II. L'Université peut aussi avoir de b̶o̶n̶s̶ merveilleux côtés

 Petite précision : je suis collégienne, donc je ne connais absolument rien aux Universités. Si quelqu'un pouvait me faire remarquer s'il y a des incohérences - honnêtement, je suis sûre qu'il y a des choses qui ne vont pas - je lui en serait très reconnaissante ! Merci d'avance et bonne lecture.

   Je me réveille lentement, les rayons du soleil s'infiltrant timidement à travers les fentes des volets roulants qui habillent mes fenêtres. Sunny vient japper joyeusement au pied du lit, puis tourne en rond comme une petite folle pour quémander des caresses. Après lui avoir donné satisfaction, je quitte ma chambre pour aller prendre mon petit-déjeuner et servir des croquettes à mon amie poilue.

   Une fois chose faite, je me prépare tranquillement, comme tous les matins depuis ce qui me semble une éternité. Je brosse mes cheveux châtains ( même si je sais que ça ne sert à rien, avec ma tignasse ), m'habille et attrape les clefs de mon appartement, juste après avoir ouvert la chatière, pour laisser ma chienne faire ses balades quotidiennes.

« À ce soir, Sunny ! » je m'exclame tout en refermant la porte derrière moi.

   Je vérifie mes messages pour la millième fois depuis que je me suis levé, mais rien. Soupirant, je prends le chemin de l'Université, serrant la lanière de ma sacoche à m'en décrocher les doigts. Le bleu si pur de ses yeux semble avoir envahi chaque recoin de mon cerveau, ne me laissant plus un seul instant de répit. J'ai l'impression d'avancer dans un brouillard qui m'empêche d'analyser les évènements en restant objectif. Et puis, ça ne me ressemble franchement pas de sauter sur mon téléphone toutes les deux secondes, ou de rester préoccupé par quelque chose plus de dix minutes. Généralement, lorsque je fais face à un problème, plus ou moins complexe et plus ou moins important, je me dis simplement que je trouverai la solution plus tard, lorsque je serai reposé ou que j'aurai l'esprit plus aéré. Mais , c'est différent. Ce garçon m'obsède... Et je suis bien plus frustré que je ne devrais l'être, par rapport à cette histoire de souvenirs perdus. Je n'arrive pas à m'ôter l'idée qu'il s'est passé quelque chose de réellement important, ce soir-là. Peut-être même que toute la soirée passée en sa compagnie était importante, finalement. Importante pour moi. Parce que tout ce qui le concerne est important pour moi. Et je ne comprends pas pourquoi. Définitivement pas. On se connaît à peine, voire pas du tout, je ne suis même pas fichu de me souvenir de son prénom, ni de son odeur, ni de la douceur de sa peau... Euhm. Ce que je veux dire, c'est que je n'arrive pas à comprendre pourquoi je pense autant à lui alors qu'il n'y a aucun lien entre nous...

   Arf. Qu'est-ce que j'adorerais connaître la douceur de sa peau...

« Ethan !!! Mon Ethanounet d'amour que j'aime, je t'ai laissé des tonnes de messages et je t'ai appelé un milliard de fois ! »

   Ce n'est qu'en entendant le son criard de sa si désagréable voix que je réalise que je suis arrivé à l'Université.

   Je me tourne légèrement sur le côté et jette ce que j'espère être mon pire regard noir à la jeune femme aux cheveux kaki qui fonce vers moi pour s'accrocher à mon bras.

« Alors ? Qu'est-ce qu'il s'est passé mon chou ? Pourquoi tu n'as pas répondu ? »

⟨⟨ Peut-être parce que j'ai bloqué ton numéro depuis le jour où tu me l'a donné... Ou plutôt depuis que tu m'as forcé à l'entrer dans mon téléphone ⟩⟩, pensé-je amèrement.

« Lâche-moi, Williams. Les cours vont bientôt commencer, et j'ai un important exposé à faire », dis-je d'un ton glacial, priant pour qu'elle lâche l'affaire, au moins une fois dans sa vie. Mais ce serait mal la connaître...

« Je t'ai déjà dit de m'appeler par mon prénom, love... A-ly-ssa. Ça ne devrait pas être si compliqué. Mais si tu ne l'aimes pas, je me ferais un plaisir d'en changer, rien que pour toi... »

   Elle se sert plus fort contre moi, remplissant mes narines de son horrible parfum qui me donne des hauts-le-cœur.

