Chapitre 24 - Blooming Scent Of Cinnamon
Will sortit du taxi et vint ouvrir ma portière, tel l'homme parfait qu'il était, et paya le chauffeur. Il me guida dans l'hôtel, comme s'il connaissait l'établissement par cœur. En réalité, il y avait juste passé une nuit, mais il semblait avoir un excellent sens de l'orientation. De plus, il portait, en plus de ses affaires, un sac de taille conséquente rempli de croissants, pains au chocolat et brioches. Homme parfait.
On frappa à porte de la première chambre, c'était celle de Dean et Will, qui, donc, avait été uniquement celle de Dean cette nuit. Il était huit heures et demi et, d'après Will, en temps normal et aujourd'hui étant un jour de concert, les garçons étaient réveillés. Effectivement, Dean vint nous ouvrir et nous accueillit dans une chambre claire. Will rangea son propre sac dans sa valise et l'écossais nous accompagna dans la chambre d'à côté afin de récupérer Eze, qui était prêt lui aussi. À quatre, nous toquâmes à la dernière porte qui nous intéressait, et on nous ouvrit la porte.
Je n'avais jamais vu Zoran et Loam aussi heureux et reposés que ce matin. Ils nous firent entrer dans leur chambre. Ils avaient rendez-vous à dix-heures dans le hall pour retourner au stade, mais, en attendant, les cinq garçons étaient ravis de pouvoir manger un petit-déjeuner français - chacun d'eux, à force de côtoyer ma sœur et moi, savaient que très peu de français mangeaient des viennoiseries en premier repas de la journée.
Nous nous installâmes en cercle au sol.
« - Qui commence par quoi ? demanda Dean en mordant dans un pain au chocolat.
- J'ai récupéré une des photos où on est sous le drapeau, je l'ai postée avec mon texte sur Instagram hier soir. Je peux commencer par là ? proposa Loam.
- Oui, et je vais vérifier sur Twitter, continua Zoran. Oui, X, si tu veux, ajouta-t-il avant que son copain ne puisse commenter.
- Je vais venir aider avec les Tweets, ajouta Eze. Y'a de quoi faire.
- Nous, on fait les sites, donc, » déduisit Dean.
La mission de ce matin, c'était de vérifier la réaction du public et des médias quant au coming out d'hier soir. Puisque les garçons n'avaient plus vraiment de management efficace, c'était nous qui le faisions. Puis, en plus, ça nous permettait d'être là en tant que soutien psychologique pour les garçons, parce que oui, leur coming out leur permettait d'être libres d'être eux-même, mais il impliquait aussi toutes les difficultés d'une relation amoureuse publique en plus des difficultés d'une relation amoureuse homosexuelle. C'était une sorte de double peine, mais en même temps ils étaient tous les deux out depuis cinq mois, donc ils ne s'en faisaient pas trop.
Je sortis mon ordinateur portable du sac, vidé des viennoiseries et commençai ma recherche. Ce n'était pas bien compliqué à trouver, en vérité, car la nouvelle était récente et les premiers journaux imprimés avaient dû paraître quelques heures auparavant seulement.
« - Okay, alors le premier article que j'ai trouvé, fit Will. « Five Hearts : les membres Loam Davies et Zoran Evans révèlent enfin leur grand secret. » Ça, c'était le titre. Ensuite, plus bas, ça dit... Na, na, na... Ah, voilà : « Au plus grand plaisir des fans, les deux jeunes gens ont révélé être en couple depuis plus de deux ans aujourd'hui. Si la nouvelle fait sourire, elle nous fait aussi nous interroger sur les conditions de ce secret. En effet, le couple nous fait part de l'homophobie subie, ce qui nous amène à nous demander s'ils sont les seuls à avoir été forcés à conserver le secret. » Putain, j'ai tapé « Zoran Loam FH », j'ai cliqué sur le premier lien et c'est des gens intelligents. »
Loam frappa dans la main ouverte de Zoran.
« - Le discours sur l'homophobe était donc une bonne idée ! lança joyeusement Loam.
