Chapitre 5
« Il paraitrait qu'un jour Einstein a dit que les faibles se vengent, les forts pardonnent et les intelligents ignorent. Je ne sais pas si c'est vrai, mais bon, on s'en fout pas mal. Je fais les trois, qu'aurait-il répondu à ça ? »
Moi (paroles de Hella Doux)
La maison était calme. Les bruits, absents, semblaient avoir fait taire même le silence. Malgré tout, un son persistait. Celui de la mort.
L'arbre se courbait, se brisait alors qu'au loin l'orage tonnait. Une tempête approchait, le vent sifflait dans les sylves pour annoncer sa dévastatrice arrivée. La maison aurait pu m'abriter de ce qui allait se dérouler, de ce dont j'allais être témoin.
Devrais-je attendre que l'orage passe ?
Devrais-je profiter de cet instant ?
La pluie commençait déjà à tomber sur la colline dont l'herbe verte possédait une apparence sombre due à ce ciel obscurci. Un corbeau croassa depuis une branche, ajoutant un peu plus à l'ambiance déjà néfaste des lieux. Je m'approchai de la petite maison.
Jalil m'avait fait présent de quelque chose ici. Le pouvoir, la puissance. De sa main, de son toucher, la magie avait pointé son dessein sur moi, m'enveloppant dans l'espoir d'un avenir que chacun rêvait d'avoir sans jamais vraiment oser croire en la possibilité de son existence.
Visitant un peu le domaine, j'y découvris un simple salon avec, non loin, une cuisine ainsi qu'une salle de bain et une chambre. Un escalier de bois, aussi ancien que la maison, donnait sur un étage. Les marches grinçaient sous mon poids alors que j'espérais faire une découverte en montant à cet étage. Il n'y avait rien, si ce n'était plusieurs objets éparpillés et une petite pièce qui donnait sur une autre chambre.
Je préférais redescendre pour prêter mon attention sur ce qui s'apparentait davantage à de la sorcellerie. Comme ce grand chaudron en plein milieu du salon. Ou encore cette grande et lourde cape brune, déposée sur un canapé, près de la cheminée. Mais ce qui me fit sourire fut tout autre. Un chapeau atypique pour les sorcières se trouvait là, sur l'accoudoir d'une chaise. Un chapeau de sorcière, pointu et très grand.
Je voulus m'en approcher et manquai de tomber alors que mes pieds s'entremêlèrent avec un balai.
« C'est un Nimbus 2000 ! »
Bon, en réalité il s'agissait d'un balai tout à fait normal. Mais il n'y avait pas de mal à rêver un peu, n'est-ce pas ?
Mais un soupir las m'échappa. Ce lieu était sale et en bordel.
— J'aimerais bien être Blanche-Neige parfois. Je n'aurai qu'à chanter et les animaux viendraient faire le ménage à ma place. Ou bien Belle. Au moins, les balais s'animeraient d'eux-mêmes pour le grand nettoyage.
Les princesses Disney possédaient de grands pouvoirs.
Mais alors que je faisais ce souhait idiot de voir la maison se nettoyer toute seule, quelque chose d'étrange se produisit.
Le sol trembla, faisant vibrer la maison alors qu'elle semblait geindre de douleurs tant les bruits étaient étranges et plutôt inquiétants. Les objets bougèrent également, tout comme la poussière et les toiles d'araignées. Et le temps d'un claquement de doigt, presque en une fraction de seconde, la saleté disparut. Les objets s'étaient également trouvé une place.
L'intérieur de la maison était impeccable, irréprochable.
— Une maison qui se range toute seule...
Soudain, on frappa à la porte, ne me laissant pas le temps de profiter de ce miracle. Mais bon, les rêves étaient ainsi faits pour que l'impossible soit la seule chose impossible.
J'allais pour ouvrir la porte qui laissa apparaitre une forte lumière. Je me réveillai.
— Allez Sucre d'orge, il est temps de se réveiller.
— Mémé, j'étais dans une maison magique. Tu aurais pu me laisser dormir, me plaignis-je dans un grommellement à peine retenu.
— Une maison magique ?
Elle tira les rideaux, ne laissant pas de temps à ma vue pour s'adapter.
— Était-ce cette même maison dans laquelle Jalil t'a faite sorcière ?
— Comment le sais-tu ?