⟨⟨ C'est pas que le prénom que je déteste... C'est toi tout entière. De la pointe de tes orteils jusqu'à tes horribles cheveux kaki. Le pire c'est que ce n'est même pas le résultat d'une tenture ratée... Tu aimes vraiment cette couleur. Ça me donne la nausée. ⟩⟩

« Sérieusement. Lâche-moi, je dois aller en cours. »

   Au prix d'un bon nombre d'efforts j'arrive à me décrocher d'elle et à m'enfuir en quatrième vitesse. Je me cache dans un des multiples couloirs du campus, et attends là un moment. Pas de claquements de talons aiguilles sur le sol... Pas d'odeur nauséeuse dans l'air... Pas de cheveux kaki en vue... La voie est libre. C'est une première ! D'habitude, elle se fait un plaisir de m'escorter jusqu'à ma salle de classe, en m'enfonçant ses ongles parfaitement manucurés dans le bras pour me dissuader de lui échapper. Une véritable sorcière.

   C'est en poussant un soupir de soulagement que je retourne à ma salle de classe, ayant préalablement inspecté les alentours pour m'assurer qu'elle n'était pas dans les parages.

   Il me faut peu de temps pour rejoindre ma salle de cours, et encore moins pour rejoindre ceux de ma classe qui attendent déjà. Le professeur nous fait rapidement entrer et nous nous installons à nos places habituelles, dans un concert de discussions et de crissements de pas sur le sol.

   Les deux heures que dura le cours de Monsieur Ernest me parurent interminables tant elles furent ennuyeuses. Lorsqu'elles touchèrent à leur fin, j'accueillis l'air frais de la cour comme une délivrance, heureux de pouvoir enfin me dégourdir les jambes et vider mon esprit de toutes ces informations accumulées en classe.

   Mon bonheur retombe brutalement lorsque résonne à mes oreilles la voix de cette horrible fille que je ne veux absolument pas croiser.

⟨⟨ Mais quand va-t-elle me lâcher, à la fin ?! Ça dure depuis le début de l'année ! ⟩⟩

   Je m'enfuis à toutes jambes, comme si j'avais la mort à mes trousses. Oui, c'est lâche, je vous l'accorde, mais c'est aussi la solution la plus efficace que j'ai trouvé sur le coup. Et je pense que n'importe qui tenant à la vie aurait fait la même chose que moi.

   Je parviens à me dissimuler dans un recoin sombre, savourant cet instant de tranquillité, même si je le devine court. Williams a toujours eu un don pour me pister et connaître ma position, quoi que je fasse. A croire qu'elle a des élèves sous son commandement qui n'existent que pour me traquer, tel un vulgaire animal destiné à la parer de sa fourrure. 

   Alors que je commence à caresser l'espoir d'être laissé en paix, il me semble sentir une présence derrière moi. Avant que je puisse me retourner, une voix douce et légèrement grave lâche un " bonjour ", qui me fait bondir en arrière. Je fais vivement volte-face et me retrouve nez-à-nez avec un torse ( vraiment bien dessiné, au passage ) qui me bloque le chemin. Je rougis furieusement, n'ayant pas l'habitude d'avoir une telle proximité avec des inconnus.

   N'osant ni lever la tête pour le regarder dans les yeux ni dire le moindre mot, celui qui me fait face décide que c'est à lui de faire le premier pas et prononce doucement ces mots :

« On doit parler, tu te souviens ? De samedi soir... »

   J'écarquille les yeux au possible et lève brusquement la tête, lèvres entrouvertes, sans vraiment y croire. Se pourrait-il que mon inconnu aille à la même Université que moi ?

   Lorsque je croise ces yeux terriblement bleus, que je connais à présent sur le bout des doigts, plus aucun doute ne subsiste : c'est bien lui.

   Il me fait un franc sourire, qui éclaire tout son visage, le rendant resplendissant. Je prends soudain conscience qu'il n'y a pas que ses prunelles qui sont superbes, tout son corps l'est aussi ! Des cheveux noirs bien coiffés, ( mais avec quelques mèches rebelles qui contribuent à le rendre sexy ), une peau pâle, des lèvres bien roses ( et infiniment plus attirantes que celles de Williams, qui sont constamment en train de chercher les miennes ).

