Chapitre 19

J'ai passé la nuit chez Marc. Je ne voulais pas rentrer chez moi, j'avais peur de tomber sur Dylan. Je pense tellement à lui. Et le pire dans tout ça c'est qu'il me manque toujours. J'ai beau me dire que ce n'est pas quelqu'un de bien, qu'il ne mérite pas toute mon attention, je n'arrive pas à me le sortir de la tête. Si seulement j'avais découvert son vrai visage avant de tomber amoureuse. J'ai dormi dans la chambre d'ami mais Marc est resté avec moi. Il ne voulait pas me laisser seule. Il m'a serré dans ses bras toute la nuit, et j'ai pleuré toute la nuit. Mes yeux et ma tête me font un mal de chien. Heureusement que j'ai mes lunettes de soleil. Je ne veux pas inquiéter ma mère quand je rentrerai avec des yeux rouges et gonflés. Je ne veux pas qu'elle sache ce qu'il s'est passé. D'abord parce que je me sens stupide et que j'ai trop honte de tout lui raconter, et ensuite parce que Dylan continue de compter pour moi. Je sais que révéler son...activité, risquerait de lui attirer des ennuis. Alors je vais garder ça pour moi, et Marc aussi le fera. Je monte dans la voiture de mon cousin en sentant tout mon être me supplier de ne pas rentrer chez moi. Je m'appuie contre la fenêtre en fixant le ciel pendant le trajet. Je ne peux pas savoir de quel bleu exact il est à travers mes lunettes, mais je vois bien qu'il est magnifique. Aucun nuage à l'horizon. Je suis tellement fatiguée.

- Ça va aller Avery ?
- Pourquoi ça n'irait pas ?

Je ne le regarde même pas. Je ferme mes yeux en sentant les vibrations de la voiture faire bouger ma tête contre la vitre. Je me demande ce qui a poussé Dylan à faire ça. Comment il en est arrivé là ?

- Regarde qui est là, déclare soudain mon cousin avec enthousiasme en me donnant un coup dans l'épaule pour attirer mon attention.

Je reconnais mon allée. Pendant un moment j'hésite à regarder, de peur que ce soit Dylan qui se tienne devant la maison. Mais Marc ne serait pas aussi heureux de m'annoncer sa présence. En fait il ne me dirait rien du tout. Il sortirait plutôt pour lui casser la figure et s'acharner sur lui. Je suis plutôt soulagée que ce ne soit pas lui. Lorsque je lève la tête sans réelle conviction, je sens une joie immense s'emparer de mon corps en voyant Tina devant la porte d'entrée. C'est bien elle. Ma meilleure amie qui n'avait pas mis les pieds ici depuis si longtemps. Je ne réfléchis pas une seule seconde, je me précipite hors de la voiture et cours me réfugier dans ses bras. Elle me rend mon étreinte sans attendre mais avec un peu de réticence.

- Pourquoi tu portes des lunettes de soleil ? Tu n'en portes jamais d'habitude.

Je la lâche à contrecœur en fixant le sol.

- Tu avais raison Tina. Dylan n'est pas quelqu'un de bien.
- Comment ça ?

Je jette un coup d'œil vers la maison voisine. La voiture de Dylan y est garée. Il est là, il est revenu. Je ne veux pas prendre le risque de rester dehors.

- Viens on entre je vais tout t'expliquer.

Elle me suit, ainsi que mon cousin qu'elle salue rapidement. Ma mère n'est pas là, ce qui explique pourquoi Tina a dû rester dehors. Je n'ai pas besoin de faire visiter la maison à ma meilleure amie qui la connaît déjà par cœur. Je suis tellement heureuse qu'elle soit là. J'avais besoin d'elle plus que jamais. On s'installe dans le canapé pendant que Marc va nous chercher à boire dans la cuisine. Tina lui demande de préparer du thé. J'ignore pourquoi mais mon cousin connaît cette cuisine comme la sienne alors je ne doute pas qu'il s'en sortira parfaitement bien tout seul.

- Bon alors raconte, qu'est-ce que tu as appris sur Dylan ?

Je n'enlève toujours pas mes lunettes. Je ne veux pas qu'elle me voit aussi mal et j'ai peur que la lumière agresse mes yeux.

- Pas grand chose. Mis à part le fait que c'est en réalité un foutu dealer de drogue qui s’est fait virer de son université après s’être violemment battu avec son meilleur ami.

Mon amie se met à rire en me donnant un coup dans l'épaule. Puis elle réalise que ce n'est absolument pas drôle, puisque ce n'est absolument pas faux. Son sourire s'efface pour laisser place à l'horreur.