- Oui, bah... Attendez, je vous l'ai dit ? Y'a un petit groupe anglais, peut-être que vous le connaissez déjà, il s'appelle Razzie, bref, c'est un trio, une fille et deux garçons, expliqua Zoran. Le chanteur m'a envoyé un DM cette nuit. Ils font pas partie de notre label. Mais en gros, publiquement, il est en couple avec la batteuse alors qu'en vrai il est avec le claviériste.
- Razzie, c'est pas un groupe dont des chansons non-officielles et ultra-gay apparaissent aléatoirement sur Youtube ? demanda Dean. Ça avait fait du bruit sur les réseaux. Les gens sont partagés, ils savent pas si c'est des fuites ou si c'est des reprises faites par IA. Parce qu'on retrouve pas les chansons d'origine, si c'est le cas.
- C'est eux, acquiesça Zoran. Ils font fuiter leurs chansons eux-mêmes. Là, ils planifient plus gros. Ce qu'on a fait avec Loam, et avec votre aide, ça les a inspirés.
- Ils veulent faire quoi ? demanda Will.
- Un truc de malade. Ils sont en train d'écrire et d'enregistrer un album au nez et à la barbe de leur label. Un album entier. Ensuite, ils veulent l'envoyer à leurs potes un peu partout dans le monde, pour faire graver des CD. Les disques vont forcément finir dans une brocante ou dans un magasin d'occasions à un moment, et s'ils le font bien, ça peut être rapide. Il m'a dit qu'il avait observé ça dans le cas de petits groupes qui faisaient graver un disque et le truc se retrouvait en lost media et diffusé partout sur Reddit, sauf que là c'est pas un petit groupe de lycée, leur label est quasiment aussi grand que le nôtre.
- Hey, s'ils ont besoin de complices en Écosse, j'ai des contacts, proposa Dean.
- En France, ça peut se faire aussi, offris-je.
- C'est parfait, répondit le plus jeune en clôturant la discussion.
- Okay, alors, là j'ai une discussion entre plusieurs fans, nous informa Eze. Quelqu'un a dit : « Donc maintenant que la relation entre Loam et Zoran est officielle, est-ce qu'on peut se demander s'ils ont un faux compte de Lorie ? Est-ce qu'ils nous partagent des théories, à votre avis ? », ce à quoi quelqu'un répond... Non, attends, en fait tout le monde répond la même chose. En gros, tout le monde est sûr que oui.
- En même temps, c'est vrai, répondit Dean.
- Hey, Eze, répond-leur avec ton vrai compte que oui. J'ai envie de créer du chaos, demanda Loam avec un rictus.
- D'accord, rit Eze avant de taper sa réponse.
- Ah, là, j'ai quelqu'un qui se rend compte que sortir « Worshipping You » le lendemain de notre déclaration mutuelle c'était audacieux, nota Loam.
- Ça l'était et ça en dit long sur vous, répliquai-je. Je serais pas étonnée que ça parle d'âme-sœurs, mec.
- Ça en parle, confirma Zoran.
- Je vais lui répondre, décida Loam.
- Ils adorent ton culot, de toute façon, murmura Zoran.
- Hey, ça me rappelle qu'il faut que j'annonce que je sors « Either Way » le 16 janvier prochain.
- Pardon ? s'étouffa Zoran. Le 16. Vraiment. Pourquoi ça m'étonne même pas ? s'interrogea-t-il sous les rires des autres.
- J'ai pas la référence du 16 janvier ? glissai-je.
- C'est pas grave, m'assura Zoran.
- C'est la date à laquelle Zoran a perdu sa virginité, en gros, me chuchota Dean et j'acquiesçai puis secouai la tête.
- Je veux même pas savoir pourquoi vous savez ça, affirmai-je.
- Ah bah, commença Dean mais je l'arrêtai d'un regard.
- Attendez, rit Eze, je viens de rafraîchir ma page. J'ai quatre-vingt-treize mentions. Je gère pas ce chaos, Loam, c'est toi qui le voulais.
- D'acc, répondit le blond. De toute façon, maintenant, ils ont compris que toi et moi, on était actifs sur Twix et Instagram, donc ça va qu'empirer.
