Chapitre 12

Mon lit n'a jamais été aussi confortable. Je me réveille avec un mal de crâne affreux. C'est pourquoi je crains de sortir de mes draps pour faire face à la lumière et à la vie en générale. Je me sens toute patraque. Et le pire dans tout ça, c'est que je ne me souviens de rien. Enfin si, je me souviens être allée dans ce bar avec Tina, avoir parlé avec elle pendant quelques minutes, et ensuite plus rien. C'est le trou noir. J'ai beau essayer de me souvenir rien ne me vient. Qu'est-ce qui m'est arrivé ? Un bruit soudain dans le salon me fait sursauter et sortir des draps. Comment j'ai atterri chez moi ? Comment j'ai pu mettre mon pyjama ? Je ne suis pas seule ? Un nouveau bruit me le confirme. Je n'ai pas envie d'aller voir, je voudrais juste rester ici à tout jamais, dans mon lit bien douillet. Si seulement c'était possible. Je sors finalement du lit en grognant un peu, et en regardant furtivement par la porte, je vois dans la cuisine en train de préparer je ne sais quoi, un Dylan O’Brien très enjoué. On dirait qu'il vient de se réveiller aussi. Qu'est-ce qu'il fait là ? Pourquoi je ne me souviens de rien ? Il a dormi ici ? Est-ce qu'on aurait...non ça c'est impossible. Jamais ça n'arrivera. Je retourne m'asseoir sur mon lit en essayant de tout remettre dans l'ordre. Je me retrouve chez moi, après une soirée dont je n'ai aucun souvenir, avec un garçon à qui j'en veux énormément d'avoir disparu de ma vie. Rien qui m'aide à vrai dire. J'entends le vieillard siffler dans la cuisine. Ça m'avait manqué à vrai dire, cette petite habitude matinale de l'entendre siffler en cuisinant. Même si je ne pourrais rien avaler là maintenant. J'ai des nausées affreuses. Je vais bien devoir sortir à un moment ou à un autre. Je ne veux pas lui faire face, mais je dois savoir ce qui m'est arrivé. Alors après avoir repris une bonne dose de courage je sors de ma chambre. Dylan ne me remarque même pas. Il est trop occupé à faire sauter une crêpe. Je ne comprends pas pourquoi d'ailleurs, la table à manger et remplie de nourriture. Œufs, bacon, toast, pain perdu, jus de fruits maison. J'ai l'impression d'être à l'hôtel. Je croise le regard de Dylan uniquement lorsqu'il vient poser l'assiette de crêpes et le sucre sur la table en me souriant. Je souris légèrement devant son air d'enfant. Je dois bien avouer qu'il est adorable.

- C'est quoi tout ça ?
- C'est mon petit-déjeuner spécial : je suis désolé de m'être absenté pendant deux semaines sans donner signe de vie. Ps : je suis un connard.

Comment ne pas craquer devant ça ? Je sais qu'hier à la plage j'ai fait la dure mais je ne peux pas résister à Dylan O’Brien très longtemps. Et puis je suis toujours trop dans les vapes pour bouder. Je vais m'asseoir à table en riant.

- On dirait que tu as l'habitude de le faire ce petit-déjeuner. Je ne serais pas la première à qui tu fais le coup de la disparition Dylan O’Brien ?

Il paraît soulagé de m'entendre plaisanter et s'empresse de me rejoindre pour s'asseoir à côté de moi.

- Non voyons. Tu n'es que la onzième.

Je ris encore plus. Je suis heureuse de pouvoir rire à nouveau avec lui. Je veux retrouver cette complicité qu'on a perdu trop vite. En commençant par faire un effort pour manger ce qu'il a pris le temps de cuisiner pour moi, même si je n'ai pas vraiment d'appétit. C'est délicieux en plus. En tout cas les crêpes encore chaudes le sont. Je viens d'en engloutir une à la confiture quand je me tourne vers celui qui ne fait que me regarder depuis le début. Le coude posé sur la table, la tête posée sur la main, il me dévisage en souriant. Je déteste qu'on me regarde manger. À tous les coups j'ai de la confiture sur le menton ou quelque chose du genre.

- Je m'en suis mis partout hein ? demandé-je pour briser le silence pesant.
- J'ai entendu dire que la confiture était un très bon masque purifiant.
- La ferme.

