Chapitre 29

J'étais allongée sur mon lit, la tête vide de pensée, prise d'une certaine torpeur, et le regard fixé droit sur le plafond. J'attendais Zooey qui finissait, m'avait-elle dit, de se brosser les dents. Notre discussion sérieuse s'était terminée sur un commun accord, tout semblait être revenu sur les rails, mais pourtant, il y avait ce quelque chose en moi qui me gênait et je ne pouvais mettre le doigt dessus. J'essayais tant bien que mal de ne pas y penser, de me vider l'esprit, mais au fond, comme le résidu d'un écho lointain, c'était là, sans que je pusse clairement le distinguer.

Puis, Zooey vint frapper à ma porte ; je me relevai, la regardai, m'étonnai. Elle était là, debout, à l'entrée de ma chambre, m'appelait du regard ; sa silhouette se dessinait nettement dans l'embrasure de la porte. Elle s'était attachée les cheveux, laissant couler seulement son atébas sa clavicule gauche. Et elle savait m'appeler du regard, accaparer mon attention, qui n'y aurait pas succombé ? que celle ou celui qui y résiste me jette la première pierre ; Zooey, dans son plus simple appareil, vêtue de sa nudité provocatrice, s'était appuyée contre le cadran de la porte. Elle croisa les bras, remontant timidement sa gorge ; je déglutis.

— Je ne t'ai pas trop fait attendre ? me demanda-t-elle avec un sourire taquin.

Je fis non de la tête. Et Zooey s'avança, d'un pas félin, roulant à peine des hanches. Elle savait ce qu'elle voulait, et en vérité, je le savais aussi, je m'y attendais même. Son invitation était sans équivoque. Je me relevai quelque peu, m'apprêtai à ce qu'elle me sautât dessus, à tout moment ; ce qu'elle ne fit pas. Au contraire, elle monta sur le lit, très-tranquillement, les yeux toujours fixés dans les miens, me souriant de plus en plus ; et moi, pauvre zèbre, sur le point de me faire bouffer tout cru par cette lionne en chasse, je me laissais, cette fois-ci, à la merci du destin.

Elle m'embrassa. D'abord des petits baisers timides, du bout des lèvres, avec un goût mentholé, celui du dentifrice ; elle était sur moi, à califourchon, toute nue rappelons le ; et moi, pas plus vêtue qu'elle, un large tee-shirt et une culotte, tout au plus. Puis, elle prit mon visage entre ses mains, mit davantage d'ardeur dans ses baisers, et très vite, sa langue entra en contacte avec la mienne. On s'embrassa à pleine bouche, à pleine passion. Ses mains descendirent le long de mon cou, tentèrent – tant bien que mal – de me dévêtir. Et après maintes tentatives échouées, on s'arrêta, pour rire de la situation, mais pour que je pusse me déshabiller à mon tour, surtout.

J'avais pris le temps de la regarder de nouveau, avant de l'embrasser. Zooey était plus belle que jamais. Ses grands yeux bleus aux pupilles dilatées, sa peau tachetée de petits points discrets, ses dents du bonheur, et ses mains. Mon dieu, ses mains ; ses mains, libres de tout obstacle maintenant, parcouraient mon corps. Parfois douces, parfois dures, elles savaient apprécier chaque parcelle de ma peau, me firent frémir à chaque toucher, à chaque caresse, à chaque griffure. Et elle m'embrassait au creux de mon cou, me mordait parfois, quand elle ne lâchait pas sa langue sur la fine peau de mes clavicules, de mes seins, de mes tétons – gorgés de plaisir.

Fatalement, Zooey avait fini sa longue traversée de mon corps entre mes cuisses. Elle écarta mes jambes, me regarda dans les yeux ; elle avait le visage, les pommettes surtout, rose d'excitation. Et tout en glissant sa bouche vers mon aine, elle me regarda, s'amusa de me voir aussi impatiente. En effet, j'avais la tête qui tournait, prise d'un de ces bouillonnements de désir, dans l'incapacité d'attendre plus longtemps qu'elle me léchât la chatte ; merde, elle savait me tenir en haleine, elle savait comment me faire languir, et elle le savait, tout ça. Elle s'en divertissait, me tenait au bout de ses lèvres humides, dans une cruelle mais délicieuse attente ; et quand enfin elle déposa le premier coup de langue, à peine frôlée, je me cambrai vers elle, électrisée de loin en loin. Putain, que c'était bon.

Il n'y avait rien de plus sulfureux et d'excitant que de voir ce doux visage, entre mes cuisses, que de voir cette langue rose me lécher goulûment, que de regarder Zooey droit dans les yeux pendant qu'elle s'étalait sans relâche dans cette besogne de passion et de vice ; je me délectais de ce spectacle d'une perversité sublime ; je passais mes mains dans ses cheveux, guidais sa tête par moment, la roulais, l'appuyais plus fort encore contre mon bas-ventre. Et ce va-et-vient de sa langue – putain – si agile, si chaude, le long de mes lèvres gonflées d'un sang bouillant ; je me sentais traversée d'un plaisir trop intense, que je ne pouvais plus contenir. Alors, après une longue inspiration, sentant la jouissance poindre le bout explosif de son nez, je dis à Zooey :

— Ne t'arrête surtout pas, je-

Mais elle s'arrêta, très fière de me laisser au bord de l'orgasme ; je tremblais encore de ne pas avoir joui, frustrée mais aussi prise par sa petite taquinerie. Alors, je me relevai, haletante, me dirigeai vers elle :

— Ah oui ? demandai-je d'une voix suave, pleine de désir. Tu veux jouer à ça ?