- Twix ? demandai-je.
- On sait pas si on doit appeler ça « Twitter » ou « X », donc. Twix, m'expliqua Loam.
- Pas con. Bon, qu'est-ce que j'ai ? « Révélation choc : un couple au sein de Five Hearts ? ». Bon, les titres sont toujours obligés d'en faire trop. Mh... Qu'est-ce que ça dit... Putain, ils sont interviewé Stephen. Oh, et Anton. Alors, « Je l'ai appris récemment, raconte Jonah Stephen, le producteur du groupe. Lorsque nos équipes lui ont demandé son avis, il nous a répondu : Malgré tout, je soutiens les garçons à cent pour cent. » Bon, on est tous d'accord pour dire que c'est pas totalement vrai. Mh... Alors, Anton. « Je travaille avec le groupe depuis le début, confie un des musiciens. Je l'ai su avant qu'on me le dise. Il faut être aveugle pour ne pas voir que ces deux-là sont fous l'un de l'autre. Il finit en affirmant que tout le groupe de musiciens soutient le couple nouvellement connu, et que ce soutien s'étend aux équipes permanentes et éphémères du groupe anglais. »
- Il a été payé combien ? » plaisanta Dean.
Je regardai le nom du site. The Sun. Ah. Pour une fois qu'ils racontaient pas que des conneries...
« - Beaucoup, » répondis-je simplement.
Un silence.
« - Bon, alors, sur une base de cinq articles, commença Dean. Trois sont explicitement pour, un neutre, et un qui dénonce, et je cite : votre « débauche et l'exemple donné à votre communauté », ce à quoi quelqu'un répond en commentaire que le site n'est en revanche pas un exemple de tolérance. Je dis que le quatrième est neutre parce qu'il questionne le risque d'un couple pour le groupe en mettant l'accent sur le fait qu'on parle d'un couple et non d'un couple gay, mais il questionne aussi l'étique... Enfin, ils se demandent si ça aurait été correct de vous faire garder le secret plus longtemps. Donc c'est ni positif, ni négatif.
- Pas mal, acquiesça Zoran. Oh, purée. Eze, tu rigolais pas, avec les notifications. Ils essayent de, il mordit dans un pain au chocolat, de... d'analyser chaque parole de chanson. On me mentionne partout, wow. Les fans des États-Unis sont pas supposés dormir ?
- Techniquement, si, mais c'est sous-estimer l'effet de... On peut dire de fanatisme ? grimaçai-je.
- Ça sonne péjoratif, nota Eze en pelant une banane - nous n'avions pas apporté de bananes.
- Je sais...
- Ça dépend de ce que tu veux dire, réfléchit Dean.
- Je veux dire que...Les gens sont fans depuis des années. Ça fait des années qu'ils adorent l'idée d'un couple entre Zoran et Loam, que vous venez de leur révéler. Donc, forcément, ils veulent le plus d'infos tout de suite.
- On vient de ruiner le sommeil de centaines de personnes ? demanda Zoran.
- Pour changer, commenta Loam.
- Pas faux, nota Eze.
- Ça va, les chevilles ? » demandai-je en lançant un croissant à la tête de Loam.
***
D'après ce que je pouvais voir au-dessus, au-dessous et autour de moi, le public était content.
Paris, deuxième nuit.
Les garçons out, les réseaux sociaux remplis stories du groupe - Dean avait en avait posté une ce midi, c'était un de leur déjeuners rapides, on voyait les quatre autres garçons manger un sandwich dans la fosse et Loam portait un pull qui appartenait à Zoran; Will venait de poster une photo de leur dîner, Loam et Eze partageant une pizza alors que Dean et Zoran faisaient une bataille de pouces en fond - et « Twix » plein de réponses du groupe ou de commentaires en rapport avec des questions, théories ou réalisations.
Effectivement, ça avait été une journée chargée en événements du côté des fans, et ceux présents ici étaient plus qu'heureux de l'être.
