Chapitre 8
- Je vais te mettre la raclée de ta vie mon vieux !
- Tu devrais respecter tes ancêtres ma petite parce qu’ils sont sur le point de te botter le cul.
Et deux secondes plus tard, je gagne à notre cinquième partie de Mario Kart. Je le regarde avec fierté en tendant ma main.
- Un pari est un pari monsieur O’Brien.
Tout en soupirant et en pestant, il attrape son porte-monnaie sur la table pour en sortir un magnifique billet que je m’empresse de lui arracher des mains.
- Je continue de penser que c’est totalement injuste parce que tu t’es sûrement très souvent entraînée.
- Ni Alex ni Adam n’ont jamais pu me battre. Je suis intouchable.
- Intouchable ?
- Exact.
- On va voir ça.
Et pour accompagner le geste à la parole, il se jette sur moi pour me chatouiller en m’allongeant sur le canapé. Je tente en vain de le repousser. Je ris tellement que j’ai l’impression que mon visage est en feu, que ma mâchoire va se détacher et que mon corps va faire une overdose de rire. C’est beaucoup moins sexy vu comme ça. Par chance, j’arrive à attraper un oreiller sous ma tête et je l’aplatis sur sa joue pour l’éloigner de moi. Je me relève pour m’éloigner de lui en prenant un air strict. Même si c’est surtout pour détendre les muscles endoloris de mon pauvre visage. Dylan se lève pour faire un pas vers moi. Un pas menaçant.
- D’accord Dylan, tu as gagné. Je vais te payer une glace mais éloigne-toi de moi !
Il continue d’avancer, insatisfait.
- D’accord d’accord c’est bon ! Tu l’auras ton banana-split espèce de morfale mauvais perdant !
Un sourire se forme sur son visage, et il s’arrête net. A quoi bon faire des paris, et gagner de l’argent, si c’est pour ensuite dépenser tout cet argent pour l’estomac de monsieur ? En me dirigeant vers ma chambre tout en pestant, pour prendre mon sac, je réalise que le temps dehors n’est pas très beau à voir. Ces nuages gris n’annoncent rien de très bon. Ou au contraire ils vont pouvoir m’aider. Je me retourne pour lancer à Dylan mon regard le plus désolé possible.
- Je crois qu’il va pleuvoir. C’est dommage, moi qui me faisais une joie de te regarder te goinfrer comme un porc.
- Rassure-toi, les parapluies existent justement pour ça.
Tout en m’adressant un clin d’œil malicieux, monsieur se met à marcher vers le placard dans lequel je lui ai dit qu’on rangeait tous les trucs un peu inutiles dont on ne se sert que très rarement. Parapluies, valises et…non. Oh non. Pas ça ! Sans réfléchir davantage, je me mets à foncer vers la porte qui cache encore l’objet de la honte ultime. Juste à temps, et profitant de l’effet de surprise, je me glisse devant Dylan pour bloquer la porte et poser mes mains sur son torse afin de le pousser du mieux que je peux.
- C’est bon je m’en occupe.
- Pourquoi ? m’interroge le curieux qui ne croit pas une seule seconde à ma soudaine envie de me conduire en bonne maîtresse de maison.
- Parce que…j’aime ce parapluie. Alors c’est moi qui vais le prendre.
- Je vois. C’est donc pour ça que tu crois ne rien ressentir pour moi, tu projettes tes sentiments sur un objet inanimé de peur d’être rejetée.
- Ferme la et vas chercher les clés de la voiture. C’est le bazar là-dedans, si tu ouvres mal cette porte tout va te tomber dessus et…je n’ai aucune envie de t’emmener à l’hôpital à cause d’un parapluie.
- D’accord relax.
Il lève ses mains pour prouver qu’il abandonne toute résistance et fais demi-tour. Soulagée, et je l’admets, peut-être un peu trop crédule, je me tourne vers la porte pour l’ouvrir discrètement. Mais c’était sans compter Dylan et ses mouvements de ninja qui lui permettent de surgir derrière moi sans que je l’entende venir pour ouvrir complètement ce foutu placard. Je n’ose pas le regarder, mais je sais que dès la première seconde, son regard s’est posé sur la housse de ma tente. Ma tente Hello Kitty toute rose avec ses arc-en-ciel, ses petites fleurs et ce chat que je déteste tant à ce moment précis de ma vie. Pourquoi j’ai gardé ce truc ?! Moi qui cherche constamment à lui prouver que malgré notre différence d’âge je ne suis pas une gamine…et merde !
