Je l'ai vue pour la première fois
Je l'ai vue pour la première fois à une soirée qu'un ami organisait. Ils se sont tous les deux approchés de moi et mon ami me l'a présentée. C'est son âge qui m'a frappé le premier, quinze ans.
- T'es pas un peu jeune pour traîner en soirée avec des gens majeurs ?
- Je préfère être ici que chez moi.
J'ai froncé les sourcils.
- Pourquoi ?
- C'est compliqué.
J'ai hoché la tête.
- Mais t'es pas obligée d'avoir ça à la main.
J'ai désigné sa bière. Elle a levé les yeux au ciel et m'a légèrement sourit.
- Je bois pas beaucoup.
- C'est déjà bien suffisant.
Elle a fixé un point derrière moi puis son regard s'est reposé sur moi.
- Et toi, pourquoi t'es là ?
- C'est compliqué.
Elle a soufflé du nez.
J'ai cherché mon ami du regard, il avait disparu.
- Ta babysitter t'as abandonnée.
- Mais, eh !
- Tu veux dire que c'est même pas ta babysitter ?
- T'abuses...
- T'es une enfant.
- Pas besoin de me le répéter, je sais que je suis jeune et que je devrais être déjà au lit et bordée par ma maman, après avoir écouté une histoire.
- Pourquoi c'est pas le cas ?
Elle a baissé les yeux.
- J'ai fugué.
- Attends, répète ?
- J'ai fugué.
- Depuis combien de temps ?
- Je plaisante... Ça fait quelques heures que je suis là, j'ai aidé Karim à organiser la soirée.
- Mais pourquoi tu es là, concrètement ?
- Parce que.
- Parce que ?
Elle a soupiré et a plongé son regard dans le mien.
- Parce que mon père est un connard et que je préfère le fuir que de l'affronter.
- C'est vrai ?
- Pourquoi je mentirais ?
- Parce que ça a l'air stylé de s'inventer une vie quand on est ado ?
- Va te faire voir.
Elle a posé sa bière sur la table et est sortie dehors. La nuit était tombée depuis longtemps et le noir avait pris place. Je suis sorti aussi.
- Lucy, eh ! Attends. Tu vas pas rester dehors toute seule, dans le noir.
- Je vais rentrer.
- À pied ?
- Oui.
- Toute seule ?
- Oui.
- Il fait noir.
- Et donc ? Je sais me repérer.
- Qui sait qui il peut y avoir dehors à cette heure-ci.
Elle m'a dévisagé.
- Tu m'étonnes, ouais.
- Écoute, si tu veux, je suis pas garé loin, et j'ai pas encore bu, je peux te raccompagner.
- T'es un inconnu. Mon papa m'a toujours dit de ne pas monter dans la voiture des inconnus.
- C'est vrai, je suis un inconnu. Mais je suis ami avec ta babysitter, et vu comment elle est baraquée, même si je le voulais, je n'oserais même pas te faire le moindre mal.
Elle a lâché un petit rire.
- Karim n'est pas ma babysitter.
- Bien sûr Lucy, bien sûr. Allez, je ne te laisse pas rentrer seule à cette heure ci, soit tu me suis, soit tu restes.
- Je vais devoir rentrer dans tous les cas, avant que le soleil se lève.
- Allez, suis moi.
J'ai marché jusqu'à ma voiture et elle m'a suivie, puis s'est installée sur le siège passager. J'ai démarré, et elle m'a donné son adresse.
- Pourquoi ton père est un connard ?
- Il veut à tout prix que je sois sage.
- C'est pas être un connard ça, tous les parents, presque, le veulent.
- Il m'impose des choix que je ne veux pas, et je crois qu'il fait pareil avec ma mère.
- Ça, ça me parle mieux.
- Ah bon ?
Je me suis contenté de hocher la tête.
- Il m'a menacée de m'envoyer au couvant il y a un an.
- Attends, quoi ?
- Je suis sérieuse.
- Pourquoi ?
- Parce que je ne lui ressemble pas assez.
- Sortir le soir comme tu le fais, c'est un choix ou de la provocation ?
- Un peu des deux.
- Et s'il mettait sa menace à exécution ?
- Ma mère n'est pas d'accord, elle le laissera jamais faire. Je l'aime trop, ma mère, et elle m'aime trop aussi.
J'ai souris, mais un pincement s'est fait ressentir dans ma poitrine.
- Et tu lui dis ?
- De ?
- Que tu l'aimes ?
- Tous les jours.
- Et ton père ?
- Qu'il aille se faire voir.
- Je peux comprendre.
- Ah ?
J'ai de nouveau hoché la tête.
- T'as pas très envie de me parler de toi, pas vrai ?
- C'est compliqué.
- T'inquiètes pas...
- Je ne m'en fais pas.
Je me suis garé devant chez elle. Elle a fouillé dans ses poches.
- Putain...
- Quoi ?
- J'ai pas mes clefs.
- Aïe.
- Souhaite moi bonne chance.
- Bonne chance Lucy. Ne traines pas plus dans ce cas.
- Merci. Et merci de m'avoir raccompagnée, c'est gentil.
- Il n'y a pas de soucis, c'est avec plaisir.
Elle m'a sourit et est sortie. Je l'ai regardée sonner chez elle, pour veiller qu'on vienne lui ouvrir, et ne pas laisser seule. Son père a ouvert et une gifle s'est abbatue sur sa joue. J'ai serré la mâchoire et j'ai croisé le regard de l'homme. Son regard s'était immédiatement noirci, j'ai démarré et je suis directement rentré chez moi.
Il faut croire qu'elle avait bien plus de points en commun avec moi que ne le croyais.
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