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Après avoir envoyé les photos à Lane, Rosalie s'assit devant son ordinateur et puis soupira, exaspérée. Du bout des doigts, elle commença à se masser les tempes pour se détendre. Elle essayait d'oublier, de passer à autre chose... Mais rien n'y faisait, le manoir avait pris racine dans son esprit. Elle n'arrivait pas à s'en détacher. Et il y avait aussi une chose qu'elle n'arrivait pas à comprendre, à démêler. Pourquoi lorsqu'elle y était entrée la première fois, avait-elle entendu quelqu'un jouer du piano ? Comment était-ce possible que le son avait été si doux, si beau, et sans aucun doute, parfait ? et qu'aujourd'hui, au contraire, le piano avait semblé désaccordé ? Est-ce que Lane avait raison ? Est-ce qu'il y avait une source surnaturelle ? Paranormale ?

L'adolescente secoua vivement la tête, comme pour crier silencieusement : « non ! ». Non. Ce n'était pas ça. Elle ne devait pas y penser. Les fantômes, ça n'existe pas. Les maisons hantées non plus. Elle ne devait pas laisser Lane la rendre folle avec toutes ces histoires. Bien qu'elles soient plausibles, dans le fond, il était préférable de les laisser de côté. Lane avait une imagination débordante et était capable d'amener quiconque à le croire – même Rosalie. C'est vrai, sans le savoir, elle était influencée par son cousin. Ainsi, tout ce qui pouvait l'amener à penser à des éléments surnaturels venaient effacer tout le bon sens et toute la rationalité qu'elle gardait encore en elle. Même si ce n'était pas son idée première.

Pour contrer l'influence de Lane, Rosalie eut donc l'idée de faire une liste mentale de toutes les choses qu'elle savait à propos du manoir afin de penser de manière un peu plus raisonnable et sensée :

1) Le manoir est vide depuis quelques décennies. Depuis quand ? Elle n'avait pas encore d'indications exactes.

2) On dit que le manoir est hanté. Il fait peur à tout le monde ou presque. Pourquoi ?

3) Tout est resté tel quel. Les meubles, la décoration, les photos... Il s'y est sûrement passé quelque chose. Quelque chose du genre inattendu. C'est lié au point deux. Une mort ? Une disparition ?

4) Il va être remis en vente. Probablement pour en tirer profit parce que laissé à l'abandon tel qu'il est, il ne sert à rien.

5) La première fois qu'elle y est allée, quelqu'un était entré avant elle...

Et c'était tout ce qu'elle savait. Toutefois, ce n'était évidemment pas assez. Rosalie n'avait pas assez « d'indices » pour trouver ce qui clochait avec le manoir. Pourtant, elle brûlait de savoir. C'en était presque devenu un besoin. En effet, l'adolescente était bien trop curieuse pour laisser couler.

Au lieu de continuer sa lecture des aventures du Capitaine Eo, elle décida donc de se transformer en Loïs Lane. Elle tapa ainsi le nom de la ville où elle habitait avec le mot « manoir » dans la barre de recherche de son ordinateur. Elle appuya sur la touche « entrée » et différents résultats s'affichèrent. Mais rien n'était en rapport avec ce qu'elle cherchait. Elle soupira. Pourquoi ça ne pouvait pas être plus facile ?

Elle réessaya avec d'autres mots clé mais cela ne donna toujours aucun résultat. Rien. Elle décida donc d'abandonner les recherches en voyant qu'il était tard, se disant qu'elle reprendrait le lendemain. Puis elle alla se coucher.

Quand Rosalie ouvrit les yeux, elle se trouvait devant le portail du manoir. Totalement désorientée, elle observa ce qu'il y avait autour d'elle, comme pour analyser la situation. Le ciel était nuageux, presque blanc. Le vent était tiède, léger, elle le sentait à peine contre sa peau. Puis, en baissant les yeux, elle remarqua qu'elle était encore en pyjama. Mais, aussi étrange que cela pouvait paraître, elle n'y prêta pas attention et entreprit plutôt de pousser les grilles.

Et tandis que l'adolescente entrait dans la propriété, elle ne put s'empêcher de se dire que tout était différent. Elle avait l'impression d'être au manoir et de ne pas y être en même temps.

À l'intérieur, c'était la même chose, la même impression.

Jusqu'à ce qu'elle entende le piano. Encore.