- Dylan…avant que tu ne commences à te moquer, je tiens à préciser que ma mère m’a offert cette tente quand j’avais 13 ans en pensant bien faire. Je l’ai toujours détestée mais elle m’a obligé à l’emmener ici et ça partait d’une si bonne attention que…je n’ai pas osé la jeter. Je ne l’ai jamais utilisé, je n’ai même jamais fait de camping d’ailleurs.
Malgré mes tentatives de me justifier, il ne fait rien. Il reste simplement debout face à l’objet, l’air indéchiffrable. Ça y est, il doit me prendre pour une folle. Pourquoi j’ai laissé ce truc ici ?! A trop vouloir faire plaisir à ma mère voilà ce que je récolte. Une humiliation foudroyante !
- Dylan dit quelque chose.
- J’ai changé d’avis.
Il fait soudain demi-tour, puis va chercher son porte-monnaie sans en dire plus. C’est quand je le vois se diriger vers la porte d’entrée que je réagis enfin.
- Tu ne m’attends pas ?
- Non. Je préfère sortir seul.
Et sans plus d’explications, il sort, me laissant seule avec ma honte au milieu du salon. Encore sous le choc, je reste immobile durant quelques secondes de silence dans l’appartement avant de refermer la porte du placard, et de cogner ma tête dessus à plusieurs reprises.
- Stupide. Stupide. Stupide.
Même si je comprends sa gêne, je ne comprends pas pour autant sa réaction. Il avait si honte de moi qu’il ne voulait plus rester une seconde de plus dans la même pièce que la chanceuse détentrice d’une tente Hello Kitty ? Et qu’est-ce qu’il est allé faire au juste ? Se moquer de moi ? Réfléchir sur sa présence ici ? Je n’arrive pas à croire que je n’ai pas jeté cette tente plus tôt ! Prête à m’exécuter une bonne fois pour toute, je m’apprêtais à rouvrir le placard, furieuse, quand mon téléphone se met à sonner. On peut dire que ce chat a été sauvé in extrémiste. C’est Tina qui m’appelle. Bizarre elle devait profiter de ce samedi après-midi calme pour enfin travailler. Je réponds, toujours rouge de honte.
- Quoi ?
- Bah on peut dire que tu es heureuse de m’entendre toi.
- C’est pas ça j’ai juste…
Aucune envie d’en parler. Je veux juste oublier ce qui vient de se passer pour espérer que Dylan revienne et face de même.
- Oublie. Qu’est-ce qu’il y a ?
- Je viens de lire l’énoncé de la compo d’histoire et je bloque. Tu peux venir m’aider ?
Je suis tentée d’attendre ici le retour de Dylan. Mais je ne sais même pas si je serai capable de le regarder à nouveau dans les yeux après ça. Je suis stupide !
- Pourquoi pas ? Ça va peut-être me changer les idées.
- Comment ça ?
- Rien, je te raconterai. Je prends le prochain bus.
- Je t’attends !
Et après m’avoir « embrassée », elle raccroche. Je ne pensais pas passer mon samedi à faire ça. Je pensais que je jouerai à Mario Kart avec Dylan toute l’après-midi, qu’on finirait par se commander des pizzas et qu’on s’endormirait devant un film en noir et blanc. C’est cliché, mais c’était pour moi la définition de mon samedi parfait. Je suppose qu’aider ma meilleure amie à réaliser sa compo d’histoire est ma punition pour avoir gardé cet objet de malheur. Exaspérée de moi-même, j’attrape mes affaires, j’éteins la télé et je sors pour me rendre à l’arrêt de bus le plus proche. Quand j’arrive enfin chez Tina, je remarque que le comportement de mon amie est assez anormal. Mais je n’y fais pas plus attention, trop préoccupée par ce qui vient de se passer.
- Tu crois qu’il s’est finalement rendu compte grâce à cette tente que tu n’es qu’une enfant comparée à lui et qu’il ne veut plus être vu en ta présence ?
Je lance son oreiller sur la pire des amies existantes et me laisse tomber sur son lit.
- Notre relation est foutue.
- Arrête Avery. Ce mec, il lui manque une case au cerveau c’est toi-même qui me l’a dit. Alors il ne va pas se mettre à t’éviter du jour au lendemain à cause d’une tente.
- Tout est fini.
- Je suis sûre qu’il a trouvé ça drôle.
- Ma vie est finie.
- Tu verras ce soir quand tu rentreras qu’il sera là comme d’habitude à t’attendre affalé dans le canapé.
Elle s’immobilise un court instant.
- Est-ce que je viens de décrire une scène typique du quotidien de mes parents ?
