Réalité 6
Arlo ouvrit péniblement les yeux. Il avait la bouche pâteuse et tout son corps était lourd. Il fronça légèrement les sourcils en tentant de se redresser. Il avait l'impression d'avoir un marteau-piqueur dans le crâne... Il sursauta un entendant un bruit de verre brisé.
- Oh mon dieu, Arlo !
Le jeune homme eut à peine le temps de tourner la tête que deux bras l'entourèrent, manquant presque de l'étouffer. Il reconnut immédiatement le parfum de sa mère. Cette dernière se recula après plusieurs secondes.
- Tu nous as fait tellement peur... sanglota-t-elle. Nous avons tous cru t'avoir perdu...
Arlo fut frappé par les traits du visage de sa mère : elle avait des cernes profonds et marqués, les plis de son front étaient apparents, témoins de son inquiétude, et ses yeux étaient légèrement rougis.
- C'est Mathis, le copain de ta sœur, qui t'a trouvé... Heureusement qu'ils étaient à la maison et qu'il travaille tôt... Je ne veux même pas imaginer ce qui se serait passé sinon...
Arlo regarda avec impuissance sa mère fondre en larmes sur sa poitrine avec pour seule pensée son échec. Il s'en voulait, mais il n'avait que cela en tête à cet instant. Il sourit légèrement à sa mère lorsque celle-ci le regarda. Elle se redressa et essuya ses joues.
- J'ai été tellement surprise que j'ai renversé mon plateau repas... soupira-t-elle.
Elle montra l'entrée de la chambre où s'entassaient quelques bouts de verres ainsi que de la nourriture éparpillée sur le sol.
- Ce n'est pas grave... répondit Arlo, je n'ai pas très faim de toute façon. J'ai même plutôt envie de vomir, grimaça-t-il.
- Cela ne m'étonne pas... À ton arrivée à l'hôpital, ils t'ont fait un lavage d'estomac. Tu es resté inconscient près de cinq jours, Arlo...
Le jeune homme baissa les yeux. Il se sentait coupable, même s'il avait fait cela pour de bonnes raisons selon lui. Il resta silencieux de longues minutes à écouter sa mère parler. Après un moment, il l'interrompit avec douceur :
- Est-ce que je pourrais avoir mon téléphone, s'il te plaît ?
Si elle fut surprise, elle ne le montra pas. Arlo savait pertinemment qu'il n'était pas proche de sa famille et s'il avait fallu que cette épreuve arrive pour que ses parents et ses sœurs se rendent compte de son existence...
Le jeune homme récupéra son portable. Il retint un soupir en voyant les nombreux messages manqués de Léon. Il lui écrivit brièvement : « Ça va ». Il avait bien vu que l'une de ses sœurs avaient tenu son petit ami informé, mais il ne voulait pas l'inquiéter davantage.
Arlo releva la tête vers sa mère en l'entendant s'éloigner :
- Je vais nous chercher à manger, dit-elle.
- Ne me prends rien, je n'ai toujours pas faim.
Sa mère soupira, mais ne répondit rien. Arlo était persuadé qu'elle lui rapporterait tout de même quelque chose. À peine une minute après son départ, la porte s'ouvrit à la volée sur un jeune homme essoufflé dont les joues étaient rougies par l'effort. Arlo écarquilla les yeux.
- Léon ?
- Bordel... huf huf... t'es vraiment... huf huf... un abruti...
Léon se laissa tomber sur le bord du lit, à bout de souffle. Arlo ne put s'empêcher de le trouver mignon. Il lui laissa le temps de reprendre son souffle.
- Tu ne peux pas savoir dans quel état j'étais ces derniers jours... souffla-t-il, le regard posé sur la couverture blanche. Je me suis vraiment fait un sang d'encre pour toi, j'ai cru ne jamais te revoir... J'avais préparé tout mon matos pour partir, je t'attendais chez moi en mangeant un Twix dans mon canapé, je m'en souviens. J'avais même taché mon tee-shirt... Bref ! Je m'égare. Les heures sont passées et j'étais super inquiet, mais quand j'ai vu qu'après plusieurs jours tu répondais pas... J'ai même cru avoir manqué le message où tu me larguais...
Léon releva la tête vers Arlo, les yeux humides de larmes.
- Et quand j'ai lu le message de ta sœur... ça m'a bouleversé. C'est pour ça que j'ai mis du temps à venir, d'ailleurs. J'étais au plus mal, ça m'a brisé le cœur. Si tu ne t''étais pas loupé, je crois que j'aurais pu mourir de tristesse.
Il prit la main de son petit ami dans la sienne et caressa sa paume avec son pouce.
- Arlo...
- J'aimerais dire que je suis désolé, mais ce serait mentir... murmura le jeune homme.
- Pourquoi tu ne m'as pas appelé ? Je suis ton petit ami...
- Parce que je savais que si je le faisais, je n'aurais plus eu le courage de passer à l'acte...
Arlo savait qu'en agissant de la sorte, il passait pour un égoïste. Cependant, c'était plus fort que lui. Il n'avait pensé qu'à sa peine et à sa douleur, à rien d'autre. Pour une fois, il avait cessé de laisser les autres décider à sa place.
À côté de lui, Léon ne savait plus quoi dire. Il aurait aimé trouver les mots pour aider Arlo, lui dire qu'il était là pour lui, qu'il serait toujours en mesure de l'aider. Seulement, parfois cela ne suffisait pas. Malgré tout l'amour qu'une personne pouvait porter à une autre, il n'était pas possible de l'aider. Alors il se contenta de rester près de lui, à tenir sa main sans voir qu'Arlo s'était endormi.
Derrière la porte, la maman d'Arlo attendait, un plateau entre ses mains tremblantes. Elle avait entendu toute leur conversation. De savoir que son fils était aussi mal sans n'avoir rien vu lui fendait le cœur. Qu'avait-elle loupé pour qu'Arlo en soit arrivé là ?
Elle décida de s'éloigner discrètement, laissant les deux jeunes hommes seuls. Elle posa le plateau sur un chariot ; cela ferait un heureux. Elle conserva cependant le dessert qu'elle avait choisi pour Arlo – son préféré. Elle lui donnerait quand il irait mieux...
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top