Partagée entre l'adrénaline et l'effroi, Rosalie monta les escaliers rapidement, bien décidée à savoir qui jouait du piano et pourquoi. Le manoir était abandonné ; ce n'était donc pas un lieu attrayant et logique pour jouer d'un instrument. À moins d'être totalement médiocre et de vouloir se cacher des autres ? Or, ici, ce n'était pas le cas. C'était même loin de l'être selon l'adolescente. Cela n'avait donc pas de sens. Rosalie savait qu'il y avait autre chose, une autre raison, un autre secret...

Mais quand elle arriva en haut, le silence avait déjà repris sa place. Et personne ne se trouvait assis devant l'instrument.

Quand Rosalie se réveilla, elle comprit que tout ceci n'avait été qu'un rêve. Voilà pourquoi le fait de se retrouver au manoir en pyjama ne lui avait pas paru bizarre, ce qui l'aurait alarmée. Enfin, normalement. Se promener en pyjama n'était vraiment pas dans ses habitudes.

En se levant, elle jeta un coup d'œil à son réveil. Sept heures. Elle soupira : d'habitude elle dormait plus longtemps, se levant toujours aux alentours de neuf heures et demi, voire dix heures. Elle ajouta aussi mentalement que d'habitude, elle ne se souvenait pas de ses rêves. Jamais. Pourquoi donc s'était-elle souvenue de celui-ci ? Pourquoi avait-il semblé si réel ? Et pour quelle raison avait-elle rêvé du manoir ? À croire qu'il la hantait même jusque dans son sommeil...

Elle passa une main sur son front, recoiffant légèrement ses cheveux bruns avant de prendre quelques affaires. D'un pas traînant, elle s'engouffra dans la salle de bain dans le but de se doucher pour se changer les idées. Elle en avait grandement besoin.

Quand elle descendit dans la cuisine, elle vit que son père était là, assis, en train de boire son café. Il lisait le journal et semblait trop concentré pour avoir remarqué sa présence. Elle avait l'habitude. C'était pareil tous les matins. Quant à sa mère, à cette heure-ci, elle dormait encore.

— Bonjour, lança Rosalie à son père tout en souriant, avant de prendre un bol afin d'y verser des céréales et du lait.

— Bonjour, lui répondit-il sans toutefois lever les yeux de son journal. Bien dormi ?

— Ça va, ça va.

Elle entreprit ensuite de manger tout en se demandant si elle pouvait lui parler du manoir. Il travaillait en tant qu'adjoint du shérif et avait son bureau dans le centre-ville depuis quelques années ; le pourcentage de chances que son père en sache davantage sur le manoir était donc élevé. Peut-être qu'il serait capable de répondre à ses questions ?

Rosalie se racla la gorge, hésitante, après avoir avalé ses dernières céréales. Puis se lança :

— Dis, papa ? Tu sais ce qui s'est passé au manoir derrière chez nous ?

Il leva les yeux pour les plonger dans ceux de sa fille avant de refermer son journal et de retirer ses lunettes. L'adolescente venait sûrement de titiller sa curiosité.

— Pourquoi tu poses la question ?

— C'est Lane qui me demandait ça l'autre coup, mentit-elle. On en a parlé quand on a fait le cache-cache et j'ai pas su lui répondre...

Il sembla réfléchir et sur l'instant, Rosalie crut bien qu'il ne la croirait pas. Elle n'était pas une menteuse invétérée, mais avait tout de même l'impression qu'à chaque fois qu'elle ne disait pas la vérité, il le savait. C'était étrange, sûrement une qualité qu'il avait acquise grâce à son travail. Néanmoins il ne fit aucune remarque et Rosalie se sentit soulagée. Elle l'observa donc se lever et attraper un pense-bête sur le frigo, prendre un crayon et griffonner quelque chose. Puis il lui tendit le papier avec un petit rictus.

— La bibliothèque est ouverte toute la journée, si tu veux.

Son père ne lui dirait rien de plus et ça, Rosalie en était bien consciente. Il fallait qu'elle fasse ses propres recherches. Ça ne l'embêtait pas, au contraire. Elle aimait bien investiguer par elle-même et se la jouer Loïs Lane. Elle trouvait ça amusant et parfois, se disait qu'elle pourrait en faire son métier.

Elle baissa ensuite les yeux pour lire ce qu'il avait écrit. Un seul mot, sept lettres : Roswell.

L'adolescente sourit tout en le remerciant avant d'aller chercher ses affaires. Direction la bibliothèque. 

*

On va enfin en apprendre plus sur le manoir et sur ce qui s'y est passé ! 

Des théories? Des idées? 

J'espère que la suite vous plaira ! 

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