Chapitre 3 - 2/2
— Est-ce que tu sais depuis combien de temps j'essaie de te joindre sur ton portable !?
Aussitôt rentrée dans ma chambre, je fus agressée par l'inquiétude de Strix. Regardant mon portable, je découvris vingt appels manqués et une trentaine de messages. Elle m'avait envoyé tout cela durant les quatre heures où j'avais été inconsciente.
— Désolé, j'étais chez Oanelle et j'ai appris qu'elle était une harceleuse.
— Sérieux ? Elle harcèle qui ?
— Moi.
Un haussement de sourcils pour commencer, Strix éclata de rire.
— Franchement, tu es Lucky Girl, Hell !
— Elle est obsédée par moi depuis que je lui ai offert un bonbon. Une sucette à la violette.
— Tu serais capable d'être obsédée par n'importe qui t'offrant une sucrerie nouvelle et au goût extraordinaire.
En l'entendant parler de bonbon hors du commun, une image me revint en mémoire. Celle de cet homme qui m'avait offert un bonbon étrange.
« Si je le revois, je lui en demanderai un autre. Même si c'était vraiment de la drogue en fait. »
— Mais du coup, pourquoi tu es rentrée si tard ? En apprenant qu'Oanelle était tarée, tu aurais dû revenir à pas de course.
— J'ai perdu connaissance.
— Quoi ? Tu es tombée malade ?
Me laissant tomber sur mon lit, je me tournais vers mon amie.
— Je ne sais pas. J'ai vu des trucs bizarres. Parfois, j'avais l'impression de planer et l'instant d'après des nausées venaient titiller tout mon être. Et là encore, je vois... des trucs.
— Je te préviens. Si tu me dis que tu vois des...
Je ne lui laissais pas le temps de voler ma réplique, la coupant alors que je tournais mon visage vers elle avec un air sérieux.
— Strix, je vois des gens qui sont morts.
Elle me balança un coussin à la figure tandis que j'éclatais de rire.
— T'as pris de la drogue ? Je t'ai déjà dit de ne pas accepter les bonbons des inconnus, se moqua-t-elle.
— Ah oui, il y a ça aussi.
— Mais quelle idiote ! Tu n'as tout de même pas accepté un bonbon donné par un inconnu ?
— Mais il était trop bon...
— Hell, tu es stupide ! On n'accepte pas les bonbons venant d'inconnu.
Quelqu'un frappa au mur, nos voisins de chambre, et Strix frappa encore plus fort.
— Ta gueule, espèce de grosse truie ! Quand tu réveilles tout le monde avec tes putains de simulations, on ne dit rien ! s'emporta-t-elle envers la voisine.
Les murs étaient plus ou moins fins. Et même si le simple fait de crier ne devait pas forcément s'entendre, la voix de Strix était vraiment forte donc je supposais que la chambre d'à côté ne devait pas être la seule à l'avoir entendu.
— Je suis désolée, Strix, j'ai mal au crâne et je ne suis pas très bien là. J'ai la bouche toute pâteuse, j'ai l'impression d'avoir une gueule de bois.
— Franchement, tu es vraiment inconsciente. Je ne pensais pas qu'un jour j'aurais à engueuler une nana de plus de vingt balais parce qu'elle a accepté une sucrerie venant d'un inconnu.
***
Lorsque je me réveillais le lendemain avec seulement le soleil et les oiseaux pour me piailler que je devais me lever, quelque chose me parut différent. Ce n'était pas descriptif, il ne s'agissait que d'une sensation, des impressions étranges qui n'avaient rien de vraiment anormal en soi.
Mes paupières s'ouvraient. Et après m'être un peu mieux réveillée, les couleurs me parurent plus vives. Et les sons plus... vivants, avec d'autres bruits que je ne connaissais pas. Le son du drap sur ma peau, le vent rencontrant la fenêtre doucement pour repartir dans un autre sens. Je pouvais presque voir ces sons.