— Il s'agissait d'un Mani, enfin un Lacrimanima. Chaque descendance en possède un, accessible seulement aux membres de la descendance en esprit. Souvent dans les rêves. Tu y as croisé d'autres personnes ?
— Non.
— Rien de surprenant. Cela prouve seulement que la descendance Laga n'a plus que toi pour sorcière.
Ah oui, la descendance. Et dire que j'étais toute seule dans cette descendance qui était la mienne. On pouvait dire que Jalil avait bien choisi son moment pour crever après avoir fait de moi une sorcière.
« Bon, au moins j'aurai une maison pour moi toute seule. Enfin, un Mani. »
Toujours voir le bon côté des choses.
— Bien, aujourd'hui je vais t'initier à quelques bases essentielles dans la vie d'une sorcière.
Elle sortit de ma chambre, me laissant me préparer alors que j'entrais dans la salle de bain. Strix s'y trouvait déjà. Le maquillage avait envahi la pièce alors que ma meilleure amie débattait avec elle-même pour savoir ce que son visage pourrait porter aujourd'hui.
Ses vêtements déchirés et sombres devaient sans doute être mal placés puisqu'elle les réajusta, observant son reflet dans le miroir pour voir si cette fois-ci tout allait bien comme elle le voulait. Je ne voyais pas de différence, ni de problème, mais je n'étais pas dans la tête de Strix. Et encore heureux, j'avais déjà suffisamment de soucis avec la mienne.
Se rendant enfin compte de ma présence, elle sursauta tandis que je retirais mon pyjama.
— Je prends la douche en otage, revendiquai-je avec un faux rire machiavélique. Pour la récupérer, je demande une rançon d'un million de dollars.
Elle roula des yeux puis plaça une main contre sa bouche, détournant le regard.
— Je sors, Miss Doll. Et pour une poignée de dollars, laisse tomber, je te la laisse.
Elle sortit, me laissant avec l'immense joie de savoir qu'elle avait compris ma référence. Ce n'était pas tous les jours que l'on rencontrait une personne avec des références de base. Mais bon, il s'agissait de Strix, ma meilleure amie. De ce fait, elle était forcément géniale.
Allumant l'eau de la douche, je retirai les dernières couches qui recouvraient mon corps pour profiter de la fraicheur de ce ruissellement sur ma peau. Il faisait chaud dehors, l'eau chaude aurait été une torture. Bon, il était vrai qu'en forêt, je n'avais pas à m'en plaindre autant qu'en ville.
On frappa à la porte de la salle de bain alors que je commençais tout juste à utiliser le shampoing et le gel douche.
— Hella, dépêche-toi.
Tirant le rideau pour passer ma tête hors de la douche, je regardais ma grand-mère qui ouvrait à demi la porte.
— Je viens tout juste de commencer.
— Je sais Hella, mais nous avons un invité.
— Un invité ? Bah il attend.
Le savon coula jusque sur mes yeux me forçant à lâcher un râlement et un cri de douleur exagéré alors que je retournais de toute urgence sous l'eau pour me rincer.
— Allez ma petite citrouille, dépêche-toi. Il s'agit d'un membre du Convent.
— C'est quoi ça ? demandai-je alors que je sortais de la douche, arrêtant l'eau.
Ma grand-mère se saisit d'une serviette pour me la tendre.
— Pour faire simple, les sorcières se divisent en coven, des genres de clans. Et tous ces clans sont dirigés par le Convent dont les membres sont des Sièges.
— Des chefs de sorcières ? Pourquoi tu l'as pas dit plus tôt !?
Courant jusque dans ma chambre, j'enfilai les premiers habits que je trouvais dans mon placard, rejoignant ma grand-mère et Strix qui se trouvaient dans le salon. Elles parlaient avec un vieil homme barbu dont l'apparence donnait à s'y méprendre avec le Père Noël. D'autant qu'il était habillé d'une veste rouge.
Il se tourna vers moi, le visage sérieux et autoritaire alors que le silence devenait maître des lieux. Un bâton dans les mains, il en posa la pointe au sol, laissant un son électrique s'en échapper.
— Arnaud Merwin, Mage du coven des Diables, troisième Siège du Convent.
Puis il pointa son épaule droite du doigt avant de reposer sa main sur son bâton et d'incliner légèrement de la tête. Son regard se posa un instant sur mon T-shirt que je regrettais immédiatement d'avoir mis. Quoique, il était amusant d'avoir un vêtement de « The Witcher » lorsque l'on se trouvait devant un sorcier.
