Chapitre 15: Jour 3

J'entrouvris les yeux et battis rapidement des paupières. Je m'étais une nouvelle fois endormie sans m'en rendre compte. Cela devenait inquiétant.

-Finette ? Mes yeux firent le tour de la cuisine, elle avait disparu. Elle avait en sûrement profité pour aller faire un somme ou bien rendre visite à l'homme malade dont je ne connaissais toujours pas le nom.

Ma robe était de nouveau sale ; pas de la boue, mais cette fois de la cendre qui s'était déposée sur le tissu, ainsi que sur mes mains. J'avais dû dormir trop prêt de la cheminée.

J'aperçus Finette dans ma chambre en train de plier les draps. Lorsqu'elle me vit son sourire se crispa, et elle se mit à soupirer.

- Je dois vous dire quelque chose... Son sourire disparut entièrement cette fois et elle enchaina. L'homme noir dont nous nous somme occupées... Il... Il est décédé. Lorsque je suis arrivée, il ne bougeait plus. Vous savez les esclaves ne vivent pas forcément dans de bonnes conditions. Ma respiration se coupa et des larmes glissèrent le long de mes joues. Le visage rose et les yeux rougis, je m'effondrai sur le lit tout près de Finette qui me serra fort contre sa poitrine.

- Où est-il ? Ma voix se brisa et Finette glissa à nouveau ses doigts petit et gonflé dans mes cheveux.

- Dans le jardin, je l'ai enterré du mieux que j'ai pu !

- On peut aller le voir ?

- Bien sûr ! Je vais déposer un bouquet de roses au-dessus, vous m'accompagnez ? Un petit sourire se dessina sur ses lèvres et elle ajouta : après nous irons nous balader ! Aujourd'hui c'est le marché, il vaut mieux en profiter ! Nous y déposerons quelques cadeaux et roses au-dessus. Je souris à mon tour et ravalai mes larmes en me mettant debout.

-Mais vous êtes impossible râla-t-elle, même en dormant vous arrivez à vous salir, allons mettez votre robe bleu pâle. Cela ne fait même pas cinq jours que vous êtes là, et il ne vous reste plus qu'une robe ! J'enfilai la robe pastel et laissai tomber mes boucles rousses le long de mes joues et mes yeux rouges.

-C'est mieux ?

-Bien mieux, mais il faudrait vraiment faire quelques choses de ces cheveux ! Allons-y si nous voulons avoir une petite place au marché.

Nous dirigeâmes vers les jardins, elle l'avait enterré au second jardin, elle se pencha et ramassa quelques brindilles qu'elle déposa sur le bout de terre.

-Je peux le voir une dernière fois demandais-je les lèvres tremblantes.

- Je... Non...Il ne vaut mieux pas voir ce genre d'horreur... Et depuis quand regarde-t-on les morts ? Je pris à mon tour des brindilles et les déposai sur la parcelle de terre, vexée.

*

J'inspirai et fis tourner mes boucles rousses autour de moi ainsi que ma robe. Le marché était plein et on y trouvait de tout.

Finette m'attrapa par le bras et me stoppa dans mon élan.

-S'il te plaît, articulais-je haletante pourrais-je faire un tour ? Elle me dévisagea impressionnée ; je venais de prononcer cette phrase uniquement en français.

-Allez-y me répondit-elle en français, mais s'il vous plaît ne soyez pas trop longue. Je pivotai et me faufilai dans la petite ruelle, un peu moins peuplé, mais tout aussi jolie.

Elle débouchait sur une autre, remplit de vendeur de bouquet à la lavande.

Un vendeur m'en tendit un petit noué d'un ruban en souriant à pleines dents. Je lui souris à mon tour en attrapant le bouquet entre mes doigts, et continua à arpenter la jolie petite ruelle. Au bout de la rue, une ombre se jeta sur moi.

L'ombre me serra fort dans ses bras et je me débattue avec toutes mes forces.

