Chapitre 6 : Réfraction temporelle
Il y avait trop d'informations. La première chose à laquelle pensa Virgil était qu'il connaissait probablement l'identité du tueur. S'il avait bel et bien vécu ces transferts avant, il était possible d'avancer.
Cependant, le détail qui heurta le point sensible était le papillon rouge. Si l'horloger disait vrai, Inès était morte.
Sur un banc, les larmes aux yeux, l'adolescent regardait le ciel nuageux devenir gris. La ville se désertait. Il était presque l'heure de revenir en arrière.
Maxime et Clovis arrivèrent. Prêt à être transféré, il ne parlait plus. Il était pour lui totalement inutile de débuter une conversation pouvant être interrompue.
— J'aime pas te voir comme ça, soupira Clovis. Tu es toujours souriant, tu te prends pour un dieu et là... On t'a perdu.
— Qu'est-ce que tu racontes ? Je suis un dieu !
Virgil se leva avec entrain.
Ils avaient raison. C'était déjà trop tard et je ne pouvais pas me lamenter sur son sort, surtout si je l'ai déjà vécu.
Il était 16 : 00.
Maintenant, il est temps de retrouver Ryan.
Le transfert n'eut pas lieu. Heureux, l'adolescent sautilla sur place et se mit à courir pour rejoindre les deux agents qui rodaient autour de la voiture.
Patiemment, ils attendaient tous d'avoir des nouvelles du suspect.
— C'est long, soupira Virgil. On s'occupe ?
— On fait le jeu du caillou ?
Debout, en ligne, sous un pont, les garçons lancèrent chacun un caillou de leur couleur. Virgil était violet, Clovis avait le bleu et la petite pierre peinte en rouge était pour Maxime.
Le jeune brun aux yeux verts commença. Il le lança à quelques pas de lui. Le but était de former une phrase ou un mot en marchant. Chaque syllabe valait un pas.
— J'espère que vous n'oubliez pas que si le mot ou la phrase s'arrête devant ou derrière le caillou, vous restez sur place !
— Bien-sûr, sourit Maxime.
Virgil pouvait faire approximativement trois syllabes.
— Cho-co-lat !
Il s'arrêta pile au caillou. Clovis arrivait souvent dernier alors pour une fois, il lança son projectile plus loin.
— Y a du challenge !
Il n'avait que dix secondes pour réfléchir.
— Ma pe-ti-te sœur aime les coo-kies !
Son dernier pas fut plus grand mais ses amis lui laissèrent sa chance. Maxime jeta un œil à leurs vélos qu'ils avaient laissé derrière, sans surveillance.
Il le jeta près de celui de Virgil.
— Pa-pill-on
Par réflexe et sûrement par surprise, l'adolescent cogna son meilleur ami ! Son poing heurta le nez de Maxime qui tomba à la renverse et plongea dans la rivière.
— Putain, qu'est-ce que tu fous ? hurla Clovis.
Le blond retira ses vêtements avec hâte et plongea à son tour pour aider son camarade qui avait des lacunes en natation.
Le ciel était devenu beaucoup plus sombre. Il était presque l'heure du dîner et pour un jour d'été, il était rare de voir peu d'éclairage à cette heure. Maxime se séchait près d'un feu qu'ils ont allumé avec les moyens du bord.
Virgil était assis contre un muret de pierre, plus loin. Il déprimait. Puis, il ôta ses vêtements afin de les prêter à Maxime.
— Non, ne t'inquiètes pas, je vais remettre ceux-là.
— Désolé de t'avoir frappé. Je ne voulais pas...
— Je sais. C'est pas grave.
Le téléphone de Clovis sonnait. Le jeune homme décrocha et entendit la voix de Yann.
« Ils poursuivent le suspect ! »
Sur leurs vélos, ils avançaient à toute vitesse dans une ruelle humide. Sous le temps pluvieux, ils n'avaient pas peur d'affronter le danger pour retrouver Ryan.
Les routes étaient glissantes. Maxime et Virgil roulaient côtes à côtes tandis que Clovis se trouvait légèrement derrière eux. Ils arrivèrent au sommet d'une grande montée en plein centre-ville quand soudain, une voiture arriva. Ils pédalaient à contre sens.
L'homme au volant, furieux, klaxonna. Les garçons se séparèrent afin de laisser passer la voiture entre eux. Puis, ils roulèrent sur le trottoir en évitant les derniers piétons.
Finalement arrivés près d'un barrage de voiture de police, ils s'approchèrent en courant. Un type hurlait. Il se faisait emmener par deux hommes.
— Je suis innocent ! Lâchez-moi !
Virgil s'approcha d'eux quand trois policiers l'attrapèrent.
— C'est de ta faute ! hurlait Ryan en fixant l'adolescent. JE VAIS TE TUER !