Je le pousse en cherchant du regard une serviette, mais lorsque je me lève il attrape ma main pour me rasseoir. Je reste immobile quand il passe son pouce juste en dessous de mes lèvres. Il est délicat et précis. D'un geste, qui me provoque des frissons par milliers, il retire toute la confiture et la mange en me faisant un clin d'œil. Je déglutis péniblement en me retournant vers mon assiette. Ce garçon est trop déstabilisant. Après deux semaines à attendre désespérément son retour, ça me rend dingue qu'il le soit autant. Et puis d'ailleurs qu'est-ce qu'il fait là ? J'ai toujours besoin de réponses.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé hier soir au fait ? Je ne me souviens pas de grand chose.
- Oh rien de très important. Tu étais complètement bourrée et tu t'es mise à danser la macarena devant tout le monde. Je t'ai ramené ici pour que tu te reposes mais tu m'as sauté dessus et tu t'es endormie en m'embrassant. C'est la première fois que ça m'arrivait d'ailleurs.

Je manque de m'étouffer avec mon jus de fruit. Ça ne peut pas être vrai. Je n'ai pas fait tout ça. Je ne peux pas...qu'est-ce que j'ai fait merde ?! Pourquoi j'ai bu ?! Pourquoi je ne me souviens pas avoir bu autant ?! Dylan explose soudain de rire. Il...se moque ? Non. Il n'a pas fait ça. Il n'a pas osé !

- Si tu voyais ta tête mini-short.

Quel crétin ! Je donne un coup de poing dans son épaule qui le fait rire encore plus. Qu'est-ce qu'il est con parfois.

- Arrête de rire et dis-moi la vérité vieillard stupide !

Il reprend son sérieux très rapidement. Comme s'il s'apprêtait à m'annoncer quelque chose de grave. Et c'est le cas.

- Je ne voulais pas te le dire comme ça mais...je crois qu'on t'a droguée.

Comment...quoi ?

- C'est encore une blague ? Parce que si c'est le cas...
- Non Avery ce n'est pas une blague.

Alors là j'aurais préféré la première explication. Ma gorge se serre. Je ne peux définitivement plus rien avaler. Je ne peux pas croire ça. Et puis pourquoi je le croirais ?

- Comment ça tu crois ? Tu n'en es pas sûr ?
- Tu en avais en tout cas les symptômes. Généralement ce sont des types mal-intentionnés qui mettent cette drogue dans les verres des filles pour ensuite...enfin bref il a dû attendre que tu sortes mais s'est sûrement désisté quand il m'a vu te suivre.

Je n'arrive pas à y croire. Je ne veux même pas imaginer à quoi j'ai échappé. Ce qui se serait passé si Dylan n'avait pas été là.

- En tout cas tu as l'air de t'y connaître, constaté-je en m'obligeant à sourire comme pour détendre l'athmosphère.

Cette remarque a l'air de le crisper. Je n'aurais pas dû dire ça. Mais je suis en droit de savoir pourquoi il est si convaincu que c'était ça. Et pourquoi il ne m'a pas tout de suite emmenée à l'hôpital ou...je ne sais même plus ce que je dois penser de tout ça. Je suis juste fatiguée. Je ne veux pas m'attarder sur ce qui aurait pu se passer, le pire a été évité, plus de questions et de stress ne me servira à rien. Une autre question persiste pourtant. Sans rapport avec cette histoire mais qui me brûle trop la langue pour ne pas être posée. Moi et ma satanée curiosité !

- C'est toi qui m’as...déshabillée ?

Si je suis en pyjama, il a bien fallu qu'on me retire mes vêtements d'hier soir. Et si c'est Dylan qui s'en est chargé je crois que ça sera la goutte qui fait déborder le vase. Je suis déjà soulagée de m'en être sortie indemne si vraiment on m'a droguée, il ne manquerait plus que cet imbécile en ait profité pour se rincer l'œil.

- Non c'est Tina qui l'a fait. Je l'ai aussi amené ici, elle est partie tout à l'heure en bus.
- Je vois.

Je cache mon énorme soulagement pour ne pas passer pour une coincée. Heureusement que Tina était là. Ça veut aussi dire que je n'ai pas passé la nuit seule avec Dylan et que je pourrai toujours lui poser des questions sur la veille. Parce que rien n'est clair pour le moment et je n'ose pas interroger Dylan. Ce dernier pose sa main sur la mienne sans que je m'y attende. Mon regard se plonge dans le sien.

- Avery j'ai appris ce qui est arrivé pendant mon absence. Ta crise. J’aurais voulu être là, si tu savais à quel point je m’en veux.

