Chapitre 17 - Light In A Misty Forest
« - Hop.
- Merci, Eileen. »
Nous venions de passer la sécurité de la salle où mon copain et son groupe devaient commencer leur tournée. Ce qui signifiait que je pouvais retirer la veste qui me dissimulait. Il ne faisait pas particulièrement chaud. Le mois de juillet de l’année dernière avait été une exception, ici, au Royaume-Uni.
Eileen Taylor passa un de ses bras autour de mes épaules alors que nous montions les marches pour accéder aux loges VIP. Situées en hauteur, elles étaient positionnées sur le côté de la scène. Dans les escaliers, notre petit groupe de quatre croisa une jeune fille qui nous sourit. Je ne savais pas si elle me reconnaissait, ou si elle reconnaissait ma belle-famille. Probablement les deux.
Nous présentâmes nos badges à l’agent de sécurité, qui nous ouvrit la porte. Les sièges ici étaient plus confortables que dans les gradins, nous avions plus d’espace et nous avions un accès direct à un distributeur automatique. En plus de bénéficier d’un concert gratuit, bien entendu.
Eileen et Oliver firent la bise à un groupe de personnes qui semblaient de leur âge et qui, de mémoire, étaient les parents de Loam et Ezechiel. De mon côté, j’allais déposer ma veste et mon sac sur un des sièges libres, accompagnée de Tim. Ce dernier restait avec moi autant qu’il le pouvait dès qu’il me voyait. J’adorais cet adolescent, sincèrement. Il me mena vers la rambarde et s’appuya dessus, observant la foule qui s’installait et le groupe qui faisait la première partie. Nous papotâmes jusqu’à ce que quelqu’un enroule ses bras autour de mon cou et glisse un baiser sur ma joue. Je me tournai vers le nouveau venu et constatai la présence d’une de mes meilleures amies, Moïra.
« - Salut, Laura.
- Oh, hey ! »
Je l’enlaçai à moitié car elle avait les bras chargés. Elle me tendit un verre rempli d’un liquide transparent, de feuilles de menthe, de glaçons et de citron vert. Elle en tendit un similaire au frère de Will et cogna son poing contre le sien.
« - Salut, Moïra.
- Salut Timothy. Mon Dieu, t’as encore grandi ?
- Non, mais toi par contre, t’as rétréci. »
Mon amie se tourna vers moi, scandalisée. Je l’interrompis avant même qu’elle ne me pose la question :
« - Il est pas sous ma responsabilité, si tu veux le frapper, sa mère est juste là-bas, demande lui.
- Hey, » protesta le plus jeune.
Moïra gloussa en secouant la tête. Elle s’accouda à la rambarde avec nous, laissant planer son regard sur le public. Elle remuait la tête au rythme de la musique du groupe sur scène.
« - Au fait, Moïra, t’as eu tes résultats ? demandai-je.
- Ouep, j’ai tout réussi, avec des notes acceptables !
- Félicitations ! applaudit Tim.
- Bravo, » acquiesçai-je.
Moïra et Tim continuèrent leur discussion.
Je me perdis dans ma tête. Les nouvelles que nous avions eues des garçons ces deux derniers mois étaient uniquement des appels et des messages, en plus de leurs interviews que nous voyions et les photos des paparazzis - qui, ironiquement, avaient plus le droit de voir nos partenaires que nous. Nous avions donc eu peu d’informations concernant Zoran et Loam. Bien sûr, j’étais au courant de leur isolement, et je savais qu’aucun des deux - aucun des cinq, vraiment - ne l’avait bien vécu, mais en dehors de ça ? Pas grand chose. D’autant que j’étais surprise de cette décision. J’avais compris bien des mois auparavant que le management du groupe était fou et aimait s’auto-saboter, mais le choix d’enfermer les garçons était un peu… Extrême. Non ? Je n’avais pas eu vent d’action violente - parce que concrètement, c’en était, de la violence indirecte - les concernant. Et une partie de moi ne comprenait pas pourquoi ils ne se rebellaient pas. Quelque part, il devait peut-être me manquer un pièce du puzzle.