Le temps avait l'air de s'arrêter. Les gouttes de pluie ralentissaient jusqu'à se stopper dans les airs. Les gyrophares devenus gris ne bougeaient plus. Ryan avait le visage figé sur un air furieux. Sa bouche était grande ouverte et ses yeux étaient fermés.
— Est-ce que tu es sûr de vouloir le laisser partir ?
Virgil se retourna et vit sa mère, assise sur un capot de voiture.
— Qui es-tu ?
— Ce que tu aimerais voir. Enfin, ce que tu aimerais savoir, surtout.
Le garçon s'approcha de l'illusion.
— Tu as raison. Le voir être emmené ne suffit pas. Je veux retrouver Inès.
— Alors demande-lui directement.
Virgil repoussa les policiers qui le tenaient. Il courut vers Ryan quand il sentit une énorme décharge électrique le secouer. Il s'étala brutalement au sol et se cassa le nez avant de s'évanouir.
Honnêtement, j'ai regretté d'avoir écouté mon esprit.
Le garçon se réveilla dans une pièce familière.
Ce fut très douloureux pour moi. Ryan aurait dû souffrir à ma place.
Il se leva brusquement en sentant une légère douleur dans ses nerfs. Clovis et Maxime étaient avec lui.
— Un transfert ?
Il était chez son ami.
— La soirée ! Inès arrive ?
— Tu dérailles vraiment.
Entendre ces mots lui fit comprendre qu'il n'y a pas eu de transfert. Ils l'ont juste ramené chez Clovis.
Maxime prit sa trousse de soin et sourit.
— Maintenant, faut réparer ton nez.
— Les dieux se réparent tous seuls. On devrait plutôt retrouver Inès !
Yann entra dans la pièce accompagné de sa deuxième fille.
— Ils ont fouillé son repère. Rien n'indique qu'il est le coupable et ils ne savent toujours pas où elle est.
Le papillon rouge que j'ai vu indique la mort de ma copine. Pas l'heure ni le jour. Elle est peut-être encore là.
Virgil essayait d'y croire encore un minimum. Il attendait un transfert afin de revoir les yeux de Ryan.
Il voulait observer son regard de tueur encore et encore. Se dire que le coupable allait enfin pourrir en prison.
— Ta mère t'attend dehors.
Il leva les yeux et vit Clovis. Le garçon fit un léger sourire en coin et ferma les yeux.
— Ne perdons pas espoir. Inès ne peut pas être morte.
Yann et Emilia souriaient.
— Sur ce... Je vous souhaite une bonne soirée !
Dans la voiture de sa mère, à l'avant, il regardait l'horizon défiler sous ses yeux, la tête collée à la vitre.
— Tu me dis si je te dérange.
— Quoi ? soupira le jeune homme. Tu veux que je te raconte ma vie déprimante ?
— D'accord, je vois.
Elle tourna brusquement le volant et changea de file en se faisant klaxonner.
— Qu'est-ce que tu fais ?
— Je t'emmène manger au Room.
Un papillon noir passa devant la voiture.
— Maman...
— Oui ?
— Tu l'as vu ?
Elle fronça les sourcils.
— De quoi tu parles ?
— Le papillon, là.
— J'ai autre chose à faire que de regarder les papillons.
C'était un changement. Malheureusement, je n'ai jamais vu cette couleur avant.
Voyant qu'il était tout pâle, la mère de Virgil s'inquiéta.
— Quoi, tu t'es mis à admirer les papillons, d'un coup ?
— C'est une longue histoire.
— Si tu parles de celui qui est passé devant la voiture, saches que je l'ai vu.
Ce n'était qu'une blague.
Pendant des jours, Yann, Emilia et les garçons ont attendu des nouvelles de la police mais personne n'a réussi à retrouver la demoiselle.
Un matin, le jeune brun se coiffait devant le miroir.
— Si seulement un transfert pouvait m'emmener au moment de sa disparition.
Il se lava les mains et regarda son visage.
— Quelle beauté ! Je ne me retiendrais pas, je me ferais l'amour !
Puis, il s'élança vers la porte en pointant le mur du doigt. Il s'attendait à ce que sa mère se moque de lui et il était prêt à répliquer.
Elle était cachée dans le couloir, les bras croisés. Souriante et heureuse de voir que son fils allait mieux, elle retourna dans le salon.
Virgil jouait à la console quand sa mère entra dans sa chambre.
— J'ai la police au téléphone...
— Quoi ? Ils ont trouvé quelque chose ?
Le garçon se leva en laissant sa manette tomber. En heurtant le sol, elle s'abima légèrement. Sa maman lui fit un signe de la main pour lui dire de se taire car elle écoutait l'agent parler.
— Oui... Je le note...
Virgil plissa les yeux, intrigué.
— Au revoir, monsieur.
Elle raccrocha et mit son portable dans sa poche.
— Ryan refuse de parler et ils n'ont aucune preuve contre lui. Inès n'ayant pas été retrouvée, ils le libèrent.
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