Chapitre 20

Le réveil est assez difficile. Je n'ai presque pas réussi à fermer l'œil de la nuit. Je suis épuisée. Non seulement à cause de Dylan, mais aussi parce que Tina n'arrêtait pas de me donner des coups de pied dans son sommeil. Je sors de ma chambre, à moitié réveillée, en la laissant dormir encore un peu, et je descends les escaliers pour trouver sur mon chemin ma mère. Elle vient visiblement de refermer la porte et tient un bouquet gigantesque de fleurs. Mais pas de n'importe quelles couleurs. Du jaune et du mauve. Les couleurs de la couronne de fleurs. Il continue. Le tournesol d’hier soir ne lui a pas servi de leçon.

- Le livreur vient de le déposer. Elles sont belles tu ne trouves pas ?

Elle les regarde plus attentivement quand je voudrais juste les éloigner de moi le plus possible.

- Il y a un mot avec, ajoute ma mère surexcitée. On va pouvoir savoir de qui elles viennent.

Je le sais déjà. Et je ne veux pas qu'elle le sache. J'attrape le mot avant elle pour m'assurer que je ne me fais pas des idées, et bien sûr j'ai raison. "J'ai besoin de toi Avery, je veux redevenir le garçon qui chantait avec la jolie fille à la couronne de fleur".
Il a vraiment décidé de me prendre par les sentiments et les souvenirs. Il sait que cette journée a beaucoup compté pour moi. Mais il n'a jamais été différent de ce garçon que j'ai vu à l'université. Il cachait juste bien son jeu le jour du festival. Je ne veux plus me faire avoir. Alors j'attrape le bouquet de fleurs avec rage en sortant. Ma mère me suit perdue.

- Qu'est-ce que tu fais ?
- Je ne veux pas de ça ici.

Je vais jeter les si belles fleurs dans la poubelle, en déchirant ensuite le bout de papier avec rage pour le jeter à son tour. À peine réveillée je dois déjà gérer ce genre de choses. Je suis tellement impatiente de retrouver mon appartement à des kilomètres d'ici.

- Bon sang Avery mais qu'est-ce qui te prend ?

Ma mère reste figée à côté de la poubelle pendant quelques secondes qui me servent à rejoindre la maison à toute vitesse pour m'y réfugier. Elle me rejoint finalement dans la cuisine, toujours aussi confuse.

- C'était quoi ça ?
- Rien.

J'ouvre le réfrigérateur pour prendre une bouteille de lait mais elle le referme immédiatement. C'est à ce moment-là que je vois l'inquiétude remplacer la confusion.

- Si tu as encore des problèmes tu dois me le dire.
- Je n'ai aucun problème maman. Tout va bien.

Je sais qu'elle n'est pas convaincue par ce que je lui dis. Mais ça lui suffit pour comprendre que je ne veux pas parler maintenant. Elle secoue la tête comme déçue, et sort de la pièce. Je dois me retenir de donner un coup de poing dans le mur. Heureusement que Tina arrive encore un peu endormie pour me changer les idées.

- J'ai tellement bien dormi ! se vante cette dernière en baillant. Je ne t'ai pas donné de coups j'espère. Ma grand-mère m'a appris une nouvelle technique pour ne plus avoir de sommeil agité.
- Pas un seul coup, mens-je assez bien pour qu'un sourire fier se forme sur ses lèvres.

Elle se met à me parler, mais je ne l'écoute déjà plus. Mes pensées sont tournées vers le voisin. Ces fleurs...je me doute bien que l'argent qu'il a utilisé pour les acheter n'était pas simplement son argent de poche. Les images de la liasse de billets que lui tendait cette fille à la soirée me reviennent. Il devrait se douter que je ne veux rien qui ait été acheté avec de l'argent sale. J'ai juste hâte de partir. Alors j'interromps ma meilleure amie au milieu de son discours.

- On pourrait rentrer après-demain ?

Elle arrête aussitôt de parler en levant un sourcil.

- Pourquoi aussi vite ? Il nous reste une semaine avant la reprise des cours on pourrait...
- Je ne veux pas rester ici Tina.

Prête à argumenter, elle s’arrête pourtant très vite, comprend enfin et finit par hocher la tête.

- D'accord. On fera comme tu veux.
- Merci.

