Chapitre 13 - La nuit lumineuse
Edgar
Julia était complètement soûle. Ça ne lui ressemblait tellement pas.
Elle, qui était tout le temps dans le contrôle de son image, s'était complètement lâchée ce soir. Qu'est-ce qu'elle voulait me prouver ? Qu'elle était aussi cool que moi ? Qu'elle savait aussi faire la fête, et pas seulement la tête ? Elle m'avait sortie toutes les vacheries possibles et imaginables lorsque j'étais allé la coucher, pour finalement me supplier de rester la baiser. Ses mots. Hors de question de la laisser partir d'ici dans cet état, et bien évidemment hors de question d'abuser d'elle comme ça. Demain, cette soirée ne sera plus qu'un lointain souvenir pour elle. Ce soir, j'allais prendre mes distances pour de bon. A quoi bon ? Ça ne matchait pas et elle me posait trop de questions. Au fond, je savais que c'était de ma faute si elle s'était mis une murge ce soir. Elle était amoureuse, et c'était la limite qu'on s'était interdit de franchir, alors j'allais mettre fin à ce qu'on n'avait jamais commencé.
Elle avait enfin senti le vent de la concurrence, avec Madeline, et elle était tout bonnement jalouse de la jolie brune. Pourtant elle ne savait rien de ce qui se passait.
Pourquoi est-ce qu'on s'attachait autant ? Ça ne valait tellement pas la peine. Tout disparaissait. Tout le temps.
M'assurant que Julia était bien en train de dormir (au bout d'une plombe) et qu'elle avait tout ce qui lui fallait, j'allais pouvoir me reconcentrer sur Madeline. Cette aura qu'elle possédait ne me laissait tout bonnement pas assez longtemps indifférent.
Je l'avais laissée entre de bonnes mains. Elisa ne la laisserait pas, elles étaient comme cul et chemises, les deux.
Je refermai délicatement la porte derrière moi et longeai le couloir de ma démarche sûre, me rapprochant de la musique dans le salon. Je réveillai au passage quelques connaissances jonchant le sol et les intimait d'aller se coucher dans la chambre du fond. Pas celle où dormait paisiblement Julia, mais celle d'après. Pablo avait un grand lit, et il se démerderait avec ses potes.
Elisa était complètement à l'ouest, à côté du canapé. Elle dansait devant Théo affalé sur ce dernier, son joint à la bouche. Je lui avais déjà dit de ralentir sur ces merdes, mais rien à faire, et maintenant, il entraînait Elisa dans le même déclin. En même temps, aujourd'hui on pouvait s'en procurer facilement. C'était comme aller chercher du pain à la boulangerie, alors son addiction n'allait pas s'effacer de sitôt.
Je jetai un œil rapide dans la pièce, pas de Madeline en vue.
Je passai dans la cuisine, tambourinai aux toilettes occupées par cette abrutie de Manon en train de gerber... Toujours pas de signe de Madeline.
Je regagnai le salon et filai droit sur Elisa.
— Elle est où Madeline ?
— Partie.
— Comment ça, elle est partie ? Avec qui ?
— Bah toute seule, elle est partie super vite.
— Et toi, tu l'as laissée faire ?
— Qu'est-ce que tu veux que je lui dise, j'suis pas sa mère !
— T'es vraiment trop c...
Je m'étais retenu parce que Théo venait de se lever et si j'insultais sa meuf devant lui, il serait capable de m'en foutre une. Même à trois mille dans les nuages.
— Désolée Edgar. Elle a dû commander un Uber. Franchement j'en sais rien. Elle n'est pas débile. Et puis qu'est-ce que t'en as à faire ? Tu joues simplement avec elle. D'ailleurs je sais pas à quoi tu joues mais fait gaffe à ton cul, j'te surveille.
Elisa essayait d'être menaçante avec son petit doigt pointé sur mon torse, ses yeux rouges et sa bouche toute pâteuse.
Quelle conne. Elle ne savait rien de moi ou de mes intentions. Je cachais néanmoins la gêne qu'elle venait de me procurer et me recentrais sur mon objectif.
Une chose était sûre, à Paris, la nuit n'était sûre pour personne. Surtout une nana comme Madeline, habituée à son train-train provincial.
— Elle est partie quand ?
— Je sais pas, y'a cinq minutes ? Peut-être dix ?
Sans réfléchir je courus vers la porte d'entrée, chopai ma veste accrochée derrière la porte et dévalai les escaliers. Avec un peu de chance, peut-être qu'elle serait encore en bas. Sans vraiment savoir ce que je comptais lui dire si tel était le cas, je ne ralentis pas ma course pour autant. Je lui devais au moins des excuses. Voilà. On allait en rester là, mais ma conscience n'en serait que plus tranquille.