Je sais qu'il s'en veut. Mais c'est du passé il ne peut rien changer, et je suis trop furieuse contre lui de ne pas avoir été présent pour poursuivre cette conversation qui selon moi n'a aucune raison d'être. Je retire ma main de la sienne en me levant pour mettre le jus de fruit dans le réfrigérateur.

- C'est réglé maintenant. Je vais mieux.

Tout mon être me supplie de ne pas continuer. De me mettre à genoux pour lui demander de rester ici pour toujours, de me protéger. Mais je ne peux pas m'écouter. Je dois aussi penser à lui et ne pas être égoïste. Il a une vie, il doit la vivre et arrêter de s'en faire pour la mienne.

- Tu n'as pas à rester ici Dylan. Je me débrouillerai toute seule à partir de maintenant.
- Tu crois ça ? Même après ce qui est arrivé au bar hier soir...
- Je ne remettrai plus jamais les pieds dans ce bar. Ni dans aucun autre si ça peut te convaincre de me laisser.

Je lui tourne le dos pour lui cacher la peine que ça me fait de le chasser. Mais il doit partir.

- J’aurais dû mieux faire attention à toi hier.

Et c’est là que des bribes de souvenirs me reviennent, il était au bar, avec des élèves de mon lycée. Et il discutait avec...

- Mais je ne crois pas que Kelly t’en aies beaucoup laissé l’occasion non, renchéri-je. Tu la connais non ? Je t'ai vu discuter avec elle hier soir.
- Ouais cette fille est complètement folle. Quand elle s'est jetée sur moi pour m'embrasser je...

La suite ne parvient pas à mes oreilles. Je suis trop choquée par la dernière phrase sortie de sa phrase pour l'écouter. Il vient de dire quoi là ? Je fais volte-face en le coupant dans son récit.

- Tu dis qu'elle t'a embrassé ?
- Ouais. Tina m'a dit que vous nous aviez vu et...

Il réalise son erreur beaucoup trop tard.

- Et évidemment tu ne t'en souvenais pas.

Il porte ses mains à son visage en soupirant. Je ne sais pas si je dois être furieuse, confuse ou amusée par la situation. Je ne me souviens pas de ce baiser. Heureusement. Je ne veux pas être hantée par cette image cauchemardesque pour le reste de ma vie. Par contre il va vraiment falloir que je parle avec Tina. Et que je chasse Dylan d'ici avant de changer d'avis.

- Dylan je te promets que tout ira bien. Au moindre problème je t'appellerai si tu veux. À condition que tu répondes.
- Ouch. Je l'ai mérité.
- Absolument.

Je m'appuie contre le comptoir en tentant de rester debout. Je devrais peut-être dormir encore un peu, ou juste m'allonger quelques minutes.

- De tout façon il ne reste pas beaucoup de temps avant les vacances de Noël et ma mère insiste pour que je vienne les passer à la maison. Alors on se reverra sûrement à ce moment-là. Je ne veux pas te retenir plus longtemps. Comme je te l’ai déjà dit je vais mieux, et si besoin mes voisins sont là, c’est pour ça que ma mère a bien voulu que je reste.

Il hésite, prêt à contester. Puis il finit par hocher la tête à ma très grande surprise. Il obtempère très vite, sans avoir essayé de me faire changer d'avis. Tant mieux je suppose. Ça rendra les choses plus faciles. Le téléphone me tire de mes pensées. Me poussant à marcher encore. Je vais répondre à moitié dans les vapes. Mauvais numéro. Je repose le téléphone au moment où Dylan se lève pour aller prendre ses affaires à côté du canapé. Qu'est-ce qu'il fait ?

- Tu t'en vas déjà ?
- Tu as dit que tu n'avais plus besoin de moi.
- Oui mais...enfin je...je pensais que tu resterais au moins aujourd'hui. Mais je ne te force à rien tu...
- Un film ça te dit ?

Son regard se moque de moi et en même temps j'ai la sensation que lui non plus ne voulait pas partir aussi vite. On passe donc la journée à regarder des vieux classiques. Au bout de quelques temps je m’endors contre lui. Trop épuisée pour lutter contre la fatigue. Et lorsque je me réveille au milieu de l'après-midi, je réalise qu'il a mis son bras autour de moi et qu'il s'est aussi assoupi. Je pourrais rester comme ça pendant encore des heures. Mais mon portable se met à vibrer dans ma poche. Malédiction ! C'est Tina qui tire Dylan de son profond sommeil en le poussant à se séparer de moi. Même si j'ai aussitôt raccroché, ça n'a pas suffi. Fini le rêve. Retour à la réalité. Il doit partir. Il se lève du canapé prêt à s'en aller, pourtant quelque chose me pousse à saisir son t-shirt pour l'empêcher de faire un pas de plus. Je le lâche dès que son regard étonné se pose sur moi. Je n'ai jamais été aussi gênée de ma vie. Mais je ne peux pas me retenir.

