Chapitre 6 - We Were Too Young
Je déteste faire ça mais je mets un TW.
TW : Abus physique (mention). C'est le chapitre où j'ai découvert que j'avais plus du tout foi en l'humanité. J'rappelle que c'est en parti inspiré de la réalité et j'ai découvert des témoignages qui... Juste non.
***
Je sortis doucement du sommeil en me frottant les yeux. Je les posai ensuite sur le réveil placé sur la table de nuit. Il était à peine sept heures passées. Je me levai et sortit de ma chambre. Je me dirigeai vers la cuisine. J'étais seul : mes parents et mon frère dormaient encore. Je me fis silencieusement un thé.
Mon regard tomba sur le calendrier accroché près du micro-onde. On était le dix-huit février. La date m'était familière alors je cherchai sa signification, avant de la trouver. Dix-huit février deux-mille-vingt-trois. Aujourd'hui, on fêtait les vingt ans d'Ezechiel.
Je pris mon téléphone pour l'appeler. Répondeur. Il me rappela tout de suite après.
« - Salut, Will...? fit-il, d'une voix que je sentis vaguement attentive.
- Salut mec. Je te dérange ? demandai-je, un peu perplexe.
- Euh... Nan...? chuchota-t-il avec une once de culpabilité qui pointait dans son ton.
- T'es avec quelqu'un ? demandai-je encore, presque sûr de ma réponse.
- Ouais..., » finit-il par avouer.
J'éloignai mon téléphone pour pouvoir pouffer. Il était question d'Ezechiel. Bien sûr qu'il était avec quelqu'un.
« - D'accord. Je vais faire court, alors. Je voulais juste te souhaiter un bon anniversaire, mon frère.
- Ah, oui. Merci, c'est gentil de ta part ! ... Ta famille est ok ? demanda-t-il après quelques secondes.
- Oui, tout le monde va bien. Tu devrais faire ça aussi un peu, tu sais ? Retourner à Manchester de temps à autre.
- Je sais, je devrais, soupira-t-il. Mais tout le monde va m'appeler aujourd'hui donc j'imagine que ça compte comme « conservation du lien familial » ? demanda-t-il doucement.
- Si tu veux, répondis-je en ricanant. Bon, je te dérange pas plus sinon on va réveiller la demoiselle.
- Ouais, et merci d'avoir pensé à moi. C'est cool.
- C'est normal, répliquai-je en haussant les épaules. Bon, je te laisse.
- Attends, attends, tu reviens quand ?
- Le vingt. Lundi matin.
- Ça marche, je note. On se revoit lundi, bye !
- Salut. »
Je finis mon thé et retournai mettre un peu d'ordre dans ma chambre. Ce petit voyage chez moi me permettait également de récupérer certains souvenirs pour les ramener à la Résidence. J'en profitai donc pour soigneusement emballer quelques cadres et un dessin approximatif que mon petit frère m'avait offert pour mes dix ans, ainsi qu'un tee-shirt qui m'avait franchement manqué. Un peu plus tard, Tim frappa à la porte et j'ouvris. Il se dirigea vers mon lit, s'affala dessus et lança son sujet de conversation préféré - par là, comprendre « Laura ».
Mon frère ne connaissait pas Laura avant que je sorte avec elle. Il n'était pas exactement fan de littérature. Moi non plus. Mais Adeline nous avait montré une photo de sa famille, pendant le tournage du film dans lequel nous l'avions rencontrée, et j'avais plus ou moins eu un coup de foudre pour la petite blonde qui était toujours accrochée à sa sœur. Donc j'avais acheté son livre, « Sweet, Sweet Thoughts ». Et c'était... Pur. Un peu niais sur les bords, mais pur, lumineux, innocent, attendrissant, bouleversant, émouvant, poignant, touchant. Pour résumer, j'avais adoré. Mais rencontrer l'auteure derrière ces mots en personne... C'était autre chose. J'en étais instantanément tombé amoureux et je ne m'en étais jamais relevé. Ces yeux, ça ne laissait personne indifférent - et je savais de source sûre qu'elle avait fait cet effet à tout le groupe, les gays exclus, Dean et Moïra inclus. Lorsqu'elle parlait, on entendait cet accent qui rappelait son pays d'origine. Ses cheveux blonds cascadaient sur ses épaules et rendaient sa douce peau lumineuse. Ce sourire était ensorcelant, sur ces lèvres roses, et il formait de légères rides au coin de ses yeux bleus. Son rire était mélodieux, sa voix hypnotisante, ses mouvements gracieux.
