Chapitre 21 - 1/2

« Imprègne-toi de moi, imprègne-moi de toi. Si les banshees crient ta mort, la bête rongera tes os pour ne laisser aucune partie de toi le fuir. »

Moi (paroles des loups)


Le rêve pour protection, je ne me réveillerais jamais de cette réalité qui est ma demeure. La phrase avait été gravée dans mon esprit, les instincts acquis marquaient au fer rouge mon âme. De l'expérience, des connaissances et surtout de la mise en pratique forgeaient ce que je pouvais supporter aujourd'hui.

Un vampire pouvait charmer d'un simple regard, pénétrer tes pensées pour les influencer. Un talent hypnotique possédé par les Maîtres.

— Je dois t'avouer que je suis impressionné. Je n'avais encore jamais croisé quelqu'un comme toi. Résister à mon hypnose...

La salive du vampire était un coagulant puissant. Il stoppait jusqu'aux hémorragies. Inutile pour les blessures minimes. Utiles pour les morsures.

—... Ne pas supplier ou se plier à son bourreau.

Mais surtout, les vampires étaient froids. Ils ne possédaient pas d'âme. Ils ne connaissaient ni la pitié ni la sympathie. Ils servaient leur Maître et trouvaient particulièrement gratifiant de s'aider eux-mêmes plutôt que d'intervenir pour protéger des amis, de la famille ou ne serait-ce qu'un bébé phoque. Cela faisait d'eux des prédateurs particulièrement dangereux, sans culpabilité.

Particulièrement joueurs, ils aimaient s'amuser avec leur proie. À ce jeu-là, Drake semblait avoir de l'expérience. Sa main s'empara d'un pic en fer près de la cheminée allumée. Il l'observa un instant avant de me regarder.

— Tu sais, je commence à m'ennuyer.

Il plongea le métal dans les flammes.

Ici et là, plusieurs outils trainaient par terre, abandonnés par Drake qui s'en était lassé pour se tourner vers d'autres jouets à tester sur moi. Ligotée à une chaise, les vêtements humidifiés de mon propre sang, je ne pouvais pas dire que j'allais bien.

Il m'était souvent arrivé de voir dans des films et des livres des héros qui, tellement habitués à la douleur, pouvaient supporter les tortures aisément sans même pousser de cris. La vérité était que même entrainée, une souffrance était une souffrance. Les nocicepteurs vouaient leur existence à ça, ce qui était utile pour comprendre que quelque chose n'allait pas avec son corps, mais fort déplaisant lorsque tu passais une séance de torture avec un vampire insatiable et sadique pour tortionnaire.

Les coupures étaient faciles à supporter, les coups assez douloureux lorsque l'on sentait ses os se briser dans son corps. Je n'avais pas encore perdu connaissance.

— Enfin, j'aime t'entendre hurler.

« — Comme je te l'ai appris. Lorsque tu sens que la douleur sera trop pour toi, rêve. »

Oui, rêver. Si cela devenait insupportable...

Un hurlement me fut arraché alors que la chair de ma cuisse brûlait sous le fer chaud.

— Peut-être qu'un genou brisé te fera me supplier ?

Et un grand sourire se posa sur mon visage, révélant mes dents qui devaient être tachées de sang.

— Tes caresses ne me font rien.

S'il y avait bien une chose que ma mère m'avait interdite c'était de supplier. Ne jamais se soumettre. Jamais.

Il n'eut suffi que d'une fraction de seconde. Un battement de cil et je fus loin d'ici. La conscience se réfugia dans l'inconscient, espérant ne revenir que lorsque tout serait fini. Je perdais connaissance, épuisée de devoir résister.


***


Oanelle dormait à l'arrière. Hunter au volant, ce dernier contenait difficilement le loup en lui qui n'avait qu'un désir. Celui d'arracher la tête de quelques vampires. Sa sœur semblait si fatiguée et avant de s'endormir, son inquiétude pour Hella ne l'avait pas rassuré.

