20 décembre

Thème : La pluie sur les pavés

Il faut que j'y arrive. Il le faut absolument, sinon toutes ces années partiront en fumée comme si elles ne valaient rien du tout alors que bien au contraire, elles valent tellement que ce serait stupide de les gâcher ou de les perdre pour des conneries. Car bien évidemment, comme toute humaine, je m'en rends compte de ce que je perds uniquement lorsque je suis entrain de le perdre ou lorsque je l'ai déjà perdu. Je ne suis pas l'exception qui confirme la règle. Et c'est maintenant que je suis sur le point de perdre Danielle –à moins que je ne l'ai déjà perdu, mais je préfère ne pas penser de cette manière sinon tout ce que je vais réussir à faire c'est de m'effondrer sur le sol en pleur- que je me rends compte à quel point je tiens à elle et surtout, à quel point je l'aime et je ne pourrais point vivre sans elle.

Je cours, encore et encore, sous la pluie et mes pieds tapants une fois sur le bitume et une fois sur des pavés. Je la vois au loin, pile au milieu de la ruelle alors que pourtant, il y a des petits abris sur les coins, des deux côtés. Mais non, Danielle se trouve au milieu de la ruelle, trempée jusqu'aux os et même de là où je suis, je vois bien que ces vêtements la collent et que ses cheveux trempés comme jamais. Elle me tourne le dos, la tête levée vers le ciel et les bras écartés comme si elle se prenait pour un oiseau ou la statue de Jésus au Brésil. Elle se laisse elle-même trempée par la pluie, elle n'essaye même pas de l'éviter. On dirait qu'elle voudrait se fondre dans cette dernière, ou carrément tombée malade et franchement, je n'en ai clairement pas envie ni de l'un ni de l'autre.

-Danielle ! M'écriais-je alors que j'ai traversé sans même regarder la route qui sépare les deux ruelles de manière perpendiculaire.

Mais elle ne réagit pas, alors ou bien elle ne m'a pas entendu ou bien elle a fait semblant de ne pas m'entendre. Alors je m'élance, prenant les jambes à mon cou pour courir encore plus vite vers elle. Car c'est maintenant ou jamais et même si ça semble cruel, je préférerais qu'il y en ait encore des tonnes et des tonnes des moments comme maintenant plutôt qu'il n'y en ait plus jamais. Je me rapproche de plus en plus d'elle et je sens mon cœur battre encore plus vite dans ma poitrine. J'ai limite l'impression qu'il va s'échapper de ma cage thoracique si ça continue, qu'il va se défenestrer de mon corps, brisant mes côtes. J'arrive enfin à sa hauteur, sûrement aussi trempée qu'elle car il pleut à verse, des cordes même. Il drache littéralement, putain.

-Danielle ! Criais-je une nouvelle fois, à moins de 5 mètres d'elle.

Sauf qu'elle ne se retourne même pas et continue de me tourner les dos, la tête vers le ciel et les bras grands ouverts tels les ailes d'un volatile. J'ai l'impression qu'elle est comme figée dans le temps et l'espace, plus stoïque que jamais alors que pourtant, ce n'est pas une position on peut facilement rester totalement fixe. Je continue de me rapprocher d'elle suffisamment pour mon souffle irrégulier et rapide s'abatte sur sa nuque. Mais elle ne frissonne pas et ne réagit pas non plus. Je la contourne lentement, la peur au ventre de ce que je vais trouver du côté de son ventre. Tout ce que je vois, c'est son corps étiré vers l'arrière à cause de la grande ouverte des bras dont elle fait preuve. Et son menton, d'om dégouline des gouttes d'eau, les unes après les autres. Je prends son menton entre mon index et mon pouce et lui fait descendre la tête. Elle me regarde dans le blanc des yeux, les lèvres tremblantes, gercées et violacées à cause de la froideur. Elle tremble dans tout son corps, dans seul coup, comme si elle s'était souvenue qu'elle était trempée et que cette eau était carrément glaciale.

-Viens, on rentre à la maison, lui dis-je pour la calmer en la prenant dans mes bras.

Danielle enfuit sa tête dans mon cou, me serrant tout contre elle le plus fort qu'elle le peut. Elle pleurait, putain elle pleurait et elle profitait de la pluie glaciale pour cacher ces lacrymales. Je la serre contre moi à mon tour, le plus fort que je le peux sans pour autant l'étouffer car maintenant que je viens de la retrouver, ce serait vraiment con de la perdre à nouveau. Et j'essaye d'avancer ainsi, elle qui doit s'y faire à reculons pour rentrer à la maison. Comme si elle avait deviné mes attentions et ma difficulté, elle pose la pointe de ses pieds sur les miens, ainsi je suis la seule qui a les pieds à terre et donc la seule qui avance. Heureusement qu'on se retrouve à moins de cinq minutes de la maison –je venais de l'autre bout de la ville lorsque j'ai accouru jusqu'à elle- car je n'aurais pas pu marcher ainsi indéfiniment. Je la pose sur notre lit, lui retire toutes ses fringues et la recouvre entièrement de la couverture. Je pars prendre ma douche avec une seule phrase me trottant dans la tête : « C'était moins une ».

***

Musique ; River Of Tears - Alessia Cara
NDA ; Bonjour ! Comment allez-vous ?

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