Prologue
« Les maux du corps sont les mots de l'âme, ainsi on ne doit pas chercher à guérir le corps sans chercher à guérir l'âme. » Platon
Mercredi 12 Novembre 1997
J'espère qu'on va pas durer ici. Cet endroit me fiche la trouille. J'ai mis mon manteau tout neuf et mes gants mais j'ai froid quand même. Et il me fait super mal. D'habitude, j'ai mal quand on part quelque part mais aujourd'hui, c'est encore plus. J'essaie de pas pleurer pour que maman soit pas triste mais c'est dur.
— Dis m'man, on pourrait rentrer maintenant ?
— Pas encore chérie. Tu te rappelles de ce que je t'ai dit ce matin, n'est-ce pas ? Nous sommes ici pour voir le docteur de la tête pour qu'il puisse t'aider à aller mieux.
— Et j'aurai plus mal dans mon corps après ?
Elle me fait un câlin et me caresse les cheveux. J'aime trop quand elle fait ça. En plus, elle sent si bon.
— Je l'espère mon bébé, je l'espère.
Et voilà, elle est triste. Je peux pas voir son visage parce qu'elle me serre toujours contre elle mais j'ai pas besoin de ça pour savoir. Je sais, c'est tout. Du coup, j'ai encore plus mal. Je ferme fort les yeux pour pas que les larmes sortent. J'ai 6 ans maintenant et mamie Dorothy dit que je suis plus un bébé. C'est pour ça qu'elle m'a offert sa belle broche en camée dimanche, parce que je suis devenue une ravissante petite fille. J'aime aller chez mamie Dorothy. Chez elle, j'ai presque jamais mal parce qu'elle est tout le temps en train de rire et on s'amuse beaucoup toutes les deux. J'espère que je pourrai y retourner dans pas longtemps.
Une dame habillée en blanc vient vers nous. Elle est jolie et pourtant elle a un chagrin. Elle sourit pour pas le montrer mais moi je sais, comme toujours.
— Suivez-moi Madame Sullivan. Le Docteur McKinley souhaiterait vous voir en aparté avant de consulter Luna.
Maman se lève mais avant de partir elle me dit :
— Surtout ne quitte pas ton siège chérie. Je ne serai pas longue, d'accord ?
— Promis maman, je serai sage.
J'essaie d'être toujours sage parce qu'elle et papa se font déjà beaucoup de soucis à cause de moi. Et j'aime pas quand ils sont malheureux. Quand je pense à ça comme maintenant, j'ai envie de pleurer. En plus, j'ai de plus en plus mal. J'essaie d'essuyer mes larmes mais elles n'arrêtent plus de couler. Heureusement que maman n'est plus là. Aïe ! Pourquoi ça s'arrête pas ? Il y a trop de gens qui souffrent ici. Je pourrai pas supporter longtemps. Peut-être que si je fais une prière avec tout mon cœur cette fois-ci, ça marchera. Je ferme les yeux et colle mes mains pour chuchoter :
— Petit Jésus, s'il te plaît, fais que j'ai plus mal, seulement aujourd'hui et promis, je ne te demanderai plus rien jusqu'à mercredi prochain au moins pour que tu puisses aussi exaucer les souhaits des autres. S'il te plaît, s'il te plaît,...
Oh ! Je crois que ça a marché. C'est trop bizarre mais je me sens bien tout d'un coup. Plus de douleur. Ça m'est jamais arrivé. C'est trop bon ! Je me sens comme une plume.
— Oh merci Petit Jésus !
J'ouvre les yeux. Tiens qui c'est lui ? Il est arrêté juste devant moi et il me regarde. Bizarre, je suis sûre de l'avoir jamais vu mais c'est comme si je le connais déjà. Ses yeux sont beaux. Ils sont bleus mais transparents, comme l'eau d'une piscine. Et ses cheveux qui sont comme la nuit lui tombent dans les yeux. Et pourquoi je me sens toute patraque d'un coup ? Il me demande :
— C'est toi qui as fait ça ?