Le bip de la porte retenti, et elle s'ouvrit trop lentement à mon goût. Je sortis, seul dans la nuit fraiche et humide.
— Putain ! Elle est où ? Fais chier ! criai-je en tapant le pied dans un canette jonchant le sol.
Je me retrouvai à gueuler dans la rue, persuadé au fond de moi qu'elle ne serait pas partie, et en venait à être presque déçu de ne pas l'avoir revue.
Je m'attendais vraiment à la retrouver devant la porte à attendre sagement son chauffeur, mais la réalité était tout autre. De toute façon, aurais-je eu l'envie de lui dire de ne plus m'approcher alors que je rêvais de l'inverse ? La tête dans un étau à force de trop penser, j'allais rentrer bredouille et trempé avant de la trouver affalée sur le muret. Je ne l'avais pas vue avec la porte.
— Madeline !
Je me rapprochai d'elle d'un pas et touchai d'un geste inconscient son cou, cherchant un pouls m'attestant qu'elle était bien encore en vie. Sa tête lourde tombait sur le côté et un éclair de panique traversa mes traits. Avec tout ce qu'elle avait ingurgité ce soir, elle pouvait vraisemblablement être à la limite du coma, mais ce n'était pas le cas, elle était juste putain en train de dormir et elle était trempée.
Rassuré, je lui passai ma veste en plus de son manteau autour des épaules, et commençai à la réveiller en secouant doucement ses épaules.
— Edgar ? me demanda-t-elle dans un souffle si bas, que si je n'étais pas aussi près de sa bouche, je n'aurais entendu.
— Oui, je te ramène, la rassurai-je.
— J'ai pas besoin de toi, me répondit-elle en tournant la tête de l'autre côté, et refermant les yeux.
— Ce n'était pas une question, lui dis-je en la soulevant du bord de l'immeuble.
Comme une apparition, la lumière verte d'un taxi venant de prendre la rue s'avançait vers nous. Je le hélai et la fourrai sans difficulté dans le taxi avec moi.
Je ne savais pas ce que je foutais, mais je fonçai droit dans le mur que j'essayais de dresser quelques minutes auparavant.
Toujours les yeux fermés, elle se mit à claquer des dents à côté de moi, mais je n'osai la toucher.
— Pouvez-vous augmenter le chauffage, s'il vous plait ? demandais-je poliment au chauffeur.
Il s'exécuta tandis que Madeline se repositionnait dans son siège en cuir pour être plus à l'aise.
Elle semblait bien même si je ne comprenais rien à son charabia quand elle ouvrait la bouche.
Le plus sûr allait être de la ramener chez moi. Je ne connaissais pas ses codes d'immeubles, et ne comptais pas la fouiller pour tenter de trouver ses clés. Si elle restait dans cet état, il était plus prudent que je choisisse la sûreté de mon appartement. Tout se chamboulait dans ma tête.
Ma mère ne devait de toute manière pas être dans les parages. Ça faisait bien longtemps que je ne l'avais pas aperçue d'ailleurs. Tant qu'elle était heureuse...
— Vous ne m'avez toujours pas dit où on allait..., me demanda le chauffeur légèrement agacé de m'attendre dans mes réflexions.
— On va rue de Levis. Vous nous déposerez à l'angle de la rue Legendre. Ce sera parfait, lui ordonnai-je, tandis que je repositionnais correctement ma veste sur les épaules de Madeline.
Elle s'était finalement endormie paisiblement à côté de moi. Ses traits étaient apaisés et sa respiration régulière. Je touchai sa joue légèrement rosie par le froid hivernal qui s'installait et essuyai une goutte de pluie qui commençait à couler vers son cou.
A mesure que le taxi filait dans la nuit, les barrières érigées contre le mur censé gérer ma défense s'effritaient légèrement. J'étais allé trop loin pour faire demi-tour, mais au fond de moi, je ne voulais pas revenir en arrière. Pour son plus grand bonheur, la nuit n'était jamais totalement noire à Paris, cette lumière permanente me permettait de ne pas totalement sombrer dans la folie. Car fou, ça oui, je l'étais.
Mais qu'est-ce que je foutais...
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Et voilà un nouveau chapitre réécrit !
Plus étoffé, on rentre un peu plus dans les pensées d'Edgar. La dualité permanente qui l'accable, ses choix, ses décisions...
Il a constamment l'impression de faire les mauvais choix alors qu'il vient clairement de sauver la nuit de Madeline.
A suivre...
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