-Chuut, pas du bruit, lous gens vont s'inquiéter ! Je lâcha prise et essayai de me rappeler de cette voix familière.

-Ferme tu yeux et ne dis plou rien.

-Mais ce n'est pas possible, tu es... L'ombre m'empêcha de finir ma phrase en plaquant ses doigts sales contre mes lèvres.

-Tu peux avoir confiance en mua ! Un frisson me parcourut le dos et je me laissai entraîner par sa main rassurante jusqu'à dans une autre ruelle beaucoup plus large qui semblait ne jamais se finir.

Mon souffle se coupa quelques secondes, tout était tellement beau !

Malgré le superbe spectacle qui s'offrait à mes yeux, je ne pouvais détourner mes yeux de son visage.

-Explique-moi je ... ! Les mots s'embrouillèrent dans ma tête et mon français se réduisit à quelques mots, quelques syllabes. Un sourire se glissa rapidement sur son visage avant qu'il ne disparaisse aussi rapidement remplacé par une expression beaucoup plus neutre.

- Je me sus simploument enfui... Il me fit pivoter légèrement la tête de manière que j'admire la panoplie de couleurs qui s'offraient à moi.

Ce qui me surpris, ce fut que le marché était beaucoup moins rempli que le précédent que je venais de visiter.

- Où sommes-nous ? Demandais-je encore troublé.

-Viens, ma p'tit dame on n'a pas dou temps à perdre. Le dialogue se coupa aussitôt et le reste de la balade se passa sans un mot, bercé par des rythmes festifs.

Je fus à mon tour convié à une ronde. L'homme me fixa de loin et me sourit à pleines dents dès que je passai tout près de lui. Après une heure de danse endiablée, la musique se stoppa enfin, temporairement d'après lui, car elle allait reprendre dans quelques minutes pour que de nouveau passant puissent à leur tour danser et que les marchands de confiserie puissent de nouveau vendre leurs produits par tonne. Il me regarda et se gratta le menton.

- Tu es buin lu femme de musieur HOËl ?

-Pas encore, je m'appelle Arisul, et ...et je...Enfin je ne...

-Arisul ? Me coupa-t-il doucement. Tu sais lu silence dit beaucoup plus que lou mots parfois. Je me stoppai et le fixai attention. Lequel des deux m'avait-il mentis ? Il me tendit une confiserie et nous nous baladâmes le long de cette jolie avenue. Le vent sifflait lentement dans nos oreilles et les nuages avaient l'air sombre et encombrés ; il allait pleuvoir. Je lui fis un bref signe de la main et m'éclipsai rapidement, arpentant de nouveau les ruelles colorées pour rejoindre un marché beaucoup moins festif et finalement rentrer à la demeure. Rien que l'idée de devoir rentrer, de retrouver Finette me fit accélérer le pas : Finette ; mon seul repère et la seule qui parlait ma langue natale. Je restai encore quelques secondes pour écouter cette harmonieuse cacophonie avant de tourner et de revenir dans la petite ruelle qui me parut soudain si étroite vis-à-vis de la précédente.

Dès que Finette m'aperçut, elle me fit un grand sourire et me questionna sur ma visite tout en remballant son étalage de fruit puis me donna quelques deuniers pour que j'aille m'acheter une pierre de lune.

Je n'osai pas poser de question et préférai garder le secret sur notre rencontre, après tout prise de panique par la disparition du corps, elle avait bien pu prétexter sa mort.

*

-On va ranger tout ça, le maître rentre ce soir ! S'exclama Finette. Je fis une petite mine. Allez, ajouta-t-elle, voyons il n'y a pas de raison !

-Et le mariage sera donc...

