35

Rosalie n'osait pas sortir des toilettes et affronter les conséquences de son voyage dans le temps. Terrorisée à l'idée de faire face à sa grand-mère, à la sécurité, à Michael, elle resta longtemps immobile dans la pièce tamisée. Ses mains et ses doigts tremblaient légèrement, ses jambes paraissaient si faibles, presque incapables de soutenir son poids, et ses yeux étaient brouillés par les larmes qui envahissaient doucement sa vue. Bon sang, se disait-elle, est-ce que je suis en train de tout faire rater ? L'adolescente commençait à paniquer et surtout, à perdre espoir. Et si elle se faisait arrêter ? Et si on découvrait qu'elle n'existait dans aucun fichier ? Qu'elle n'avait pas d'identité ? Qu'elle n'existait pas ?

De longues minutes s'écoulèrent. Puis soudain, elle n'était plus seule.

On frappa à la porte trois fois. Les coups furent brefs, teintés d'une certaine timidité.

— Rosalie ? entendit-elle alors à travers le bois de la porte.

L'adolescente sentit son cœur défaillir au son de cette voix douce et mélodieuse. Encore une fois, elle fut charmée par son manque d'assurance. Il s'agissait de Michael. Et pour une raison qu'elle ignorait encore, il se tenait là, derrière la porte. Il l'attendait. Il la cherchait. Pourquoi ? Comment savait-il ? Rosalie resta silencieuse un moment. Et s'il venait à cause de Penny ? Et que ferait-elle s'il n'était pas seul, mais accompagné d'un agent de sécurité ?

— Rosalie ? répéta-t-il et cette dernière avait l'impression qu'il la priait de répondre. Tu es là ?

Etait-ce de l'inquiétude qu'elle pouvait discerner dans sa voix ? Ou de l'impatience ?

Après une légère hésitation, l'adolescente se résolut à affronter Michael. Elle était prise au piège de toute manière. Elle ne pouvait pas reculer. Elle prit alors son courage à deux mains, inspira longuement afin d'emplir ses poumons et elle ouvrit la porte.

En effet, Michael Roswell se tenait bien derrière cette dernière, portant fidèlement la marinière qui le distinguait en tant que serveur du Nautilus.

— Hey, susurra-t-il d'une voix qui se voulait rassurante.

Il était seul. Rosalie, presque soulagée, relâcha la pression accumulée et esquissa un léger sourire. Elle voulait lui dire tant de choses, lui avouer tous ses secrets...

— Dans quoi t'es-tu encore fourrée ? voulut aussitôt savoir le garçon d'un ton léger, mais pourtant bel et bien accusateur.

Derrière lui, près du comptoir, Penny la fixait du regard. Jamais Rosalie n'eut aussi peur de sa grand-mère jusqu'à aujourd'hui. C'en était presque risible. Non pas que sa grand-mère la terrorisait tout particulièrement, c'étaient plutôt les conséquences de cette rencontre qui la rendaient aussi nerveuse. Et si Michael ne lui faisait plus confiance après ça ? Comment pourrait-elle l'aider ou bien même le sauver ?

— Rosalie, je ne sais pas ce que tu as fait à Mademoiselle Fisher, mais elle n'a pas arrêté de nous dire que tu étais une sorcière.

Le garçon sourit avant de laisser échapper un léger rire.

— Tu lui as fait quoi, au juste ?

L'adolescente haussa les épaules, incapable de lui dire la vérité ou d'inventer un mensonge plausible. Elle n'en pouvait plus de mentir. À ce rythme, il valait bien mieux s'en tenir à un énième secret.

— Je suis juste allée aux toilettes.

— De toute manière, continua Michael, on a essayé de la raisonner.

Rosalie s'affola à cause de l'usage de la troisième personne « on ».

Qui ça, « on » ?

— Tu veux dire que... ?

— Mademoiselle Fisher est venue voir Tatiana au bar, elle demandait à voir expressément le père d'Héloïse. Elle racontait des choses improbables... Elle disait que tu étais apparue comme ça, raconta Michael avant de claquer des doigts pour appuyer son dernier propos. Elle t'a traitée de sorcière un nombre incalculable de fois, si bien qu'elle a fini par attiré l'attention de certains clients et même de l'officier de police.

