Chapitre 5 : Moi aussi ?

Taehyung plongea son regard dans les prunelles de celui qui venait de démolir les murs soigneusement érigés dans leur havre de paix. En un éclair, il avait surpassé tout ce qu'ils avaient construit. Une vague d'irritation déferla en lui, une rage incontrôlable, face à la réalité criante : il était loin d'être le meilleur à ses yeux, et cette vérité le consumait.

Cependant, la colère n'était qu'un feu follet comparée à la terreur qui le saisissait. Cette peur viscérale, celle qui naît de la certitude que tout vous échappe, que vous avez vous-même semé les graines de la destruction. L'amour, bien sûr, mais à quel prix ? Il avait déjà offert son amour inconditionnel à sa mère, et elle avait répondu par un départ déchirant, laissant derrière elle un vide insurmontable. Pourquoi, alors, répéter cette erreur ? Jamais plus il ne se laisserait emporter par la folie de l'amour, car s'il avait perdu sa mère en aimant de tout son cœur, Soo Ahn finirait par suivre le même chemin.

Ses parents prétendaient que aimer, c'est laisser une partie de l'autre entrer dans son cœur. Mais le jour où cette partie est arrachée violemment, le cœur se barricade, déterminé à ne plus jamais endurer une telle souffrance.

"Et bien moi, je l'aime bien ce Jungkook," dit-elle en fermant les yeux, laissant sa tête reposer nonchalamment sur le rebord du canapé. Taehyung sentait que tout ce qu'il s'efforçait de construire partait en fumée à cause d'elle. Cette femme le rendait fou, dans tous les sens du terme.

Les yeux de Taehyung glissèrent des tulipes jaunes fièrement dressées sur le rebord de la fenêtre, offertes par Jungkook à sa femme, vers ses fleurs déjà fanant. Il serra les dents et jura intérieurement de jeter ces fleurs dès le matin, au premier rayon de soleil.

Un éclat de rire doux s'échappa de sa femme, comme si elle venait de raconter une blague personnelle.

"Qu'est-ce qui te fait rire ?" demanda-t-il.

"Rien, c'est juste que je me demandais depuis combien de temps on n'avait pas parlé comme ça. Sans crier, sans s'insulter..." Elle sourit et posa sa main sur la sienne, entrelaçant leurs doigts. "Et puis j'ai repensé à nous quand nous étions enfants."

Taehyung ne répondit pas, mais ses pensées se mirent en phase avec les siennes. Il y avait des années, ils se parlaient comme des âmes-sœurs, inséparables. Elle était toujours là pour lui, et il ne voyait que elle.

"Tu me suivais partout comme une groupie."

"T'avais pas d'amis, tout le monde avait peur de toi."

Un soupir s'échappa de Taehyung, un sourire en coin se dessinant sur son visage en repensant à la petite tête de sa femme à l'époque.

"Avec tes deux couettes sur les côtés, tu ressemblais à un guidon de vélo."

"Moi, je me rappelle d'un jeune homme à 20 ans qui renvoyait toutes les filles de son école qui l'aimaient en disant qu'il était déjà marié à un guidon alors qu'il était encore célibataire," dit-elle en tournant la tête vers l'entrée, incapable de le dire sans rougir.

Taehyung saisit son visage, l'approchant tellement du sien que son souffle caressa ses lèvres.

"Et tu te rappelles de quoi d'autre ?" demanda-t-il, son regard empreint d'arrogance, conscient qu'elle avait perdu l'instant même où ses yeux avaient dévié vers ses lèvres.

Soo Ahn ne répondit pas, se contentant de sceller ses lèvres aux siennes. C'était un baiser passionné, dénué de toute retenue, semblable à un festin vorace face à un buffet du plat préféré. Dans une fusion de salive et de morsures sensuelles, elle se retrouva finalement sous lui, piégée entre le canapé et son corps enflammé. C'était la dernière tentative, la dernière fois qu'elle succombait à l'ivresse d'une liaison inatteignable. Un dernier espoir, une trêve éphémère dans la guerre, un 11 novembre de plus sur le calendrier.

