14

Je voyage dans le temps.

Voilà la théorie qui avait pris racine dans l'esprit de Rosalie dès l'instant où elle s'était effondrée sur son lit, après être rentrée chez elle. En effet, le voyage spatio-temporel était bien la seule théorie plausible, qui d'ailleurs faisait du sens à l'adolescente.

Même si c'était techniquement impossible, Rosalie devait se rendre à l'évidence : c'était réel. Désormais, il ne s'agissait plus d'une hypothèse, mais d'un fait établi.

Rosalie était maintenant allongée sur le dos, les paupières closes. Sa poitrine se soulevait et s'abaissait à un rythme lent et régulier. Sa respiration, si douce, demeurait presque inaudible. Si bien que l'adolescente semblait être tombée dans un sommeil profond. Néanmoins, elle ne dormait pas encore. En fait, elle n'arrivait pas à sombrer dans les bras de Morphée et revivait inlassablement la journée qui venait de s'écouler. Par conséquent, elle ne cessait de songer à Michael et à leur deuxième rencontre. Une rencontre encore bien étrange. En fait, c'était difficile pour Rosalie de réaliser qu'elle avait en elle le pouvoir de changer de temporalité, d'époque... Elle songea ensuite à Michael, pour qui ce devait être aussi troublant. Il l'avait surprise chez lui avant qu'elle ne prenne la fuite comme si sa vie en dépendait, un peu à la manière d'une voleuse, puis le lendemain, elle retournait le voir... Le pauvre, se dit-elle, il ne doit rien comprendre. Puis songeant encore à lui, elle ne put s'empêcher de le trouver fort charmant. Il était notamment bien différent des garçons de son lycée. C'est là qu'elle réalisa l'immense écart qui subsistait entre les générations. Ou bien Michael était réellement unique. Quand elle avait dû le quitter, prétextant que sa mère l'attendait, il lui avait même proposée de repasser le voir dès qu'elle le pouvait. « Je t'apprendrai quelques morceaux si tu le souhaites. » C'était une véritable surprise. Elle n'avait jamais imaginé qu'il puisse souhaiter la revoir un jour. Et pourtant, c'était le cas.

Après cela, elle avait de nouveau craqué et des larmes s'étaient écoulées le long de ses joues. Parce qu'à cause de la date de parution du journal, Rosalie était forcée de se rendre à l'évidence : soit elle devenait folle, soit elle voyageait réellement dans le temps. Et dans les deux cas, ça allait assurément lui apporter des problèmes. Non pas qu'elle n'aimait pas l'idée de voyager dans le temps - elle trouvait ça plutôt extraordinaire -, mais parce qu'elle ne semblait pas le contrôler. Et ça, ça changeait tout. Absolument tout.

Elle aurait d'ailleurs voulu en parler à sa mère mais elle était certaine que Kristen ne la croirait pas, tout comme son père.

Mais est-ce qu'elle voyageait réellement dans le temps ? Et si ce n'était qu'une illusion ? Non, ce n'est pas une illusion, ni des hallucinations. Désormais, l'adolescente en était quasiment certaine : il ne pouvait s'agir d'autre chose. Cependant, elle souhaitait en être totalement sûre afin de pouvoir utiliser son « pouvoir » pour faire avancer son enquête. Parce que si elle pouvait vraiment voyager dans le temps, cela signifiait qu'elle était en mesure de découvrir ce qui s'était réellement passé le jour du 29 août 1987. Et peut-être qu'elle serait en mesure de tout changer, d'empêcher les événements de se produire. Pour cela, il fallait qu'elle sache une chose : comment avoir le contrôle.

Elle décida donc de rallumer son ordinateur et de faire quelques recherches. Au moins, ça l'occupait. Néanmoins, mis à part des références aux films cultes du genre comme Retour vers le futur, elle ne trouva rien.