Drake Nosferell, un Maître vampire qui ne trainait pas une tendre réputation avec lui. Sadique invétéré prenant son pied dans la souffrance physique et psychique des autres, on disait de lui qu'il adorait se charger lui-même des interrogatoires et qu'il lui arrivait de tourmenter ses proies pour le plaisir de les terrifier et entendre leurs cris de douleur ou d'effroi. Hunter s'empêchait d'imaginer ce qu'il pouvait éventuellement faire subir à Hella en ce moment même. Elle avait beau être une femme forte qui portait des secrets et un genre d'entrainement qui l'avait apparemment préparée à affronter des créatures comme lui, elle restait une sorcière. Une humaine avec des pouvoirs magiques faciles à brider lorsque l'on était Drake, un riche vampire avec des objets suppresseurs.

Néanmoins, il était certain qu'elle ne se laisserait pas faire et Hunter pariait là-dessus. Elle avait vaincu son frère, elle était parvenue à lui tenir tête et surtout son vernis n'avait rien de normal. Lorsqu'il avait léché les ongles de la jeune femme, il l'avait senti. Elle y avait mélangé plusieurs produits. Des plantes et des métaux. Ce mélange était une arme contre des créatures. Pas étonnant que Michael ait eu tant de mal à guérir de la griffe de cette sorcière.

Et il voulait croire que ce n'était pas le seul tour qu'elle avait dans son sac. Il devait y croire, pour ne pas perdre le contrôle.

Soudain, un homme se planta au milieu de la route. Bon sang, après Oanelle voici qu'un autre individu jouait les suicidaires !

Il pila et s'arrêta juste devant le rouquin qui avait un sourire crispé. Il pointa de sa main un chemin à la droite d'Hunter avant de disparaitre dans une flamme magique.

— Qu'est-ce que c'était que ça ?

Mais en tournant la tête, il remarqua au loin de château. Le rouquin venait de lui indiquer la route, l'empêchant de se tromper.

Lui et ses hommes dans les voitures derrière roulèrent jusqu'aux grilles de la propriété, les faisant voler en éclat avec la voiture. Ne prenant pas le temps de se garer, Hunter sortit. Des gardes en costard voulurent l'arrêter. Il n'était pas d'humeur. Ni lui ni son loup. Se laissant envahir par la rage sauvage qu'il avait en lui, il retira le cœur du premier à main nue et sauta sur le deuxième pour lui arracher la gorge avec les dents. Un regard vers ses loups, ces derniers s'étaient pour la plupart métamorphosés sous forme canine. Hunter ouvrit les portes imposantes. Aussitôt, tous les loups pénétrèrent les lieux pour faire un carnage.

Si ces derniers temps Hunter n'avaient pas eu l'occasion de vraiment prouver la puissance de sa meute, sa renommée ne l'avait jamais fait appartenir aux plus faibles. Hunter portait également son lot de rumeurs et de gloires. Et le nid de Drake ne ferait jamais le poids.

Organes dévorés et hors de leur corps à la manière d'une vivisection de boucher, têtes isolées et corps démembrés, certains loups s'amusaient avec leurs proies, les mâchouillant avant de sauter sur le vampire suivant. Hunter n'était pas en reste, décapitant et éventrant de coups de griffes tout ce qui osait lui faire obstacle.

Après avoir détruit toute forme de vie vampirique, il comprit qu'en lâche, Drake avait fui sa demeure et abandonné ses hommes. Qu'importe, il n'était là que pour une personne. Pour Hella.

Seul, il descendit jusqu'aux prisons souterraines. L'odeur qu'il y sentit ranima la fureur en lui. Elle appartenait à Hella, sans aucun doute. La senteur explosait partout ici. Ça et celle du sang. Et de la souffrance. Il accourut jusqu'à la cellule qui dégageait cette odeur, découvrant avec horreur ce qu'avait fait Drake. Les grilles n'étaient même pas fermées, prouvant l'incapacité physique d'Hella à simplement fuir.

Couvertes d'entailles, il pouvait également sentir la chair brûlée. Il voulut la prendre, mais les genoux d'Hella avaient été brisés, tout comme ses doigts. Le visage partiellement défiguré, enflé, il supposait que la mâchoire aussi avait supporté beaucoup. Il retrouverait Drake, c'était certain. Et ce vampire n'échapperait pas à la frénésie de sa rage.

