18
De moins en moins timide, l'adolescente commença par raconter à Michael qu'elle avait rencontré son père en arrivant au manoir. En fait, c'était une ruse de sa part pour étudier la réaction du garçon. Parce qu'elle sentait qu'elle pouvait avoir des réponses... Elle sentait au fin fond de son être qu'elle pouvait en apprendre davantage sur la relation qu'entretenait Jonathan Roswell avec son fils. Et peut-être que ça ferait avancer son enquête.
Rosalie riva donc ses prunelles sur Michael pour l'observer finement tandis qu'elle lui faisait part de ses commentaires :
— Il n'avait pas l'air spécialement ravi que je sois là, dit-elle alors.
Elle vit donc le garçon hausser les épaules comme s'il s'agissait d'une vulgaire habitude, puis ses mains s'immobilisèrent au-dessus du clavier. Plus aucun son ne fut entendu et le silence devint tout à coup quasiment pesant. Michael n'aimait pas parler de son père et Rosalie en eut rapidement conscience. Un nouvel indice, songea-t-elle.
— Ne t'occupe pas de ça, mon père n'est... pas le genre de personne à apprécier les invités « surprises ». Mais ne t'en fais pas, à force il finira par t'apprécier.
Comme moi je t'apprécie, aurait voulu ajouter le garçon. Mais il acheva sa phrase avant, préférant ne pas dévoiler ses sentiments à la demoiselle assise à ses côtés. Mentalement, il se dit que ça aurait été ridicule de le faire. Surtout qu'il ne la connaissait pas beaucoup.
Je l'espère, songea ensuite Rosalie en baissant la tête. Elle voulait que les choses se passent le mieux possible. Parce que si Jonathan ne voulait pas d'elle au sein du manoir, son enquête pouvait s'en trouver ralentie. Mais pourquoi ? Pour quelles raisons la voudrait-il loin du manoir et loin de son fils ? Oh ! Et si... elle se mit à penser que peut-être, il était probable que le père de Michael partageait les mêmes a priori que son fils sur elle. Peut-être la pensait-il d'une classe bien inférieure à la sienne...
— Sinon, t'habites loin d'ici ? demanda Michael de but en blanc.
L'adolescente se mit à jouer avec ses doigts tout en réfléchissant. Que pouvait-elle répondre ? Oui, j'habite à plus d'une trentaine d'années d'ici ?
— Euh, commença par prononcer Rosalie tandis que le garçon fronçait ses sourcils, relativement intrigué. Plutôt oui.
— Vraiment ?
Sur l'instant, Michael craignait qu'elle n'ait pas réellement de « chez elle », qu'elle vive dans la rue, ou quelque chose de cet acabit. Si c'était le cas, il ne saurait pas comment réagir. Sûrement lui aurait-il offert de l'aide. Mais comment ? Son père n'aurait jamais accepté...
Cependant, tout (ou presque) portait à croire que ce n'était pas la vérité. Rosalie devait très probablement avoir un endroit où dormir le soir tout en étant en sécurité. Il y avait si peu de sans-abris à Auburn ! De plus, l'adolescente sentait toujours bon et laissait derrière elle d'agréables senteurs. Impossible alors qu'elle fût à la rue. Comme lui, elle bénéficiait sûrement de tout ce dont elle avait besoin pour parfaire son hygiène.
Enfin, Rosalie sourit et cela mit fin aux interrogations du garçon :
— C'est la deuxième étoile à droite et puis tout droit jusqu'au matin.
Michael éclata de rire et finit par rabaisser le couvercle du piano avant de se tourner vers la demoiselle :
— Eh bien, quelle drôle d'adresse ! s'exclama-t-il. C'est ce qu'on écrit sur les lettres ?
— Je ne reçois pas de lettres, récita Rosalie de manière approximative.
La dernière fois qu'elle avait vu le dessin-animé ou bien lu le livre Peter Pan remontait à si longtemps...
— Mais ta mère en reçoit ?
Rosalie, incapable de continuer, se mit à rire.
