douzième soir
Joshua arriva le premier sur le toit.
C'était tellement inattendu qu'il se fit mille films : est-ce que Olivia était fâchée contre lui ? La veille, elle n'était même pas venu le prévenir qu'elle partait, et il avait été un peu déçu. C'est Amandine qui lui avait annoncé qu'Olivia "était partie depuis un moment, mon coco", avant de complètement changé de conversation comme si ce n'était pas important.
La porte du toit s'ouvrit, puis se referma en un vacarme assourdissant. Quelques secondes plus tard, une chevelure blonde débarqua, s'installant sur son fauteuil orange.
-Désolée d'être en retard, je cherchais un truc.
Du courage, ajouta Olivia mentalement, parce que j'en ai fortement besoin, actuellement.
-C'est rien. Tu vas bien ?
-Oui, et toi ?
-Ça va, haussa-t-il les épaules. Quelle est la bonne nouvelle du jour ?
-J'ai rangé ma chambre. Et toi ?
Joshua sourit.
-J'ai été voir mes parents.
-Ils vont bien ? demanda Olivia comme si elle les connaissait personnellement depuis des années.
-Ils vont très bien, merci. Et toi, ça fait quoi d'avoir une chambre rangée ?
-C'est agréable. Je comprends pas comment elle peut se retrouver aussi vite en désordre. Tout ce que je fais, c'est dessiner sur mon lit.
-Tu dessines ?! demanda Joshua en se redressant, soudainement intéressé, et Olivia haussa les épaules.
-Un peu. Mais je dessine pas très bien, t'enflamme pas.
Joshua la dévisagea quelques instants, avant de hocher la tête.
-Ça te va bien. T'as une tête à dessiner.
-Ah, parce qu'il faut avoir la tête adéquate pour faire les choses, maintenant ? Parce que dans ce cas-là, sache que t'as pas une tête à travailler chez Nike.
-Hé ! Je suis offusqué, répondit Joshua, les sourcils foncés.
-Faut pas, c'est toi qui as commencé, sourit Olivia, fière d'elle.
-Mais moi, c'était positif, marmonna Joshua comme un enfant. Je pourrais voir tes dessins, un jour ?
-C'est vraiment pas intéressant. Je dis pas ça pour être modeste : mes dessins n'ont aucun sens. Je fais des motifs jusqu'à ce que la feuille soit entièrement recouverte.
Olivia s'arrêta, comme si elle avait trop parlé. Joshua comprit qu'elle ne décrivait pas ses dessins à n'importe qui.
-Ma meilleure amie, Aminata, dit que ça représente ce qui se passe dans ma tête, Olivia haussa les épaules comme si elle y croyait moyen.
-Et toi ? Qu'est-ce que tu en penses ?
-Que ça représente bien ma vie.
Joshua sourit. Il ne s'attendait à aucune réponse en particulier, mais certainement pas celle-là.
-Mais ça va mieux, ajouta soudainement Olivia. Mon père n'est qu'un souvenir. Et je suis bien, avec ma maman. On est bien. Et je suis bien ici.
Joshua sourit. Ça le rassurait d'entendre ça. Olivia n'avait pas l'air de souffrir, et ça n'était en effet manifestement pas le cas.
-Tu sais, le truc que je cherchais qui m'a mise en retard ?
-Ouais ? répondit Joshua, à des kilomètres d'imaginer ce qui allait suivre.
-C'était du courage. Volonté et courage, c'est ça, la recette, hein ? Mais je l'ai pas trouvé. Alors je sais pas comment te demander si tu veux bien abandonner le toit demain soir pour sortir avec moi. Tu vas sûrement refuser, c'est la petite voix dans ma tête qui le dit. Qui voudrait sortir avec une enfant comme moi, d'abord ?
Joshua attrapa sa main pour la faire taire : ça fonctionna à merveille.
-Dis-moi tout. Qu'est-ce que tu as prévu ?
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