Tim interrompit les ramifications qui prenaient place dans mon esprit en me secouant le bras. Je baissai les yeux vers lui - enfin, je les levai, car ce petit rattrapait doucement la taille de son frère - et il me désigna quelque chose au loin, dans le parterre, entre les deux branches de la scène. Un petit groupe de personnes dansaient au rythme de la musique, agitant des drapeaux arc-en-ciel. Ils formaient une ronde et semblaient juste profiter du moment. Ils semblaient heureux.
Je sortis mon téléphone pour les filmer et les prendre en photo afin de les garder en mémoire, puis j’entendis qu’on m’appelait. Le cri ne venait pas de derrière moi, mais d’en-dessous. Je penchai mon buste et aperçus un trio qui me souriait en agitant les bras. Je leur souris en retour et formai un cœur avec mes doigts. L’un d’eux me désigna son téléphone et j’acquiesçai. Il me photographia - ou me filma - alors que je leur envoyai un baiser. L’idée, c’était de contrôler mon image sur les réseaux sociaux. C’était pourquoi je portais une veste inutile avec moi. J’étais beaucoup plus tolérante avec les fans de Five Hearts, des amours dans la majorité des cas, qu’avec les paparazzi. La plupart des fans écoutaient véritablement le groupe et ses demandes. Les paparazzis voulaient juste vendre leurs images. Certains étaient gentils mais je préférais largement les groupes d’adolescents et les jeunes femmes.
Tim, qui s’était reculé, retourna voir ses parents. Je l’accompagnai suivie de Moïra afin de saluer mes connaissances. Ma sœur n’en faisait pas partie, elle nous rejoindrait dans un mois, à Athènes, avec son fiancé.
Une quinzaine de minutes plus tard, la porte s’ouvrit sur trois adolescents. J’étais près de celle-ci, donc je les accueillis. Un jeune homme très roux avec beaucoup de tâches de rousseurs, le bras passé autour des épaules d’une fille à la peau légèrement foncée, accompagnés d’un autre garçon, plus grand qu’eux, brun aux yeux très bleus. Aucun d’eux ne se ressemblait. Je n’avais aucune idée de qui ils pouvaient être, mais d’un autre côté, la loge ne nous était pas réservée. Si je devais deviner leur âge, je dirais qu’ils étaient entre Zoran et Moïra.
« - Bonsoir, emh… Laura Merryl, j’imagine ? lança la fille en rangeant d’une courte mèche brune derrière son oreille.
- Oui, bonsoir ! Vous êtes ?
- Tina Danghill et…
- En fait, l’interrompit son compagnon, elle s’appelle Martina mais personne ne l’a jamais appelée comme ça, expliqua-t-il. Moi, je m’appelle Simeon, mais on m’appelle Sim, c’est plus rapide et on est dans une génération où tout va vite. Oh, et lui, fit-il en désignant son ami derrière, c’est Jeffrey, ou Jeff. Ça va plus vite, vous me suivez. »
Tina, Sim et Jeff, donc.
Les premiers réveillèrent mon exécrable mémoire.
« - Vous êtes les frères et sœurs de Zoran !
- Oui, s’exclama Jeff. Enfin, eux deux, oui, pas moi. On vient du même village et j’ai mon permis, contrairement à eux. Donc. Je conduis. Mais je suis un ami de Zoran, on a grandi ensemble et tout. Enfin, bref.
- Et bien, acquiesçai-je, bienvenue ! Installez-vous, mettez -vous à l’aise. »
Tina me sourit et se dirigea vers des places libres. Les garçons la suivirent. Cette petite semblait avoir une aura d’autorité discrète mais puissante, et j’imaginais parfaitement mon ami grandir avec elle.
