On dit qu'il faut vingt-et-un jours pour prendre une habitude. Pour se mettre régulièrement au sport, pour manger plus sainement, pour arrêter de fumer. Au bout de vingt-et-un jours, le cerveau considère l'activité comme quelque chose de "normal", et le fait plus ou moins automatiquement.

Personne ne dit jamais que ça fonctionne aussi avec les relations humaines. Personne ne dit jamais qu'après avoir côtoyé quelqu'un tous les jours pendant vingt-et-un jour, votre cerveau fait aussi une habitude cette activité.

Olivia n'imagine plus sa vie sans Joshua ; Joshua n'imagine plus sa vie sans Olivia.

Ils sont assis l'un à côté de l'autre, chacun sur son transat respectif. Ils ne parlent pas : ils sont tous les deux plongés dans leurs pensées.

Le matin-même, Olivia a réussi à convaincre Joshua de l'accompagner au centre commercial. Elle n'a pas précisé ce qu'elle voulait acheter, mais au bout de vingt-et-un jours, Joshua n'arrive déjà plus à lui résister : elle n'a pas eu besoin de beaucoup d'arguments.

Des culottes. Elle voulait s'acheter des culottes "pour remplacer celles qui sont pleines de tâches de sang qui ne partent pas", a-t-elle expliqué à Joshua avec beaucoup de sérieux. Une fois dans le magasin, elle lui a demandé de l'aider à choisir les motifs, et ils se sont décidés pour des culottes sur le thème des animaux.

Après cette séance shopping éprouvante, ils sont installés au McDonald's et ont commandé des Sundaes.

-Hé, Joshua.

Celui-ci a relevé la tête de sa glace pour regarder Olivia. Elle avait parlé d'une voix presque trop posée, trop calme pour être celle d'Olivia.

-Oui ?

-Le monsieur sur notre gauche, c'est mon père.

Joshua mit du temps à encaisser cette information à laquelle il ne s'attendait pas. Il attendit plusieurs secondes, juste au cas-où, avant de tourner la tête. Un homme aux cheveux poivre et sel était attablé avec un garçon d'une dizaine d'années. Ils étaient trop loin pour se rendre compte qu'ils étaient observés, c'est pourquoi le regard de Joshua s'attarda sur lui. Il n'avait pas beaucoup entendu parler en bien de cet homme, mais jusqu'à maintenant, il n'avait jamais vraiment réussi à se le représenter. Mais là, il comprenait. Cet homme avait abandonné sa femme et sa fille un matin en partant travailler. Et il n'avait honte de rien. Il n'était pas parti dans une autre ville, dans un autre pays. Il allait aux mêmes endroits qu'Olivia, prenait les mêmes routes qu'Olivia, passait sûrement parfois devant le bâtiment où il avait autrefois vécu avec elle.

De la colère ; c'est ce qu'il ressentit, là, en le voyant en train de croquer dans ses frites comme si de rien n'était.

-Joshua, hé, ta glace est en train de fondre, hein, elle va pas t'attendre toute la vie.

L'attention de Joshua se porta de nouveau vers Olivia, et il fut surpris de voir à quel point elle était calme. Au bout de vingt-et-un jours, il commençait à prévoir ses réactions et à savoir quand elle faisait semblant. Mais là, elle semblait totalement paisible.

-Ça va ? demanda-t-il quand même, comme pour s'en assurer, et Olivia sourit.

-Ouais. Je m'en fiche.

Et elle avait rarement était aussi sincère.

Aucune haine contre lui, aucune tentation d'aller le voir pour lui hurler ses quatre vérités. Rien. Il était là. C'était tout.

Ils avaient terminé leurs glaces et ils étaient rentrés. Et maintenant, ils sont assis l'un à côté de l'autre, chacun sur son transat respectif. Ils ne parlent pas : ils sont tous les deux plongés dans leurs pensées.

-Merci.

C'est Joshua qui brise le silence pour prononcer ce simple mot, mais qui signifie beaucoup. Il la remercie d'être dans sa vie, de la rendre meilleure, du moins, bien plus intéressante. Il la remercie pour l'avoir laissé entrer dans sa vie, dans son monde, dans son cercle très fermé de connaissances. Il la remercie de lui avoir dit qu'il lui plaisait. Et surtout, il la remercie pour lui avoir fait une place dans son monde. Parce qu'au bout de vingt-et-un jours, Joshua estime qu'ils font partie intégrante du monde l'un de l'autre.

-Merci à toi.

C'est le seul mot que répond Olivia. Elle, elle le remercie pour une chose : elle le remercie d'être la personne qu'il est.

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Merci d'avoir lu Toit, merci de m'avoir suivi même si j'ai mis six mois à la terminer ♡