   Mon cœur bat si vite que je suis persuadé que s'il sortait de ma poitrine, il pourrait facilement faire le tour du monde en moins de quelques secondes.

« On peut parler dehors, si cela te convient. Je connais un endroit calme, personne ne viendra nous déranger. »

   Ces paroles me sortent de ma transe, mais ne chassent pas les nombreuses sensations qui retournent tout mon être. Est-ce que c'est une sorte... D'amour ? Non, c'est beaucoup trop tôt pour ça, c'est sûrement une simple attirance qui ne durera pas.

« Au fait, je m'appelle Ayron. J'imagine que tu l'avais aussi oublié... », dit-il alors que nous nous mettons en route.

   Je hoche piteusement la tête. Ayron. C'est un beau prénom, ( ça confirme ce que je pensais : tout est beau chez lui ). Comment ai-je fait pour oublier un nom aussi merveilleux ? C'est un mystère.

   Après avoir cheminé un long moment, nous arrivons dans un coin de la cour un peu à l'écart, où se tient un petit banc en bois. Nous nous asseyons tranquillement, lui avec un air nerveux, et moi avec l'estomac noué.

   Un silence tendu s'installe durant quelques minutes, puis Ayron ( quel bonheur de connaître son prénom ! ) s'éclaircit la gorge et demande :

« Hum... Tu pourrais me raconter ce dont tu te souviens, précisément ? »

   Je réfléchis un moment, me plongeant dans mon esprit, avec l'espoir de retrouver un lambeau de souvenir qui m'aurait échappé, puis réponds :

« Je suis entré dans le bar, assez déprimé, et je me suis installé au comptoir, comme d'habitude. J'ai salué Anthony et lui ai commandé une bière, exactement au même moment que toi. Surpris, tu t'es tourné vers moi, et tu m'as observé. Puis nous avons commencé à discuter de nos préférences en terme d'alcool, tout en allant nous installer à une table. Je ne me souviens plus très bien du sujet de la conversation, mais je sais que nous avons parlé un long moment et... C'est tout. Ou peut-être que je suis allé aux toilettes, une fois. Je ne sais plus. »

   Ayron pousse un long soupir, pose son dos contre le dossier du banc, puis dit d'une voix qui semble lasse, juste vidée d'énergie :

« Et bien je ne peux pas t'apprendre grand-chose de plus... Nous avons beaucoup discuté, de nos familles respectives, de notre vie, de nos rêves, et... »

   Il marque une pause et se mord la lèvre. Je comprends aussitôt qu'il est en train d'hésiter à me révéler quelque chose. Finalement il lâche :

« Non rien. Nous sommes juste allés manger dans un petit fastfood dans la rue adjacente, puis je t'ai ramené chez toi, parce que je trouvais que tu avais des difficultés à marcher droit... Je m'en veux, j'aurais dû me rendre compte que tu étais saoul à ce point. »

   Je sens qu'il passe sous silence une partie de la soirée, mais je n'insiste pas. Après tout, il a sûrement une bonne raison de me cacher cette information... Et je ne suis pas sûr de vouloir entendre l'exploit que j'ai réalisé cette fois, en terme de ridicule. A la place, j'annonce avec un rire embarrassé :

« Je ne tiens pas très bien l'alcool. Il me suffit d'un ou deux verres pour avoir la tête qui tourne...! »

   Ayron fait un sourire amusé, puis se lève du banc.

« Je vais te laisser, maintenant que je t'ai tout dit... J'ai des choses... hum.... à faire. A plus ! »

   Il me fait un petit signe de la main, avant de s'éloigner de moi en vitesse. Je reste là, assis à fixer le point où il a disparu, perdu. J'avais encore tant de choses à lui demander... Et m'avoir raconté le déroulement de la soirée ne m'a pas rendu toutes ces informations que j'avais acquises sur lui au cours de nos discussions ! Comment vais-je bien pouvoir retrouver tout ça, maintenant ?

   Je soupire, morose, avant qu'une idée brillante n'illumine mon visage. Je ne peux peut-être pas me rappeler de notre conversation pour le moment, mais il y a au moins une chose que je suis sûr de pouvoir découvrir ! Je pense qu'il est temps que j'aille rendre une petite visite à Anthony...

« Ethaaaaaan ! Mon choupinou choupinet, où est-ce que tu te caches ? Ta chère petite Alyssa que tu aimes de cherche !  Trésor ?! »

   La journée va être longue. Très longue.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top