C'était cette flamme, ce désir ardent et infini qui ne demandait qu'à les submerger. Peut-être l'alcool, ou peut-être les émotions des souvenirs heureux, soulevant les barrières et les maintenant en suspension dans un souffle de jouissance.

****

L'amour impossible conduit parfois à la passion, c'est l'illusion éphémère de se sentir aimé.

****

Évidemment qu'il avait du désir sexuel, il en avait bien plus souvent qu'il le laissait paraître, mais c'était maladif, un tic en réponse d'une angoisse vitale. Il n'y arrivait pas quand elle faisait pieds et poings pour reconstruire leur vie mais c'était si facile quand elle l'ignorait. Il avait envie d'elle quand elle semblait ne plus avoir envie de lui.

Taehyung déboucla la ceinture et baissa le jean de sa femme rapidement. Sa main glissa et caressa directement le point sensible de sa partenaire. Comme un crime, c'était silencieux, interdit de laisser passer un sentiment qui trahirait son calme éternel. Elle redoubla d'efforts pour réagir le moins possible, elle voulait le prendre à son propre jeu. Alors après une grande inspiration, elle déboutonna aussi son pantalon. Celui-ci ferma les yeux, pris en flagrant délit. Il attrapa sa main, la prévenant de ce qu'elle était sur le point de faire.

C'était comme si elle avait dépassé son esprit avant qu'il ne s'avoue lui-même qu'il rêvait de la voir aussi dépravée. Soo Ahn plongea sans regret dans la luxure et commença des allers-retours langoureux. Il était fraîchement rasé, peut-être d'un jour ou moins et sa repousse l'éraflait à travers son caleçon. Elle tenta d'oublier pourquoi Taehyung se raserait cette partie du corps alors qu'il n'était pas prévu qu'ils fassent quoi que ce soit ce soir. Elle-même n'avait pas préparé ce genre de chose... Elle se mordit la langue en se persuadant qu'il était simplement plus à l'aise ainsi au quotidien. Oui c'était sûrement cela. Du moins pour ce soir et pour qu'elle continue de croire en un possible amour parfait, ça serait la réponse qu'elle croirait encore un peu.

Taehyung souleva les hanches de sa protégé et enfonça délicatement un doigt en elle. Soo Ahn se crispa en répondant d'un gémissement aigu. Elle doutait à présent de ce qui l'entourait. Comment d'écrire son homme en train de lui procurer du plaisir. Taehyung soupirait sur les doigts glissants et inexpérimenté de sa femme. C'était mal fait, tremblant et sans précision, mais tellement grisant.

Il n'avait jamais ressenti cela avant. Personne ne lui avait fait sentir ce désir ardent qui ronge les côtes et la raison mais si mal, si interdit et mauvais. Sa femme enleva la chemise blanche qui gênait ses yeux pour profiter d'un spectacle des plus délectable et balaya plusieurs fois les abdos finement tracées de son mari. Il avait un corps de Dieu grec.

"Tu attends un orgasme ou je dois prier pour que tu m'enlèves mon caleçon ?" Dit-il éhontément en tentant de dégrafer son soutien-gorge introuvable. "Il est où ce putain de-"

C'était sale, dégradant, à la hâte mais c'était absolument nécessaire. Trop d'attente des deux côtés, ils étaient en train de se sauter dessus comme deux animaux en chaleur.

Il la souleva comme si elle faisait un poids plume et enroula ses jambes autour de son bassin. Il se débarrassa lui-même de son pantalon et du sien et les emmena à l'étage. Soo Ahn entrait pour la deuxième fois dans la chambre de son mari. Un endroit sacré, moins que son bureau mais tout de même.