Ses bras se tendirent vers elle, désireux de la porter loin de ce lieu maudit qui révélait une part sombre de ce qu'était le monde des créatures non humaines. Son monde. Leur monde.

— Besoin d'aide ?

Il pivota, remarquant alors la présence d'une autre personne qui n'était ni un vampire ni l'une de ses louves. Hunter grogna, reconnaissant en elle la femme qui avait drogué Hella par le passé, mais aussi celle qui l'avait sauvé le jour où il avait tenté de révéler la véritable forme d'Hella, ce qui avait eu pour effet de la faire tomber dans les pommes parmi des toiles d'araignées régurgitées et le cadavre de l'une de ces créatures. Ruth.

Elle s'approcha, sortant une poupée et une paire de ciseaux de son sac avec lequel elle coupa une mèche de cheveux d'Hella pour l'enrouler autour de la poupée. Elle se mit à murmurer dans un langage qu'il ne reconnaissait pas. Le latin était habituellement la langue de prédilection pour la sorcellerie.

Après avoir prononcé ses formules, la poupée commença à se distordre de manière particulièrement dérangeante, prenant une apparence proche de celle d'Hella alors que la mèche disparaissait en elle, reproduisant ses blessures. Se remettant à murmurer dans ce dialecte étrange, Ruth redressait chaque partie mal placée sur la poupée. Les doigts d'Hella se redressèrent et ses jambes guérirent. Et pour finir, Ruth embrassa la tête de la poupée. Les blessures se refermèrent, les gonflements et les bleus disparurent. Le corps d'Hella semblait comme neuf. La poupée partie en poussière.

— Vous n'êtes pas qu'une Trompeuse, vous êtes également une Guérisseuse.

Avec le temps, il arrivait que certaines sorcières deviennent puissantes au point de se spécialiser. Et de ce qu'il voyait, Ruth était vraiment puissante. Une guérisseuse capable d'un tel miracle en aussi peu de temps... Cela n'aurait pas dû être possible.

Hella avait révélé des talents de guérisseuse lors du 1er Mai, mais la puissance qui envahissait les sorcières lors de cette nuit en avait été la raison principale.

— Hella, on rentre à la maison, murmura Ruth en posant sa main dans les boucles blondes de la jeune femme endormie.

Mais elle fronça les sourcils, tout comme Hunter. Le corps d'Hella se mit à changer, laissant apparaitre des boursouflures et des taches brunes. Son corps était recouvert de cicatrices. Et son visage...

Une brûlure avait fripé sa peau pour la rendre plus blanche que nécessaire, formant un genre de masque autour de ses yeux brûlés.

— Ruth, qu'avez-vous fait ?

— Ce n'est pas de mon fait. Il s'agit de... Oh mon dieu...

Elle voulut toucher les marques, mais comme par peur de se brûler, elle n'osa pas.

— Je peux le sentir. En guérissant Hella, j'ai fait sauter un autre remède. Un remède arakhny.

— Un remède de guérison ?

— Oui. Mais même s'il a pour fonction de guérir plutôt efficacement, les marques des blessures restent. Pour autant, cela reste très efficace et particulièrement cher sur le marché. Mais on y a ajouté de la toile de femme araignée.

— Pourquoi ?

— C'est assez fréquent avec ce genre de remède. Un petit plus qui aura pour effet de cacher les marques. C'est ce que ma magie a retiré.

— N'y a-t-il pas des remèdes pour effacer ces traces ? Pourquoi se donner autant de mal pour seulement les cacher ?

— Pour la simple et bonne raison que ces blessures n'ont rien d'ordinaire.

Son doigt cibla une tache brune.

— Sang de basilic. Très toxique, il est utilisé comme poison lorsqu'on l'ingère, mais il brûle lorsqu'il touche la peau d'un être n'étant pas de cette espèce.

Puis la brûlure sur son visage.

— Thé de rajeunissement. Le boire permet de conserver une belle apparence. Mais seulement lorsqu'il est froid. Chaud, il inverse le processus et fait vieillir. Ce que tu vois et qui ressemble à une brûlure n'est rien d'autre que de la peau vieillie et figée. Je ne serais pas étonnée qu'elle ait des yeux d'apparence aveugle, aux pupilles grisâtres.