Cette remarque a au moins le don de me faire rire. Nous comparer Dylan et moi à un couple marié depuis plus de 20 ans était assez bien trouvé. Mais elle a raison. Dylan O’Brien est un véritable enfant alors si quelqu’un doit me faire la leçon ce ne sera pas lui. Et comme prévu quand je rentre le soir, je vois avec soulagement la voiture de ce dernier garé devant l’immeuble. Je croise ma voisine du dessous en entrant dans le bâtiment. Une femme charmante. La quarantaine, divorcée, elle partage la garde de ses enfants que j’ai eu l’occasion de surveiller quelques fois. Elle paraît surprise de me voir.
- Avery ? C’est étrange je jurerais avoir entendu des bruits venir de ton appartement il y a quelques minutes. Comme si on déplaçait des choses. Tu veux que j’appelle la police ? Je sais que tes frères ne sont pas là.
Qu’est-ce que ce crétin a encore fait ?
- Non ne vous en faîtes pas ça devait être Dylan.
- C’est vrai j’avais oublié que tu avais de la visite. En tout cas si tu as le moindre problème…
- J’ai votre numéro. Je sais, merci.
Elle m’adresse un dernier sourire et une tape sur l’épaule avant de reprendre sa route. Elle avait l’air pressée pourtant elle a pris le temps de me parler de mon appartement, c’est adorable. En parlant de ça, j’espère que Dylan n’a pas mis le bazar pour une simple histoire de tente ! Je monte aussi vite que l’ascenseur me le permet, et une fois entrée chez moi je crois halluciner quand je vois qu’en effet le salon a été mis sans-dessus-dessous. Mais le plus surprenant, c’est la façon dont tout a été fait. Des feuilles d’arbres sont éparpillés çà et là sur le sol, des bouts de bois sont entassés dans un coin autour d’un réchaud, des lanternes électriques sont posées un peu partout, et surtout, ma tante Hello Kitty, trône fièrement au centre de tout ce chantier. Je pose mon sac sur le canapé qui a été poussé contre le mur pour faire de la place, la bouche grande ouverte, sans qu’aucun mot ne puisse en sortir. Et c’est à ce moment-là que Dylan fait son apparition, sortant avec peine de la tente, un grand sourire aux lèvres.
- Ta-da !
Il se lève fièrement, un sac de marshmallows dans une main et une bouteille de whisky dans l’autre.
- Comme tu m’as dit que tu n’avais jamais fait de camping je me suis dit que j’amènerais le camping à toi. Ne t’en fais pas pour les feuilles j’ai passé l’après-midi à les ramasser et je les nettoierai moi-même demain.
Je ne sais pas quoi dire. J’hésite entre hurler et…hurler. A la place je pointe du doigt la bouteille.
- C’est pourquoi ?
- Il y a toujours du whisky à un camping.
- Je n’en suis pas sûre.
Il fronce les sourcils en regardant le liquide.
- Pourtant à chaque fois que j’allais en faire…
Je ne lui laisse pas le temps de finir sa phrase parce que sans comprendre moi-même pourquoi ou comment, je me mets à exploser de rire. Je ris comme jamais je n’ai ri. J’ai été si bête de me faire autant de soucis pour rien. Dylan me fixe comme si je venais de l’insulter.
- Qu’est-ce qui est si drôle ?
- Rien je…
Une larme coule sur ma joue tant je ris. Soudain mes jambes que je ne contrôle même plus me guident vers lui, tandis que mes bras s’enroulent autour de cet imbécile heureux qui comprend encore moins ce qui se passe.
- Alors tu es finalement devenue folle.
Je le lâche pour lui sourire.
- Tu es incroyable Dylan O’Brien.
Il sourit à son tour, l’air de dire « je le savais déjà », et me donne les marshmallows.
- Prends en bien soin c’est notre dîner de ce soir.
Puis il se retourne pour attraper une couverture sous la tente et me la tendre. Le reste de la soirée est à base de marshmallows grillés, et d’histoires supposées faire peur. Je dis bien supposées parce que Dylan met tant d’énergie à essayer de m’effrayer que ça a tout l’effet inverse. Vers 21h il m’oblige à aller sous la tente qu’il avait apparemment eu un mal fou à mettre en place. A deux, elle est assez étroite. Mais ça m’est égal. Tourné l’un vers l’autres, les yeux dans les yeux, nos verres de whisky à la main, on se raconte de vieux souvenirs. Parfois mutuels.
- Tu te souviens quand tes frères s’étaient amusés à descendre les escaliers sur un matelas ?
- Si je m’en souviens ? Tu m’as sauvé la vie ce jour-là. Ça m’apprendra à vouloir faire comme ces deux attardés.
