Chapitre 6 : Vis ta vie comme si tu allais mourir demain !
"L'amour le plus ardent est l'amour impossible. Mieux vaut donc n'aimer personne."
Bergsveinn Birgisson
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Furieuse, les larmes coulant, fébrile et désespérée, je n'avais même pas donné de cap à M. Jeon qui fonçait sans vraiment savoir où. Il était apparu de nulle part en quelques minutes à peine après que j'aie appelé en articulant difficilement. Pas de questions, juste des bras ouverts. Peu importe, je n'avais pas beaucoup d'options, mes amis se comptaient sur les doigts d'une main avec trois doigts écartés, et ils étaient à des kilomètres. Nous avions roulé à travers la grande ville, baignée par la lueur de la lune déjà haute dans le ciel.
Un quart d'heure s'était écoulé depuis notre départ, le compteur affichait trois heures du matin, la température à cinq degrés. C'était une nuit d'automne remarquablement froide et claire. Même la lune avait décidé de ne pas me laisser pleurer en paix dans l'obscurité de la nuit. J'essuyais mes larmes en imaginant un journaliste me prendre en flagrant délit, me prenant en photo ou me filmant à mon insu. Taehyung avait tellement influencé ma façon de penser que je me surprenais à penser comme lui. Je frappais le dos de mon chauffeur en maudissant ma propre conscience.
Nous arrivâmes sur des routes de campagne et il se gara devant une petite maison en bordure de route. Loin de la ville, je sentais mon cœur se détendre un peu.
"Je ne sais pas comment vous remercier...", avouai-je en lui rendant le casque qu'il m'avait prêté.
"Je vous avais promis, ne vous inquiétez pas." Il tourna la clé pour rallumer le moteur. "Je ne pensais pas que ça irait si vite, c'est..." Sa voix s'éteignit aussi rapidement que le moteur.
La moto cracha deux ou trois fois, puis le silence s'installa.
"Merde."
J'espère que personne ne nous a vu.
"Qu'est-ce qui se passe ?" demandai-je en scrutant les environs pour m'assurer de ne pas avoir réveillé les voisins.
"Plus d'essence."
Il tenta la manœuvre plusieurs fois, en vain. La moto resta silencieuse sur le parvis de la maison de mes parents. Un lourd silence s'abattit sur nous. Je me sentais six pieds sous terre, et le destin décidait d'en rajouter une couche.
"C'est de ma faute, je suis désolé. Vous n'avez qu'à passer la nuit ici?"
Avec un peu de chance, personne ne remarquera son existence.
M. Jeon ne protesta pas, descendit de sa moto avec calme. Nous franchîmes le minuscule portail, qui grinça, écrasant quelques trèfles avant de nous retrouver sur le seuil de la porte. J'entrepris de frapper, puis appuyai sur la sonnette, si absorbée ailleurs que je me fichais éperdument de l'heure avancée ou de ma présence accompagnée du plus bel homme de la planète.
Quelques minutes plus tard, un tumulte retentit derrière la porte, suivi d'une diatribe visant une "foutu table basse". La porte s'ouvrit sur un homme en pyjama, les yeux à moitié fermés et des cernes dignes d'un bassin de natation.
"Soo Ahn ? Qu'est-ce que tu fais là à cette heure ?"
Il parut surpris de voir quelqu'un sur son paillasson en forme d'abeille, mais il nous laissa tout de même entrer dans la maison en bâillant.
"Bonsoir Gongyoo, je..." J'avalai un sanglot. "Je peux rester quelque temps chez vous ?"
Un silence gênant s'installa lorsqu'il s'aperçut que je n'étais pas seule, mais il fut rapidement rompu par une main chaleureuse me poussant dans le dos.
"Mais bien sûr." Il me tira par la main, un regard paternel et inquiet sur le visage. "Mon dieu, tu as l'air d'avoir été déterrée après cent ans, on dirait Hee' quand elle n'est pas maquillée... Allez, viens avec moi, je vais te préparer ta chambre."