« - T'es tellement dans la merde, mec, souffla Tim.
- Quoi ? Et, eh, comment tu parles ? m'indignai-je pour remplir mon rôle de grand frère.
- Mieux que toi à mon âge, répliqua-t-il en regardant le plafond - d'accord, il n'avait pas tort. Et je parle de Laura, comme tu le fais depuis, genre, dix minutes. J'ai pas pu en placer une. Mais t'es tellement, vraiment, sincèrement amoureux d'elle - et ça se voit, physiquement, je veux dire - que c'est pas étonnant. En presque seize ans d'existence, je t'ai jamais vu aussi attaché à quelqu'un. Tu es amoureux d'elle, du coup t'es dans la merde.
- Je sais. Je sais, malheureusement, fis-je en passant une main dans mes cheveux.
- Parle-lui.
- Hein ?
- Deux. Non, sérieusement, parle-lui, à Laura, ramène-la, s'il te plaît. Arrange-toi avec Zoran pour changer de stunt ou carrément abandonner cette histoire de fausse petite-amie. Elle me manque et je sais que c'est bien pire pour toi. »
J'étais assis sur mon lit, adossé au mur et Timothy était dans la même position que moi à mes côtés. Je renversai ma tête en arrière pour la faire heurter doucement la paroi. Ça semblait tellement simple. Mais il y avait aussi les sentiments de Laura à prendre en compte. Et la liberté de mes amis. Et tant d'autres choses auxquelles je ne voulais pas penser.
« - Je sais, mais je ne peux pas. »
Mon frère me regarda avant de laisser tomber sa tête sur mon épaule. Il soupira.
« Ça craint. »
***
J'aimais passer du temps avec ma famille. C'était calme et apaisant. Chaleureux. Mais, d'une certaine façon, j'étais beaucoup plus habitué à être avec mes meilleurs amis. Je préférais. J'étais plus à l'aise. Les pieds de Zoran emmêlés avec les miens, lui adossé à un accoudoir du canapé, et moi, le dos contre celui qui lui faisait face. C'était familier. C'était chez moi.
Il tapotait doucement sur les touches de son clavier. Le bruit était doux, comme le son de la pluie contre les fenêtres. Nous discutions de tout et de rien. La conversation se faisait naturellement. J'étais revenu le matin même. Il était midi. Ezechiel cuisinait, Dean dormait, Loam se reposait dans sa chambre, Zoran travaillait - il lui restait un semestre avant d'avoir définitivement fini le lycée - et je profitais du confort du salon. Mais je devais troubler l'ambiance tranquille, alors je lui demandai :
« - J'ai un coup de fil à passer à Jonah, je peux le faire ici ou tu veux que je sorte ?
- Non, tu peux le faire ici, ça me dérange pas. Je suis en train de répondre à un questionnaire facultatif sur un sujet pas très intéressant, précisa-t-il sans lever les yeux de son écran.
- Merci, petite abeille. »
Je pris mon portable et cherchai le contact sans trop me poser de questions. Zoran aimait en faire plus que demandé, une conséquence de la célébrité aussi jeune. Depuis que le groupe avait été formé - et que donc, Zoran avait déménagé de son orphelinat dans le Kent pour venir s'installer ici, à Bromley - il suivait ses cours par correspondance. Tous les membres du groupe étaient passés par là et à présent, il ne restait plus que lui.
Jonah Stephen décrocha dès la première sonnerie.
« - Allô ? William, que me vaut le plaisir ?
- Bonjour Jonah. Je voulais vous-
- Tutoie-moi, je t'en prie, William, » m'interrompit le producteur.
Cette conversation arrivait à peu près à chaque fois que je l'appelais. J'avais le réflexe de vouvoyer les adultes, en général, et lui compris. Même si nous nous voyions régulièrement. Et il continuait de m'appeler par mon prénom entier, alors j'imaginais que nous étions quitte.
