"Et si on passait à table ?" proposait Soo Ahn après une conversation plus que feinte sur je ne sais quelle peinture que Jungkook avait probablement cherchée sur Google avant de venir. Il l'amadouait grossièrement, comme si un chasseur de lions se déguisait en gazelle.

"Très bonne idée," lançai-je, espérant donner l'impression d'être un mari normal et épris de sa femme.

Le plan de table était presque parfait, jusqu'à ce que cet enfoiré s'assoie en face d'elle. Peu importe, elle restait toujours prise au piège entre nous deux, me donnant l'opportunité de l'empêcher de lui faire du pied ou de commettre d'autres idioties du genre. Une tactique qui se révéla très efficace. Cependant, il me fallut au moins trois ou quatre allers-retours avant de comprendre qu'il n'essayait pas de lui faire du pied, mais bel et bien à moi. Son regard en disait long. Il se délectait de mon trouble tout en continuant à jouer l'innocent.

"Soo Ahn ?" Jungkook venait de l'interpeller d'une voix suave. "Tu crois que je pourrais voir tes nouvelles œuvres un de ces jours ? J'ai toujours rêvé de voir un artiste dans son habitat naturel," dit-il en continuant son manège sous la table comme si de rien n'était.

"Oh, tu sais, ma femme est très solitaire quand il s'agit de sa peinture. Elle ne laisse personne entrer dans son antre, même pas son homme," répliquai-je en appuyant durement sur le "ma femme," tout en frappant son tibia pour bien marquer les limites.

"Il faut bien un début à tout, mon chéri, je serais ravie d'accueillir un connaisseur comme vous dans mon atelier, Monsieur Jeon !"

Le pied de Jungkook, jusqu'alors en une danse sensuelle autour de mes chevilles, choisit soudain une trajectoire audacieuse, s'appuyant violemment sur mon entrejambe. Il initia une caresse langoureuse, une symphonie d'intimité réservée à lui seul.

Un coup de poing rageur s'écrasa sur la table en réponse à ses méfaits, un écho tonitruant contre le bois, me faisant sursauter. Une excuse bancale franchit mes lèvres alors que je tentais de dissimuler l'évidence, tout en sentant notre invité se détourner de son lieu privilégié, rompant ainsi notre connivence éphémère .