21

Le cœur serré, Rosalie laissa échapper un bref soupir avant de refermer le cahier qui appartenait à Michael – comme si, en même temps, elle essayait d'évacuer toute la tristesse qui avait pris possession de son être. Cette même tristesse, elle semblait la ressentir pour la toute première fois. Un peu comme si elle réalisait seulement maintenant que Michael n'existait encore que parce qu'elle avait le pouvoir d'aller et venir dans sa temporalité. De plus, elle savait que tous deux se prenaient d'amitié l'un pour l'autre, alors l'adolescente ne pouvait que ressentir de la peine. Parce que leur amitié ne durerait pas. C'était inévitable. Un jour, elle devra lui dire au-revoir, lui faire ses adieux, et elle devra l'oublier.

Mais cette infinie tristesse était agrémentée d'autres sentiments et d'autres émotions qui paraissaient presque contraires. De la joie, de l'excitation, de l'espoir... En effet, le cœur de Rosalie se gonflait seulement grâce à la pensée d'avoir fait la connaissance du garçon, mais aussi parce qu'elle avait l'opportunité de le sauver. Ainsi, pour rien au monde elle ne supprimerait le pouvoir qu'elle avait de voyager dans le temps. Son désir de se rendre chaque jour en 1987 était si viscéral qu'il ne s'agissait plus seulement de l'enquête, mais bel et bien de passer le plus de temps possible à ses côtés.

Voyant qu'il commençait à se faire tard, Rosalie glissa les affaires du disparu dans son sac, s'assurant que rien d'autre ne traînait sur le sol. En fait, Rosalie souhaitait rentrer chez elle pour déposer son sac et pourquoi pas faire un tour en ville afin de voir si le Nautilus existait encore.

Finalement, quand elle sortit du manoir, en cette fin d'après-midi, elle remarqua que le ciel s'était couvert. En effet, le ciel auparavant bleu était devenu grisâtre et l'adolescente se demanda s'il n'allait pas pleuvoir. Cependant, n'étant que très légèrement vêtue, elle pria pour que ce ne fût pas le cas.

Sur le chemin du retour, Rosalie marchait vite et laissait parfois échapper des soupirs ; comme si elle essayait d'évacuer la pression accumulée depuis le début de la journée. En effet, elle n'aimait pas se trouver dans la propriété des Roswell alors qu'ils n'étaient plus là. À chaque fois, elle était mal-à-l'aise. Comme si elle n'était pas la bienvenue. Alors parfois elle imaginait que l'esprit de Jonathan Roswell hantait les lieux et qu'il était à l'origine de toutes ces sensations bizarres. L'adolescente se disait même que s'il ne l'appréciait pas dans le passé, ses sentiments n'avaient sûrement pas changé aujourd'hui. Surtout en sachant que Rosalie s'était résolue à percer le secret du manoir, et par la même occasion, à percer le sien. Jonathan Roswell avait donc toutes les raisons du monde de la vouloir le plus loin possible de sa propriété.

Une fois chez elle, Rosalie se dirigea vers les escaliers pour se rendre directement dans sa chambre. Elle posa ensuite son sac sur son lit, là où se trouvait déjà le dossier que lui avait donné son père. L'adolescente le fixa alors un petit instant, hésitant à l'ouvrir pour en prendre connaissance – chose qu'elle n'avait pas encore eu le temps de faire jusqu'à maintenant. C'est vrai, elle brûlait d'apprendre tout ce qu'elle ne savait pas encore. Les rapports des autopsies, les empreintes laissées au manoir, les indices, les différentes pistes... Et plus que tout, elle désirait ardemment mettre la main sur la liste de toutes les personnes suspectées dans l'affaire.

Néanmoins, en voyant l'heure qu'il était, elle décida de remettre sa lecture à plus tard, préférant enquêter en ville. Aujourd'hui, pour une fois, elle désirait sortir.

Et alors qu'elle allait aussitôt repartir, elle se rendit compte qu'elle n'avait aucune idée de l'endroit où se trouvait le Nautilus – enfin, s'il était encore là aujourd'hui... Ce pourquoi Rosalie se sentit honteuse. C'est vrai : elle habitait à Auburn depuis sa naissance et la ville n'était pourtant pas bien grande. C'est ainsi qu'elle se mit à regretter ses tendances casanières, se maudissant de ne jamais sortir. En effet, que ferait-elle si elle ne le trouvait pas ? Elle aurait l'air bien bête... Et puis, Rosalie ne put s'empêcher d'imaginer mille et un scénarios et dans la plupart d'entre eux, le Nautilus n'était pas à la hauteur de ses espérances. Soit il n'existait pas, soit il s'était transformé en un tout autre endroit...

Afin de faire disparaître tous ses doutes et pour remédier à son manque cruel d'informations, elle alluma son ordinateur et fit une rapide recherche sur son moteur de recherche. À ce moment, elle s'aperçut que le Nautilus existait toujours. Quelle chance ! songea-t-elle avec un léger sourire. Au moins, elle avait un point de départ.