— Quoi ?
— J'ai plus mal dans mon corps.
— Toi aussi ?
Il est comme moi alors ?
— T'es une magicienne ?
— Je sais pas. Clara dit que je suis folle.
Il a l'air fâché d'un coup.
— C'est qui cette Clara ?
— Elle est dans ma classe. Elle est méchante avec tout le monde mais je lui en veux pas. C'est pas sa faute.
Il s'assoit à côté de moi.
— Pourquoi c'est pas sa faute ?
— Elle est malheureuse.
Il fait oui de la tête et je sais qu'il m'a comprise. Ça aussi c'est nouveau. D'habitude, je dois toujours mieux expliquer ce que je veux dire aux gens pour qu'ils me comprennent. Mais avec lui, j'ai pas besoin. Il me dit :
— Moi aussi je sais quand les gens vont pas bien.
— Tu crois qu'on est pareils ?
— Peut-être. C'est pour ça que j'ai plus mal parce que t'es là.
— Et moi aussi. Alors, on doit rester ensemble pour toujours.
— Tu habites où ?
— A Park Slope. C'est à Brooklyn. Et toi ?
— A Ridgewood, dans le Queens. Mais on part en Angleterre samedi.
— Je connais pas. C'est loin d'ici ?
— Ouais. Papa dit qu'on traverse l'océan.
Je renifle pour pas que les larmes reviennent.
— Eh faut pas pleurer. Je veux pas te voir triste.
— On se verra plus alors ?
— Tu sais quoi ? J'ai une idée.
— C'est quoi ?
— Tu sais écrire ?
— Un peu. J'ai 6 ans.
— Comme moi. Alors, on va apprendre et on va s'écrire.
— Mais comment on va faire pour se lire ?
— Pas besoin puisque on sait déjà qu'on s'écrie. Chaque fois que t'as trop mal, tu m'écries et moi je ferai pareil.
— Et on va faire comme ça jusqu'à ce qu'on soit des grands c'est ça ?
— Ouais ! Et là, on pourra faire tout ce qu'on veut et aller où on veut aussi. En plus, on aura plein d'argent. Et quand on se retrouvera, on se quittera plus jamais.
— Plus jamais, jamais ?
— Promis !
J'aime le voir sourire.
— T'es trop belle quand tu souris.
Mes joues sont chaudes. Les grandes personnes me disent souvent que je suis belle avec mes boucles d'or mais quand il le dit lui, c'est pas pareil.
—Merci. Toi aussi.
Son visage devient tout rouge. Je crois qu'il est gêné lui aussi.
— Merci. Alors, t'es là pour voir le docteur McKinley ?
— Oui. Maman est dans son bureau. Moi je dois attendre. Et toi ?
— On vient de finir avec maman. On attend que papa vienne nous chercher avec la voiture. C'est ta première fois ?
— Oui. Et toi ?
— Je viens depuis longtemps.
— Et il t'aide à guérir ?
— Bof ! Je me sens toujours pareil...
On entend une voix crier :
— Papa est là Sol. On s'en va !
— J'arrive m'man.
Elle l'attend au bout du couloir. Il saute de la chaise et me tend la main :
— Moi c'est Sol.
J'enlève mon gant.
— Et moi c'est Luna.
Sa main est douce et chaude.
— N'oublie pas notre promesse Luna.
Je ferme fort les yeux pour chasser les larmes qui veulent revenir. Je dois être courageuse.
— A plus tard Sol.
— A plus tard ma magicienne.
Je crois que lui aussi a des larmes dans ses yeux parce qu'ils sont tout humides. Il court maintenant vers sa maman pour lui tenir la main. Et voilà déjà les douleurs qui reviennent. Finalement, je crois que je suis encore un peu un bébé parce que je peux plus m'arrêter de pleurer.
— Reviens vite mon magicien.
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