« - Appelle-moi Will, alors, répondis-je avec un sourire. Je voulais te demander si je pouvais passer au studio. J'ai des trucs à enregistrer et il faut qu'on discute de la date de sortie d'un de mes singles. Je peux passer aujourd'hui ? »
Jonah ne me répondit pas. À la place, je l'entendis parler à quelqu'un d'autre, qui devait se trouver dans la même pièce que lui. Je mis le haut-parleur pour mieux entendre.
« - Salut. William Taylor. Non. Non, il n'est pas disponible aujourd'hui, dommage, oui. Dis-moi, Will, fit-il en se reconcentrant sur moi, peux-tu venir demain ?
- Euh, je préférais aujour...
- Parfait, alors. On se voit demain ! Bonne journée Will. »
Il avait raccroché. Zoran me regardait par-dessus son ordinateur, surpris et perplexe.
« - Il vient de se passer quoi, là ?
- La même chose qu'à Loam, la semaine dernière. Il a insisté pour qu'il vienne le mardi et pas un autre jour. Regarde, demain on sera mardi, souligna mon ami.
- C'est bizarre, commençai-je.
- Tu crois qu'il... Tu sais ? demanda doucement Zoran.
- Franchement, je sais pas, chuchotai-je en retour. T'as vu Loam... Récemment ?
- Non, fit Zoran, toujours sur le même ton, me faisant comprendre qu'il avait saisi le sous-entendu que je n'avais ni l'envie, ni la force de formuler. Je peux aller voir, par contre.
- Ouais... Vaut mieux. »
Zoran balança ses jambes pour se lever. Il déposa délicatement son ordinateur portable sur la petite table à nos côtés et il se leva. Il trottina vers la porte et je l'entends courir dans les escaliers.
Je passai une main sur mon visage. Il était bien trop tôt pour tout ça. Je me levai à mon tour et me dirigeai vers la cuisine. Eze était en train de remuer une cuillère dans une casserole de ratatouille hivernale qui embaumait la pièce.
« - Salut Eze, besoin d'aide ?
- Pour la cuisine ? demanda-t-il. Non, je m'en sors et j'ai presque fini. Par contre, si tu pouvais aller réveiller Dean et appeler Zoran et Loam... On passe à table dans un peu plus de cinq minutes.
- Ça marche, je vais les chercher. »
Je sortis à regret de la cuisine avec les mains encombrées d'assiettes et de couverts que je déposai sur la table située entre la salle de musique et le coin des interviews. Ensuite, je me dirigeai vers les escaliers pour monter à l'étage. La porte de la chambre de Loam était fermée alors je décidai d'aller réveiller Dean avant de déranger le couple. Je toquai avant d'ouvrir la porte doucement, m'éclairant de la lampe torche de mon téléphone portable. Dean se tourna, grogna puis se redressa difficilement.
« - Bonjour, Belle au Bois Dormant. Ton prince charmant vient t'annoncer qu'on passe à table dans cinq minutes.
- Il vient m'embrasser, mon prince ?
- Ew. Je t'aime très fort, Dean, mais je suis pas de ce bord-là.
- Moi non plus, répondit-il avec un haussement d'épaules. En plus, je suis plutôt attiré par les rousses, si tu vois ce que je veux dire.
- Une rousse avec laquelle tu es scandaleusement adorable ? Je vois ce que tu veux dire. Ceci dit, on passe toujours à table dans cinq minutes.
- Je me lève, je m'habille et je suis là. Qui a cuisiné, Eze, Zoran ou toi ?
- Ezechiel.
- Oh, alors j'arrive dans deux minutes. J'ai faim ! »
Je sortis de sa chambre en riant et en râlant parce que hey ! D'accord, Ezechiel était le meilleur cuisinier mais ça ne voulait pas dire que j'étais mauvais. En comparaison d'Eze, oui. Mais par rapport à Dean ? J'étais un chef cinq étoiles.
Je toquai contre la porte de la chambre située à gauche de celle que je venais de quitter. C'était une règle entre nous. On me répondit d'entrer, alors je m'exécutai. La pièce était étonnamment bien rangée et son propriétaire était assis dans le canapé en face du lit, le bras passé autour des épaules du brun aux yeux verts, qui avait posé sa tête sur le torse de son compagnon.