-Demain... Bon voyons, un peu d'énergie ! Il va en falloir pour nettoyer tout ça. Elle me tendit une éponge et un tablier en m'ordonnant d'astiquer chaque couvert ainsi que chaque casserole pour le festin de ce soir. Une fois fini, se fut au tour de la cheminée du Show (salon) rempli de suie puis de la chambre de l'homme qui devait être désinfecté pour accueillir un ou une nouvel/le esclave. Le travail ainsi que les taches s'enchaînèrent à tel point que lorsque le maître revint, mon visage était plein de suie ainsi que mes mains et il dût me prendre pour une domestique, car il me passa à côté sans même remarquer ma présence. Quelques minutes après son arrivée Finette avait nettoyé mon visage ainsi que mes cheveux et j'entrai à mon tour dans le Show qui était déjà bien remplit par toute la troupe de chasseur et un ménestrel jouant du luth.

GLOIRE au maître qui revient de campagne

ET qui demain épousera sa femme

Malgré

QUE mauvais soit le gibier

ET qu'il n'y a plus de blé....

Je soupirai longuement si le maître n'avait rien apporté la fin de semaine risquait d'être juste, et j'allais devoir avaler encore cette ignoble soupe une seconde fois. Le ménestrel s'arrêta quelques secondes.

BIENTÔT, ils repartiront chasser

ET nous ramènerons du bon gibier

POUR trinquer

BOIRE

ET

FESTOYER

!!

Sur ceux, le ménestrel se mit à jouer du luth. La soirée se passa donc ainsi ; le ménestrel fut hébergé pour la nuit. Le maître fut d'une humeur exécrable surtout lorsque Finette prépara la grande table et servit à chacun un bol de soupe de maïs et une tranche pain. En voyant l'assiette devant moi, mon estomac se retourna de nouveau et j'offris mon repas à un des chasseurs qui fût bien heureux d'avoir une portion de plus. Puis ils se mirent à festoyer pour le mariage de demain, mais je me glissai dans le couloir le plus discrètement possible pour rejoindre ma chambre.

-Je savais que vous ne tarderiez pas ! Je poussai un gémissement et dévisageai Finette des yeux ; elle m'avait fait une peur bleue.

-Finette, vous m'avez fait peur ! Elle émit un petit rire et me fit un clin d'œil avant de me prendre dans ses bras.

-Oh, mais je suis comme vous, je n'aime pas trop ça...voir trop de monde alors dès que j'en ai l'occasion je me faufile dans la cuisine et teste de nouvelles recettes !! Mais aujourd'hui j'ai besoin de vous parler de tout autre chose.

-Quoi donc... ?

-J'aimerais vous rassurer sur votre mariage de demain. Voyez-vous, c'est une chose ordinaire pour une jeune fille.

-Et toi ?

-Et moi ? Répéta-t-elle sans comprendre ce que j'essayais de lui dire.

-Pourquoi ne t'étais-tu pas marié ? Demandais-je en m'éclipsant de ses bras pour lui faire face.

-Je ne me suis pas marié, car mes parents n'avaient pas les moyens, alors considérez cela comme une chance ! De plus, vous restez relativement âgé ! Enfin quinze ce n'est rien, vous êtes une femme. La plupart des jeunes filles sont mariées à onze ans et les plus jeunes vers six... Regardez-moi, j'ai commencé à travailler à mes dix ans !

-S'il te plaît Finette... Soupirais-je.

-Écoutez-moi Bertille, je ne veux pas vous brusquer, je veux simplement vous aider et vous conseiller !

- Je ne m'appelle Bertille et je n'ai ni besoin de ton aide, ni de tes conseils ! Alors ne m'adresse plus jamais la parole ! Hurlais-je à pleins poumons.

-Je vous ai fait les draps ; ils sont secs et si vous avez froid, il y a une bouillotte ainsi qu'un chauffe-pied près de votre table de nuit. Elle claqua la porte derrière elle et fit résonner ses sabots de bois contre le carrelage du couloir avant de disparaître laissant en bruit de fond la voix des hommes au salon.

Demain, allait être un autre jour

Demain, devait être un autre jour

Demain, serait une nouvelle vie :

Celle qui depuis ma naissance m'était attribué...

Je m'assis près de ma table de nuit, pris un bout de papier et décidai d'écrire à mon père.

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