Chapitre 17 - Accro et Sado
Edgar
Elle m'avait laissé en plan en plein milieu de la rue. Elle n'avait pas voulu comprendre, mais je savais que je l'avais blessée. A vrai dire, toute personne censée aurait été blessée par mes propos. Mais n'étais-ce pas le but de toute cette merde ? Finalement, je n'en étais plus trop sûr et je m'en voulais.
Je la dégoutais, mais je me dégoutais aussi. Ce n'était pas comme ça qu'on m'avait appris à traiter les femmes, mais au pied du mur, je prenais souvent les pires décisions.
C'était la meilleure pour elle, pourtant.
La situation que j'avais tant redouté depuis quelques semaines venait de chambouler le vide intersidéral de mon être. Je n'aurais jamais dû la ramener chez moi, je n'aurais jamais dû lui faire l'amour, je lui avais fait entrevoir un potentiel inexistant chez moi.
Je vissais mes écouteurs sur les oreilles et rentrais chez moi, non sans shooter dans une poubelle sur mon passage, renversant son contenu sur le sol inondé.
La pluie me vidait la tête. J'arrivais rincé à l'appartement dix minutes plus tard et filais sous la douche.
Tu me dégoutes.
Ses mots raisonnaient en moi depuis que je l'avais quittée et ça m'atteignait bien plus que je ne le laissais paraître. L'eau chaude lavait mes sales paroles. J'avais osé lui sortir la pire phrase. « Restons amis », alors que je ne voulais même pas être son ami.
Je voulais bien plus.
La connaître, entrevoir ses joies et ses peines, l'entendre jouer du piano pour moi, découvrir sa vie, ses manies, ses envies, la toucher, goûter à son bonheur... Je voulais tout savoir et tout comprendre d'elle. Mais j'étais au pied de ce mur que j'avais construit depuis tant d'années.
Je prenais quelques minutes pour m'observer dans le miroir, et ce que je voyais me dégoutait.
Elle avait raison.
Ma mère n'allait pas tarder à rentrer et je voulais la surprendre en préparant le diner. Elle n'était presque jamais là, alors ça me faisait plaisir de la retrouver.
Je fis mijoter le roastbeef qu'elle avait ramené la veille, avec du thym, du miel et de la moutarde et des petites pommes de terre autour. La table était mise et l'odeur commençait à envahir la pièce. Je m'installais derrière le piano en attendant qu'elle rentre.
Vingt heures. Toujours pas là. Je m'allumais une cigarette et continuais un moment à parfaire la Sonate de ce vieux Beethoven.
Je me levais à la fin du morceau et cherchais mon téléphone dans l'appart. J'avais raté un appel de ma mère. Messagerie.
« — Salut mon lapin. Tu ne devineras jamais, Eric à sorti le grand jeu ! Il est venu me chercher et m'emmène diner. Je ne rentrerai pas ! Bonne soirée mon lapin. »
Je balançais mon téléphone à travers la pièce.
Putain.
Je traversais le salon pour ramasser l'appareil gisant à côté du canapé. Heureusement, le fauteuil avait amorti la chute et il n'était pas cassé.
J'avais plusieurs sms. La discussion de groupe avec les mecs, et Ben qui m'envoyait des photos.
« Continue, je veux en savoir plus. » répondis-je à ce dernier.
J'avais hésité à appuyer sur le bouton, mais rien à faire, ma curiosité l'emportait sur ma raison. J'étais fou, j'étais foutu.
J'invitais les mecs à l'appart dans la foulée et ils débarquèrent dans la demi-heure suivante.
— Je savais pas que tu cuisinais comme ça, Edgar. Je me régale ! déclara Matt au bout d'un moment.
On mangeait devant la télé où la console était branchée. Une vraie soirée mec.
— Profite frère, c'est pas près de recommencer, lui répondis-je la bouche pleine.
Aucun des garçons n'était au courant pour Madeline et moi. Théo avait des doutes et essayait toujours de me cuisiner, mais je ne comptais pas lui dire. Il n'y avait plus rien à dire, de toute façon. Et il était beaucoup trop proche d'Elisa.
Je ne voulais pas penser à elle. Mais je ne pensais qu'à elle. Et Théo voyait bien que ça n'allait pas.
Que faisait-elle ce soir ? L'avais-je fais pleurer ? Me détestait-elle réellement ? Ou avait-elle dit toutes ces choses pour essayer de me blesser autant que je la heurtais ?
— Mec, tu veux me parler d'un truc ?
Théo était comme mon frère. Il me sortit de ma rêverie et je le regardais me sonder. Mon frère, donc. Ma famille de substitution. Ma famille tout court, en fait. Il me connaissait mieux que personne et savait quand quelque chose me tracassait.
— Rien mec. C'est juste ma mère, je pensais qu'elle resterait plus longtemps.
— Vaste sujet ta mère, Edgar. Je ne compte plus les fois où on a pu en discuter.
— Tu vois, je crois qu'on a atteint notre quota entre nous. Elle s'est tellement occupée de moi, je me suis tellement occupé d'elle que je pense qu'on est à bout. Elle peut plus me voir, j'peux plus la voir. C'est triste, mec.
Je m'allumais une clope sur ces paroles et divaguais vers mes pensées les plus sombres.
— Ça reviendra mon bro. Il n'y a que ça ? T'es sûr ?
— Qu'est-ce que tu veux me faire dire Théo ?
— T'as pas un peu merdé avec la petite Madeline ?
— J'ai pas envie de parler de ça. Tu n'imagines même pas l'histoire.
— Tu m'en parleras quand tu seras prêt.
Je me levais pour débarrasser et chargeais tout dans le lave-vaisselle. Je ramenais la bouteille de Vodka dans le salon et nous servis des shoots.
— Vous pouvez dormir là les gars, comme d'hab. La soirée va être longue.
***
Le lendemain fut difficile. L'alcool m'avait donné une bonne raison de dormir mais aussi une belle barre dans le crâne au réveil.
Les gars avaient tous dormi là et se réveillaient progressivement. Deux dans la chambre de ma mère, deux dans le salon et Théo et moi dans ma chambre. J'installa le petit déjeuner et ils arrivèrent au fur et à mesure autour de la grande table de la salle à manger.
Nous partîmes ensemble vers l'école à 15 minutes à pied. On habitait tous dans le coin. Les Batignolles était un peu le nouveau marais à Paris.
The new place to be.
J'aperçu Madeline dans la journée, elle avait l'air triste et avait détourné le regard dès qu'elle m'avait vu.
C'était comme ça depuis deux semaines. Plus de bonjour. Elle n'accompagnait plus Elisa. Elle ne restait à l'école que pour respecter les heures de cours. Elle s'effaçait dans le froid de l'hiver et ne rayonnait plus comme à son arrivée. Le soleil avait fait place à la grisaille, dans Paris, mais aussi dans son esprit.
J'avais choisi la facilité. Julia m'avait remis le grappin dessus et je m'étais laissé faire.
J'étais dans la case "putain de connard" depuis pas mal de temps. Je ne risquais pas d'en sortir de sitôt.
Julia était accro, presque sado. Et quand elle m'embrassait, je ne voyais qu'elle :
Madeline.
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