Retirant mes vêtements, un frisson parcourut mon corps qui était d'une sensibilité exagérée. Et la douche ne m'aida pas en ce sens. Entre l'impression d'être agressée sexuellement par l'eau et le sentiment que j'étais surement tombée malade, ce fut le rouge aux joues que je sortis de la salle de bain.
Strix n'était toujours pas revenue. Elle se réveillait le matin pour courir, et normalement elle me secouait pour que je vienne avec elle. Elle avait dû se dire qu'avec les évènements de la veille il valait mieux que je dorme plus longtemps. Et je l'en remerciai puisqu'apparemment le bonbon de ce vieillard avait vraiment été une drogue et là je devais surement subir quelques effets secondaires. Ou un truc du genre.
Enfilant un jean et un T-shirt stupide avec écrit « Je n'ai pas reçu ma lettre d'acceptation à Poudlard alors j'ai quitté le Comté pour devenir Jedi », je chopai une sucette après avoir mis mes vieilles baskets.
— Salut les peluches, déclarai-je en sortant de ma chambre.
Il était vrai que les livres à lire pour mes cours s'accumulaient, mais j'avais encore bien quatre heures avant que ma grand-mère ne vienne me chercher. Autant en profiter pour aller me promener du côté du Hide&Seek. Surtout que nous étions samedi. Et le samedi c'était... Non, je n'avais pas vraiment d'excuse en fait. J'avais juste envie de voir si Strix s'y trouvait, ou une autre personne qui me paierait un remontant pour la tête. Autrement dit des gâteaux. J'avais encore mal au crâne.
Et avec ces impressions étranges...
Peut-être que le bonbon que ce gars m'avait donné dans le parc était vraiment de la drogue et les effets n'étaient pas totalement partis ? En fait, ce n'était pas « peut-être », c'était certain.
Peu importe.
Mais alors que j'entrais dans le bâtiment envahi par quelques étudiants, quelque chose tilta. Comme un instinct qui me préviendrait du danger. Un instinct nouveau. Pourtant il n'y avait rien à l'exception d'un gars déjà bourré alors que nous n'étions que le matin. Et bien sûr, eux. Michael et sa bande.
D'ailleurs, Michael me lança un regard qui se voulait surement être intimidant.
— Hella ! m'accueillit Oanelle à bras ouverts.
Elle s'arrêta en constatant mon regard furieux.
— Je suis désolée...
— Tu peux l'être. Quel genre d'informations as-tu recueillies sur moi ?
— Juste ton numéro de téléphone et de portable. Et ton adresse mail. Et aussi ton adresse postale, celle de ta mère et de ta grand-mère. Bon, et j'ai pris des photos de ta chambre chez ta grand-mère pour pouvoir reproduire le même style. J'espérais que nous deviendrions amies et que ma chambre serait suffisamment à ton goût pour que tu ne me détestes pas. Je ne suis pas une harceleuse, vraiment. C'est juste que... je ne savais pas comment t'approcher. J'ai remarqué qu'à l'exception de Strix, tu ne laissais jamais vraiment les gens t'approcher, même si tu es capable de parler avec tout le monde et qu'en retour tout le monde t'adore.
Voyant que je ne répondais rien, elle s'approcha timidement. Je ne bougeai pas. Alors, les yeux pétillants d'espoir, elle me posa une question sans mot. Question à laquelle je répondis par :
— Si je te prends à me harceler, je te tue.
Je sentais que j'allais regretter cette décision. Personne n'accepterait l'amitié d'une harceleuse. Sauf moi, évidemment, parce que j'étais tout aussi tarée.
Elle me sauta au cou, un sourire angélique sur le visage. Finalement, Oanelle était plutôt cool comme nana. Elle était sympa, complètement candide et peut-être même nunuche, ce qui devait être la raison de sa folie. Et aussi, elle était pot de colle. Mais si elle continuait d'affirmer à tout bout de champ que nous étions amies, je pourrais bien finir par le croire.