- Merci Dylan. Pour tout ce que tu as fait.
- Je n'ai rien fait du tout.
- Tu en as fait bien plus que tu ne le crois.

Il m'a fait tomber amoureuse. Ce que je pensais impossible. Il revient s'asseoir à mes côtés en arborant un air grave.

- Je peux te poser une question Avery ?
- Tant que je peux y répondre oui.
- Pourquoi tu ne rentres pas chez toi ? Qu'est-ce qui t'en empêche tant ?

Lui dire ? Garder ça pour moi ? À quoi bon ? Qu'est-ce que ça m'apportera de lui cacher ça ? Je dois en parler, je dois arrêter de tout intérioriser.

- À cause de mes parents. Ils sont en train de divorcer. Ça n'a jamais été très beau entre eux, je ne me souviens pas avoir eu une seule journée en famille normale en tout cas. Ça s’est empiré après ma dépression, ils se disputaient sans arrêt, et je les entendais déjà parler de divorce. Mais ils ont laissé traîner les choses jusqu'à cette année. Ils m'ont annoncé cette nouvelle en mai comme si je devais être étonnée. Je sais qu'ils attendaient que j'aie 18 ans pour le faire. Ils ne voulaient pas m'infliger la garde partagée. Mais en attendant je devais chaque jour les voir s'entretuer "pour mon bien".
- C'est pour ça que tu as voulu venir ici.
- Ouais. Mon père a profité que je ne sois plus là pour se trouver un appartement et laisser la maison à ma mère. Je préfère ça, c'est mieux pour eux.
- Et pour toi ?

Je ne me soucie pas vraiment de ce qui est bien pour moi. J'ai toujours eu tendance à me sacrifier pour les autres. Ça ne m'a pas apporté de bonnes choses pour le moment, à part peut-être...Dylan.

- Tant que mes parents sont heureux je le suis. Et ensemble ils ne le sont plus.

Dylan sourit encore, avec fierté et pas moquerie. Il caresse ma joue doucement avec son pouce.

- Ce qui m'importe moi c'est que toi tu sois heureuse.
- Pourquoi ?

Cette question me brûlait la langue. Je me suis toujours demandé pourquoi il était aussi gentil avec moi. Je ne suis pas exceptionnelle. Je ne suis pas une de ces bimbos plus âgées qu'il a l'habitude de fréquenter. Je ne suis rien. Alors pourquoi il tient tant à moi ? Il se relève en haussant les épaules et attrape son sac.

- Oh tu sais, je t'ai toujours considérée comme ma petite sœur, je suis obligé de veiller sur toi.

Waouh. C'est...waouh. Sa petite sœur. Jamais il n'avait dit ça, jamais je n'avais été aussi déçue et humiliée. Sa petite sœur ?! Alors pourquoi, pour l'amour du ciel, m'a-t-il embrassée ?! Il voulait me donner de faux espoirs ?! Quel imbécile ! Je vais le rejoindre devant la porte furieuse.

- Tu te fous de moi Dylan O’Brien ?! Ta petite sœur ?! C'est...tu es un crétin ! Un crétin vraiment très con et vraiment insupportable que je serais heureuse de ne plus jamais revoir !
- D’accord. Tu as fini ?

Il sourit cet imbécile ! Il se moque de ma réaction ! Il est fier et amusé de sa connerie ! Non mais je rêve ?!

- Non je n'ai pas fini !
- Franchement mini-short. Ce que tu peux être stupide parfois.

Tout ce qui suit arrive si vite. Ses bras m'entourent, ses mains m'attirent, ses lèvres m'embrassent. Ce second baiser est aussi inattendu que le premier. Je ne peux pas croire ce qui est en train de se passer. Pourtant je me laisse encore aller. Je l'embrasse en me collant un peu plus à lui. Je l'avais tant attendu ce baiser, j'en avais tant rêvé. Maintenant je sais. Je sais que ce n'est pas un adieu. C'est un simple au revoir, qui me poussera uniquement à attendre avec énormément d'impatience les retrouvailles. Je ne voulais pas rentrer chez moi pour Noël. J'avais tort. Maintenant je n'attends que ça.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top