- Tu déconnes là ? Un dealer ?!
- Ouais. Je ne sais pas depuis combien de temps il fait ça mais je l'ai vu en pleine action hier soir. Et ce n'était pas la première fois. Ni la dernière.
- Mais...comment tu l'as su ?
- Dylan m'a fait croire qu'il devait se rendre à l'université pour régler des problèmes administratifs par rapport à son renvoi. Marc ne le croyait pas, et moi non plus à vrai dire. Alors on y est allé et je l'ai vu.

Tina est complètement larguée. Je comprends qu'elle ne sache pas comment réagir à une telle nouvelle. Moi-même j'essaie toujours de savoir.

- C'est vraiment dingue Avery. Et cette histoire avec son meilleur ami...
- Ah oui c'est son meilleur ami justement qui m'a emmenée à la fête où Dylan faisait ses affaires. Je suis certaine qu'il voulait juste se venger de Dylan en faisant en sorte qu'il me perde. Je n'arrive toujours pas à croire ce que j'ai vu.

Je repense aux événements de la veille. À ce que Dylan m'a dit.

- Dylan m'a dit qu'il m'aimait.
- Et tu crois que là il était sincère ?
- Je ne sais pas. Je pense...que je suis importante à ses yeux. Mais que je ne passerai jamais avant son petit boulot. Sinon ça ferait longtemps qu'il aurait arrêté.
- C'est peut-être devenu une drogue pour lui d'en vendre.
- Peut-être.

Je fais comme si je n'avais pas pensé à cette éventualité, mais en réalité j'ai eu toute la nuit pour y penser. Je suis passée par toutes les étapes cette nuit à vrai dire. La compréhension, la rage, la culpabilité, la tristesse, le manque, la honte...rien n'a été mis de côté. Marc revient avec une tasse de thé pour Tina. Elle le remercie avant de se retourner vers moi.

- Il faut croire que je tombe à pic. Je voulais te faire la surprise de passer le nouvel an ici.
- Et je suis vraiment surprise. Et heureuse que tu sois là.

Elle prend ma main et la serre avec une chaleur réconfortante. Quelqu'un frappe à la porte au moment où je commençais enfin à me sentir mieux. Marc jette un coup d'œil par la fenêtre et s'éloigne furieux.

- C'est lui. Je vais me le faire Avery.
- Non.

Je me lève pour poser ma main sur son épaule et le calmer en souriant.

- Tout va bien. Personne ne va blesser personne d'accord ?
- Mais...
- D'accord ?

Il finit par hocher la tête en soupirant. Je regarde Tina qui acquiesce à son tour. Soulagée je me dirige vers la porte d'entrée sous les regards interloqués de mon cousin et de ma meilleure amie. Je pose ma main sur la poignée sans vouloir ouvrir. J'aimerais lui parler. J'aimerais le frapper, crier, le détester de toute mon âme. Mais si j'ouvre cette porte, je vais encore craquer. Je ne veux plus craquer.

- Avery je sais que tu es là. Ouvre je t'en prie.

Il continue de frapper. Mais je retire ma main en m'asseyant contre la porte. J'ai beaucoup pleuré, pourtant j'ai l'impression d'avoir encore trop de larmes en stock. Il arrête soudain de frapper, je crois bien qu'il est parti pendant un moment. Puis j'entends à nouveau sa voix de l'autre côté. Elle est très proche. Comme s'il était aussi assis derrière la porte.

- Je t'en prie il faut que je te parle.

Je dois lutter contre chaque cellule de mon corps pour ne pas ouvrir. Je pose mon front sur mes genoux ramenés contre moi. Je suis furieuse et amoureuse. Ce n'est pas un bon mélange.

- Avery laisse-moi te parler. Je suis tellement désolé. Tu n'imagines même pas à quel point je m'en veux je...je suis qu'un minable. J'ai toujours été un minable. Mais quand je suis avec toi je suis quelqu'un que j'aime être. Avery. J'ai besoin de toi.

Encore des mensonges, toujours des mensonges. Si ce qu'il dit est vrai, alors il ne serait jamais retourné là-bas. Il aurait laissé tomber cette folie. Peut-être que je le rends vraiment meilleur, mais ça ne dure qu'un temps.

- Je t'aime mini-short. Je te l'ai déjà dit, mais je te le redirai autant de fois qu'il le faudra pour que tu me crois. Je t'ai menti je l'admets. Mais je ne pourrais jamais te mentir là-dessus. Je t'aime.