« - Tout est bon, m'informa le plus jeune. Il ne s'est rien passé. Peut-être que le mardi arrange juste Jonah, en fin de compte.
- Tant mieux, alors, acquiesçai-je. Ceci dit, n'hésitez pas à en parler, si vous notez d'autres trucs bizarres. Ou si ça recommence. On mange dans quelques minutes, ajoutai-je précipitamment pour clore le sujet.
- On arrive, » acquiesça Loam alors que Zoran se détachait de lui.
Il y avait des choses dont on parlait, et d'autres dont on ne parlait pas. En fait, il y avait une seule chose que nous avions convenu de ne jamais aborder explicitement. Zoran était trop jeune. Et nous étions tous... Juste, non. J'avais passé un marché avec moi-même. Ne jamais y penser.
Je sortis de la chambre et je descendis vers la cuisine pour aider Ezechiel à disposer notre déjeuner sur la table et je pris place en attendant les autres. Le couple arriva le premier, rapidement suivi par Dean qui acquiesça en signe d'approbation. L'écossais s'assit à côté de moi. Zoran se laissa tomber en face de moi, Loam fit de même à sa gauche et Ezechiel compléta la rangée à gauche du blond.
Les repas - ceux que nous partagions juste à cinq - étaient toujours animés, pleins de rires, de blagues et parfois de discussions profondes. Celui-ci ne dérogea pas à la règle. J'aimais ces quatres garçons plus que tout, c'était un fait.
***
« - Ok, donc. Dans un premier temps, j'aimerai sortir la chanson dont on avait parlé la dernière fois, le plus tôt possible.
- « Crowd » ? Le plus tôt possible peut être la semaine prochaine, mais on peut s'arranger pour aujourd'hui. Elle a eu toutes les validations. Que penses-tu du vingt-huit ? demanda Jonah Stephen en pianotant sur son clavier d'ordinateur.
Cet homme, âgé de cinquante-six ans, était aussi celui qui m'avait repéré deux ans plus tôt. Il avait formé le groupe. Nous lui devions tout. Cependant, il restait intimidant. Mais moins que son collègue, Frank Semetra, qui était tout simplement effrayant.
« - Le vingt-huit, c'est parfait. Je l'annonce ce soir sur les réseaux sociaux. »
Il acquiesça. Ensuite, je lui parlai de l'arrangement d'une autre chanson et il appela le compositeur qui arriva dans la pièce. Je lui montrai au piano l'idée que j'avais et il m'expliqua en quoi c'était faisable ou pas. Pendant une heure, nous débattâmes et composâmes la mélodie. Ensuite, j'enregistrai quelques détails. J'avais presque fini de l'écrire. Au bout d'une seconde heure, il partit et il ne resta plus que moi et Jonah dans la salle.
« - Au fait, Jonah, pourquoi aujourd'hui particulièrement ? demandai-je parce que la question m'avait brûlé la langue tout l'après-midi.
- C'est le jour de repos de Frank, le mardi, » commenta-t-il.
Il avait lâché ça comme si le lien entre ma question et sa réponse était évident. Et, malheureusement, il l'était. Je pianotai distraitement sur le clavier du piano.
« - En quoi est-ce dérangeant s'il est là ? demandai-je malgré tout.
- William. »
Il posa sa main sur mon avant bras. Un réflexe enfouit au plus profond de moi fut déterré. Sans savoir pourquoi, j'éloignai brusquement mon bras de sa main. Un voile de tristesse envahit son regard. Il se tourna complètement vers moi. Non. Je reposai mes mains sur mes cuisses.
« - Will, je sais très bien que ces bleus ne sont pas arrivés sur vous tout seuls...
- Les bleus ? Quels bleus ? »
Les contrats, les contrats. Signés. Par nous. Les contrats. Non. Non, non. Pas de bleus. Pas de rapport avec Frank.
Je secouai la tête avec un petit rire.
« - Désolé, Jonah, je vois pas de quoi tu parles.