— Tu vas mieux ? Hier, tu semblais vraiment malade.
— Je crois.
En vérité ? J'avais l'impression de vivre dans un autre monde. Les couleurs étaient plus vives, mon toucher plus sensible, tout comme mon ouïe. Et puis il y avait également toutes ces sensations nouvelles... Si je m'étais trouvée au bord d'une falaise, je sentais que j'aurais pu sauter tant j'aurai été persuadée de pouvoir voler.
C'était stupide, certes, mais cette sensation d'être libre, de pouvoir faire et dire ce que je voulais m'envahissait en un sentiment de toute-puissance.
« Quand tu vas retomber lorsque la drogue aura perdu ses effets, tu vas vraiment te sentir mal ma pauvre Hella. »
Les mains d'Oanelle se posèrent sur les miennes, s'en saisissant sans la moindre arrière-pensée. Seulement, quelque chose n'allait pas. Mes yeux se posèrent sur ses paumes pour remonter vers son visage. Je m'arrachai brusquement de sa prise, comme si son touché était une brûlure glaciale.
— Hella ? s'inquiéta-t-elle.
Regardant autour de moi, le danger augmentait. Pourtant, malgré mon sentiment de paranoïa montant, je laissai Oanelle m'emmener avec elle jusqu'à une table. Elle fit apporter un fondant au chocolat pour moi que je ne parvins pas à manger.
— Je... Je n'ai pas faim...
— Hella, je t'ai vu engloutir plusieurs pâtisseries en moins de cinq minutes et j'ai été témoin de ton adoration des sucreries. Je parie que tu as un bonbon dans ta poche. Alors qu'est-ce qu'il se passe ?
— Je ne sais pas.
Je me frottai les yeux, doucement alors que dehors, en regardant par la fenêtre, il m'arrivait de voir des gens. Ce qui était normal puisque la foule marchait dans les rues. Mais certains semblaient enveloppés par des auras particulières, parfois sous la forme d'animaux ou de son, d'odeurs... Des sons et des odeurs qui se voyaient. J'avais même l'impression d'en connaitre le toucher. C'était étrange, vraiment... étrange. Et ça ne voulait pas partir.
— Est-ce que tu as vraiment pris de la drogue ? me questionna-t-elle à voix basse.
Posant mon visage dans mes mains, je frottai de nouveau mes yeux comme pour me réveiller. Ce que je vivais en cet instant était à la fois normal et si différent de d'habitude. Quelque chose avait changé, et pourtant tout était à l'identique, si l'on oubliait ces visions. Le problème ne venait pas de ce qui m'entourait. Non. Le problème venait de moi. Le problème se trouvait dans ma tête.
— Je ne sais pas. Je ne sais plus.
— Tu devrais aller voir un médecin. Peut-être qu'on t'a drogué à ton insu ?
— Je ne sais pas, Oanelle !
Mes coudes sur la table, la tête sur mes mains, je me tins le crâne alors qu'une douleur s'en emparait. Et pour ne rien arranger, la lumière clignotait de manière inquiétante dans la pièce, indiquant un problème dans le circuit électrique du lieu.
Une main frappa la table, juste à côté de moi, me faisant sursauter. Au même instant, les problèmes électriques cessèrent et je levai mon regard vers Michael, qui venait s'incruster.
— Bravo, Dumbledore. Tu as le pouvoir de réparer les problèmes électriques en frappant sur les tables.
— Michael, laisse-nous.
— Non, Oanelle. C'est elle qui va dégager. On l'avait prévenue hier.
— Bon, qu'est-ce que tu me veux à la fin ? m'emportai-je inutilement.
Et tandis que je me sentais plutôt irritée, surement à cause de ce mal dû à la fatigue ou de quelque chose dans le genre, je me levai de ma chaise pour faire face à la machine bourrée de testostérone, ne baissant pas un instant les yeux. Habituellement, je me serais contentée de partir. Mais pas aujourd'hui. J'en avais ma claque, je ne me sentais pas de jouer la comédie.