J'appréciais qu'il ne pose pas plus de questions. Je n'avais aucune envie de pleurer davantage, encore moins d'expliquer mes problèmes avec mon mari à mon beau-père. J'attendrais patiemment que ma mère s'en charge le lendemain, avec la délicatesse qui lui était propre.
"Je suis vraiment désolée d'arriver ainsi, en pleine nuit, mais j'avais vraiment besoin de..."
Gongyoo me coupa en posant un doigt sur ma bouche, un sourire compréhensif aux lèvres.
"Ne t'inquiète pas pour ça. Tu seras toujours la bienvenue ici, à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit. Surtout la nuit, apparemment..."
Il jeta un coup d'œil à l'heure sur sa montre et à M. Jeon tout en ouvrant une porte au fond du salon. "Ta mère dort en haut, mais tu la connais." Il alluma la lumière, révélant une chambre parfaitement rangée et agréablement décorée.
"Elle fait toujours ton lit au cas où tu voudrais venir à cinq heures du matin... par exemple."
Je le poussai du coude en l'entendant exagérer, mais je me sentis tout de suite mieux en découvrant que ma chambre d'enfant était restée intacte, avec des photos entassées sur les murs, mes anciennes affaires de droits et des peluches soigneusement disposées sur un grand siège contre un mur.
Une fois bien installée et un peu plus calme, je remerciai Gongyoo qui semblait s'effondrer de fatigue contre la porte.
"Je pense que ça va aller maintenant, tu peux retourner te coucher. Encore merci Gyoo'," dis-je en me glissant sous les draps.
"Bonne nuit," déclara-t-il en levant la main dans un signe d'au revoir. "Je vais aller installer ton ami sur le canapé." Et il disparut en refermant la porte derrière lui.
Je contemplai la petite pièce accueillante et chaleureuse qui m'entourait. Elle me semblait tellement plus réconfortante que ma propre maison. L'odeur de gâteaux fraîchement sortis du four et de paille me plongeait dans un cocon de douceur que j'appréciais plus que tout.
Mon regard s'attarda brièvement sur les photos contre le mur en face de mon lit. J'avais passé une journée entière à les disposer selon la lumière, les couleurs et les personnes dessus. Au centre trônaient évidemment des photos de mes deux parents et de Gongyoo plus tard. Taehyung apparaissait également sur quelques photos de l'époque. Plus on s'éloignait du centre, plus les personnes étaient des connaissances lointaines, des amis de la fac, des amis d'enfance, de la famille oubliée. Je m'attardai particulièrement sur la seule photo où mon père esquissait un sourire.
Depuis combien de temps ne l'avais-je pas vu ?
Je finis par m'endormir sans m'en rendre compte, accablée par la tristesse et l'épuisement de mes larmes incessantes. Mon téléphone était éteint, et quand je le rallumerais, il afficherait probablement des dizaines de messages et d'appels manqués de mon mari. Peut-être même un message de sa secrétaire, s'excusant pour avoir détruit un mariage, ou me vantant les prouesses de mon homme au lit. Je ne savais pas lequel des deux aurait le plus le don de m'irriter...
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Au réveil, le soleil s'était déjà glissé depuis longtemps à travers les volets battants, et le chant joyeux des oiseaux remplissait la pièce. Nostalgique, je me remémorais les étés passés où les cigales chantaient toute la journée, et les hivers où les lapins laissaient leurs adorables traces dans la neige. Mon lever fut laborieux, mais je n'avais pas dormi aussi bien depuis des années. Le silence ambiant n'était pas oppressant, les couleurs n'étaient pas ternes, et les bruits de vie autres que les miens étaient apaisants.
Au loin, vraisemblablement dans la cuisine et le salon qui donnait sur ma chambre, je pouvais entendre Gongyoo et ma mère s'activer pour préparer le déjeuner, se chamaillant comme à leur habitude. Les voix chantantes de mon beau-père et la voix grave de ma mère résonnaient contre la porte en bois. J'avais même entendu des bribes de leur conversation sur mon réveil matinal et sur le mystérieux inconnu dormant sur leur canapé. Peu motivée, je quittai mon lit douillet, toujours vêtue des habits de la veille, et me dirigeai vers le salon.