Adam et Alex avaient pris le matelas de Dylan pour jouer avec pendant que les adultes prenaient leur apéritif. Je les avais vu faire une ou deux fois et bien sûr du haut de mes 9 ans je voulais essayer mais ils disaient que j’étais trop petite pour ça. Alors quand l’heure du repas est arrivée, la petite Avery s’est faufilé dans le couloir sans se faire repérer pour monter sur le matelas et dévaler les escaliers avec. Heureusement que son charmant voisin était là pour la réceptionner à l’arrivée parce qu’elle avait très mal prévu son coup et aurait pu se faire très très mal. Cette idiote.
- Comment tu savais que j’étais retournée dans les escaliers pour essayer ?
- J’ai toujours gardé un œil sur toi. Je voulais éviter de finir le nouvel an à l’hôpital.
- Et pourtant l’année suivante ça n’a pas raté.
Monsieur O’Brien s’était blessé en coupant la viande. Il y avait du sang partout. Mais encore une fois, Dylan avait été là pour me rassurer. Alors que c’était son père à lui qui était blessé. C’est vrai qu’il a toujours veillé sur moi. En tout cas une fois tous les 365 jours. Je bois une nouvelle gorgée du liquide qui me brûle la gorge mais aussi l’estomac, puis remarque que Dylan n’arrête pas de me regarder bizarrement. Il a trop bu ou quoi ?
- Qu’est-ce qu’il y a ?
- Comment ça ?
- Tu me regardes.
- Je n’ai pas le droit ?
- Tu me regardes fixement.
- J’en ai envie.
Je souris durant un bref instant, après lequel je plonge mon regard dans le sien. Il est si sérieux. C’est la première fois que je le regarde droit dans les yeux aussi longtemps. Je devrais être gênée. Après tout un silence total règne et ni lui ni moi ne bougeons d’un pouce. Du moins c’était le cas, car la sonnerie de son téléphone nous fait tous les deux sursauter. C’est ainsi que je renverse malencontreusement mon verre dans la tente et qu’on s’empresse de sortir en riant. Son téléphone continue de sonner même une fois à l’extérieur. Je me demande bien qui c’est.
- Tu ne réponds pas ?
Il attrape l’appareil pour jeter un coup d’œil, grimace, puis le remet dans sa poche.
- Je rappellerai.
- D’accord.
Et encore une fois, on se met à se regarder. J’ai un peu la tête qui tourne. Je crois que renverser mon verre était un mal pour un bien. A mon grand étonnement, Dylan fait un pas vers moi. Réduisant l’espace entre nous. Il continue de me fixer et je ne saurais dire comment. Je ne suis pas dans mon état normal mais je suppose que lui non plus. Et c’est sûrement pour ça qu’il se comporte aussi bizarrement. Je suis tout de même assez lucide pour le comprendre et reculer au moment où il s’approchait beaucoup trop. Je fais deux pas en arrière avant de relever la tête vers lui.
- C’était sympa. Mais je suis fatiguée et…je crois que j’ai besoin de dormir un peu. Toi aussi d’ailleurs monsieur le gros dur.
Il sourit, puis hoche la tête en se redressant pour se tenir parfaitement droit. Comme pour reprendre ses esprits, ou au moins en avoir l’air.
- Tu as raison. En tout cas c’était un vrai plaisir de partager ces quelques marshmallows avec vous mademoiselle.
Il attrape ma main en se penchant pour y déposer un simple et doux baiser. Je regarde ses lèvres se poser délicatement sur ma peau, je savoure ce contact en repensant à ce que j’avais ressenti quand elles s’étaient posées sur les miennes dans la piscine. Si je n’avais pas reculé, est-ce qu’il m’aurait embrassée une seconde fois ? De toute façon cette fois je n’aurais sûrement senti que le goût de l’alcool. Je ne veux pas de ce genre de baiser. Le genre qu’on pourrait regretter le lendemain. Je préfère garder le dernier en souvenir. Il était spontané, et nous étions tous les deux parfaitement sobres. Enfin…moi je l’étais en tout cas. Dès qu’il me lâche, je lui adresse un sourire, lui souhaite bonne nuit, et vais me réfugier dans ma chambre. Même une fois allongée dans mon lit le plafond continue de bouger. Pourtant j’arrive à attendre la voix de Dylan dans le salon. Il parle à quelqu’un ? Oui c’est vrai, son téléphone a sonné. Il devait rappeler la personne.
- Qu’est-ce qu’il y a ?
Il a l’air préoccupé.
- Quoi ?! Où est-ce qu’il en a trouvé ?!
Et c’est tout ce que j’apprends de cette conversation avant d’entendre la baie vitrée se fermer. Il est allé sur le balcon pour que je ne puisse pas l’entendre. Mais pourquoi ? A qui est-ce qu’il parlait ? Et de qui ? Je suis tellement fatiguée. Je crois que je vais dormir et…repenser à ça…demain…
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