Chapitre 28 - A s'en couper les doigts

Madeline


Ma mère venait de me déposer devant le portail en fer de la maison en brique rouge et beige de la rue Carnot à Senlis. La demeure de Théo était immense avec des grandes fenêtres blanches et un grand jardin derrière. Je saluais ma mère en la remerciant de m'avoir amenée jusqu'ici puis soufflais un grand coup avant de prendre la direction de la maison.

Elisa dévala les marches du porche tandis que j'ouvrais le portail.

— Maddy !

Elle me prit dans ses bras, visiblement heureuse de me retrouver.

— Salut ma beauté.

Je l'étreignais, contente de revoir cette boule d'énergie.

— Quel bonheur de te voir ici, Il commence à y avoir trop de mecs dans cette baraque ! me lança t-elle, rieuse.

Elle balança mon sac sur son épaule et m'invita à la suivre à l'intérieur. Il était encore tôt et David, Matt et Théo s'affairaient dans la cuisine avec la mère de ce dernier. Je saluais tout le monde et ne pouvait m'empêcher de contempler la magnifique cuisine aux meubles noirs et briques blanches. Petits fours, toasts et gâteaux apéro en tout genre recouvraient l'ilot central en bois franc.

— Merci d'être arrivée plus tôt, Madeline. Toutes les mains vont nous être utiles pour être prêts à temps ! me lança la mère de Théo.

— Avec plaisir, madame.

— Je t'en prie, appelle-moi Catherine.

— Je vais lui montrer sa chambre et où poser ses affaires et on vous rejoint, proposa Elisa.

Elle me fit faire un rapide tour du salon et monta à l'étage pour me montrer ma chambre pour la soirée.

— Les parents de Théo passent aussi la soirée avec nous. Ils ont invités des amis. Théo est super proche de sa famille, il est comme moi là dessus ! On doit être une cinquantaine ce soir, mine de rien, m'indiqua-t-elle, enjouée.

— Oh ok, je ne savais pas. C'est plutôt cool de partager ça avec sa famille. Mais du coup, ça va être assez... encadré comme soirée !

— Oh, ne parle pas trop vite, ses parents sont super cool. Ils ont préparé deux cocktails qui déchirent tout à l'heure. Tant qu'on ne retourne pas la maison, ils s'en foutent ! Bref. Tu auras cette chambre.

Elle ouvrit la troisième porte à droite et entra dans la pièce. Un grand lit à baldaquin dominait la chambre qui faisait face à la route.

— C'est immense ! Je partage la chambre avec qui ? Il y a beaucoup de gens qui dorment ici ce soir ? lui demandais-je, les yeux rivés sur la grandeur de la pièce.

— Pas grand monde, la plupart habite à Senlis ou Chantilly à côté. Les garçons dormiront dans la chambre de Léa, une des sœurs de Théo. Et après, on a prévu des matelas et sacs de couchage si vraiment certains ont besoin de dormir, mais c'est ta chambre pour toi toute seule, me dit-elle, fière.

— Un matelas me suffirait tu sais. Je m'en veux un peu de mobiliser une chambre si...

— Tu rigoles ? Il y a pleins de chambres ici et je n'ai même pas eu besoin d'insister, c'était évident que tu allais prendre la chambre de Paula.

Elle enchaina avant que je ne lui pose la question.

— C'est sa plus grande sœur, elle vit sa vie aux States. Donc tu ne dérangeras personne, me rassura-t-elle.

— Ok, bah merci, je suis contente alors, lui répondis-je en souriant.

— Montre-moi un peu tes tenues. J'ai tellement hâte de me préparer.

Je lui sortis les trois robes que j'avais pris, incapable de faire un choix. Une rouge au décolleté carré et manches trois-quart, une petite robe noire asymétrique courte et plutôt sexy et une dernière, portefeuille, en velours vert foncé.

— Whaou. Elles sont trop belles ! Je comprends le choix difficile.

Elle regarda sa montre et lança.

— On revient ici pour se préparer ensemble d'ici deux heures. Ça devrait le faire !