Ce que je ressens est tellement horrible. S'il n'avait pas fait l'idiot, j'aurais été la fille la plus comblée du monde en entendant ces mots sortir de sa bouche. Mais là je n'ai pas le droit d'être comblée. Je dois renoncer à lui alors que j'en suis parfaitement incapable. Quelques secondes après, j'entends des pas s'éloigner de la porte. Il est parti. Il ne s'arrêtera pas là j'en suis convaincue. Je me relève en essayant de chasser mon mal-être et je retourne dans le salon pour me rasseoir dans le canapé. Tina se lève en même temps pour se diriger vers les escaliers.

- Tu as du coton ?
- Dans ma salle de bains oui.
- Cool. Je reviens.

Et elle disparaît pour réapparaître très vite avec du coton pleins les mains. J'ignore ce qu'elle compte faire avec et honnêtement je m'en fiche je ne veux pas me prendre la tête avec ça. Marc et moi la regardons plonger les morceaux dans la tasse de thé puis se tourner vers moi.

- Enlève tes lunettes m'a grand-mère m'a appris ça récemment.

Un remède de grand-mère contre les yeux gonflés. Pourquoi pas ? Au point où j'en suis. J'enlève mes lunettes en gardant les yeux fermés et en appuyant ma tête sur le dossier du canapé. Le thé a un peu eu le temps de refroidir. Les cotons que Tina posent sur mes yeux sont bien inhibé et tièdes. Je mentirais si je disais que ça ne fait pas du bien. Mais ça ne guérit pas un cœur brisé, ça guérit simplement les yeux que les larmes ont fait gonfler. Je sens le canapé s'enfoncer à côté de moi. C'est Tina qui reprend ma main pour la serrer.

- Tu sais que je suis là pour toi Avery pas vrai ?
- Et moi aussi, ajoute Marc un peu plus loin.

Je sais que je suis chanceuse de les avoir. Et je sais qu'une peine de cœur ce n'est pas la fin du monde. Mais je suis rassurée de savoir que je ne suis pas seule. L'amour de ma vie est un menteur, un manipulateur, et un véritable dealer. Je dois l'oublier et comprendre qu'il n'est pas l'amour de ma vie. Sinon celle-ci ne serait pas devenue un enfer. Au fond je suis la seule à blâmer. On m'avait avertie. Je savais des choses, j'en ignorais et j'avais je ne sais combien de doutes. Mais j'ai été stupide et naïve. J'ai voulu croire que j'avais droit à quelque chose de magique avec Dylan. Que lui et moi on serait longtemps ensemble. Je me suis trop longtemps accrochée à ce fantasme du voisin parfait. Mais ce n'est pas un fantasme auquel j'ai droit. Et ce voisin est loin d'être parfait. Je me souviens que Zack m'avait dit qu'aujourd'hui plus aucune fille ne voulait des gentils garçons. Mais c'est quoi un mauvais garçon ? Un gars hyper mystérieux qui conduit une moto, qui porte des vestes en cuir et qui se fait constamment coller parce qu'il arrive en retard en cours ou qu'il clash un prof ? Ça encore, ça ne m'aurait pas dérangé. Et je suis certaine que le Dylan de mon âge était comme ça. Mais il a grandi. Les gens changent quand ils grandissent. Même moi j'ai changé.
Après quelques heures passées avec nous, Marc rentre chez lui pour nous laisser seules. La technique avec le thé de Tina a bien fonctionné je dois l'admettre. Je sors mon téléphone pour la première fois depuis hier. Je n'ai pas osé y jeter un coup d'œil après la soirée catastrophique, de peur que Dylan m'appelle ou m'envoie des dizaines de messages. Ce qui n'a pas raté. J'ai à peine le temps d'allumer l'appareil que mes oreilles sont aussitôt agressées par des dizaines de notifications. Tina lève les yeux au ciel en attrapant mon téléphone dans mes mains.

- Je vais te débarrasser de ce taré une bonne fois pour toute.

Je suis prise de panique. D'abord parce que je ne veux pas qu'elle lui parle, elle risquerait d'empirer les choses. Et ensuite parce que...je ne veux pas encore être débarrassée de lui. Je ne suis pas prête pour ça. Alors je tente de récupérer mon portable.

- Non Tina rend le moi.

Elle l'éloigne de moi en ouvrant les messages. Sûrement pour y répondre. J'insiste encore plus.

- Tina arrête je ne plaisante pas.
- Je vais juste effacer tout ça et bloquer son numéro.
- Non je veux que tu me rendes mon téléphone.
- Ne t'en fais pas je gère.
- Je m'en fous donne-le-moi.
- Avery...
- Tina bordel rends-moi mon téléphone !