C'était en fait un bar situé à l'extrémité Est de la ville d'Auburn, à l'exact opposé du manoir et de la maison de Rosalie. En parcourant le site internet, l'adolescente appris qu'il avait ouvert ses portes pour la première fois en 1939 et que depuis, il ne les avait jamais fermées. Puis, tout en faisant défiler les photos prises aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du bâtiment, Rosalie se demanda s'il s'agissait bien du même Nautilus que celui qu'avait connu Michael. Car en effet, si c'était le cas, elle venait de mettre le doigt sur une première source d'indices. C'est vrai : peut-être qu'elle pourrait en apprendre davantage sur le garçon là-bas...

Désormais, il n'y avait plus aucun doute à avoir, elle devait absolument s'y rendre.

*

S'il y avait bien une chose que Rosalie détestait, c'était la pluie.

Tandis qu'elle traversait les rues désertes d'Auburn, la capuche de son gilet bordeaux rabattue sur sa tête, elle ne pouvait s'empêcher d'exprimer son aversion pour cet affreux phénomène météorologique. Les mèches qui dépassaient de son vêtement étaient trempées et celles-ci dégoulinaient sur les joues de l'adolescente. Quant à ses habits, ils n'avaient pas été épargnés. Son jean noir lui collait presque à la peau, si bien qu'elle était certaine de tomber malade les jours suivants, et enfin, ses converses couinaient à chaque pas qu'elle faisait. Génial...

Trempée de la tête aux pieds, l'adolescente se demanda soudain pourquoi elle avait choisi de sortir en ce début de soirée. Pourquoi maintenant ? Immédiatement, la réponse apparût dans son esprit, aussi claire que de l'eau de roche. Elle espérait le revoir. Qu'importe si elle devait braver le mauvais temps, elle était prête à tout. Rosalie aurait pu remettre sa sortie au lendemain, mais les jours étant comptés, elle n'y avait même pas songé.

Pourtant, dehors c'était le déluge. En l'espace de quelques minutes, le ciel s'était assombri et le temps avait tourné à l'orage. D'abord, il y avait eu un grondement étrange qui avait semblé provenir de partout et de nulle part à la fois. Et ensuite, le silence. L'adolescente avait eu à peine le temps de lever la tête vers le ciel qu'un éclair avait soudain illuminé son champ de vision. Elle avait bientôt entendu un autre grondement, celui-ci presque identique au premier, et avait aussitôt compris que les dieux s'étaient mis en colère au-dessus de la ville d'Auburn. C'est bien ma veine ! avait alors ironisé Rosalie, pressant davantage le pas tout en longeant les façades des boutiques afin d'être mieux protégée.

Oui, elle détestait vraiment la pluie.

Oh, pourtant elle chérissait bien ces journées d'automne passées chez elle à lire près de la cheminée quand le ciel décidait de pleurer ; seulement, alors qu'elle se trouvait dehors, en pleine période estivale et sous une averse qui ne voulait pas cesser ; elle se disait qu'il n'y avait rien de pire. Là, oui elle abhorrait la pluie et il n'y avait pas d'autre mot aussi fort pour l'exprimer.

Enfin, alors que le vent lui fouettait toujours le visage, amenant ses cheveux devant ses yeux, elle l'aperçut. Le Nautilus.

Tandis qu'elle s'en approchait, ses yeux fixant toujours les néons bleus qui formaient le nom du bar, des frissons parcoururent son échine, la faisant tressaillir très légèrement. Et dire que Michael avait passé beaucoup de temps ici...

Cependant, elle dut sortir de ses pensées et de sa contemplation quand tout à coup, elle rencontra une surface dure. Venait-elle de foncer tout droit dans un mur ? Non, elle venait juste de traverser la route... Ce n'était donc pas un mur. Ainsi, lorsqu'elle se rendit compte qu'elle venait de bousculer quelqu'un, elle se confondit en excuses. Ses joues prirent alors une teinte cramoisie. Génial, Rosalie, maintenant tu fonces dans les gens ?

Il s'agissait en fait d'un homme plus âgé que son père, les cheveux grisonnants – peut-être avait-il la cinquantaine ? – et il était vêtu d'un uniforme semblable au sien. Ok, Rosalie, tu viens de bousculer un officier de police... Cependant, elle ne le connaissait pas ou ne le reconnaissait pas. Pourtant, il lui arrivait de mettre les pieds au poste ou bien d'être invitée à des diners avec ses parents. Alors elle avait l'habitude de croiser les collègues de Bradley Moore, mais jamais elle n'avait vu cet homme-là auparavant. Ce pourquoi l'adolescente se dit qu'il venait d'arriver en ville. Il avait très certainement été muté ici.

Enfin, tandis qu'elle allait passer son chemin, l'homme la retint en attrapant son avant-bras, l'air soucieux :

— Excusez-moi, mademoiselle, mais... j'ai l'impression qu'on s'est déjà vus quelque part ?

Rosalie, intriguée, secoua la tête. S'il avait une impression de déjà-vu, ce n'était pas son cas à elle. Alors elle passa son chemin, allant se réfugier à l'intérieur du bar.

*

Heeeey ! 

J'espère que vous aimez toujours ! 

Qui est donc ce mystérieux officier de police ? 

Et que va trouver Rosalie au Nautilus ? Y verra-t-elle Michael? 

Les réponses au prochain chapitre...

Merci encore d'avoir lu ! Je vous embrasse ! ♥


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