Je posais toutes mes affaires sur le lit et la suivit au rez-de-chaussée.


***

— Qu'est-ce qu'on peut faire pour vous aider ? demandais-je pleine d'entrain à la mère de Théo, en train de couper le foie gras en tranches.

Elle regarda par la fenêtre et interpella les garçons dans la cuisine.

— Les gars, vous pourriez peut-être aller aider Edgar et Pat à monter le barnum dehors, ils ont vraiment l'air d'avoir besoin d'aide. Les filles, vous n'avez qu'à prendre le relais. Il faut mettre les gâteaux apéro dans des bols et couper le saucisson.

Mon ventre se tordit en l'entendant prononcer son prénom. Je n'avais presque pas eu de nouvelles des vacances. Comme personne ne savait qu'on se parlait, il avait été impossible pour moi de me renseigner auprès d'Elisa ou Théo, pour savoir comment Edgar occupait les siennes, vu qu'il ne me répondait pas.

Mes vacances à moi avaient été terrible. Comme je l'avais annoncé à Elisa, la veille de Noël j'étais chez mon père, à regarder la télé et boire du champagne pour accompagner les toasts au foie gras. Lui qui adorait cuisiner avant, avait perdu toute sa passion à mesure que le temps passait, même s'il essayait tout de même de faire des efforts quand j'étais là. Je lui avais donc offert un beau tablier pour remplacer son actuel, dans un piteux état, espérant que la flamme reprendrait. L'avenir nous le dirait.

Il m'avait fait un chèque. C'était toujours sans surprise avec lui. Au moins, il ne s'embêtait pas et j'étais rarement déçue.

Le lendemain s'était passé chez ma mère, avec Fred, ma grand-mère Line et le nouveau compagnon de celle-ci. Pleine de vie, j'avais beaucoup d'estime pour ma grand-mère qui avait toujours été un pilier pour ma mère. La journée avait été plus agréable et vivante que la veille, je m'entendais bien avec mon futur beau-père, et c'était plaisant de voir cette partie de ma famille heureuse.

J'avais encore eu de l'argent par Line, tandis que ma mère m'avait offert un appareil photo reflex, « pour capturer mes instants de vie parisienne » m'avait-elle dit. J'eue l'air un peu nulle avec mes bougies en guise de cadeau.


C'était le soir du 25 décembre que j'avais enfin reçu un message d'Edgar.

« Joyeux Noël, princesse. E »

Je m'étais empressée de lui souhaiter la même chose, mais n'avais jamais eu de réponse. Mes pauvres « Salut, ça va ? » étaient tous restés sans réponses. J'en avais regretté de m'être confiée à lui. Mes vacances avaient été accompagnées de doutes et incertitudes. N'étais-ce qu'un fantasme adolescent ? Est-ce que cette situation valait vraiment la peine d'être vécue ? Est-ce qu'il était vraiment intéressé par moi, ou n'étais-je qu'un passe-temps dans sa vie ?

Noé, que j'avais vu quelques jours après Noël m'avait conseillé de ne plus lui écrire et de voir ce qui allait se passer au nouvel an.

Aujourd'hui, donc. Nous y étions.

Un mur nous séparait et j'étais au bord de l'implosion.

Alors que j'étais en pleine réflexion sur ma semaine passée, il entra dans la cuisine.

— Cette tente est un vrai bordel, Cat. Il faut que je me lave les mains, c'est franchement dégueulasse.

Il s'arrêta sur le seuil de la baie vitrée, me regarda et enchaina.

— Et bien, il y a du monde dans cette cuisine. Salut Mad.

Je le saluais timidement et me reconcentrais sur le saucisson en face de moi.

— C'est gentil d'être rentré à temps pour passer la nouvelle année avec nous, en tout cas ! lui lança Catherine alors qu'il se dirigeait vers le lavabo.

— Tu sais bien que je n'aurai pas raté cette soirée, Cat.

­— Tu n'as pas réussi à nous ramener une petite anglaise ? lui demanda-t-elle en faisant semblant d'être déçue. Ce serait bien que tu viennes avec quelqu'un, un de ces jours.