On échange un même sourire, puis elle reprend là où elle s'était arrêtée avant que je ne la coupe. Cette fois j'essaie de m'intéresser à ce qu'elle raconte. Je ne dois plus penser à Dylan. C'est terminé.
Le soir, alors que ma mère a décidé comme je m'y attendais de se rendre chez les O’Brien seule, Marc et Tina se chargent de me faire sortir. Bon j'admets avoir obligé ma mère à y aller en prétextant l'envie de passer le nouvel an avec ma meilleure amie et mon cousin tant qu'ils sont là. Je ne voulais pas qu'elle perde son habitude d'aller chez la voisine à cause d'une ridicule histoire entre son fils et moi. Je suis donc dans mon restaurant préféré, grâce à mes deux personnes préférées. Et tout est parfait. Je suis avec ma meilleure amie et mon cousin adorés, avec ma nourriture adorée, entourée de gens qui célèbrent la nouvelle année. Le seul problème, c'est ce foutu karaoké. Chanter c'était notre truc à Dylan et moi. Que ce soit dans la voiture ou devant des centaines de personnes, on ne ratait pas une seule occasion. Alors si au début j'étais motivée à sortir. Je perds toute motivation lorsqu'en entrant j'aperçois le grand écran affichant les paroles. Je bois même ma première coupe de champagne cul-sec sous les regards inquiets de mes deux accompagnateurs.

- Avery essaie de t'amuser, s'indigne Tina.
- Mais je m'amuse.

J'attrape sa coupe et la bois aussi vite que la mienne. Ce qui pousse Marc à protéger la sienne avec méfiance en servant un nouveau verre à ma meilleure amie.

- Tu pourrais chanter quelque chose cousine.
- Aucune chance.
- Mais si ! Il a raison Avery tu chantes tellement bien tu pourrais montrer à tous ces ringards de quoi tu es capable.

Au moment où elle le dit, l'homme au micro produit une note si aiguë que seuls les chiens devraient pouvoir l'entendre. Génial.

- Je n'ai pas envie de...

Je ne peux pas finir ma phrase, puisqu'en levant la tête j'aperçois à quelques mètres, Dylan. Il est seul, il vient d'entrer dans le restaurant et il cherche quelqu'un du regard. Il arrête de chercher quand il me voit enfin. Évidemment, je lui ai répété je ne sais combien de fois que ce restaurant était mon favori. Je suis vraiment stupide. Il commence à se diriger vers moi, alors je me lève comme si je venais de changer d'avis sur un coup de tête. La chanson de l'homme aiguë vient de se terminer. C'est un signe.

- En fait vous avez raison. Je vais chanter.

Si maintenant ils se mettent à sourire, je suis persuadée que s'ils voyaient eux aussi Dylan, ils voudraient se jeter sur lui sans attendre. Je vais demander ma chanson à l'organisateur sous le regard de ce dernier. Puis je vais me poster devant le micro en me concentrant du mieux que je le peux. Lorsque les premières notes de piano de Because Of You se font entendre, je sens mon cœur se mettre à battre à vive allure. Cette chanson m'a toujours bouleversée. Les paroles sont poignantes, la musique est entraînante, et la voix de Kelly Clarkson est tellement incroyable. Je ne sais pas si je serai capable de la chanter sans me mettre à pleurer mais je dois le faire. Alors je plante mon regard dans celui de Dylan un peu plus loin en prononçant les premiers mots. Je veux qu'il sache ce que je ressens. Il jouait à un jeu dangereux depuis le début avec cette histoire de drogue et de tromperie. Et il n'a pas arrêté de me mentir. Il m'a ensorcelée, il m'a caché qui il était en réalité. Aujourd'hui je suis incapable de l'oublier. Je mets toutes mes émotions dans le refrain qui a toujours été la partie la plus émouvante et donc plus difficile à chanter.

- Because of you, I am afraid.