Strix s'approcha de moi.
— Il est coutume chez les sorcières de donner son prénom et son nom, puis le nom de son coven avec son statut en son sein suivi de tous ses autres statuts. Ensuite, tu pointes l'endroit où se trouve ta marque de sorcière avant d'incliner ta tête de façon plus ou moins importante selon ce grade de la personne te faisant face.
— C'est trop compliqué. On peut se contenter d'un bref « Salut » ?
— Jamais, en tout cas pas face à un membre du Convent.
— Sorcière Strix, il est assez d'explications sur les politesses pour aujourd'hui.
Il m'accorda alors un sourire discret.
— J'ai appris que vous aviez été faite sorcière très récemment par le sorcier Jalil Katz avant sa mort, faisant de vous la dernière de la descendance Laga.
— Je crois que c'est ça, oui.
— Mage Annette, vous nous avez envoyé la demande de l'intégrer à votre convent. Est-ce exact ?
— C'est exact, répondit ma grand-mère.
— Bien, tout est en ordre en ce cas. Passons au plus important.
— C'est-à-dire ?
— Votre identité, Sorcière Hella.
***
J'avais franchement l'air ridicule.
Debout, au milieu d'un cercle tracé avec de la farine pour ingrédient principal ainsi que de quelques plantes dont je me fichais éperdument, je tenais une feuille dans une main, l'autre étant occupé à tourner au-dessus de ma tête. Je ressemblais à un singe. Un singe débile.
— De la terre ou du feu, ne craignant ni vents et marées, approchez et venez à moi. De l'air ou de l'eau, aimant la fertilité des sols et son purificateur, approchez et venez à moi. Si les astres étaient vôtre putain de mère, venez, bordel de merde !
Je craquai. Je le déclarai officiellement : la magie c'était vraiment pourri. Surtout lorsqu'on devait lire plus d'une trentaine de fois un même foutu sortilège pour invoquer un familier qui ne voulait même pas venir ! Et puis s'il ne venait pas au bout de la troisième fois, il n'allait pas débarquer à la cinquante-troisième.
Ma grand-mère s'approcha de moi alors que je commençais vraiment à m'énerver.
— Ce n'est rien, Hella. Cela arrive. Parfois le familier d'une sorcière peut mettre un peu de temps à se manifester. Nous allons essayer les cartes.
Installé à une table ronde, le Mage Merwin attendait avec un paquet de cartes de tarot à côté d'un pentacle dessiné sur le plateau de la table.
— Bah, t'es juste nulle, déclara Strix alors qu'une chouette se posait sur une chaise non loin d'elle.
Son familier était la chouette, elle me l'avait bien fait comprendre lorsque mon premier essai s'était soldé par un échec. Et sans doute dans l'idée de me réconforter, ma grand-mère m'avait expliqué que le chat, son familier, s'était manifesté au bout du dixième appel parce que le chat le plus proche d'elle à ce moment-là dormait.
« Vous verrez lorsque mon familier se révèlera être un dragon, vous ferez moins les malins, bandes de sorciers amateurs. »
Enfin bon, j'allai m'installer sur la chaise faisant face au Mage du Convent. Il étala les cartes devant moi.
— Choisissez une carte, Sorcière Hella.
Réfléchissant un instant, je tentai de me souvenir de ce que ce jeu de cartes contenait comme personnage, histoire d'essayer de tirer une carte sympa. Mais le soda de Strix ne m'aidait pas à me concentrer alors qu'elle buvait dans sa canette sans discrétion. Elle devait le faire exprès, j'en étais certaine.
— Bon, Strix ! hurlai-je alors.
Mon amie, trop près de moi, sursauta et lâcha sa canette qui tomba directement sur le jeu de cartes.
« Un coca-tarot s'il vous plait, avec des glaçons si possible ! »
Bon, tant pis. Je voulus prendre une carte au hasard, mais soudain le Mage m'arrêta dans mon élan.
— Surtout, ne touchez à rien. Ce genre d'évènement est un signe. Vous ne pouvez tirer de cartes, Sorcière Hella.
— Sérieusement ?
Je me tournai vers Strix, la fusillant du regard.
— Je n'ai rien fait, c'est toi qui m'as fait peur, se défendit-elle.
— Bon, je suppose que je vais chercher sa marque, intervint ma grand-mère comme pour calmer ma fureur naissante.
