Séoul est nimbée d'une lumière rosée alors que le soleil entame sa course vers le zénith. Les gens se hâtent vers leurs lieux de travail, les mains bien cachées au fond de leurs poches et le regard perdu devant eux. On dirait des zombies. Le début d'année est rude pour tout le monde et le froid ne semble jamais vouloir laisser un instant de répit à la population.

Hyunjin a mal aux doigts. Il a mal au ventre aussi. Et puis sa vision est floue. Il claque des dents, ses genoux sont ramenés sous son menton et ils les serrent contre lui faiblement. Il a les fesses mouillés, c'est pas agréable. Ses joues le brûlent.

Il pleure ?

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Le ciel est blanc de nuages remplient de neige. Hyunjin ouvre les yeux lorsqu'il sent quelque chose glisser autour de son cou. Quelque chose de doux, de chaud. Il y a une silhouette floue devant lui qui arrange l'écharpe beige autour de lui.

« Minho ? »

La voix de Hyunjin est rocailleuse et le prénom qui s'est échappé de ses lèvres craquelées lui a fait mal à la gorge.

« Minho, je-

- Chut, calme toi. »

L'autre voix est basse, douce. Elle lui fait l'effet d'une caresse. Il sent une main passer dans son cou et son corps chuter contre un torse dont la chaleur se propage à l'intérieur de lui.

« Je suis là, Hyunjin. T'es plus tout seul. »

Son corps lui fait toujours mal, mais la douleur paraît moins vive alors que son cœur se réchauffe peu à peu.

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À plusieurs kilomètres de là, Chan respire profondément pour calmer les battements de son cœur. Il faut qu'il reste calme. Le médecin qu'il a eu au téléphone a parlé d'overdose, d'hypothermie, de suspicions de dépression. Des gros mots qui lui ont fait peur. Il est devenu blanc comme la neige qu'on voyait tomber par la fenêtre du studio. Alors il a attrapé ses clés et est partit sans même un au revoir. Et depuis il se force à respirer calmement en tapotant distraitement sur le volant.

Chan n'aime pas l'hôpital. Ça sent le désinfectant, les gens sont tristes, le personnel est débordé et la décoration est inexistante.

Il entre dans la salle d'attente et repère rapidement un homme aux cheveux noirs qui a les coudes posés sur les genoux et la tête dans les mains. Sa jambe tressaute, symptôme visible de son mal-être inconscient.

« Minho. » souffle Chan en s'asseyant à côté de lui sur les chaises inconfortables en plastique bleu.

Le brun relève la tête, les yeux brillants et serre entre ses doigts la main que Chan lui tend.

« Comment est-ce qu'on a pu laisser les choses dégénérer comme ça ? lui demande-t-il d'une voix étranglée.

- C'est pas de notre faute, Minho.

- Ah oui ? Et toutes les fois où il nous a dit qu'il n'en pouvait plus et où on ne l'a même pas pris au sérieux, ça compte pour du beurre ?

- Minho...

- Te fatigue pas, Chan. Si nous ne sommes pas responsables du gros du problème, nous le sommes de son aggravement. On aurait dû faire quelque chose et rien de ce que tu pourras me dire me fera changer d'avis. »

Chan déglutit. Minho a raison, évidemment. Rare sont les fois où il a tort. Minho n'aime pas les discussions futiles et sans intérêt. Il n'aime pas parler pour ne rien dire alors ses réflexions sont toujours réfléchies. Ce qu'il vient de dire - malgré la douleur que cela peut provoquer - est criant de vérité. Alors Chan ne dit rien et se contente de serrer plus fort la main de Minho dans la sienne.

« Comment il était ?

- Frigorifié, souffle Minho. Complètement hagard aussi. Il a mis cinq minutes avant de me reconnaître.

- T'as parlé avec les médecins ?

- Ils ne m'en ont pas plus dit qu'à toi au téléphone. »

Le silence reprend place entre eux et Minho passe ses mains sur son visage pour tenter de reprendre contenance mais abandonne rapidement et laisse tomber sa tête sur l'épaule de Chan. Leurs mains ne se sont pas lâchées.