OK, sois rationnelle, se dit Rosalie. Comment ça s'est passé à chaque fois ? Elle se remémora les maux de tête, la fièvre, ses vertiges..., mais rien ne lui donnait de clé pour apprendre à contrôler ses sauts dans le temps. Elle ne le contrôlait pas, tout simplement. Tout ce qu'elle savait, c'est que ça se produisait à chaque fois qu'elle se trouvait au manoir Roswell ou dans ses alentours.

Rosalie soupira, referma son ordinateur portable avant de le reposer sur sa table de nuit. Elle se rallongea sur son lit, sous sa couverture - elle détestait dormir seulement avec un drap, même en été - et ferma ses paupières. Il était près de trois heures du matin, il fallait qu'elle dorme. Autrement, elle était certaine qu'elle ne tiendrait pas la journée suivante.

Et fort heureusement, Morphée l'accompagna dans un sommeil sans rêve.

Quelques jours plus tard, Rosalie prit la décision de se rendre au manoir sans sa mère afin de comprendre le mécanisme de ses voyages temporels.

Il était encore tôt, vers les dix heures du matin, et le soleil faisait danser les ombres des arbres se trouvant sur le chemin qui menait à la propriété Roswell. L'adolescente longeait le lac et, se sentant soudain nostalgique, se remémora le commencement : la première fois où elle avait mis les pieds dans le manoir lors du cache-cache. Elle ferma ses paupières avec douceur tandis que l'air d'Eternal Flame lui revenait en tête, comme s'il était ramené à elle par la brise Cette même brise très légère sur sa peau qui faisait vaciller les feuilles des arbres autour d'elle, créant une atmosphère tranquille et paisible. Comme s'il ne s'était rien passé d'affreux et morbide dans les environs. Comme si le « drame Roswell » n'avait jamais eu lieu.

- Am I only dreaming..., chantait-elle mentalement, les paroles semblant lui être soufflées par le vent.

Une fois qu'elle fut devant le portail, Rosalie hésita à l'ouvrir. C'était toujours difficile d'affronter l'inconnu. Elle prit alors une profonde inspiration, songeant par la même occasion qu'elle se devait d'être aussi courageuse que le Capitaine Eo, et entreprit ensuite d'ouvrir les grilles.

Et comme si elle ne voulait pas savoir dans quelle époque elle se trouvait désormais, elle s'empressa de baisser les prunelles vers le sol. L'adolescente garda alors le regard rivé sur ses pieds tandis qu'elle montait les marches du perron, jusqu'à ce qu'elle se retrouve devant la grande porte. Là, ne sachant pas trop quoi faire, elle attendit.

Frapper ou ne pas frapper à la porte ? Telle était la question qu'elle se posait à présent. Elle pesait mentalement les pours et les contres de chaque action. Finalement, le pour l'emporta et Rosalie avança son poignet pour toquer. Trois petits coups sur le bois de la porte.

Mais alors que rien ne se passait, elle crut être restée dans le présent. Seulement, elle finit par entendre du bruit venant de l'autre côté et la porte s'ouvrit aussitôt sur une dame plutôt charmante. La femme portait une longue robe fleurie à dominance blanche qui contrastait notamment avec sa peau chocolat au lait. Elle lui offrit un sourire aimable tout en la saluant chaleureusement. L'adolescente lui répondit avec une timidité qu'elle ne put s'empêcher de ressentir. Parce qu'elle savait qui se tenait devant elle. Ça ne pouvait être qu'elle. Elizabeth Roswell, assassinée le 29 août 1987.

- Tu es une amie de Michael ? demanda-t-elle enfin.

Sans une once d'hésitation, Rosalie hocha la tête. C'était mentir, c'était mal, mais il s'agissait d'une réelle nécessité si elle souhaitait le revoir. Si elle voulait en savoir davantage sur son histoire.

- Et tu es...

- Rosalie, s'empressa de répondre l'adolescente.

Puis, tout en jouant avec ses doigts, signe de sa nervosité, elle demanda :

- Je peux le voir ?

- Oui, bien-sûr ! Entre, sourit Elizabeth avant de se décaler pour laisser passer l'adolescente.