— Je vais le faire, expliqua le Mage. Sorcière Hella, retirez vos habits, je vous prie.
— Quoi ? Allez vous faire voir espèce de vieux pervers.
— Allons, Hella. Je suis désolée, Mage Merwin. Ma petite-fille n'a pas été initiée à la sorcellerie. Je vais m'occuper moi-même de trouver la marque du Diable.
Elle m'entraina jusque dans ma chambre, prenant bien soin de fermer la porte avant de se tourner vers moi avec un sourire quelque peu embarrassé.
— Hella, chaque sorcière possède une marque. Un genre de tache. Nous l'appelons la marque du Diable ou bien de l'âme. Elle est l'identité de la sorcière. Et lorsque l'identité de cette dernière est complète, elle aussi s'identifie.
Alors ma grand-mère me tourna le dos pour soulever sa chevelure. Un petit tatouage s'y trouvait. Un genre de fleur dont je ne connaissais pas l'espèce.
— Il s'agit de ma marque. Elle m'identifie en tant que sorcière. Si un individu surnaturel pose sa main dessus, il connaitra mon identité entière.
— Je n'avais jamais vu ce tatouage avant.
— C'est normal, tu n'étais pas encore initiée. Et aux yeux des humains, il ne s'agit que d'une tache, un grain de beauté.
— Tu veux me faire croire que les humains ne voient pas une fleur, mais un grain de beauté ?
— Oui, c'est exactement ça. Et maintenant, il faut que nous trouvions ta marque. Deux épreuves de suite que tu échoues... J'espère que ce n'est un mauvais présage. Alors si nous trouvons ta marque, nous serons au moins certains que tu es bien une sorcière et pas... autre chose puisque tu arrives tout de même à percevoir le monde surnaturel.
— Comment ça « autre chose » ?
— Les Laga ne sont pas connus pour être des gens bienveillants. Alors peut-être que Jalil ne t'a pas initié à la sorcellerie, mais t'a changé en autre chose. Ces derniers temps, j'ai entendu dire que des sorciers s'étaient amusés à transformer des humains en lutin.
— Tu veux dire que je pourrais être un gnome ? Ah non, il n'en est pas question ! Et puis comment c'est possible qu'une sorcière puisse faire d'un humain un... lutin ?
— Il s'agit de sorcellerie éphémère pouvant durer quelques jours. Mais le Convent est obligé de tuer ces humains pour préserver le secret de l'existence du surnaturel et d'exécuter les sorciers coupables. Alors, déshabille-toi pour que l'on puisse voir si tu es bien une sorcière.
« Je sens que je vais bien m'amuser moi si la peine de mort est autorisée chez les sorciers. »
Retirant mes habits que j'avais soigneusement choisis, je me tournai sur moi-même, me contorsionnai à la recherche d'un tatouage. Le moindre grain de beauté devenait une possible marque du Diable.
— Là ! s'écria alors ma grand-mère avec une joie non dissimulée tandis qu'elle pointait ma poitrine.
— Où ça ?
Elle s'approcha et pointa sans oser le toucher une tache entre mes deux seins, un grain de beauté difforme et suffisamment gros pour me faire croire à la manifestation d'un cancer. Cela ne possédait pas le nom de « Marque du Diable » pour rien.
On frappa à la porte et je me dépêchai de me rhabiller avant de sortir pour rejoindre le Mage qui avait tracé des symboles et d'autres cercles. Il m'invita à me placer au centre.
— Chaque sorcière possède un familier, fidèle serviteur, une carte pour indiquer son identité dans le temps et une divinité pour la guider et l'initier dans une voie. La marque l'identifie dans tout ce qu'elle est et ce qu'elle a. Elle possède également un élément naturel qui l'aidera dans son apprentissage et qui lui apportera le soutien et la puissance nécessaire lorsqu'elle sera à court de tout.
Il brandit un livre, se mettant à murmurer des trucs en latin que je n'avais pas la foi d'écouter pour les traduire, bien trop occupée à ne pas rire alors qu'une brandissait des herbes liées entre elles. Ces dernières laissaient de la fumée envahir la pièce.
Et puis, aussi vite qu'il avait commencé, tout s'arrêta lorsque le tas d'herbes s'enflamma pour partir en cendres. Le Mage me fit comprendre, de par la surprise sur son visage, que ce n'était pas la réaction attendue.
— Sorcière Hella, je ne suis pas parvenue à trouver votre divinité.
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