« Ça va aller, » murmure Chan en posant sa main libre sur le genoux de Minho qui cesse de trembler.

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Ils ont attendus un moment avant qu'une femme en blouse blanche n'appelle la famille de Hwang Hyunjin. Ils se sont redressés vivement et la femme les a observé avec suspicion. Il a fallu toute l'éloquence de Chan pour la convaincre que, si, si, ce sont bien eux, la famille de Hwang Hyunjin.

« Il est extrêmement diminué, leur dit la femme en les guidant à travers les couloirs, jetant un coup d'œil de temps en temps à sa plaquette pour vérifier une information qu'elle leur donne. Le froid a atteint ses fonctions vitales, et cela associé aux effets de l'overdose, et bien... Ça aurait pu être fatal. Si vous l'aviez trouvé ne serait-ce qu'une heure plus tard nous n'aurions peut-être pas pu le sauver. »

Chan serre la main de Minho avec reconnaissance. Minho serre sa mâchoire avec tristesse. Le poid du "et si" plane au-dessus de leur tête comme une épée de Damoclès.

« Je vous laisse avec lui. Je préfère vous prévenir qu'il est encore très faible. Il s'est réveillé il y a une heure et n'a pas prononcé un mot depuis. »

Chan la remercie du bout des lèvres et caresse doucement le dos de Minho qui fixe la porte blanche qui mène à la chambre comme si elle allait lui fournir les réponses à toutes ses questions.

« On y va ? » lui demande Chan à mi-voix.

Minho pivote sur ses talons, passe une main dans son cou pour l'attirer contre lui et l'embrasse du bout des lèvres rapidement.

« Pour le courage, » dit-il faiblement face au regard interrogateur de Chan.

Alors ils lient leurs mains une fois de plus et entre dans la pièce.

Hyunjin est assis dans le lit, le teint cireux et le regard perdu vers l'extérieur par la fenêtre de la chambre. Ses bras maigres sont posés sur le drap et une perfusion s'échappe de l'un d'eux. On dirait le fantôme de lui-même.

Il tourne la tête en les entendant entrer et se mord la lèvre lorsque son regard de pose sur eux. Il baisse rapidement les yeux vers ses mains posées sur ses cuisses. Chan croit entendre son propre cœur se briser lorsque quelques larmes s'échappent des yeux sombres de Hyunjin. Minho lâche alors sa main et le pousse doucement dans sa direction. Le plus vieux du trio s'assoit à côté de Hyunjin qui continue de pleurer silencieusement. Il l'appelle d'une voix douce. Les sanglots s'intensifient. Chan jette un regard perdu à Minho qui pince ses lèvres et qui contourne le lit pour s'asseoir de l'autre côté. D'une poigne douce mais ferme, il vient poser ses mains sur les joues mouillées de Hyunjin et redresse son visage pour qu'il fasse face au sien. Leurs regards se rencontrent et celui humide de Hyunjin se perd dans celui profond de Minho. Chan les regarde, l'air perdu. Et son souffle se coupe en même temps que celui de Hyunjin lorsque Minho pose ses lèvres sur celle de ce dernier, lui arrachant un hoquet de surprise.

Les lèvres de Hyunjin se sont mises à bouger par automatisme. Il a fermé les yeux. La douceur que lui prodigue Minho par son baiser est inhabituelle. Lui qui n'apprécie pas vraiment les effusions inutiles se contente généralement d'un petit smack plaqué à la va-vite ou, lorsque la situation fait que, de long baisers enflammés. Mais là... là il embrasse Hyunjin avec une douceur inégalable. Ses doigts n'ont pas bougé de ses joues et il se contente désormais d'exercer une légère pression dessus, l'air de dire "je suis là, je ne te lâche pas".

Même lorsqu'ils finissent par rompre le contact, par manque d'air, ils ne se lâchent pas tout de suite et leur front se collent, leurs soufflent se mélangent. Hyunjin tourne finalement le regard vers Chan qui les a observé s'embrasser sans rien dire.

« Je pense que Hyunjin a besoin d'un peu de contact de ta part également, » dit doucement Minho en direction de l'aîné qui sourit légèrement avant de l'embrasser à son tour.

