C'était un peu un sentiment d'abandon je pense. Parce que mes potes riaient sur le chemin et je ne comprenais pas. Bien sûr pour faire bonne figure je souriais. Qu'aurais-je pu faire d'autre ?

Sourire, toujours. Parce que l'inverse n'est pas une option. Etre aigri c'est comme être pédé, c'est pas une bonne option non plus. Manque de bol, je pensais être les deux.

Je pense que je comprenais pas parce que j'étais pas assez bon délire. Selon eux en tout cas. Moi je comprenais pas pourquoi ils avaient fait une photo assez cheloue sur un mec de la classe. Roux. Cheveux du diable, cheveux de sorcière. J'aimais bien la couleur rousse et ce qu'elle représentait. Mais j'avais pas compris la blague en tout cas. Ils m'avaient montré la photo — il était de face et faisait une grimace à l'objectif, en ouvrant grand la bouche, et dedans ils avaient rajouté une... fin voilà quoi je pense que vous avez compris, ça me gêne un peu de le dire.

Mais moi j'avais souris.

MOUTON MOUTON SALETÉ DE MOUTON avait hurlé ma conscience. Et je ne pouvais qu'approuver. Mais pas devant eux.

Mais le sentiment d'abandon était présent et je m'en voulais pour ça. Parce que malgré tout je voulais faire partie de la meute. Meute de jeune loups enragés. Les loups ne se sentent jamais aussi forts que quand ils sont en groupe. Moi je me sentais en danger.

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Sans aucun doute. Un vrai beau mouton, qui se contentait de brouter en se réjouissant de n'être celui choisi pour se faire dévorer.

Et alors je les ai suivi en rigolant. Et ils me regardaient comme des loups cernant leur proie. J'sais pas ce qui m'a pris et rien ne m'excusera. J'avais peur j'avais si peur ! Exclu, battu, moqué. Pas des tendres mes potes. Mais je voulais pas être abandonné.

Alors je suis arrivé, en bon petit loup j'ai poussé du coude un des autres et j'ai proposé de faire un autre montage.

Et aujourd'hui dans l'ombre de ma cellule je médite et je regrette. Les autres loups sont morts ou en prison. Parce que ça a dégénéré. Et lors du procès j'avais tellement honte que j'ai pas voulu qu'on me défende. J'ai juste dit que je méritais ma peine. Et le roux m'a regardé avec de grands yeux remplis de peine et de mépris, de haine et de chagrin. Édouard qu'il s'appelait. J'avais laissé ma honte prendre le dessus et j'avais détourné les yeux.

Un loup en prison. Pas un loup. Un mouton. Agneau même. Si j'avais été plus courageux j'aurais pris sa défense. J'aurais peut-être été abandonné par les loups mais j'aurais rejoins le clan des papillons. Parce que j'ai appris que son animal préféré était le papillon. Dans un autre monde on se serait rapproché, deux papillons paumés et contraint d'échapper aux loups mais on aurait été deux. Ouais dans un autre monde.

Dans la cour de la prison un papillon est venu se poser sur mon doigt. J'ai pleuré. Un jeune loup est arrivé avec la ferme intention de m'apprendre les loups, la masculinité et la virilité je crois. Mais moi je suis resté avec mes papillons, je me suis laissé battre et quand ils l'ont tué en lui arrachant les aile je lui ai fait une tombe. Et j'ai entrevu ce qu'il aurait advint si j'avais été un mouton-papillon plutôt qu'un loup.