- Je sais, soupira-t-il. Je suis tellement désolé, ajouta-t-il avant de continuer. Avant votre première tournée, vous vous entraîniez tous les jours, toute la journée pendant des heures sans vous arrêter. J'étais venu vous voir, un jour. Je voulais observer votre cohésion, voir si ça marchait entre vous. Ce jour-là était le jour le plus chaud de la période. Vous portiez des débardeurs et des shorts de sport, précisa-t-il. Au début, je me suis dit que le petit Zoran était un peu maladroit. Puis j'ai réalisé que non. Soit vous étiez tous incroyablement maladroits et malchanceux, soit il y avait un problème. J'ai parlé à la chorégraphe. Elle m'a dit être inquiète. Elle pensait que c'était Frank qui vous faisait ça, alors je suis resté avec lui toute la journée, et je suis venu tous les autres jours. Vos bleus, vos plaies ne sont pas revenus. Puis une styliste est venue me voir. Je m'en souviens. Elle m'a dit : « Écoutez, Monsieur Stephen, virez-moi si vous le souhaitez, mais j'ai vu le manager du groupe pousser violemment notre petit Ezechiel contre un mur il y a deux minutes. » puis elle m'a expliqué tout ce dont elle avait été témoin. Elle a démissionné. J'ai engagé Meina Kevanov. Et je m'arrange pour vous faire venir lorsque Frank n'est pas là. »
Nous n'avions jamais compris pourquoi Meina avait rejoint Andrew, huit mois après la formation du groupe. Parce que ça n'avait pas nécessairement empêché « ce qu'il se passait » d'arriver. À vrai dire, nous n'avions jamais compris « ce qu'il se passait ».
« - C'est très gentil de m'expliquer tout ça mais je ne comprends vraiment pas. Je n'ai jamais entendu parler de cette histoire - et pourtant je suis concerné.
- Bien sûr. »
Il soupira longuement avant de passer la main sur son visage et de demander :
« - C'est les contrats, c'est ça ? »
Oui. Un des points. Je ne savais pas que c'était légal. Peut-être que ça ne l'était pas. Mais c'était signé. Trop tard, en d'autres mots.
« - Les contrats ? Où est le rapport ?
- Rappelle-moi les clauses de votre contrat.
- Tu me demande de me souvenir des très - trop - nombreux points d'un contrat que j'ai signé il y a deux ans et quelques ? Désolé. Je suis sûr que vous les avez informatisés. Je suis pas d'une grande aide. Je me souviens juste qu'ils s'arrêtent au trente-et-un décembre de cette année et qu'on va le re-signer.
- Je les modifierai, m'assura-t-il. Tu es - vous êtes - en sécurité avec moi.
- Merci, j'imagine ? » répondis-je pas très assuré.
Je ne voulais prendre aucun risque. La période à laquelle Jonah faisait référence avait été très compliquée à gérer. Loam et Zoran prenaient beaucoup parce que leur coup de foudre était évident mais personne ne leur posait de questions parce que personne ne voyait excessivement leur peau. Dean, Eze et moi inventions des histoires de bagarres à servir à Laura, Moïra et aux partenaires d'Eze. Je ne voulais pas nécessairement revivre ça maintenant que ça semblait s'être calmé.
« - Si jamais Frank ou Andrew recommencent, n'hésitez pas à m'en avertir.
- Mais il ne se passe et passait rien, Jonah, répondis-je en secouant la tête.
- Bien entendu. »
Il se reconcentra sur son logiciel.
Mes doigts tapotèrent les touches noires et blanches.
Je finis éventuellement par rentrer chez moi.
En ouvrant la porte, je trouvai Dean et Zoran assis dans les escaliers, directement sur ma gauche. Devant moi, Ezechiel et Loam discutaient avec Meina, installés à la table.
Dean me demanda si ça s'était bien passé, je lui répondit que oui, mais que j'étais fatigué. En retirant mon manteau, je me dirigeai vers la table pour souhaiter une bonne nuit à mes deux amis. Ezechiel frappa doucement son poing contre le mien et Loam me tapota le bras. Je gratifiai Meina d'un hochement de tête. Je revins vers les escaliers. Zoran était assis sur une marche, le dos contre le mur et les genoux ramenés contre son torse. Il me demanda si je voulais être réveillé pour le dîner. Je répondis que non et passait ma main dans ses boucles, puis Dean, qui s'était levé pour me laisser passer, me proposa de laisser une assiette pour moi dans le réfrigérateur au cas où ma faim se réveillerait dans la nuit. Je le remerciai. Il me pressa l'épaule et se rassit à côté de Zoran alors que je montai.