Je me suis surprise moi-même en criant. Mais la situation devenait urgente. Ma meilleure amie se fige de stupeur, ce qui me permet de récupérer le précieux objet. Je m'assure que rien n'ait été envoyé par erreur. Puis je lance un regard gêné à mon amie.

- Désolée je...je ne veux pas qu'il disparaisse de ma vie maintenant.
- Il t'a menti Avery. Plusieurs fois. Et sur des sujets tellement graves et dingues que la police pourrait être impliquée.

Elle ne comprend pas. Personne ne comprend. Je ne comprends pas moi-même. Je serre mon téléphone entre mes mains en le collant à ma poitrine comme pour le protéger d'une nouvelle attaque de Tina.

- Ne me dis pas que tu veux lui pardonner ?! s'indigne Tina en croisant ses bras de mécontentement.
- Non je...
- Alors pourquoi tu te comportes aussi naïvement ?!
- Parce que je l'aime Tina ! C'est clair ?! Je l'aime ! Je ne sais pas comment ni pourquoi c'est arrivé mais quand on aime quelqu'un on ne peut pas juste claquer des doigts et l'oublier !

Je me calme en réalisant à quel point j'ai été injuste de crier. Non. Elle ne peut pas me comprendre. Ni elle ni Marc. Je soupire et me laisse tomber dans le canapé. Mon amie vient s'asseoir à côté de moi pour croiser nos index en souriant tristement.

- Je suis désolée Avery. Je ne devrais pas te forcer la main comme ça. Je n'ai jamais été confronté à ce genre de situation alors je ne peux pas savoir ce que tu ressens. Mais si tu dis que tu l'aimes je te crois.

Je lui souris à mon tour pour la rassurer.

- Tu sais que je t'aime encore plus Tina.
- Je sais oui.

Elle me lance un regard moqueur qui me fait enfin rire et on se prend dans les bras l'une de l'autre automatiquement. Je déteste me disputer avec elle. Même si nos disputes n'ont toujours duré que quelques minutes. On ne sait pas rester fâchées. Ce qui prouve que quoi qu'il arrive, si je ne trouve pas l'homme de ma vie, on finira toutes les deux vieilles filles. C'est encore moins rassurant que de me retrouver seule avec des chiots par milliers, mais ça fera aussi l'affaire.

- Ça te dit de regarder les vieux films Barbie ? Me propose ma meilleure amie en riant.
- Je pensais que tu ne le demanderais jamais.

Et nous voilà, dans mon canapé, à regarder des fées combattre une méchante sorcière qui veut prendre le pouvoir. Ce n'est pas ce que j'appelle une activité post-rupture idéale, mais ça me permet de penser à autre chose. Entre les commentaires que Tina et moi faisons sur les choses que nous n'avions pas remarqué des années plus tôt, et la nostalgie qui me gagne, je suis bien occupée. Ma mère rentre après notre deuxième film. Il commence déjà à faire nuit. Évidemment elle était déjà au courant que Tina viendrait. Elle voulait me faire la surprise. Ce qui me fait d'autant plus plaisir. Puisqu'elle est arrivée assez tard et qu'aucune de nous n'avait envie de préparer à manger, on a décidé de commander des pizzas. En les attendant, ma mère est venue nous rejoindre dans le canapé pour regarder le film avec nous. Une adolescente dans le corps d'une adulte. Très rapidement, à ma grande surprise, quelqu'un frappe à la porte. Les pizzas, déjà ? Je me lève pour que les deux autres paresseuses puissent poursuivre leur précieux film. Mais en ouvrant la porte je ne vois personne. Il y a juste une simple fleur posée par terre, un tournesol. Il y en avait dans la couronne que Dylan m’avait offerte au festival. Je la prends, ainsi que le morceau de papier qui l'accompagne. Je ne suis pas surprise d'y lire un message disant simplement : "Je suis terriblement désolé."
Même si je suis furieuse, je dois admettre qu’il me connaît toujours très bien. Non seulement il n’essaie pas de se faire pardonner avec un cadeau superficiel tel qu’un bijou mais en plus il ose se servir d’un souvenir. Un souvenir si joyeux. Il a tout gâché. Tout en serrant les dents, je fais quelques pas à l'extérieur jusqu'à sa boîte aux lettres pour y mettre le tout, puis retourner chez moi. Je vais me réfugier dans les bras réconfortants de ma mère sans qu'elle sache pourquoi j'ai tant besoin de ce câlin. Je ne veux pas de cadeaux. Je ne veux pas d'excuses. Je veux juste pouvoir l'oublier. Mais il me rend la tâche de plus en plus difficile. Je vais devoir partir plus tôt que prévu. Il n’y a plus que cette ville que j’ai besoin de fuir.

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