Chapitre 16 - 2/2
À force de venir ici, il aurait été légitime de demander une chambre à part entière pour moi.
Oanelle mâchouillait ses bonbons à la menthe, travaillant ses cours. Le silence paraissait étrange. La louve avait tant l'habitude de piailler que cela me faisait une sensation bizarre. Mais bizarre ne signifiait pas dérangeant. Bien au contraire, j'accueillis ce calme à bras ouverts, profitant de ce temps pour visionner de nouveau une petite vidéo de Strix et Thérésa, déjà sur les réseaux sociaux. À l'exception des étudiants du campus, elle ne faisait pas sensation.
J'aurais pu mettre celle que j'avais prise, mais Strix aurait éventré mes peluches. Une chose que je ne souhaitais pas vraiment voir arriver.
— Hella, est-ce que tout va bien ?
Oanelle fronçait les sourcils.
— Parfaitement bien, pourquoi ?
— Tu n'as encore rien mangé.
En effet, je me rendais compte que les gâteaux étaient intacts. Je n'en avais touché aucun. Mais je me voyais mal lui avouer que voir ses gâteaux me donnait la nausée. Pourtant, je voulais les manger. Seulement, il y avait quelque chose d'étrange que je n'expliquais pas.
— J'ai dû manger un truc de mauvais ce matin, mentis-je alors. Je n'ai plus très faim.
— Même pour des sucreries ? Tu es sûre de ne pas être malade ? Je peux appeler mon frère. Il fera venir un médecin.
— Je doute que Michael puisse faire quoi que ce soit.
— Je parlais d'Hunter. Michael est terrifié par toi.
Hunter. Je ne l'avais pas encore vu alors que nous nous trouvions dans son manoir.
— Il est en train d'entrainer les loups de la meute. Avec la réunion des sorcières qui arrive, il veut pouvoir défendre le territoire si ces dernières décident de venir pour une petite fête surprise ici.
— La réunion des sorcières ?
— Oh non Hella, ne me dis pas que tu n'es pas au courant. Le 1er Mai.
— La fête du Travail en France ?
— Alors, ça a bien un lien avec l'Europe, mais aucun avec le travail. Franchement, comment ton Mage peut-il te laisser sans aucune instruction ?
Elle se leva, fouillant dans sa bibliothèque.
— Bon, je ne le trouve pas.
Elle regarda son Word sur son écran d'ordinateur, grimaçant.
— J'ai encore mon papier à terminer pour demain. Ce n'est pas raisonnable. Mais te laisser dans l'ignorance...
— C'est pour quelle matière ?
— Histoire étrangère.
Je fouillai dans mes propres documents à partir de mon ordinateur portable pour lui présenter mon dossier.
— J'ai encore mes recherches. Je te les passe et tu pourras t'en inspirer pour finir ton dossier. Ça te retirera plusieurs heures de travail supplémentaires.
— Vraiment ? Tu veux bien ?
— Oui.
Aussitôt, je regrettai ma proposition. Oanelle n'attendit pas pour me sauter dessus, me prenant dans ses bras et m'embrassant sur la joue. Si tous les loups étaient aussi affectueux, je sentais que j'allais vite retourner dans la maison en sucre de la vilaine sorcière dans les bois.
Elle me relâcha, me trainant hors de sa chambre pour nous faire entrer dans ce qu'il semblait être un bureau. La pièce, bien rangée et dont tout semblait être ordonné à la limite de l'obsessionnelle, avait un certain charme. Quelque peu vieillot, certes, mais plutôt chaleureux tout de même. Oanelle commençait déjà à fouiller dans la bibliothèque.
— Cherche avec moi. Il faut qu'on se dépêche de trouver ce maudit livre avant qu'Hunter ne revienne.
— Hunter ? Tu veux dire que c'est son bureau ?
— Oui, et personne ne peut y entrer sans son autorisation. C'est l'Alpha après tout.
— Pourquoi tu le fais alors !?
— Parce que je suis une petite rebelle, rit-elle avec un clin d'œil.
Malgré son amusement, l'angoisse transparaissait sur son visage. Alors, ne faisant pas la fine bouche, je me mis à chercher, même si je ne savais pas vraiment ce qu'il fallait trouver. Mais finalement, l'étudiante trouva avant moi.
Nous sortîmes en vitesse, retournant dans sa chambre. Elle fouilla à travers les pages, ne prenant pas la peine de regarder le sommaire pour mieux s'y repérer parmi toutes ces pages.
— Là ! Le 1er Mai. Pour les sorcières, elle est très importante. Elle symbolise le retour des jours plus longs, mais surtout des nuits plus courtes.
— Fin de la saison sombre, début de la saison claire.
— Attends, tu connais ?