— Hey, pour la bagarre c'est dehors, intervint le barman.
Michael prit son sac, sortant avec le reste de sa bande.
— C'est bien, gentil toutou. Casse-toi.
Je savais bien que le provoquer ainsi était à la fois stupide et digne d'un gosse de dix ans. Mais bon, j'avais activé le mode connasse, autant l'assumer jusqu'au bout.
Prenant une cuillère, je mangeai le fondant qu'Oanelle m'avait offert. Je n'allais pas gâcher. Une fois fini, nous sortîmes toutes les deux.
— Tu sais, j'ai trouvé ça cool que tu tiennes tête à mon frère. Et aussi, merci de ne pas m'avoir laissé après avoir appris que... enfin, tu vois de quoi je parle.
— Il joue les gros bras, mais il n'est pas aussi fort qu'il le fait croire.
— Oh que si, je l'ai déjà vu massacrer un groupe de cinq gars en quelques secondes.
— Sérieux ?
Bon, je devais avoir signé mon arrêt de mort dans ce cas. Ce ne serait pas la première fois, mais peut-être bien la dernière.
— Je crois que je ne suis pas vraiment dans mon état habituel. En temps normal, jamais je ne l'aurai provoqué comme ça.
Inspirant profondément, je m'arrêtai, mon attention dirigée vers les bois du campus. Il y avait quelque chose...
— Hella ?
— J'ai cru... Peu importe.
Mais alors que je m'apprêtais à repartir, une souris sortit de nulle part, poursuivie par un chat. Et sans vraiment le contrôler, je me saisissais du petit rongeur pour le garder près de moi alors que le chat lâchait un grondement menaçant. Finalement, après avoir craché de frustration et hérissé ses poils, il s'enfuit en courant. Une fois loin, je reposai la souris qui m'observa un instant avant de partir à son tour.
— Wow, c'était trop bizarre, m'avoua Oanelle. Tu as été ultrarapide.
— Oui.
Une autre chose à ajouter aux bizarreries qui m'entouraient aujourd'hui.
Nous commençâmes à nous aussi nous en aller. Pourtant, en un clignement d'œil, je passai du chemin du campus à plaquer contre un arbre dans une violence peu retenue. Un hoquet de surprise vint marquer la rapidité de ce qu'il venait de m'arriver.
— Michael, lâche-la ! Tu lui fais mal ! hurla Oanelle.
— J'espère bien.
La main écrasée contre ma gorge, il serrait bien trop fort. Je commençai à perdre mon souffle.
— Je vais le dire à Hunter ! Hella est mon amie !
Comme un mot magique, Michael lâcha prise, me laissant tomber au sol alors que je toussais. Mon souffle avait été coupé, il me fallut un instant pour retrouver une respiration normale.
— Oanelle, elle n'est pas comme nous. Tu ne dois pas trainer avec ce genre de personne.
— Mais qu'est-ce que tu me reproches à la fin, connard !?
— Tu étais censée rejeter Oanelle de ton entourage pour qu'elle n'ait plus envie d'être ton amie. Mais non, toi tu as décidé de rester avec elle.
Il se tourna vers moi, la colère à fleur de peau. Et ce que je vis me redonna toutes les forces du monde.
— Un loup...
Un loup l'enveloppait comme une aura. Et le loup était furieux, prêt à me sauter à la gorge. Seulement, l'aura disparut aussi vite qu'elle était apparue, contrairement aux yeux qui avaient commencé à luire d'une couleur dorée.
— Tu peux me voir, devina Michael. Putain, Hunter avait raison...
Plus jamais. Plus jamais je ne mangerai de bonbon venant d'un inconnu. Parce qu'à chaque fois, c'était la merde. Et là, j'étais dans la merde.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top