J'ouvris la porte de ma chambre et la refermai derrière moi. Je m'installai à mon bureau pour annoncer la sortie de « Crowd » - dont je parlais déjà depuis un certain temps. Tout le monde était impatient et moi aussi.
Finalement, je me levai pour aller dans la salle de bain me préparer pour ma nuit. Tout en haut de ma liste : une douche. Longue de préférence. En sortant, ma peau était rouge. Je terminai ma routine habituelle avant d'aller m'allonger dans mon lit. Les yeux fermés.
J'attendis.
Le sommeil ne vint pas.
Je ne le forçai pas. J'ouvris les yeux et me redressai, attrapant mon téléphone qui était branché sur ma table de nuit. Le compte Instagram officiel du groupe avait publié une vidéo de Zoran et Eze, qui reprenaient en duo une de nos chansons. La deuxième chose que je vis fut une publication de Laura et Zoran. Génial.
La jeune blonde était allongée sur de l'herbe, ses beaux yeux bleus fermés. On aurait presque dit qu'elle dormait. Elle avait des fleurs emmêlées dans ses cheveux, un peu comme des bourgeons dans un champ de blé, au printemps. C'était elle qui avait posté la photo mais, comme je m'en doutais, en tapotant l'écran à l'endroit où je pouvais voir une ombre sur l'herbe, le nom de Zoran s'afficha. Il était aussi mentionné dans la description - il était le photographe. Même sans que ce soit écrit, c'était devinable. Des fleurs, des couleurs claires et vives, dans les tons jaunes et rose principalement. Typique de Zoran.
Avec un soupir, je fermai l'application. Ça ne servait à rien de se faire plus mal. À la place, je vérifiai une dernière fois notre groupe de conversation, celui où il n'y avait que nous cinq, personne d'autre.
Loam nous avait envoyé une photo de lui et Zoran au piano. Zoran semblait au beau milieu d'un éclat de rire et Loam lui-même souriait, serein. Ils étaient beaux, ils étaient heureux, véritablement heureux. Ensemble, ils avaient cette innocence. Tout le monde craquait. Mais on essayait de les briser, de briser leur amour. La romance n'était pas mauvaise, si on la gardait juste pour nous, pensai-je.
Sur cette pensée, je verrouillai mon téléphone et le remis en charge sur ma table de nuit. Les yeux fermés, le sommeil m'aspira.
Je me réveillai au beau milieu de la nuit. En jetant un œil à mon portable, je constatai qu'il était une heure trente-deux du matin. Mon estomac gargouilla et je compris le message. Doucement, je posai mes pieds sur le sol. Je frissonnai. Il était froid. Je me dirigeai vers le placard pour enfiler une paire de chaussettes noires. Silencieusement, j'ouvris la porte et sortis dans le couloir. Je descendis. La lumière était allumée, dans la cuisine. Je m'approchai avec curiosité. Eze buvait un verre d'eau.
« - Salut, fis-je. Insomnie ?
- Oui, j'arrive pas à dormir, cette nuit. Ça ira mieux demain, j'imagine, répondit-il en haussant les épaules et en posant son verre sur le plan de travail. J'imagine que tu viens manger ? C'est Dean qui a cuisiné.
- C'est radioactif ? »
Il laissa échapper un petit rire de nez. J'ouvris le frigo. Une assiette m'attendait là. Étrangement, tout semblait... comestible. Indéniablement moche, mais comestible. Comment des pâtes pouvaient-elles être moches ? Je mis l'assiette à réchauffer.
« - Même pas. C'est presque bon.
- Il est malade ? Il va bien ? m'inquiétai-je.
- Il a appelé Moïra en visio.
- Pour faire des pâtes ? demandai-je.
- Pour faire des pâtes, » confirma-t-il très sérieusement.
Je récupérai mon assiette et des couverts, puis nous nous dirigeâmes vers la salle à manger. Il s'assit en face de moi, son verre de nouveau rempli.
« - Bon. Pourquoi Meina était là ?