Rosalie prit soudainement peur. Elle balaya le Nautilus du regard, lentement, timidement, cherchant une figure d'autorité. Elle rencontra alors la silhouette d'un homme en uniforme. Il regardait justement dans sa direction. Elle ne baissa pas les yeux, soutenant son regard comme quiconque l'aurait fait afin de ne pas se montrer suspecte à ses yeux. D'ailleurs, elle avait l'impression de connaître l'homme qui soutenait son regard sans ciller. Elle y songea quelques secondes... se demandant si elle l'avait déjà croisé dans le passé ou bien dans son présent à elle... Puis elle comprit. Elle l'avait reconnu. Il s'agissait du chef de son père : Harry Ferguson. Il paraissait si jeune !

— Il ne posera pas de questions, ne t'inquiète pas, la rassura Michael qui avait suivi son regard. En fait, Mademoiselle Fisher a peut-être abusé sur l'alcool aujourd'hui et le stress accumulé tout le long de l'année n'aide pas... Je pense que personne ne l'a prise au sérieux. Le père d'Héloïse et l'officier ont insisté pour qu'elle retourne s'asseoir sans faire d'histoire.

Sans même vérifier, Rosalie sentait son regard sur elle. Penny l'avait dans le collimateur.

— Bon ! énonça tout à coup le garçon avec un nouvel entrain. Je dois retourner bosser. Tu veux que je te serve quelque chose ? Tu n'as qu'à aller t'asseoir dans la pièce secondaire, je vais te chercher la carte.

Rosalie n'eut même pas le temps de répliquer qu'il tournait déjà les talons, un sourire amusé peint sur ses lèvres charnues. Elle décida de l'écouter et d'aller s'installer dans la pièce d'à côté où se trouvait le piano du Nautilus. Et c'est avec un réel soulagement qu'elle réalisa que même Michael ne posait de question. Rosalie était sauvée. Sa rencontre avec Penny n'avait pas eu de conséquences désastreuses comme elle l'avait imaginé. Plus de peur que de mal.

Quand l'adolescente entra dans la pièce secondaire, elle vit qu'Héloïse était là également. À genoux sur une chaise, elle était penchée sur une table où jonchaient plusieurs feuilles, toutes éparpillées sur la table en bois. Il s'agissait de dessins. Certains étaient colorés, d'autres n'étaient qu'à l'étape de la simple esquisse – ou du simple gribouillis.

— Hey, la salua Rosalie et Héloïse releva la tête.

— Rosie ! J'suis trop contente de te voir !

C'est vrai que ça faisait longtemps qu'elles ne s'étaient pas vues. Rosalie ne s'était pas rendue au Nautilus depuis un bon moment maintenant.

— Moi aussi, répondit l'adolescente avec un sourire des plus authentiques. D'ailleurs, tu fais quoi de beau ? Je peux voir ?

La petite fille hocha vivement la tête avant de se décaler. Rosalie put donc admirer ce qu'avait dessiné Héloïse à l'aide de ses crayons de couleurs.

— C'est super joli !

Sur plusieurs dessins, elle crut reconnaître Michael, si bien qu'elle mesura à quel point il comptait pour la petite Héloïse. Il était comme le grand frère qu'elle n'avait jamais pu avoir...

— Et là, c'est toi ! énonça tout à coup Héloïse.

Rosalie fut prise de court. Sur l'instant, elle crut d'abord qu'elle avait mal compris ce qu'elle avait dit, puis elle contempla ce qu'avait fait la petite fille... Effectivement, elle se reconnaissait. L'adolescente sourit face à son portrait avant d'accorder de l'importance à tous les détails laissés sur le papier. Il y avait une fille, c'était elle. D'ailleurs, elle était vêtue d'une drôle de veste et d'un pantalon noir un peu trop skinny pour l'époque... Ce dessin illustrait la première fois que Rosalie avait rencontré Héloïse – la première fois qu'elle s'était rendue au Nautilus. Sur le côté, l'on pouvait également voir une autre silhouette. Celle-ci était habillée d'une marinière et d'un bas assorti. Des boucles sombres tombaient sur le haut d'un visage que toutes les deux connaissaient si bien. Celui de Michael.