J'ai peur de lui, de ce qu'il fait, de ce qu'il a déjà fait. Mais je l'aime toujours et je meurs toujours d'envie de le retrouver. Je voudrais faire comme si rien de tout ça n'était arrivé, mais c'est arrivé. Au fond je n'essaie pas de l'oublier pour moi, je le fais pour Tina et Marc. Ils m'en voudraient si je me laissais à nouveau séduire par Dylan. Je ne peux pas les perdre eux aussi. Je suis déjà assez perdue. Dans mes sentiments mais aussi dans ma vie tout entière. Je voudrais retourner à mon appartement. Retrouver ma vie tranquille avec mes grands frères. Mais une grande partie de moi voudrait rester. A la fin du deuxième refrain je sens mes yeux devenir humides. Et une seule, simple larme, coule finalement lorsque je dis la dernière phrase de la chanson.
Son amour est une arme. Beaucoup trop dangereuse. Je l'aime assez pour le laisser m'entraîner dans des choses qui me dépassent, et il le ferait parce qu'il ne m'aime pas assez pour les arrêter. Et tous ces cadeaux, toutes ces excuses, tous ces messages et tous ces souvenirs, ce sont les balles qui me transpercent le corps et m'empêchent d'avancer. Notre relation serait malsaine maintenant si je retournais dans ses bras, je le sais, et c'est ce qui fait le plus mal. Quand la musique s'arrête, et que les applaudissements commencent, je m'empresse d'essuyer la larme sur ma joue avec le plus de discrétion possible. Je n'ai pas quitté Dylan des yeux une seule seconde. Et quand je descends du podium, je le vois sortir du restaurant bouleversé. Ça lui a fait autant de mal qu'à moi je suppose. Je l'espère sans vraiment l'espérer. Je reçois plusieurs compliments que je n'écoute pas vraiment. Je ne sais même pas si j'ai bien chanté ou non. Je m'en fiche. Tout ce qui compte c'est que j'ai chanté ce que je ressentais et que Dylan est parti. Je vais rejoindre Tina et Marc qui m'applaudissent aussi. Ils n'ont pas dû voir que je pleurais. Tant mieux.

- Tu as été incroyable Avery ! me félicite ma meilleure amie en se levant pour me prendre dans ses bras. C'était vraiment magnifique.
- C'est vrai tu as été sensationnelle. C'est sûrement de famille.

Je les remercie en frappant Marc à l'épaule pour sa remarque exaspérante. Et enfin, je me mets à profiter de la soirée. J'ai l'impression que cette chanson m'a libérée de tout ce poids que j'avais sur les épaules. Que voir Dylan partir a été un grand soulagement. Je veux fêter cette nouvelle année comme il se doit en espérant qu'elle soit meilleure que la dernière. Et puis je ne veux pas gâcher ce 31 décembre avec ma mauvaise humeur. Tina et Marc font tellement d'efforts pour moi, je leur dois bien ça. Je leur dois bien. Mais...je les déteste d'être ma seule raison de rester loin de Dylan O’Brien.
Je me réveille le lendemain, complètement reposée. J'ai fini par dormir sur le sol pour éviter les prises de karaté de Tina dans le lit, mais ça ne m'a pas dérangé. J'étais vidée hier en rentrant du restaurant. On y est restés seulement quelques minutes après minuit et ensuite on est partis. On était tous fatiguée. Ma mère était encore chez les O’Brien quand on est arrivée Tina et moi, heureusement. On était toutes les deux un peu pompettes. Je n'aurais pas dû boire tout ce champagne. Marc a été adorable de nous obliger à boire de l'eau et à bien manger pour nous éviter l'affreuse gueule de bois. Et puisqu'il n'a bu qu'une coupe de champagne en début de soirée, c'est lui qui nous a déposé chez moi juste après. Il est déjà 14h. J'ai dû rattraper le sommeil des deux derniers jours en plus du champagne. Et je suis toujours légèrement fatiguée mais c'est supportable. Tina dort toujours, ce qui ne me surprend pas du tout. Encore une fois je me faufile hors de la chambre pour qu'elle puisse dormir en paix. Ma mère est dans la cuisine, en train de nettoyer la vaisselle. On dirait qu'elle aussi vient de se réveiller. Elle est toujours en pyjama.

- C'était bien hier soir ? demandé-je en signalant en même temps ma présence.
- C'était comme chaque année à vrai dire. Rien de très nouveau.

Je vais m'asseoir sur le comptoir en marbre de la cuisine avec une tasse de café bien chaude à la main. C'est le moment d'aborder un sujet sensible.

- Papa m'a appelée hier soir. Il voudrait que je passe l'après-midi avec lui. Et je le verrai sûrement demain aussi parce que...je partirai à 16h.

Un bruit de vaisselle cassée me fait sursauter. Ma mère est dos à moi, mais je pourrais voir son air triste sans avoir à le visualiser.

- Tu repars déjà demain ? Je pensais que tu resterais un peu.
- J'ai pas mal de devoirs en retard. Et je veux être prête pour la rentrée.

Elle se retourne finalement en retirent ses gants de vaisselle.

- Ce n'est pas à cause de Dylan O’Brien j'espère ?