« Alone », « Us », « Only Weeks », « Skies », « Everytime ». Le concert était beaucoup plus naturel, les garçons, les cinq, étaient beaucoup plus eux-même, riant entre eux et avec les musiciens dans des mouvements chaotiques en l'absence de chorégraphie. Celle-ci avait été abandonnée complètement, symbole de l'oppression d'un management dont personne ne voulait plus. Les fans avaient compris, en décortiquant les annonces d'hier, que l'homophobie subie par Loam et Zoran avaient été perpétrée par Kevanov et Gaflica. Je ne savais plus s'ils allaient démissionner - parce que vraiment, qu'est-ce qui les empêchaient de le faire ici et maintenant ? - ou si Stephen allait leur couper l'herbe sous le pied en les virant.
Sans savoir comment, j'étais devenue amie avec un animateur d'émission télévisée de mon enfance qui se trouvait dans le même carré or que moi. Nous discutions tout en appréciant le concert, que je commençais légèrement à connaître par cœur. J'adorais toujours, bien entendu, sans jamais me lasser.
« Confuse Version Of The Truth », « Dark Jeans In The Closet », « Strangers », « White Pillow Red Blood » et j'adorais comme le concert était devenu une improvisation totale. Bien que la setlist soit respectée, la représentation tenait plus de Five Hearts et de leurs musiciens qui nous laissaient participer à une de leurs représentations.
« Sure? », « Water », « Two Beats », « Table », je reconnaissais l'ambiance. Je connaissais Five Hearts et leurs musiciens, j'avais assisté à des séances d'enregistrement et été présente à des soirées. L'air avait changé. Le public imitait le groupe sur scène, c'était un fabuleux mélange, un contraste entre les petits groupes qui se retrouvaient dans leur bulle et l'atmosphère familiale qui englobait tout le monde.
« Behind The Walls » ne surprenait plus personne, ça restait le duo que ça avait toujours été, au fond. Le couple était dans son monde, enroulé dans des drapeaux arc-en-ciel. Will en avait apporté un aux couleurs bisexuelles à Anton, même si je ne savais pas si ça voulait dire quelque chose en particulier.
« Nervous Vegetarian's Ancestor », « Spring », « Something Greater », « Either Way ».
« Absolutely Nothing », « Red Wine », « Expensive Coat », « Sheets In The AM », « Complaining Pigeon », « Crowd ».
« Be Brave », « Promises », « Beauty ».
Fin. Applaudissements.
***
Les garçons étaient dans le train - ou le bus - pour la Belgique. Je ne comprenais pas vraiment leur parcours pour la suite de la tournée, il me semblait bien mal organisé, leurs trajets partagés entre bus et trains. Les concerts dans les endroits les plus éloignés étaient consécutifs alors qu'ils avaient deux à trois jours aux locations situées à deux heures l'une de l'autre. Peu importe qui avait préparé cette tournée. Cette - ces ? - personne était assez mal organisée, à mon sens.
Mon aventure s'était terminée à Paris. J'avais un travail. Mon père m'avait amenée à Gare du Nord pour que je puisse prendre mon Eurostar à midi. Lorsqu'on ne me demandait pas de faire du stunt, mes trajets étaient bien plus simples et logiques - sérieusement, prendre l'avion entre Paris et Londres ?
J'avais repensé au concert d'hier soir pendant les deux heures et quelques de trajet.
À présent, j'étais de retour chez moi, dans mon Londres, où il faisait... Étonnamment beau et chaud. Moins qu'à Paris. Mais quand même.
La mission actuelle n'était pas des moindres. J'avais fini le premier, deuxième, troisième et quatrième jet de mon roman. Je devais à présent finaliser les derniers détails avant d'entamer les procédures afin de faire publier le livre. Rien que cette simple pensée me donnait mal à la tête.
L'intrigue avait bien changé, je n'avais presque rien gardé de l'idée originale. Seules restaient deux personnages féminins et l'idée globale de la tolérance. Les idées d'origines n'étaient pas souvent bonnes, de toute façon, de mon côté. Ça ne faisait pas trop mal de les abandonner.