"Bonjour..." dis-je gênée, tentant de coiffer ma tignasse tout en essuyant le mascara coulé et la bave qui restaient sur mon visage.
"Bonjour ma chérie !" répondit ma mère en finissant de mettre la table. "Tu veux manger avec nous ? Gongyoo a préparé pour quatre." Elle lança un sourire charmeur à son compagnon tout en évaluant d'un œil les dégâts que sa fille avait subis.
"Quatre ?" Un bruit de chasse d'eau me fit me retourner vers les toilettes, d'où sortait un M. Jeon sauvage, habillé des vieux vêtements de mon beau-père.
Oh.
"Je crois qu'un café fera l'affaire... Je n'ai pas vraiment d'appétit là tout de suite, mais merci quand même Gyoo'." Je m'installai, rejointe par l'étranger qui portait encore le parfum de shampoing aux olives de ma mère.
Autour de la petite table ronde en bois de chêne, je contemplai le fond de ma tasse qui était agité sans cesse. Je n'avais aucune envie de parler de ce qui s'était passé la veille. Gongyoo racontait à ma mère comment il avait trouvé sa fille sur le palier, telle un chiot abandonné. Bien que cela reflétait plus ou moins ma perception de la situation, l'entendre exprimé à voix haute me confirmait fermement que ce n'était pas un rêve.
Mon conjoint m'avait abandonnée.
Une larme glissa sur ma joue en repensant à cela, puis deux, puis trois, et c'était un torrent de larmes qui dévala mes joues déjà rougies par les pleurs de la nuit passée. Les deux personnes en face de moi réagirent immédiatement, se levant pour me prendre dans leurs bras, dans un étreinte chaleureuse et emplie d'amour.
"Shht... Ça va aller, p'tite mère," rassura mon beau-père, caressant mon dos de grands allers-retours.
"Je t'avais dit de changer de café. Et voilà ce qui se passe quand tu ne fais qu'à ta tête, Gongyoo," déclara ma mère en frappant son compagnon. "Il est si mauvais qu'il fait pleurer ma fille. Je devrais te mettre à la porte," dit-elle en riant, menaçant Gongyoo avec sa tasse.
Un éclat de rire général retentit. Mes parents savaient comment me remonter le moral. C'était toujours ainsi. J'avais été élevée par deux grands enfants. Gongyoo lança un regard complice à sa belle-fille et fit semblant de lui chuchoter un secret.
"Un jour, elle finira par savoir que c'est aussi ma maison."
Je pouffai en le voyant sourire à ma mère comme si de rien n'était, alors qu'elle avait très bien entendu ce qu'il avait dit.
"J'vous jure..." laissai-je échapper en essuyant mes larmes d'un soubresaut. J'avais retrouvé un semblant de sourire en un clin d'œil, et inconsciemment, je me dis que j'avais bien fait de venir ici, dans mon terrier, ma niche.
"Et toi, jeune homme ?" demanda Gongyoo en réservant une tranche de pain avec de la confiture maison.
Il avait un air très sérieux sur le visage, une expression que je n'avais pas souvent l'occasion de voir.
"C'est un ami de Taehyung," dis-je d'abord, essayant de rattraper la situation, une phrase qui sembla mettre M. Jeon mal à l'aise, à en juger par ses mouvements sur sa chaise.
"C'est lui qui nous a amenés ici hier soir."
Maman semblait elle aussi le scruter du regard, me lançant des clins d'œil toutes les cinq minutes.
"Vous aussi, vous travaillez dans son entreprise ?" demanda-t-elle en levant un sourcil curieux.
"Non, pas du tout-"
Je le coupai.
"C'est un collaborateur."
M. Jeon passa une main sous la table et la posa sur la mienne, comme pour me dire de me calmer. Un geste qui eut l'effet inverse.
"Disons que je viens tout juste de revenir d'un voyage initiatique en Thaïlande, et que M. Kim m'a très gentiment offert de travailler avec lui."
Il arborait un air satisfait sur le visage, celui qui signifiait clairement "ce type est un imbécile, mais cela me plaît bien".
"Voilà," acquiesçai-je en observant les réactions des deux autres en face de nous, sans relever M. Jeon. Ma mère ouvrit grand les yeux et s'exclama de joie.
