Chapitre 5 : Clepsydre silencieuse

Virgil avait beau faire des recherches, il était impossible de retrouver Ryan. Il s'était enfermé dans sa chambre afin de poursuivre son occupation mais en vain.
Au bout de quelques heures, sa mère entra dans sa chambre.
— Qu'est-ce que tu fais ?
Complètement, déboussolé, il ne répondit point.
— Tes amis t'appellent depuis un moment. Ce serait une urgence.
— Je n'y arrive pas, maman... Je suis perdu...
Il baissa la tête, les larmes aux yeux, puis, à cause d'une pulsion haineuse, il explosa le clavier de son ordinateur d'un coup de poing. Sa mère ne l'avait jamais vu comme ça.

Maxime et Clovis l'attendaient en bas de chez lui. Un papillon bleu passa devant eux sans qu'ils ne puissent le voir. Il se posa sur les volets fermés de la chambre de Virgil. Il n'était pas au courant mais son transfert avait à nouveau changé les choses.
Emilia rejoint les garçons.
— Il n'est toujours pas descendu ?
— Selon sa mère, il ferait une crise. Notre ami commence à perdre les pédales.
— Je le comprends, soupira Clovis. Je deviendrais fou aussi dans sa situation.

C'était une machine à remonter le temps

L'adolescent ouvrit la porte de sa chambre et vit un mot collé à sa porte.

Je ne pouvais pas revenir en arrière sans raison. Et si c'était moi dans le futur ?

Il était écrit qu'il allait être seul avec ses amis pendant une heure car il fallait acheter du lait et des fraises.

J'avais un objectif. Il fallait peut-être que je trouve comment changer l'histoire.

La police attendait devant la voiture du suspect. Il allait forcément revenir la récupérer. Les garçons attendaient sur un banc, plus loin.
— Ils sont cons, dit Maxime. En restant devant, le coupable s'en ira.
— De toute façon, dit Virgil en jetant un œil à sa la montre de son défunt père, je ne serais pas là pour le voir.
Il était presque l'heure de revenir en arrière si le transfert avait à nouveau lieu.
— Pourquoi on ne cherche pas nous même ? s'exclama Clovis. Après tout, on sait à quoi ressemble Ryan. Si sa voiture est là, il ne devrait pas être loin.
Virgil se leva brusquement et sourit. Son énergie était revenue.
— C'était mon idée ! J'étais juste perdu dans mes pensées divines.
— Alors on y va !

Ensemble, ils entrèrent dans le centre commercial, motivés. Tout d'abord, ils sont allés commander à manger dans un fast-food. Pendant que Virgil et Clovis patientaient dans la file d'attente, Maxime se promenait dans la salle. Il jeta un œil derrière le comptoir en s'y accoudant sans discrétion.
Les amis sont ensuite allés dans plusieurs magasins. Virgil ouvrit chaque cabine d'essayage de vêtements. Le jeune brun se fit sermonner par un homme musclé et les trois femmes qu'il a surpris partiellement dénudée l'ont giflé.
Clovis souleva des boîtes de chaussures.
— T'es sérieux là ?
— C'est bon, c'était pour rire, Max. Tu veux que je fouille où en attendant Virgil ?
Le garçon revint avec les joues rouges et poussa un long soupir.
— On y va.

Le monde devint gris. C'était reparti pour un tour. L'adolescent fixa ses amis.
— Pendant qu'il en est encore temps, je vais mettre ma fierté de côté.
Il posa un genou à terre, les mains sur le cœur. La douleur commençait à s'amplifier.
— Les gars... Je vous aime.
Les garçons souriaient. Puis disparurent.

Je me demandais souvent si le monde tournait encore sans mes transferts. Qu'allaient devenir Maxime et Clovis ?

Assis devant son bol de chocolat chaud, Virgil salua sa mère avant qu'elle ne le fasse. Puis, il se leva.
— Je lis dans tes pensées. Je suis un dieu.
— Les dieux ne chient pas dans leur bain.
— Qu'est-ce que tu me dis, là ?
— Je sais beaucoup de chose, sur ton enfance, petit. Ce que je peux aussi te dire, c'est comment est né le dieu. Tu ne viens pas du ciel.
Rebuté par l'image qu'il avait en tête, il grimaça et s'éloigna. Rapidement, il alla prendre sa douche et une fois habillé, il se coiffa.
— Quelle... Non, attends.
Il se jeta hors de la pièce afin de voir où était sa mère. Elle n'avait pas l'air présente alors il s'observa et sourit en passant sa main dans ses cheveux.
— Quelle beauté divine.
Sans dire un mot, sa mère se releva en sortant de la panière à linge sale. Ils se fixaient, droit dans les yeux, silencieux. Virgil restait ébahi, la bouche grande ouverte.
— Peuh ! Ridicule !
— TU TE FOUS DE MOI ? hurla l'enfant.

Chez l'horloger, une tasse de thé à la main, l'adolescent observait l'homme ranger sa grande pièce.
— Alors, tu peux m'en dire plus sur ton souci ?
— Vous allez peut-être me prendre pour un fou mais si vous pouvez m'aider, autant prendre le risque.
Le vieil homme attrapa une grande aiguille et s'approcha du garçon.
— Je fais des bonds dans le temps.
L'horloger fronça les sourcils.
— Tu pourrais éviter de m'importuner pour tes âneries.
— Je m'en doutais. Personne ne peut me croire.
Virgil posa sa tasse sur le bureau et se leva.
— Attends. Si tu es sérieux, j'aimerais en savoir plus. J'ai récemment entendu parler d'un phénomène plutôt épatant.