— Tu sais, je te demandais ça parce qu'il va être bientôt midi, il lui montra sa montre, du coup... si tu veux rester manger à la maison... tu es la bienvenue.
Rosalie se sentit touchée par l'offre du garçon, mais elle ne pouvait pas l'accepter. Et si elle finissait par disparaître en plein milieu du repas, de nouveau happée par le présent ? Cela briserait toutes ses chances de découvrir la vérité. Ça ruinerait même leur début d'amitié. Par conséquent, elle savait qu'il valait mieux ne pas rester. Elle devait rentrer. Chez elle, dans le présent.
Michael, en véritable gentleman, proposa alors à Rosalie de la raccompagner jusqu'au portail. Il semblait vouloir profiter de sa présence le plus longtemps possible.
— Tu penses revenir bientôt ?
— Si tu n'en vois pas d'inconvénient, répondit l'adolescente sans même réfléchir un seul instant.
Et le garçon n'en voyait aucun.
— Eh bien, à bientôt, susurra Michael tandis qu'il ouvrait le portail.
— À bientôt, dit-elle en retour avant de lui tourner le dos.
— Et, euh, Rosalie...
L'adolescente se retourna, curieuse. Qu'allait-il lui dire ?
— Tu devrais passer au Nautilus !
Elle fronça les sourcils. Le Nautilus ? Qu'est-ce que c'est ? Et comme s'il lisait dans ses pensées, il expliqua :
— C'est là où je travaille tous les soirs. Ça me ferait plaisir de te voir passer...
Une fois chez elle, la première chose qu'elle fit, ce fut de regarder l'heure qu'il était. Et c'est avec stupeur qu'elle remarqua qu'il n'était pas encore midi. Non, il était à peine dix heures. Comment ? De la même manière que le temps semblait s'être arrêté la première fois qu'elle avait mis les pieds dans le manoir, les aiguilles avaient cessé de bouger dès l'instant où elle s'était retrouvée en 1987. Par conséquent, Rosalie réalisa qu'elle devait faire attention à ses allées et venues entre les deux époques. En effet, elle ne devait pas disparaître d'un endroit pour réapparaître à un autre. Surtout si quelqu'un se trouvait déjà là.
Après avoir retrouvé ses esprits, elle monta les escaliers pour se rendre dans sa chambre. Elle enleva ses chaussures, sauta sur son lit et alluma son ordinateur. Elle avait deux heures devant elle afin de comprendre le mécanisme de ses voyages spatio-temporels. Et pour commencer, elle tenta de se souvenir avec exactitude de ce qui s'était passé juste après avoir quitté Michael.
Après s'être engagée sur le long chemin qui longeait le lac, une fois avoir dépassé le grand portail qui menait au manoir, Rosalie s'était sentie mal. D'abord, les vertiges l'avaient forcée à s'immobiliser. Puis ce mal de tête qui semblait s'amplifier de seconde en seconde l'avait complètement désorientée. Enfin, sa vue s'était troublée et elle avait perdu l'équilibre. À moitié consciente, elle avait cru voir un flash blanc si lumineux qu'elle avait dû plisser les paupières pour protéger sa rétine.
Au même instant, alors qu'elle se remémorait son « voyage », elle ne put s'empêcher de songer qu'à chaque fois qu'elle allait dans le passé, le retour dans le présent semblait à chaque fois plus violent que l'ancien. Comme si ça devenait plus réel. Comme si elle s'ancrait en 1987 de manière à y rester le plus longtemps possible et que le présent voulait la reprendre brutalement. D'autant plus que Rosalie avait compris que plus elle restait à cette époque, plus le voyage inverse était difficile.
Il faut vraiment que j'apprenne à le contrôler...
Autrement, elle était certaine qu'elle n'y survivrait pas.
*
Bouuuh !
J'espère que vous aurez aimé ce chapitre ! :D
Il est court, il ne se passe pas grand chose, mais il amène certaines choses et certaines réflexions importantes pour la suite ;)
Je vous embrasse ♥
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