"La Thaïlande ! Mais quelle surprise ! Taehyung aussi est allé en Thaïlande récemment, non ?" Elle me pointait du doigt, comme si je tenais un registre des déplacements de mon mari. L'invité à mes côtés se servit une tasse de café qu'il descendit d'une traite.
"Moui, je crois..." Maintenant que j'y pensais, c'était vrai que Taehyung était allé en Thaïlande un peu avant leur mariage lui aussi. Peut-être s'étaient-ils croisés là-bas ? Je n'avais aucune idée de la superficie du pays, mais cette possibilité me fit frissonner.
La fin du repas se déroula dans une ambiance bien plus décontractée qu'il n'avait commencé. Nous eûmes même le droit à une visite de Yoh, le chien de mes parents. Le vieux Berger Australien ne bougeait plus trop depuis longtemps. Il faisait simplement des tours de garde entre la terrasse, le canapé où il avait sa place attitrée, et son panier. Il était très poilu, au grand dam de ma mère. De plus, les filets de bave qu'il laissait ressemblaient plus à des rivières qu'à de la salive de chien.
Après avoir aidé à débarrasser, j'allais prendre une bonne douche. En revenant, mon beau-père avait disparu avec M. Jeon pour remettre de l'essence dans sa moto. Plus tard, eux et ma mère étaient assis l'un près de l'autre devant la télévision.
Madame Park Hee Sun était une mère des plus remarquables. Ancienne mannequin et actrice, elle avait écrit son histoire à la force de ses mains. D'un naturel rebelle et plutôt anticonformiste, elle avait attiré l'attention des plus grands peu après le début de sa carrière. Rapidement, elle avait rencontré mon père biologique. Ils avaient eu un enfant pour le cachet médiatique qu'il pourrait apporter, même si Hee Sun désirait vraiment fonder une famille. Mon père, lui, était ce qu'on pourrait qualifier d'absent. En revanche, ma mère avait toujours fait de son mieux pour être présente aux fêtes de fin d'année ainsi qu'à la kermesse de l'école primaire, malgré son emploi du temps très chargé.
Mon père... C'était un sujet sensible que je n'abordais pas souvent. En fait, aussi peu que je le voyais.
Ji Jinhee, un homme d'affaires renommé, n'avait jamais assisté à aucune de mes fêtes. Il était un ami du père de Taehyung et celui qui avait suggéré l'union de nos deux familles grâce à un mariage arrangé. Après quelques années de mariage avec ma mère, il avait fini par divorcer lorsque j'avais douze ans. Aujourd'hui, je le voyais rarement, seulement à quelques dîners pour maintenir les apparences. Mon père n'était pas vraiment passionné, sauf dans les affaires, où il faisait les gros titres des journaux huppés. C'était d'ailleurs de là que j'avais le plus de nouvelles de lui.
Cinq ans plus tard, Heesun avait rencontré Gongyoo dans un restaurant italien du coin de la rue. Il était tombé fou amoureux d'elle au premier regard. Trois ans plus tard, ils s'étaient installés dans une maison de campagne, loin de la grande ville, après que ma mère eut pris sa retraite. Gyoo tourna la tête en me voyant approcher.
"Ils parlent de toi à la télé," dit-il en pointant du doigt le petit écran électronique.
Je m'installai dans le fauteuil juste en face, destiné à Yoh, et écoutai d'une oreille tout en caressant le canidé mollement.
La voix de l'annonceur était claire et tranchante.
"Le couple semble avoir quitté séparément la maison familiale après une dispute des plus violentes."
Je relevai la tête, intriguée. Sur une vidéo prise en cachette, on voyait "Madame Kim sur le pas de la porte qui hurlait à Taehyung de revenir."
"Depuis les récents événements au sujet de Madame Kim, les journalistes se sont tournés vers le fameux couple 'parfait' pour découvrir les dessous du masque. On peut apercevoir sur la vidéo, quelques minutes plus tard après la sortie de Monsieur Kim, Madame Kim quitter à son tour la demeure, un gros sac sous le bras, et monter sur la moto d'un inconnu. Elle a été aperçue dernièrement aux abords de la ville, sur une aire d'autoroute, se dirigeant vers la ville où réside Park Hee Sun, sa mère."