— Mais tu es en train de parler de Bealtaine. Bien sûr que je connais. Et ça n'a rien à voir avec les sorcières.
— Bealtaine... Non, je ne connais pas.
— Pour faire simple, ça se déroule sous la pleine Lune, on allume un grand feu en l'honneur d'un dieu, celui qui a donné son nom à la fête en question, et voilà. Un truc de Celtes et donc de druides. Pour plus de détails, fais comme tout le monde et va sur Wikipédia. Je ne vais pas te mâcher tout le travail non plus.
— Hella, ce que tu es en train de me dire c'est que les sorcières ont volé une fête druidique ?
— J'en sais fichtre rien ! J'y connais que dalle à la sorcellerie !
— OK, OK. Bon. En gros, la nuit du 30 avril au 1er mai, les sorcières se réunissent pour faire la fête et enflammer un arbre immense.
— Pourquoi brûler un arbre ?
— Très bonne question.
Oanelle se remit à lire quelques paragraphes avant de finalement hausser des épaules.
— Aucune idée. Elles utilisent simplement la cendre pour s'y baigner dedans. Symboliquement, cela leur permet de « renaitre ». La cendre les purifie et leur offre un corps nouveau. D'après la légende, certaines sorcières auraient retrouvé une apparence de jeune femme. Ah oui, j'avais oublié que les sorciers rêvaient d'immortalité. En même temps, votre race fait partie d'une des seules à ne pas être immortelle.
La quête de l'immortalité faisait même rêver les sorciers. Je ne comprenais pas le but d'avoir une vie sans mort. Déjà qu'un siècle était long et chiant, alors plusieurs autres siècles sans perspective de fin, j'appelais ça de la torture. Pourquoi désirer une chose qui nous rebutait au quotidien ?
Je fermai le livre et éteignis mon ordinateur.
— Hella, et ton brouillon ?
— On a passé que quelques minutes sur le 1er mai. Tu as encore largement le temps de finir ton devoir.
— Mais je n'ai que jusqu'à demain.
— Je l'ai rendu la semaine dernière. Les cours s'arrêtent demain. Bon courage pour tes examens.
— M'abandonne pas !
Avec un dernier petit signe de la main, je sortis de la chambre, mon sac sur mon épaule, prête à rentrer.
— Hella.
— Oh, Michael. Quelle bonne surprise.
— Tu n'as pas mangé les gâteaux.
Ce n'était pas une question, mais une affirmation.
— Les aurais-tu drogués ? le taquinai-je avec un sourire mauvais.
Il regarda un instant ailleurs avant de finalement me faire face. Je ne pouvais lui en vouloir d'avoir essayé. Depuis la dernière fois, j'avais donné une raison au loup d'avoir peur de moi. Nous nous trouvions dans le hall d'entrée. Allait-il me proposer de me ramener ? Cela m'aurait bien arrangée. Je me voyais mal faire du stop ou appeler quelqu'un pour me récupérer.
Mais ce ne fut pas ce qu'il se passa.
Le mouvement rapide ne permit pas à mon intellect de réfléchir. Il n'y eut que mes réflexes pour réagir. Après un grognement et un coup menaçant envoyé par le loup, ce dernier passa par-dessus mon épaule, se retrouvant l'instant d'après au sol, mon pied sur son dos et mes mains tenant fermement son bras dans une position qui ne lui laissa pas la possibilité de bouger. Mon sac était tombé au sol.
Lorsque je compris ce que je venais de faire, la colère m'enveloppa. Il venait de me forcer à m'exposer.
— N'ai-je pas été suffisamment claire la dernière fois, Michael ?
— Très claire, sorcière ! Et tu viens de me prouver que j'avais raison ! Tu caches quelque chose.
— Quelques prises de self-defense, trou du cul.
Je le relâchai. M'apprêtant à récupérer mon sac, persuadée que Michael se tairait pour préserver sa fierté d'homme, quelque chose me fit blêmir. Un applaudissement. Mon visage se tourna, tombant alors sur une image des plus inquiétante. Hunter, un sourire large aux lèvres et un regard perçant, avait absolument tout vu. J'en étais consciente.
Il applaudissait, et bien plus que d'être amusé, c'était une expression de victoire que je perçais sur sa face de dominant Alpha.
— Michael, laisse-nous.
Il ne souriait plus. Ayant récupéré mon sac, je courus jusqu'à la porte de sortie. Stupide. Même si j'étais parvenue à sortir, mon footing du matin ne m'avait pas préparé à fuir un loup. La main se posa sur l'entrée, l'empêchant de s'ouvrir.
— Oanelle en sait plus sur toi que ce qu'elle m'en a appris. Mais après ce que je viens de voir, je deviens vraiment curieux. Hella, que me caches-tu ?
— D'accord, tu as raison.