Hyunjin sent la peur qui coule dans les veines de Chan alors que leurs lèvres se pressent l'une contre l'autre. C'est moins doux qu'avec Minho, plus brouillon.

« Je suis désolé que vous aillez à vous inquiéter autant. » murmure Hyunjin contre les lèvres de Chan, les yeux fermés.

Il s'éloigne un peu et jette un regard fuyant à Minho avant de baisser la tête. Minho et Chan s'échangent un regard triste et d'un commun accord, viennent prendre Hyunjin dans leur bras.

« Nous aussi on est désolé, souffle Chan.

- On aurait dû mieux t'écouter et te prendre au sérieux. »

Hyunjin ne répond rien. Ça fait longtemps qu'ils ont arrêté d'essayer de minimiser les excuses qu'ils se font. Ils ont également arrêté de s'excuser pour rien. S'ils s'excusent c'est qu'ils croient vraiment en leur faute. Ce n'est plus un automatisme ou un moyen de se dédouaner face à leurs fautes.

« Qu'est-ce qu'il s'est passé, Hyunjin ? demande alors Minho en s'écartant légèrement tandis que Chan resserre ses bras autour du corps frêle du blond.

- Je... Je crois que. »

Hyunjin fait une pause. Inspire. Expire.

« Je crois que j'ai voulu mourir. »

La violence de la révélation aurait eu de quoi les mettre à terre s'ils ne s'y étaient pas préparés. Mais c'est une chose de s'y attendre, s'en est une autre de l'entendre vraiment, qui plus est de la bouche de la personne qu'on aime.

« C'est de la faute de ton manager, n'est-ce pas ? »

Il aura tenté de rester calme. Vraiment il a essayé. Mais les exercices de respiration n'ont finalement pas suffit et la colère pointe dans la voix de Chan. Hyunjin sait qu'il ne sert à rien de mentir alors il hoche la tête faiblement et Chan se détache de lui pour se lever. La fureur le consume. Il faut qu'il se calme. Il faut qu'il se calme. Il faut que-

« Il est au courant que je suis ici ? demande Hyunjin d'une petite voix et Minho secoue la tête.

- J'ai demandé expressément que seul Chan soit mis au courant.

- Et...

- Et j'ai vérifié que personne ne fasse fuiter l'information sur ta présence dans cet hôpital.

- Merci Minho. »

Mais Minho secoue la tête.

« Tu n'as pas besoin de me remercier. »

Il se rapproche de Hyunjin et se cale contre la tête de lit pour le prendre dans ses bras.

« On fait quoi ? demande alors Chan, les bras croisés sur sa poitrine et le regard dur.

- Je vais arrêter le mannequinât. »

Un silence suit la déclaration de Hyunjin et Minho le serre un peu plus contre lui.

« T'es sûr de toi ? lui demande-t-il en caressant ses cheveux peroxydés avec douceur.

- Je suis sûr. Ce que j'aime c'est la mode, pas être le mannequin.

- Je suis fier de toi, Jinnie.

- On est fier de toi, corrige Chan en lui offrant un sourire un peu crispé mais pourtant sincère.

- C'est pas que pour moi que je le fais, dit alors Hyunjin, les surprenant. C'est aussi pour vous. Je veux qu'on puisse passer plus de quelques heures par semaine ensemble. Je veux pouvoir avoir assez d'énergie pour échanger plus que quelques baisers avec vous. Et je veux que le monde entier sache que vous êtes les personnes les plus importantes de ma vie. »

Il a lâché sa tirade d'une traite, prenant à peine le temps de respirer.

« Le soleil et la lune de mon système, murmure-t-il en fixant Chan puis Minho qui se jettent presque sur lui pour l'ensevelir sous leur amour.

- Je vous aime si fort, chuchote Chan.

- Jusqu'à l'infini et l'au-delà, » pouffe Hyunjin et leurs rires s'élèvent dans la pièce aseptisée.

La neige se remet à tomber, recouvrant de son manteau ouaté les bruits de la ville, les laissant seuls dans leur bulle d'amour.

« To the moon and back, » conclu Minho alors que leurs regards s'accrochent pour ne plus se quitter.