Je frissonnais en entendant tout ce que racontait la jeune femme à l'écran. Quelqu'un avait dû me reconnaître quand nous nous étions arrêtés pour que je pleure. Peut-être même des paparazzis qui avaient continué de nous suivre au milieu de la nuit. Avec un peu de chance, Taehyung ne reconnaîtrait pas la moto de M.Jeon. Vu comment il l'avait détestée, il avait sûrement déjà effacé ce détail de sa mémoire.
"Monsieur Kim a été vu rentrant chez lui vers-"
Heesun coupa la télé en fronçant les sourcils. Elle ne voulait pas entendre ces idioties.
"Je suppose que je devrais m'expliquer..." commençai-je en fixant Yoh qui ronflait très fort.
"Tu n'as pas besoin de te justifier, ma fille. Si tu savais le nombre de fois que je suis sortie en douce à l'époque parce que ton père et moi ne nous entendions pas, tu serais surprise," déclara Heesun en liant ses doigts avec son nouveau compagnon.
"Je suis désolée."
J'étais littéralement sur le point de pleurer une nouvelle fois. J'aurais voulu que tout cela n'arrive jamais. En même temps, cela avait été inévitable, l'iceberg était ressorti d'un coup et avait fait chavirer toutes les flottes...
Gongyoo sourit, lançant son idée avec enthousiasme.
"Tu nous le diras si tu sens que tu en as besoin. D'ici là, je propose qu'on aille tous se promener ! Il n'y a rien de mieux que les promenades pour se remonter le moral !"
Je me levai du canapé, annonçant avec regret,
"Sans moi, désolé Gyoo'... Je vais aller chercher plus d'affaires à la maison. Je suis parti avec rien du tout et je ne pense pas que maman ait envie que je prenne ses affaires... Et puis M.Jeon a sûrement envie de rentrer chez lui aussi."
Gongyoo acquiesça simplement en souriant alors que je quittais déjà le salon pour ma chambre. Une fois la porte refermée, je laissai aller et m'effondrai sur le lit. Voir nos défaillances affichées sur l'écran de la télé était si difficile à supporter. Qu'allaient dire les collaborateurs et les amis de Taehyung? Nous venions de nous ridiculiser comme deux jeunes amants. Tout était si étouffant sans Taehyung, et en même temps, j'avais l'impression qu'il n'avait jamais été là.
L'amour que se portaient ma mère et mon beau-père était-il si difficile à avoir ? Je soupirai plusieurs fois et attrapai mon téléphone au fond de son sac. Le message de Taehyung me glaça le cœur : "Dépêche-toi de rentrer avant que je ne le fasse moi-même."
C'était clair, net et précis. Pas d'excuses, pas d'explications. Il ne disait même pas si nous allions parler de ce qui s'était passé. Il allait sûrement faire comme d'habitude et agir comme si de rien n'était.
"Enfoiré..." pensai-je en me pinçant les lèvres, le cœur en miettes.
Au moment même où j'appuyai sur la touche envoyer, madame Park entra dans la pièce.
"Ma chérie ? Tu es sûre que tu ne veux pas venir ? Ça te ferait du bien de venir marcher." Elle avait un regard tendre. "Et puis Gongyoo voulait passer un peu de temps avec toi. Ça fait si longtemps que tu n'étais pas venue nous voir... À croire que ma fille est devenue ministre !" Déclara-t-elle en essayant de me remonter le moral avec une mauvaise blague.
Je me frappai mentalement de ne pas venir les voir plus souvent.
"Je suis désolé maman... J'ai vraiment besoin d'aller chercher des vêtements et deux, trois bricoles à la maison. Mais je te promets que je ferai quelque chose avec Gyoo' en rentrant."
Je me mordis la langue en prononçant le mot 'maison'. Un asile de fou. C'était tout sauf une maison.