— Tu me connais, les anglaises sont mignonnes mais un peu trop dévergondées pour moi ! lui répondit-il hilare.

Donc il avait passé ses vacances en Angleterre ? Je tremblais tellement que le couteau ripa et m'entailla profondément le pouce au niveau de l'ongle.

Je poussais un cri et tout le monde arrêta de rire pour me regarder.

Je pris immédiatement mon pouce dans mon autre main pour appuyer sur la plaie, et du sang coulait maintenant partout sur mes doigts.

— Merde, merde, merde. Je suis vraiment désolée.

— Viens là ma chérie, passe vite ton doigt sous l'eau. J'aurais dû te prévenir que le couteau coupait fort. 

Catherine sembla fort embêtée mais ce n'était pas de sa faute.

Edgar se décala mal à l'aise pour me laisser accéder à l'évier et Catherine enchaina.

— Edgar, va là-haut me chercher ma trousse à pharmacie dans ma salle de bain, s'il te plait mon chéri. Elisa, peux-tu prendre l'éponge qui est en dessous et essuyer le sang par terre, s'il te plait ? C'est un vrai Petit Poucet cette Madeline, déclara t-elle pour détendre l'atmosphère.

Il revint cinq minutes plus tard, la boite dans les mains.

— Je vais avoir besoin de toi, Edgar, commença-t-elle. Tiens, prend sa main.

Pourquoi fallait-elle qu'elle lui demande à lui de l'assister ?

Elle lui tendit ma main tremblante.

— Tu trembles, Madeline. Ça va ?

Son contact n'arrangeait pas mon état. Mon cœur battait la chamade tandis que le sang affluait toujours sur mes doigts. J'évitais de le regarder, boudant encore sa disparition.

— Ça ne s'arrête pas de saigner ! dis-je d'une voix aussi tremblante que ma main.

— C'est normal qu'elle tremble un peu, elle est légèrement sous le choc, nous indiqua la mère de famille.

Catherine revint vers nous avec le matériel adéquat et commença à me soigner.

— Tiens bien sa main comme ça Edgar, voilà... Parfait ! Je vais te mettre des strips autocollantes, parce que c'est assez profond mais plutôt superficiel, ne t'inquiète pas, continua-t-elle.

Elle me désinfecta la plaie et je grimaçais.

— Outch.

Edgar resserra alors sa main dans la mienne.

— Encore un petit effort, princesse, chuchota-t-il.

Je lui en voulais toujours pour son silence, mais sentir la chaleur de ses mains sur la mienne, son souffle caresser mes joues de par sa proximité, et ses yeux aussi bleus que le ciel me dévisager, ne m'aidait pas à garder ma colère. Heureusement que nous n'étions pas seuls, Elisa tiqua finalement à côté de moi, car mes joues aussi rouges que les ongles de Catherine, commençaient à me trahir. La mère de Théo mit fin à ce supplice intérieur en un rien de temps, et je repris rapidement possession de ma main sans un regard vers Edgar.

— Et voilà ! Je vais juste te mettre un bout de sparadrap autour de tout ça et le tour sera joué ! finalisa-t-elle.

— Merci beaucoup Catherine, vous êtes médecin ? la questionnais-je, sincèrement intriguée.

— Houla non, ria-t-elle, j'ai juste eu cinq enfants !

Tout le monde l'accompagna dans sa bonne humeur avant de se remettre à sa tâche.

— Si tu veux bien, je vais m'occuper du saucisson, lança Edgar en s'emparant du couteau.

Il chercha mon regard, mais je ne lui offris qu'un coup d'oeil vif, suivi d'un hochement de tête. 

Après tout, il ne méritait pas ma considération.


Les garçons rentrèrent à l'intérieur après avoir installé le barnum et les braseros, et je fis la connaissance du père de Théo, Patrice. Sa famille était incroyable. Il y a avait tant d'amour qui ressortait d'eux qu'on ne pouvait que les aimer en retour.

Arrivant à la fin des préparatifs, Catherine nous donna le feu vert pour aller se préparer. 

Les choses sérieuses allaient commencer !


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