Je me tournai vers lui, glissant mes bras autour de son cou pour me rapprocher de lui.
— Je suis une femme.
Et mon genou percuta ses précieux sacs à futur bébé, lui arrachant un cri de douleur tandis qu'il tombait à genou devant moi. Faisant mine d'observer mon nouveau verni à ongle que je n'avais même pas mit, juste histoire de jouer les pétasses dominatrices à la manière de chanteuses pseudo-féministes n'hésitant pas à se mettre à demi à poils pour devenir elles-mêmes des femmes objets, je posais un pied sur son épaule. D'accord, je devenais légèrement arrogante.
— Et une femme sera toujours plus intelligente qu'un homme.
Sentant une pression sur ma cheville, je remis rapidement en question mon intelligence en voyant que Hunter venait de se saisir de ma jambe. En même temps qu'il se relevait, sa prise sur moi me souleva du sol pour me poser sur son épaule.
— Médor ! Pose-moi à terre tout de...
Me coupant moi-même, je levai ma tête, mes mains posées sur les épaules d'Hunter. L'homme m'emmena dans le salon.
— Qu'est-ce que c'est ?
— Tu l'as senti ? s'étonna-t-il.
Oui, je l'avais senti. Une pression sur ma poitrine, à l'intérieur. Mes forces semblaient fuir.
— Mes loups ont dû avoir fini.
— Fini ?
— Un piège à sorcière. Un cercle a été mis en place tout autour de la maison et nous avons fortifié mon territoire pour qu'aucune de vous ne nous nuise.
— C'est pas cool mec, je ne me sens pas très bien...
Il aurait tout de même pu attendre mon départ pour dresser ses petits pièges à sorcière.
Finalement, Hunter me posa au bord d'une table, plaçant ses mains à plat sur la planche de chaque côté de moi. Son visage en face du mien, les yeux plongés dans ceux de l'autre, on s'observait. J'attendais simplement de voir ce qu'il voulait faire.
— Hella, serais-tu une exécutrice ?
Sa question semblait être sérieuse.
— Une quoi ?
— Une exécutrice, les guerriers des Soverains. Tu as blessé mon frère et ce n'est que récemment que sa blessure s'est refermée. Et là, je viens de te voir le mettre à terre avec une facilité enfantine.
— J'ai juste fait un peu de...
— Self-defense, j'ai entendu. Mais Michael est un loup-garou, Hella. Et même si les sorcières sont puissantes grâce à leur magie, leur force physique ne dépasse pas celle d'un humain lambda. Alors, explique-moi.
— Je ne suis pas une exécutrice, je suis juste plus forte que ton frère donc fiche-moi la paix !
Je m'énervai. Pourquoi perdais-je mon sang froid ainsi ?
« — Tu ne dois pas te laisser attendrir. Sois sans pitié, ils ne la mériteront jamais. »
Je secouai la tête, effaçant le souvenir encombrant. Mes mains se posèrent contre le torse d'Hunter, tentant de le repousser. Mais mon corps tremblait. Foutues protections anti-sorcière !
Aussitôt, il se saisit de mes poignets, portant mes doigts à sa bouche.
— Lâche-moi !
Il allait deviner. Il ne fallait pas qu'il sache.
Langue sortie, il lécha mes ongles. Un sourire satisfait illumina son visage.
— Tu aimes le vernis en argent ?
— La ferme...
— Oh, et je peux sentir quelques autres ingrédients. Je dirais, des plantes spécifiques. Comme, peut-être, de l'aconit ?
Arrachant mes mains des siennes, je levai mes genoux pour poser mes pieds contre l'homme qui devenait dangereux, m'en servant pour me propulser. Mon corps glissa à l'autre bout de la table. Prévoyant le futur possible, mes mains se saisirent d'un objet au hasard sur la table. Bingo, Hunter m'attendait à l'autre bout, prêt à m'attraper de nouveau. Au lieu de ça, il se prit un coup de chandelier dans la tête. Le bruit sourd s'accompagna d'un grognement énervé. Animal.
Sautant de mon perchoir, je courais aussi vite que possible, prenant au passage mon sac et sortant du manoir.
— Hella ! m'appela une voix.
Elle était là, dans une voiture, avec un renard sur les genoux.
— Tantine !
Aussitôt, j'entrai dans le véhicule qui démarra à toute vitesse pour fuir le terrain.
— Comment as-tu su ?
— Ton familier vient souvent me rendre visite lorsque tu as des problèmes.
Loki émit un petit cri adorable, sautant sur mon siège.
— Dans le pire et dans le meilleur.
Et après cette citation de notre contrat, il disparut dans une flamme semblable à une illusion, me laissant seule avec Ruth et une certitude : j'étais vraiment dans la merde.
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