Ici, on prenait soin de moi sans rien demander en retour, et on m'avait accueilli en plein milieu de la nuit en pleurant, sans poser de question. Heesun s'assit sur le lit de sa fille, à mes côtés, me fixant de ses deux grands yeux noirs. J'évitai son regard qui lisait en moi comme dans un livre ouvert.
"Tu veux en parler ?" demanda-t-elle finalement en reposant son regard sur sa fille qui avait déjà les larmes aux yeux.
Je pris ma mère dans mes bras et lui racontai tout. Lâchant tout ce que j'avais sur le cœur, mes doutes, mes peurs, et toute la tristesse accumulée au fil des années solitaires à errer comme un fantôme. Je lui narrai la difficulté de vivre dans un monde aussi strict que la haute société et le gouffre grandissant qui s'était créé entre Taehyung et moi.
"Est-ce que vous en avez parlé ? Tous les deux et au calme ?" demanda-t-elle.
Je secouai la tête négativement.
"Je sais que c'est difficile, et puis avec toute cette histoire, le décès de sa mère et les mésaventures de son frère... Tu sais, ça doit être compliqué pour lui aussi."
Ma mère était gentille. Une personne au grand cœur et aux mots justes. Mais comment avancer, comment comprendre quand Taehyung s'était enfermé dans un mutisme. Bien sûr que j'y avais pensé, c'était évident qu'il avait changé depuis la mort de sa mère, mais comment étancher l'amour perdu d'une mère ? J'étais dépassée par tous les événements, tellement déprimée que j'aurais pu plonger dans la rivière de mes propres larmes.
"Et ce jeune homme-là, ce Jungkook, c'est un ami ?" demanda Heesun pour changer de sujet.
"Non, pas vraiment. Je crois que c'est quelqu'un qui partage mes centres d'intérêts, pour la première fois depuis longtemps." Soufflais-je en guettant mon téléphone, dans l'attente d'un de ses messages.
"C'est vrai qu'il est très mignon." déclara ma mère en levant un sourcil intéressé.
"Maman ! Je suis mariée et tu adores ton gendre !"
"Oui, oui c'est ça. Quand il daigne sourire, c'est les jours fériés des années équinoxes..."
J'avais déjà dit que ma mère n'était pas une grande fan de Taehyung ?
"M'enfin ce que je vois moi, c'est une jeune femme malheureuse." Elle m'attrapa les mains dans un geste assez solennel. "À ton âge, tu devrais me chanter les louanges de ton mari. Tu devrais vivre ta vie entourée d'amis qui t'aiment et d'une famille heureuse. Là, tout ce que j'entends, c'est une fillette qui se fait marcher dessus. C'est une femme qui va finir par claquer toute seule et qui va finir par détester tout ce qu'elle a construit."
J'écoutais ma mère attentivement. Parce qu'évidemment, elle avait raison, une fois de plus.
Madame Park posa sa main sur la joue de sa fille et en essuya une larme avec une douceur infinie.
"Vis ! Ris ! Pleure ! Apprends la vie de la plus belle des manières. Essaie, teste. Rate-toi et recommence jusqu'à ce que tu aies trouvé ce qui te convienne. Si tu ne vis pas, personne ne vivra à ta place, et tu vas passer à côté des meilleurs moments, ceux qui méritent vraiment d'être vécus."
Un sourire bienveillant illuminait le visage de ma mère, tandis qu'elle partageait ces paroles empreintes de sagesse.
"Ne fais pas comme ta vieille mère. Moi aussi, je pensais que ton père était celui qui finirait ses derniers jours avec moi... Et maintenant, je suis la femme la plus heureuse du monde avec Gongyoo."
Elle leva les bras, exprimant la joie dans chaque geste.
"Je vis de rien et de tout ! J'aime ma petite maison, mon petit jardin. J'ai un chien qui perd plus ses cheveux que moi et une fille magnifique."
Elle fit une pause, prenant mon visage entre ses mains avec une tendresse infinie.
"Et certes, j'aime mon gendre." Elle leva les yeux au ciel. "Mais j'aime ma fille bien plus encore."
Elle me regarda droit dans les yeux, transmettant un amour inconditionnel.
"Moi aussi, je t'aime, maman.'"
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