L'histoire était celle de Jane et Willow. Amies d'enfance, l'âge et les études les avaient séparées, envoyant Willow étudier aux États-Unis pour le lycée, laissant Jane derrière elle, dans la campagne anglaise. Le point de vue de toute l'histoire était celui de Jane. Elle décrivait ses études rapides, la chaleur de la boulangerie dans laquelle elle avait été embauchée presque directement à la sortie du lycée, ce garçon qui la courtisait poliment, la douceur de la pâte à pain, l'odeur beurrées des viennoiseries, le vert du saule pleureur au-dessus du lac où elle partageait un déjeuner sur une nappe à carreau avec son petit-ami, le sourire chaleureux de sa mère lors des dîners partagés entre les deux famille, le sourcil incertain de son père à l'annonce de sa grossesses, âgée d'à peine vingt-deux ans. Elle décrivait sa petite vie parfaite, jusqu'au jour longuement attendu et tant redouté où Jane, dans sa beauté rayonnante du début du second trimestre, vit entrer une figure familière dans sa boulangerie. Une figure grande et fine, tout en jean délavé et en chemise sombre. Une figure aux boucles brunes si resserrées qu'il était impossible pour Jane de se tromper, Willow venait d'entrer dans sa boulangerie.
L'histoire aurait pu se finir là, deux vieilles amies se retrouvant, mais non.
Instantanément, derrière son comptoir, Jane se rendait compte que ce qui lui avait toujours manqué dans sa vie se tenait devant elle, passant une main dans ses cheveux afin de se dégager les yeux pour mieux observer les pâtisseries. Willow l'avait reconnue, également, prenant le temps de discuter avec elle alors que Jane avait sa main posée sur son ventre dans un geste inconsciemment protecteur. Durant les quelques chapitres suivants, Jane dépeignait le tableau entremêlé de son amitié renaissante avec Willow, de sa grossesse avançant toujours plus vers son terme et ses difficultés à conjuguer sa relation retrouvée et son ménage. Bien vite, elle se retrouvait dans une tempête de difficultés, incapable de communiquer avec son partenaire sans hausser le ton, tandis que son amitié avec Willow allait droit dans un mur sans raison apparente.
Au détour du septième mois, elle se retrouvait finalement seule.
Son petit-ami avait déserté - pour le meilleur et pour le pire -, Willow ne venait plus à la boulangerie, mais Jane, c'était sûrement pour le mieux. Elle pouvait reconstruire sa vie.
Enfin, jusqu'à ce que Willow revienne de nouveau, et qu'elle veuille comprendre ce qui n'allait plus dans leur amitié, faisant réaliser à Jane au cours d'un long dialogue entre un croissant et un pudding que celle-ci était amoureuse de son amie. Mais c'était impossible, le bébé était presque là, vraiment, il pouvait arriver à tout moment. Elle était en froid avec sa famille vivant apparemment au dix-septième siècle, car elle allait être jeune mère seule. Ce n'était pas du tout la bonne configuration pour se rendre compte qu'elle aimait son amie d'enfance, pas du tout.
Et peut-être que si.
Dans ce cadre franchement chaotique, les deux jeunes femmes entamaient une relation amoureuse pointée du doigt et critiquée par tous. Le bébé naissait et entraînait quelques difficultés pour la santé de sa mère, sans plus. La famille de Jane apprenait sa relation et la harcelait de messages et d'appels au point que la jeune mère se sentit contrainte d'acheter une nouvelle carte SIM et de changer de numéro de téléphone.
Willow travaillait en tant que rédactrice pour le journal de la région. Chaque jour, elle laissait un petit message pour sa partenaire, un peu caché, dans l'édition quotidienne. Cependant, les mots étaient accessibles à tous et, bien vite, des habitants lecteurs du papier se mirent à les chercher et les trouver, spéculant sur la raison de leur présence, lançant des appels sur les réseaux sociaux. Appels ostensiblement ignorés par Willow.