J'aurais dû me douter qu'elle ferait le rapprochement entre la discussion qu'on a eu en décorant le sapin et celle qu'on a eu après le bouquet de fleurs jetées. Je ne peux plus lui mentir. Ce n'est pas pour cette raison que je vais tout lui dire.

- Si. C'est à cause de lui. Mais tu n'as pas à t'en faire maman. Il y a eu quelque chose entre nous, ça n'a pas fonctionné, fin de l'histoire.

Je sais à quoi elle pense. Et je ne peux que vouloir la rassurer puisque je suis la cause de son inquiétude. Depuis toujours.

- J’irai voir la psy dès mon arrivée pour en parler ne t’en fais pas.

Bien sûr ce dernier argument fonctionne le mieux. Elle reprend sa vaisselle soulagée.

- Si tu penses que c'est mieux de partir plus tôt alors je te crois.

Je m'en veux de la laisser seule ici. De fuir. Mais je ne veux pas rester et lui apporter plus de soucis avec mes problèmes d'adolescente naïve. Je peux tout gérer moi-même. J'ai Tina et Marc pour m'aider en plus. Je n'ai pas besoin qu'elle me materne. J'ai besoin qu'elle s'occupe d'elle, de son divorce, et pour ça je ne peux pas être dans ses pattes nuit et jour. Je reviendrai lui rendre visite c'est certain. Mais pour le moment, je dois partir. Pour sa santé mentale et la mienne surtout. En attendant je vais me préparer pour aller rejoindre mon père. Je ne m'en fais pas pour Tina. Elle en a pour encore cinq bonnes heures de sommeil cette paresseuse. Et elle saura s'occuper si elle se réveille en mon absence. J'entends la voiture de mon père klaxonner à l'extérieur, alors je cours le rejoindre. Le trajet et joyeux. On rit, on discute de tout et de rien...ce que je n'aurais pas pu faire avec lui auparavant. Je l'ai toujours tenu pour responsable des disputes et de sa relation catastrophique avec ma mère. Je me suis toujours dit qu'il aurait dû faire plus d'efforts. Mais j'ai fini par réaliser en partant de la maison qu'il n'y était pour rien. C'était tout simplement fini depuis longtemps et aucun effort n'aurait pu raviver la flamme entre eux. Après les incidents qui se sont produits, il n'a pas pu être là pour moi. Tout simplement parce que ma mère prenait toute la place. Mais il m'envoyait souvent des messages et de l'argent en plus pour m'aider. En sachant qu'il paie déjà une grande partie du loyer de l’appartement. Ma mère ignore tout ce qu'il fait, et il préfère que ça reste ainsi. Mais je sais que quoi qu'il arrive, je pourrai toujours compter sur lui. Lui et mes frères sont les trois seuls hommes de ma vie dont je ne pourrai jamais me débarrasser et avec qui je ne pourrai pas tout faire foirer. Ça me rassure.

- Alors tu rentres demain ?
- Oui.
- C'est à cause du voisin ?

Je suis surprise par sa question si directe. Je ne m’y attendais pas. Et je ne pensais pas qu'il avait remarqué qu'il se passait quelque chose avec Dylan.

- Non. Ce n'est pas...non.
- Je vous ai vu danser le jour de ton arrivée. Je suis tout sauf aveugle.

C'est vrai qu'à plusieurs reprises j'ai été très proche de Dylan en public. Mon père est le seul à l'avoir vraiment remarqué puisque ma mère a dû le sentir grâce à son...sixième sens de maman ou un truc du genre.

- Il t'a fait du mal ?
- Non papa.
- Je peux toujours lui rouler dessus tu sais ?
- Je sais.
- Ça passerait pour un accident.
- Bien sûr.
- Je peux sortir le vieux fusil de ton grand-père si tu préfères.
- Celui qu'il tient de son arrière-grand-père ? Je croyais que c'était juste un objet de décoration maintenant.
- On peut faire croire ça à la police c'est pratique.

Il me sourit avec tant de tendresse et de malice que je ne peux que rire à mon tour. Il est génial.

- Oublions le fusil et l'accident de voiture. M'acheter une glace ça m'aiderait mieux.
- Alors en route !

Au moment où il allait tourner à gauche, il change soudain de route en dérapant pour tourner à droite. Je sens mon cœur faire un bond dans ma poitrine comme à chaque fois qu'il le fait. Pourtant je devrais avoir l'habitude maintenant d'avoir un père complètement fou. Ouais, il est vraiment génial.

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