— Toutes ses blessures sont d'origines surnaturelles ?

— Toutes. Balles anti-sorcières, lame anti-sorcière, griffure de créatures non humaines. Oh, et ça c'est fascinant. Morsure de Wagyl. Leur venin est la meilleure des drogues. Il fait complètement planer et aide considérablement à entrer dans des domaines inaccessibles depuis notre monde. Rencontrer une telle créature est assez rare.

— Suffisamment pour supprimer la théorie de la coïncidence.

Hunter souleva Hella dans ses bras, laissant cette dernière poser sa tête contre son torse sans jamais se réveiller.

— Tu sembles heureux, Lycan.

— Hella est guérie, elle est l'amie d'Oanelle.

— Non, ce n'est pas ça. Je sens qu'il y a plus, réfléchit Ruth. Bien plus que toi, c'est ton loup qui se calme.

Elle leva la tête vers lui, le visage sévère.

— Serais-tu en train de t'imprégner de mon apprentie ?

— Cela n'a rien à voir avec vous.

— Oh que si. Elle est une sorcière solitaire et la seule de la descendance Laga. Si elle tombe amoureuse de toi, elle pourrait surement t'offrir plus que ce que tu ne pourras rêver durant tes siècles d'existence. Miroir d'Echo, dents de Léviathan, Faux de la Mort ou même un Djinn enfermé qui pourrait servir le moindre de tes ordres.

— Et vous qui lui êtes si proche, faisant tout pour toujours vous trouver dans les parages afin de l'aider, j'ai déjà été confronté à la gentillesse qui demande un prix.

— Les sorcières s'entraident.

— Non, les sorcières s'entre-tuent. Si Hella n'a toujours pas été confrontée à cette réalité, c'est parce que chacune d'entre vous fait en sorte de rentrer dans ses bonnes grâces, grogna-t-il pour mettre Ruth en garde.

— Tu penseras ce que tu veux, Lycan, mais je te détruirai avant que tu n'aies eu le temps de profiter de ma protégée.

Profiter d'Hella. Depuis qu'il la connaissait, ou plutôt depuis qu'il lui avait permis l'accès à l'entièreté de son domaine et de son territoire, Hunter n'avait désiré qu'une chose : la petite sorcière blonde au caractère bien trempé. Aujourd'hui, il comprenait pourquoi. L'imprégnation était quelque chose de plus fort que simplement de l'amour. C'était comme l'amour au premier jour, mais éternellement. Rien ne brisait ce dernier, ni le temps ni les défauts de l'autre personne ou les disputes. Avec l'imprégnation, pas de divorce possible et le mariage ne devenait qu'une formalité sans importance. Un symbole tout de même appréciable.

Voilà pourquoi un loup s'imprégnait rarement d'une personne n'étant pas de son espèce.

Les sorcières n'étaient pas immortelles. Non seulement ça, mais elles étaient également des genres d'êtres humains avec des pouvoirs. Autrement dit, elles pouvaient tomber amoureuses et se lasser. On ne pouvait pas faire pire, à part peut-être s'imprégner d'un être humain. Quoique, ces derniers devenaient souvent des fantômes dans le regret de laisser leur partenaire seul pour toujours, et avec le temps le fantôme évoluait pour une nature de spectre ou de faucheur, pouvant alors interagir sur plusieurs plans, dont le plan physique. Une sorcière ne devenait pas un fantôme, à l'origine d'une rumeur faisant d'elles des créatures sans âme.

— Hunter, tu étais là. Ruth ? Que faites-vous ici ?

Les deux individus se tournèrent vers Oanelle qui venait d'arriver.

— J'ai guéri notre petite sorcière, se félicita Ruth.

— Oanelle, qui est Hella ?

La louve se pétrifia. Hunter avait bien conscience que sa sœur lui cachait de nombreuses choses sur Hella. S'il n'avait jamais insisté, aujourd'hui était différent.

— Regarde ces marques. Elles sont toutes d'origines surnaturelles.

— Ah, alors, tu sais.

— Oui, je sais. Et toi, tu vas enfin tout m'expliquer sans rien me cacher. Mais lorsque nous serons rentrés, insista-t-il en regardant Ruth du coin de l'œil.

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