"J'ai envie de toi." Glissa-t-elle dans l'oreille de son porteur.

Taehyung ria légèrement en l'entendant.

"Et moi donc..." Dit-il étrangement dans sa barbe, le visage pourtant complètement imberbe.

Il l'embrassa tendrement pour la première fois de la soirée. C'était avec un grand soulagement qu'il comprenait qu'elle voulait elle aussi coucher avec lui et non pas simplement pour lui faire plaisir. Il la déposa dans son lit, un immense lit bien fait.

La jeune femme lança tout de même un œil curieux dans la pièce. C'était propre, comme si il ne l'utilisait pas. Les meubles étaient parfaitement alignés, pas de décoration inutile, pas de photos, pas de plantes. Il y avait un grand miroir entouré par deux grandes armoires desquelles on pouvait voir des vestes de costumes de différentes couleurs et motifs. Il avait une lignée de chemise blanche ou noir ainsi qu'une rangée de chaussures cirées et triée par couleur. Le seul objet de travers et qui attirait l'attention était un cadre photo retourné et posé face contre la table basse.

"Je vais juste prendre une douche... J'ai transpiré toute la journée, laisse-moi deux minutes, promis je fais vite." lança-t-il en lui déposant un minuscule baiser papillon sur les lèvres.

Elle acquiesça et il disparut dans la salle de bain adjacente de la grande chambre impeccable. Enfin seule, elle n'arrivait pas à imaginer ce qui allait se passer. C'était irréel, de l'ordre du fantastique pour son petit corps qui se remettait à peine des doigts experts plutôt.

Redescendue de son petit nuage, elle entama un tour plus prononcé de la chambre, se focalisant particulièrement sur le cadre désorienté. Une fois remis debout, dans le bon sens et dépoussiéré, elle y découvrit une vieille photo. C'était un cliché familial datant d'avant le décès de la mère de Taehyung. Ils étaient tous les six devant le vaste jardin botanique de la ville. L'amour de Taehyung pour les fleurs était hérité de sa mère. Bien qu'il n'ait pas un talent incroyable pour les assortir, il prenait soin depuis longtemps des hortensias dans leur jardin. Les Kim formaient une famille unie, et Soo Ahn appréciait la relation étroite qu'ils entretenaient depuis toujours. Même le frère adoptif de Taehyung, adopté à la naissance, était devenu rapidement un membre à part entière de cette famille parfaite.

Sur la photo, elle se tenait dans les bras de son mari, arborant un grand sourire dans une robe d'été blanche. Taehyung, fidèle à lui-même, portait un ensemble brun crème avec la chemise ouverte. Son sourire était tout aussi large, capturant Soo Ahn dans son regard, l'empêchant de s'échapper de ses bras. Les deux parents se tenaient la main amoureusement, et leur deuxième fils faisait un V avec ses doigts au centre de la photo. La joie de vivre émanait de l'image, mais un pincement au cœur l'envahit en caressant du regard l'image heureuse de leur famille et de la mère de son mari.

Elle était déconcertée par l'idée que Taehyung conserve une photo aussi poignante. Touchée qu'il la garde dans sa chambre, elle était néanmoins perplexe quant à sa position retournée. Plus elle essayait de le comprendre, plus il semblait distant. Elle ne pouvait jamais imaginer pleinement ce qu'il ressentait, et le vide laissé par la perte de sa mère était quelque chose qu'elle ne pourrait jamais combler. Elle soupira en contemplant le sourire authentique de son homme. Entendant l'eau se couper, elle remit la photo en place et retourna s'asseoir sur le lit.

