguée de la maison et m'avais mise d'accord sur le point que s' il m'arrivait de la croiser rien qu'une seule fois, je prendrais mon pognon et partirais d'ici. À l'approche du bâtiment, je pris le temps de me balader dans les jardins : ici, mes démons étaient doux et savoureux, pleins de beaux paysages, de goûts, d'odeurs et je prenais plaisir à me sentir pendant ce doux mois d'octobre alors que les jardins étaient engloutis de neige et qu'on ne les distinguait plus les uns des autres. Et puis il en eu un qui me fit douter sur leurs véracités ; dans un, la cérémonie de la mort d'Alfred se déroulait : tout ça ne devait être qu'hallucination car lui du moins il était bel et bien vivant.
Des bruits de sabots résonnèrent dans mon dos, et j'aperçus Paradis en train de monter un beau pur-sang blanc. Elle descendit l'attacha au grillage et s'approcha de moi.
-Que fais-tu ici, je croyais que tu ne voulais plus me voir ? Elle parlait fermement, mâchoire serrée en attendant ma réponse. Je descendis à mon tour du poney et me forçai de sourire.
-J'ai réfléchi et je pense que c'est sincèrement mon seul moyen d'avoir du travail donc j'accepte. Je lui tendis ma main, mais elle ne la serra pas et la regarda, apparemment toujours vexée. Écoutez, je sais que je n'ai pas été... courtoise mais c'est car je vous ai sentis...
Je cherchai mes mots pendant plusieurs minutes : je ne voulais pas être renvoyé avant même d'avoir commencé, elle soupira et m'emmena l'intérieur. Je ne mettais pas tromper, ils étaient bien là et bourdonnaient dans mes oreilles, même si je me forçais à suivre et à écouter dès que je pénétrai dans la cuisine ; des bruits de casse, de cris s'emparèrent de moi et je fus obligé de ressortir de la pièce en larme.
-Toi aussi, tu es spéciale chuchota-t-elle, en me souriant gentiment pendant que j'essuyais mes larmes. Bon, je crois qu'on va s'arrêter là pour la visite de la maison de toute façon, tu n'as pas besoin de la connaître pour travailler ici en tant que domestique.
J'allais donc être domestique... Nous montâmes les escaliers rapidement, et une fois au premier étage j'eus l'agréable impression d'être ailleurs, comme la dernière fois. Elle m'expliqua que ce lot de trois pièces lui appartenait.
-Et pour la cuisine et la salle d'eau ?
-Eh bien la cuisine, c'est en bas et la salle d'eau, je n'en ai pas les moyens ; ici c'est le seau. Finette ? Finette, tu m'entends ?
Elle passa ses doigts devant mon visage avant de me demander, si je les voyais. J'acquiesçai, mais à chaque fois qu'elle m'appelait Finette, je ressentais un frisson. Elle avait dû d'une façon ou d'une autre marquer mon passé.
-Pourquoi as-tu changé d'avis finalement ? Me demanda-t-elle en ouvrant la seconde porte qui menait au débarras.
-Et vous comment avez-vous su que je cherchais du travail ?
-Tu as répondu à ma question ? Demanda-t-elle en refermant la porte du débarras, avant même de l'avoir totalement ouverte pour s'appuyer dessus.
-J'avais besoin de travail, déclarais-je avec le plus de franchise possible, il n'y a pas d'autre raison. Et vous ? Elle me regarda avec un grand sourire.
-Une simple déduction...
Son visage de porcelaine brillait sous le reflet d'un seul et unique rayon de soleil qui transperçait la vitre. Elle mentait.
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