Elle se mordit la lèvre inférieure, encore toute trempée de ma cyprine, elle aussi à bout de souffle. Puis, elle me sourit, de cet air de dire « si seulement tu y arrives ! » C'était clairement une provocation à la faire jouir, mais je voulais prendre ma revanche ; je voulais, moi aussi, l'amener au plus haut point, sans jamais la pousser au-delà. Dans ce jeu de qui frustrera plus l'autre, j'avais un certain talent, sans prétention aucune. Alors je la poussai délicatement pour qu'elle s'allongeât sur le dos. Je m'étais allongée près d'elle, à sa droite, me tenant quelque peu au-dessus de son visage ; je la regardai, commençai par parcourir son corps – tendu par l'inconnu, le désir et la volupté – du bout de mes doigts.

Je sentais sa respiration s'alourdir, s'intensifier, elle me caressait le visage de son haleine chaude ; Zooey écarta doucement ses cuisses quand ma main s'avança vers son bas-ventre, mais ce n'était pas mon objectif premier. Je l'embrassais d'abord, continuai l'exploration de son corps, parfois ses hanches, parfois sa taille, son ventre, ses seins, et je tournais autour du pot sans jamais le toucher, l'effleurant de temps en temps seulement.

Et quand enfin je me décidai à y aller, sans détour, je sentis Zooey se tendre, chavirer ; elle tut un cri plaintif au fond de sa gorge, quand mes doigts appuyèrent sur son clitoris, surtout quand ce dernier glissa entre mon index et mon majeur, quand j'eus écarté ses lèvres grandes ouvertes ; et c'était comme si chacun de ses muscles se contractait dans un trop-plein de sensation, à ne plus savoir où donner de la tête. Je tenais Zooey, du bout de mes doigts, dans un va-et-vient lascif, où le doux bruit visqueux, agréable et délicieux, de toute l'expression de sa luxure résonnait au-dessus du silence ardent de nos ébats. Elle m'attrapa la tête, subrepticement, pédant que je l'embrassai toujours, quand deux phalanges la pénétrèrent ; puis, dans un grand souffle, elle se jeta en arrière, pris une inspiration qu'elle semblait avoir bloquée dans sa gorge et, je m'arrêtais à mon tour.

Zooey eut quelques spasmes de rire, se couvrit la bouche ; tout ébouriffée, elle se releva d'un coup d'un seul. Les joues rouges d'un amour non délivré, à bout de souffle, plus que frustrée de ne pas avoir joui, elle me regarda avec des yeux qui suintaient le sexe ; complètement inassouvie, elle était prête à exploser à tout moment.

— J'ai envie de toi, me susurra-t-elle entre deux souffles.

Je me mordis la lèvre inférieure, lui répondis « moi aussi, » de la tête. Alors pleinement déchaînée, ne contrôlant plus rien, se laissant porter par ses plus bas instincts et ses désirs les plus pervers, Zooey se jeta sur moi, méthodiquement, dans un calme et flegme opposés à ses intentions.

Elle me poussa sur le dos, resserra sa coiffure – quelque peu désordonnée –, m'enjamba une cuisse, et leva l'autre jambe pour avoir un accès absolu à ma vulve, puis elle y plaqua la sienne, sans attendre. Elle commença à rouler du bassin, doucement d'abord, pour ensuite varier les mouvements. Les yeux mis clos, la bouche entr'ouverte, je la voyais tout au-dessus de moi, sublime et souveraine dans cet état second. Ses petits seins rebondissaient timidement au rythme de ses à-coups ; je l'avais saisie par les cuisses, l'accompagnais dans ses mouvements et dans ses roulements de plus en plus intenses et marqués.

Et quand je me sentais au bord de l'extase, m'élever, ébranler par tout ce que mes sens me disaient de bon, au même moment où nos souffles et nos cris s'accélèrent en chœur, je pris la main de Zooey pour qu'elle m'étranglât. Pour que cette ivresse et cette passion me fissent tourner, tourner, et encore tourner de la tête, toujours et encore. Pour qu'à tout jamais mon corps se souvînt de cet instant, de cet instant où l'espace d'une seconde infinie, nous ne faisions plus qu'une avec l'univers, elle et moi. Jouir, partager, aimer ; peu importe l'ordre, tout en même temps – s'il le fallait –, sur un même pied d'égalité, cette trinité ce soir-là, avait eu droit à son ode, sur l'autel de nos chairs enchevêtrées où la passion avait été érigée en déesse absolue.

Mais au pinacle de cet ébat, aussi magnifique était-il, à l'instant même de l'ultime jouissance, des choses m'échappèrent...

Pour la beauté, deux jurons :

— Merde... putain-

Et pour l'amour, trois mots, et un prénom :

— Je t'aime, Zooey !

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