De son côté, Taehyung s'efforçait du mieux qu'il pouvait de retrouver ses esprits. Il voulait se rappeler pleinement et faire de son mieux pour satisfaire sa moitié. Il se gifla plusieurs fois sur les joues pour s'assurer qu'il n'était pas en train de rêver et se passa de l'eau froide sur le visage. Peu importe ce qu'il faisait, l'image de Soo Ahn sous lui, la main enfoncée dans son pantalon, et ses murmures sensuels résonnaient dans son esprit. C'était presque comme s'il délirait complètement. En réalité, elle le faisait perdre la tête. Et comme un adolescent de 18 ans, il commençait à stresser. Taehyung ne stressait jamais. Il n'était pas aussi vulnérable. Pourtant, dans un coin de sa tête, la crainte de ne pas être à la hauteur s'insinuait. Et s'il ne lui plaisait pas au lit ? Et s'il y avait déjà eu un partenaire meilleur que lui dans sa vie ? Et si elle le trouvait insuffisant ? Et s'il était comparé ?

Des milliers de questions absurdes se bousculaient dans son esprit, formant une boule d'appréhension dans son ventre.

Il devait être le meilleur.

En sortant, il croisa celle qui occupait toutes ses pensées et ses doutes, assise sagement sur le bord du lit. Même de dos, elle lui semblait magnifique. Il acheva d'attacher la serviette autour de sa taille, passa une main dans ses cheveux encore humides, et s'approcha du lit derrière elle. Il glissa sa main sur sa hanche pour qu'elle ne sursaute pas et approcha ses lèvres de son oreille.

"Toujours envie ?" demanda-t-il d'une voix sensuelle, trahissant son appréhension.

Soo Ahn acquiesça timidement. Adorable.

Elle se retrouva aisément sous Taehyung. Après quelques baisers et caresses tendres, ils succombèrent de nouveau à ce désir ardent. Les doigts de la jeune femme s'emmêlèrent dans la serviette du jeune homme.

Taehyung se recula, ne prenant même pas le temps de se rhabiller. Ses yeux étaient écarquillés, comme s'il venait de prendre conscience de la situation et de ce que cela signifiait.

"Taehyung, qu'est-ce que tu me fais là ?" Elle commença à cacher ses seins et son corps, comme si elle était face à un inconnu.

Taehyung n'eut pas le temps de répondre, son téléphone sonna bruyamment et s'acharna sans relâche sur la table de chevet. C'était sa secrétaire, l'appelant en urgence à en juger par les quatre messages non lus et la troisième sonnerie persistante.

"Tu vas pas répondre, j'espère ! Oh Taehyung, je te parle !" s'écria-t-elle, décontenancée de le voir réagir comme un enfant pris en flagrant délit, cherchant refuge dans la facilité.

Il décrocha à la quatrième sonnerie, débranchant hâtivement le téléphone en charge, et quitta la chambre vêtu d'un maigre peignoir.

Soo Ahn se retrouva là, entièrement nue sur un lit froissé et incroyablement froid, dans une chambre qui lui semblait inconnue. Le choc fut si intense qu'elle sentit la peur et la colère l'engloutir d'un coup, faisant tourner les murs autour d'elle.

Elle enfonça les clés dans la serrure de la porte, sur le point de craquer si elle restait une seconde de plus dans cette maudite maison. Habillée et emmitouflée dans un gros manteau, elle s'était précipitée après Taehyung, mais il avait filé plus vite qu'un cambrioleur pris sur le fait. Les pneus de sa voiture crissaient dans l'allée alors qu'elle venait à peine de passer son manteau.

Pourquoi la secrétaire de Taehyung l'appelait-elle aussi tard dans la nuit ? Comment se faisait-il qu'elle ait le numéro personnel de son mari ? Son mariage défilait devant ses yeux, s'effondrant comme un château de cartes face à une rafale de vent. C'était le choc de trop. Elle rangea rapidement quelques vêtements et les fourra dans un sac trop grand pour elle.

"Allo..." Hésitante, elle prit finalement conscience de ce qu'elle allait dire et de ce que cela impliquait. "Vous aviez dit que je pouvais vous appeler si je voulais fuir, n'est-ce pas...?"

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