Pour amuser la petite fille, Rosalie fit semblant de ne pas le reconnaître et elle lui demanda :

— Et lui, c'est qui ?

Héloïse sourit de toutes ses dents avant de lui répondre :

— Ton fiancé.

Justement, en parlant du loup...

Ce dernier revint au même moment. Il marchait vite, naviguant entre les tables et les chaises qui étaient disposées çà et là dans cette pièce solitaire. Ses joues semblaient plus roses que d'habitude et Rosalie ne manqua pas de le remarquer.

— Et une carte pour la demoiselle, fit Michael avec un sourire tout en déposant ladite carte sur la table avant de se gratter l'arrière du crâne.

Etait-il gêné ?

Rosalie n'eut pas le temps de le remercier qu'il ajoutait déjà :

— Désolée pour l'attente... Euh... Tatiana avait besoin de moi pour quelque chose...

Héloïse haussa un sourcil.

— Tati a encore besoin d'aide ? demanda innocemment la petite fille.

Michael se tourna vers elle :

— Normalement, tout est réglé. Mais si tu veux, tu peux aller la voir ! Elle serait ravie !

Héloïse descendit de la chaise sur laquelle elle était installée, laissant tous ses dessins à l'abandon sur la grande table avant de partir au pas de course.

— Tu vas mieux ? s'enquit tout à coup Michael, sûrement pour éviter un long silence embarrassant.

Rosalie hocha la tête sans rien dire.

— Tu avais l'air secouée, quand même. Elle en a peut-être l'air, mais mon professeur de littérature ne mange personne en réalité ! ajouta-t-il pour la détendre. Tu n'as pas à t'en faire. Tu étais juste mauvais endroit au mauvais moment, comme on dit.

Tu ne crois pas si bien dire...

— Mais j'avoue que voir Mademoiselle Fisher dans cet état, c'est plutôt rare. Elle qui est d'habitude si calme et si maitresse de ses émotions... J'espère qu'elle va bien. Tu as dû lui faire peur.

Rosalie savait qu'il cherchait à lui soutirer davantage d'informations et rien d'autre. Car elle n'avait pas vraiment besoin d'être rassurée. Ce n'était qu'un stratagème de sa part pour savoir si Mademoiselle Fisher – sa grand-mère – avait réellement tout inventé. L'adolescente avait maintenant conscience que Michael se doutait de quelque chose. Mais à quoi pensait-il ? Qu'avait-il en tête ?

— Elle était bien trop occupée à se recoiffer pour me voir entrer derrière elle, répondit seulement Rosalie. Mauvais endroit au mauvais moment.

Après cet échange un peu étrange, l'adolescente baissa les yeux sur la carte qu'elle avait devant elle. Elle parcourra les boissons qui s'offraient à son regard, mais ne pût se décider. Les yeux de Michael ardaient sur sa peau.

— Si je peux te conseiller quelque chose, n'hésite pas.

Rosalie sourit.

— Je veux bien un petit coup de pouce, dit-elle d'une voix douce.

Le garçon s'approcha. Il était dorénavant si proche d'elle que Rosalie n'osât plus bouger. Son souffle caressa sa peau une seconde tandis qu'il se penchait au-dessus de son épaule. Après avoir désigné une boisson à l'aide de sa main droite, il se redressa non sans garder une certaine proximité avec la demoiselle. Rosalie mira la carte un instant pour découvrir qu'est-ce qu'il avait choisi pour elle.

— Le Jolly Rodgers ? Mais c'est alcoolisé, non ?

Elle glissa son regard sur les ingrédients. Ce n'est même pas légal...

— Chut, susurra-t-il comme un connaisseur. Il n'est pas fort et c'est un cadeau de la maison. Tu vas adorer !

— Mais...

Michael ne lui laissa pas le temps de riposter qu'il reprit la carte.

— Je t'apporte ça dans une minute.

Et il tourna les talons, laissant Rosalie de nouveau seule.

Les joues en feu. Le cœur encore palpitant. 

*

J'aime beaucoup la relation Rosalie/Michael ! 

Hihi, j'ai hâte de vous publier le prochain chapitre ! 

Je vous dis à très vite et surtout je souhaite bonne chance et bon courage à tous ceux qui passent des examens (brevet, bac, autres) ! 

Much love ♥

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