Et quand Rosalie mit les pieds à l'intérieur du manoir, elle sentit immédiatement que tout était différent. Les murs, les meubles... La décoration bien que vieillotte à ses yeux lui apparût comme étant magnifique. Ça n'avait rien à voir avec le manoir de son époque à elle. La grande bâtisse paraissait bien plus vivante.

Soudain, elle entendit quelqu'un descendre et songea sans réfléchir qu'il s'agissait de Michael. Elle se disait qu'il l'avait sûrement entendue discuter avec sa mère et qu'il venait la rejoindre. Cependant, quand elle se retourna, elle s'en rendit compte que ce ne n'était pas lui. À la place, elle put observer un homme vêtu d'un costume trois pièces blanc descendre les dernières marches du grand escalier de marbre. Et sans même réfléchir, elle le reconnût. Il s'agissait du père de Michael, l'homme qu'on avait retrouvé pendu à la rambarde de l'escalier. Jonathan Roswell.

À cet instant, elle se sentit mal. Extrêmement mal-à-l'aise. En effet, elle se souvenait des circonstances de sa mort, elle avait vu les photos... c'était encore pire que de se retrouver devant Elizabeth. Jonathan Roswell l'intimidait beaucoup plus car elle n'avait pas de réponse et qu'à ses yeux, il faisait un assez bon coupable. C'est vrai, peut-être qu'il avait tué sa femme avant de se suicider. Peut-être que pour éviter la prison, ou parce qu'il avait ressenti des remords, il s'était suicidé, emportant ainsi tous ses secrets dans sa tombe... Quant à la disparition de Michael, elle ne savait comment la comprendre...

Lorsque Jonathan se rendit compte de la présence de Rosalie, il la jaugea du regard, fronçant les sourcils, tout en adoptant un air que l'adolescente comprit comme étant hautain. Son regard n'avait rien de bienveillant et elle en eut tout de suite conscience. Par conséquent, son malaise augmentait de seconde en seconde. Elle aurait voulu prendre ses jambes à son cou et s'enfuir du manoir à toute vitesse à la manière d'un personnage de dessin animé.

- C'est qui ? s'enquit Jonathan à son épouse.

Elizabeth tenta d'apaiser l'atmosphère en souriant :

- Une amie de Michael.

- Tiens, c'est nouveau ça ! Ce gosse a enfin appris à se faire des amis ?

Et même si Rosalie ne connaissait pas encore très bien Michael, elle se sentit mal pour lui. Comment un père pouvait-il parler de son fils de cette manière ? L'adolescente ne comprenait pas. Son père à elle ne pourrait jamais, ô grand jamais parler d'elle de cette manière tandis que lui, il semblait si abject envers Michael...

- Joe... soupira Elizabeth.

L'homme ne lui prêta aucune attention et entreprit de récupérer son chapeau entreposé sur le porte-manteau avant de se diriger vers Rosalie, qui elle, recula pour le laisser passer. Puis il sortit sans dire un mot de plus.

- Michael est en haut, dit Elizabeth après quelques instants pour éviter un silence embarrassant, tu peux aller le rejoindre si tu veux. C'est la deuxième porte à gauche.

Rosalie hocha la tête, encore légèrement bouleversée, et se dirigea vers l'escalier. Ce faisant, elle ne put s'empêcher de penser à quel point Elizabeth et Jonathan étaient diamétralement opposés. L'un semblait plus froid que la glace tandis que l'autre était tout l'opposé. C'était vraiment étrange.

Enfin, Rosalie haussa les épaules et gravit rapidement les marches, de nouveau prête à affronter Michael. Prête à mener à bien sa mission, celle de comprendre le « drame Roswell » et de l'empêcher de se produire.

Maispour cela, elle n'avait que soixante-cinq jours et pas un seul de plus.

*

Et ces soixante-cinq jours, seront-ils suffisants?

J'espère que ça vous plaît toujours !

Merci d'avoir lu jusqu'ici ♥

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