Pendant quelques minutes, sans parler d'Inès, l'adolescent plongea l'homme dans l'histoire de sa vie. Captivé par ce qu'il racontait, le type ne faisait plus attention aux sons de cloche.
— Excusez-moi. C'est ouvert ?
Un client se promenait dans les rayons de la galerie arrière. En chuchotant, les garçons discutaient.
— Je ne pense pas que tu sois victime d'un phénomène paranormal. Ta théorie sur le fait que ce soit toi-même me plait. Après tout, je suis même persuadé que c'est le cas.
Les clients s'approchèrent. Souhaitant rester un minimum discret, Virgil s'éloigna et fit mine de chercher quelque chose.

Une fois seul avec l'horloger, il retourna auprès de lui.
— Pourquoi êtes-vous si sûr de ça ?
— Qu'est-ce que je disais, déjà ?
— Que j'étais peut-être l'instigateur de mes problèmes.
L'homme soupira et prit une feuille blanche ainsi qu'un stylo. Sur celle-ci, il dessina cinq longues lignes.
— Je ne suis pas très bon sur ça mais tu devrais peut-être comprendre. Voici cinq lignes d'univers.

Dans la première ligne, expliqua l'horloger, Virgil s'amusait au parc avec ses amis. Dans la deuxième, il est resté chez lui.
La troisième ligne semblait identique à la première mais le ballon avec lequel il jouait n'était pas de la même couleur.
Le jeu était différent dans la quatrième ligne.
Virgil écoutait attentivement cette histoire.
— Dans la cinquième ligne, on va dire qu'un de tes amis est mort.

Un lourd fracas retentit tandis qu'un pincement au cœur perturba le garçon. Une boite d'aiguille était tombée derrière lui.
— Ne t'en fais pas, je ramasserais ça après. Reprenons.

La cinquième ligne était la principale. Il n'y en avait qu'une au départ.
— Malheureusement, ton ami est mort et tu n'as rien pu faire. Alors, tu as décidé, bien plus tard, de revenir dans le temps et modifier l'histoire.
— Une nouvelle ligne est apparue ?
— C'est à peu près ça.
La ligne où l'ami de Virgil fut sauvé apparut à partir de celle où il est mort.
— Son décès a eu lieu et rien ne changera ça. Tu auras fait une ligne où tu l'as sauvé mais celle où il n'est plus là restera la principale.

La police entra dans la boutique. Virgil ne put entendre la suite de l'histoire car ces hommes allaient l'interroger. Curieux, il mena des recherches sur ces théories avant de partir pour un nouveau transfert.
Pendant des heures, il essaya de développer ses idées. Finalement, après s'être creusé la tête à en devenir fou, il sourit. Il avait peut-être compris quelque chose.

« Celle où il n'est plus là restera la principale »

Virgil aurait essayé de sauver Inès mais suite à une erreur dans le voyage temporel, il serait resté dans la ligne qu'il voulait quitter.
— J'en aurais fait plusieurs jusqu'à ce que mon esprit s'en mêle et voyage entre ces lignes ? C'est tiré par les cheveux.
C'était sa théorie. Il devait en parler à l'horloger dès que possible afin de trouver un moyen d'arrêter ça.

Il était 08 : 00 .
— Bonjour, dit la mère de Virgil en entrant dans la cuisine.
— Yo...
— Tu vas faire quoi aujourd'hui ?
Virgil fixait le papillon gris sur le mur.
— Changer les règles...

Avant d'aller en ville avec ses amis pour chercher le coupable, il décida de rendre visite à l'horloger et de lui expliquer ce qu'il avait en tête.
— Je trouve ton raisonnement très intéressant. Seulement, je pense que tu ne divagues pas entre les lignes.
— Alors pourquoi je fais ces transferts ?
— Tu ne voyages pas dans le temps à proprement parler. Admettons que ce qu'on a imaginé soit vrai. Tu as fait tellement de voyages que les lignes ont fini par se croiser et tout a été chamboulé. Les lignes se sont brisées.
— Comment ça ?
— Par exemple, dis-toi qu'il y a des points dans une ligne. Le point du matin, du midi, du soir et du matin suivant. Le midi et le soir ont disparu. Entre les deux matins, il y a un vide.
— J'ai détruit le temps ? Mais c'est impossible, non ?
— Je ne pense pas. Comme le temps ne s'écoule plus au niveau du trou, tu n'avanceras jamais et peut-être que tu as créé une machine qui envoie ta mémoire dans le passé.
— Ma mémoire ?
— Tu ne voyages pas dans le temps. Seule ta mémoire le fait. Tu as des informations du futur alors que tu es dans le présent. Peut-être que tu as loupé un ou deux paramètres ce qui a causé une déformation de l'espace-temps lors du transfert de ta mémoire.
— C'est donc pour ça que sans que je m'y attende, ça se produise.
— Exactement. En ce qui concerne les papillons, je ne saurais pas t'aider. Je pense que c'est psychologique. Ta tête t'enverrait un message.
— Mais comment c'est possible ? Quand je vois un papillon qui m'indique la mort de quelqu'un, ça veut dire que je vois aussi l'avenir ?
— Exactement. Je pense que la boucle dans laquelle tu es coincé actuellement... N'est pas la première.
Virgil renversa accidentellement son thé.
— Ce n'est pas la première fois que tu traverses cette succession d'évènement.

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