- Alors, commença-t-il en tapotant la table du bout des doigts, déjà, elle voulait nous prévenir de l'ajout de certaines dates pour la tournée. Deux dates à Milan, les dix et onze septembre, le quatorze à Athènes, le vingt-six à Oslo, le vingt-neuf à Copenhague, puis le sept octobre à Paris, le onze au Luxembourg et le vingt-deux à Vienne.
- T'as appris les dates par cœur ?
- Il est presque deux heures du matin, j'avais que ça à faire, sourit-il. Bref, elle voulait aussi nous donner les dates de début des entraînements, le vingt-cinq juin.
- C'est un peu tard, non ? On commence le quinze août, m'inquiétai-je.
- Peut-être. On commencera de notre côté avant, j'imagine, me rassura-t-il. On connaît déjà la setlist, après tout. »
Je haussai les épaules en finissant mes pâtes. Elles n'étaient pas bonnes mais au moins elles étaient mangeables. Je fis la vaisselle, Eze à mes côtés. Il me parla de sa journée, je lui parlai de la mienne jusqu'à ce que je commence à tomber de fatigue. Il me ramena dans ma chambre puis entra dans la sienne. Il était un peu plus de trois heures du matin et, à peine ma tête avait-elle touché l'oreiller que je m'endormis. Mes rêves furent peuplés de champs de blé.
***
Mon estomac se tordait de stress. Sortir une nouvelle chanson, c'était comme présenter mon enfant au monde. Mon projet. D'autant que « Crowd » était directement dédiée aux fans, alors j'espérais qu'ils l'aimaient.
Allez. C'était publié.
Zoran passa son bras autour de mes épaules et me tapota la tête. Il me relâcha et sortit son téléphone.
« - Mon Dieu, mon chanteur préféré à sorti un nouveau single ! » s'exclama-t-il et Ezechiel rit.
Je souris et je rafraichis la page.
« - Hey, ça va. Laisse le temps aux fans d'écouter. Tu as du potentiel, William, ne t'en fais pas, » fit Meina en se rapprochant pour poser sa main sur mon épaule.
Le geste se voulait naturel et maternel mais il ne l'était pas du tout. Meina ne s'était jamais comportée comme une mère et elle n'avait jamais été présente et rassurante pour nous. Même son commentaire sur mon potentiel montrait à quel point elle n'en avait rien à faire. Les garçons et moi représentions des chiffres sur sa fiche de paye.
« - Merci, Meina.
- Bien sûr qu'il est doué, répondit Ezechiel.
- Hey, je vais rougir, frère.
- Fais donc, » pouffa mon ami mancunien.
Je me mordis la lèvre inférieure pour ravaler mon sourire. Zoran me frappa doucement le haut du crâne - qu'avait-il avec ma tête aujourd'hui ? - et me dit que j'allais abimer ma lèvre. Il ajouta que j'avais un beau sourire, ce qui agrandit le mien. Je savais qu'il me distrayait, mais il le faisait tellement bien... Mes yeux revinrent sur le réseau social.
Je rafraîchis la page - encore. Des cœurs de toutes les couleurs inondèrent les réponses sous le post sur Twitter.
« - Ça fait deux minutes que je fais défiler, je cherche un avis négatif. Je trouve pas, m'informa Zoran.
- Tu leur donnes de l'amour, ils te rendent de l'amour, déclara Eze. C'est les meilleurs.
- Je les aime si fort.
- Ils savent, fit le plus jeune en haussant les épaules. Ils savent et ils t'aiment aussi. »
Du coin de l'œil, je vis Eze prendre une photo. Il la montra à Zoran, qui leva les yeux au ciel en lui frappant l'épaule.
Ça faisait un bien fou.
***
4383 mots et enfin le dernier chapitre du point de vue de Will ! On change dès la semaine prochaine.
J'espère que vous avez aimé !
Aussi : c'est les vacances donc dès que je suis plus malade, je reprends ma productivité et je traduis les premiers chapitres en anglais. Je compte les mettre sur Ao3. Si vous voulez, mon compte c'est alex_rosebois. Original n'est-ce pas ?
Enfin, bonne soirée et Joyeux Noël ! À la semaine prochaine.
- Alex.
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