Une « chasse à la sorcière » se mit en place mais, en même temps, il n'y avait pas quarante-cinq rédacteurs pour ce journal, Willow fut rapidement démasquée. Elle se mit à recevoir des fleurs, qu'elle apportait tous les jours à Jane. Les deux femmes étaient attrapées dans une bulle personnelle d'homophobie de par leurs familles, bulle pourtant elle-même engluée dans un océan de soutien qu'aucune des deux ne voyait; l'une parce qu'elle l'ignorait, l'autre parce qu'elle n'en savait rien. Finalement, un des lecteurs croisa Jane à la boulangerie et puisque l'affaire le passionnait et le travaillait, il lui en parla, lui expliquant à quel point il trouvait cette histoire merveilleuse. Jane, loin d'être idiote, fit le lien et mentionna la discussion à Willow, qui avait continué à laisser des messages dans le journal. Quelque part entre les deux, des gens à travers le monde avaient créé une cagnotte pour la boulangerie. Les deux femmes firent la une des journaux locaux - ironiquement - puis les gens les laissèrent retrouver un semblant de vie normal.
Jane décrivait l'air frais qui lui caressait les joues lorsqu'elle baladait son enfant dans la forêt, elle décrivait les longues routes humides, le bois craquant des ponts suspendus au-dessus des ruisseaux ruisselants, l'immensité des troncs d'arbres; elle décrivait le nappage rose des cupcakes, la pâte croustillante des viennoiseries, le rouge des fraises, le noir des mytilles, la sonnerie de la cloche à la porte, les rires de Willow entremêlés à ceux de son fils.
Jane avait décrit tout au long du roman sa bataille contre sa famille intolérante, sa guerre à l'homophobie intériorisée. J'avais fait en sorte d'écrire cette partie de façon légère, quelques phrases ça et là, de sorte à ce qu'en fermant le livre, le lecteur s'en rende compte, mais uniquement à la fin. C'était un peu mon effet de surprise.
Oui, du point de vue des critiques conservateurs, ça allait sembler être du « lavage de cerveau », mais ça valait le coup. Je ne forçais personne, je plantais simplement une petite graine que je faisais éclore.
J'entendais déjà Tom s'énerver.
***
« On vient d'arriver à Budapest, on va directement voir la salle de demain soir. Je t'aime, bisous. »
Je balayai la notification sans y répondre, ça serait pour plus tard. En attendant, j'essayais sans succès de faire un chignon de mes cheveux. Je me contentai finalement de deux tresses. J'ajustai ma jupe, je l'avais achetée peu de temps auparavant, elle était noire ornée de minuscules fleurs blanches et tombait jusqu'à la moitié de mes mollets dans un mouvement fluide. La longue fente sur le côté ajoutait de la jeunesse à ce qu'aurait pu porter ma grand-mère. J'illuminai ma tenue noire et blanche d'une touche de rouge à lèvre rouge et réunis mes affaires dans mon sac. Je répondis finalement à Will.
« J'ai hâte de voir tout ça ! »
Je suivais la tournée à moitié grâce aux vidéos du groupe - Dean s'était fait un devoir de tout documenter. Enfin, de documenter tous les trucs un peu idiots effectués par le groupe; il avait fait une compilation de Loam qui faisait des doigts d'honneur à littéralement tout le monde, Zoran qui faisait tomber des choses variées, Eze et Will qui volaient sa pizza à Anton, ce genre de choses. Oh, et sans oublier les tutos coiffure qu'il faisait sur les cheveux de Zoran (Loam était toujours là en renfort pour éviter que l'écossais ne massacre les boucles du plus jeune) - et à moitié grâce aux comptes fans que je suivais. Avec Dean, ils constituaient une source plus divertissante que les médias ou les réseaux sociaux officiels du groupe.
Je me glissai sur le siège conducteur de ma voiture, direction Londres. Direction les bureaux de ma maison d'édition.
***
3774 mots.
C'est marrant, on sent quand j'ai écris ce chapitre.
Aussi, j'ai trouvé une utilité au fait que j'ai écris la setlist en entier, mdr. Faut bien que ça serve à quelque chose.
Bon, en vrai j'ai plus rien à dire ici, je crois. Le chapitre de la semaine prochaine est plus long, par contre y'aura pas de chapitre la semaine du 24 mai, je suis pas disponible.
J'espère que vous avez aimé ce chapitre quand même.
Bonne soirée,
- Alex.
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