Je me reconcentrai sur le groupe à mes côtés. Oliver, le père de Will, avait un bras passé autour des épaules de son épouse. Ils partagaient affectueusement un mug de café en carton. Eileen avait une main posée sur l’épaule de leur second fils. Moïra était au téléphone un peu plus loin, alors que les parents d’Eze et de Loam étaient plongés dans leur conversation avec la famille Taylor.
Je m’éclipsai en me réinstallant contre la rambarde et sortis mon téléphone afin de contacter Maria. La jeune femme vivait en banlieue de Londres et non à Manchester comme la famille de son compagnon, elle devait donc venir seule. De mon côté, j’avais passé la nuit précédente dans la nouvelle maison des garçons, seule avec Moïra, puis j’avais passé la journée avec ma belle-famille.
Maria me répondit qu’elle était juste en dehors de la salle et quelques minutes plus tard, la porte s’ouvrit sur elle. Je l’accueillis avec un check et elle me répondit par un sourire. Je l’emmenai vers les familles de nos partenaires, elle fit la bise aux parents d’Eze et serra la main des autres.
Le concert devait véritablement commencer dans une quinzaine de minutes, alors je m’assis et fit défiler ma galerie photo. Je choisis d’en poster quelques-unes en Story, c’étaient des clichés des drapeaux que j’accompagnai d’un émoticone du drapeau arc-en-ciel.
À l’heure actuelle, les garçons devaient marcher de long en large dans leur loge en se balançant des remarques amicalement sarcastiques pour se détendre. J’avais été présente dans ce genre de moment, alors l’image mentale que je m’en faisais était plutôt réaliste. Zoran assis par terre en tailleurs, Dean qui jouait avec ses propres doigts ou qui se recoiffait dans la même pièce, les trois derniers marchant dans les couloirs en faisant des exercices de théâtre.
D’un coup, une version longue l'introduction d’une de leurs chansons fut jouée par le groupe. Les artistes qui avaient assuré la première partie avaient déserté depuis longtemps. Toutes les personnes dans la loge se tournèrent vers la scène. La foule en-dessous et au-dessus de nous hurlait déjà, impatiente, d’une seule voix.
Celle de Dean résonna alors qu’il entamait les premières paroles de « Alone ».
« - C’est mon copain, » nous glissa fièrement Moïra.
Elle s’approcha de moi et me tendit un nouveau verre. Des milliers de voix s’harmonisèrent avec celle de Dean. Puis le mancunien du groupe enchaîna et Maria pouffa doucement :
« - Et ça, c’est le mien, » chantonna-t-elle.
Eze entra en scène, se dirigeant sur l’aile gauche de la scène, l’aile la plus proche de nous. Il était suivi par Zoran. Loam, Dean et Will se positionnaient de l’autre côté. Loam chanta le refrain et Sim, qui nous avait écouté, chuchota pour Tina :
« - C’est le copain de notre frère, ça. »
Quand Will chanta le second couplet, je les imitai.
« - Et je vous présente mon copain. »
Je bus une gorgée de mon mojito, puis Jeff ajouta, quand Zoran nous partagea son talent :
« - Et voici votre frère.
- Les filles, nous interpella la belle-mère de Loam, vous devriez faire une photo toutes les trois, » nous expliqua-t-elle en désignant Moïra, Maria et moi.
Nous nous alignâmes et on nous prit en photo devant nos partenaires. L’image nous fut transférée par le père de Loam et je l’envoyai personnellement aux garçons.
Au fur et à mesure du concert, le fait que Loam et Zoran étaient toujours le plus loin possible l’un de l’autre devint évident pour tous. Ça faisait bizarre, on avait l’habitude de les voir beaucoup ensemble. Ils s’opposaient comme des aimants. C’en devenait presque douloureux. La quasi-totalité de notre loge VIP savait que nos deux amis s’aimaient, nous savions, et dans le public, des gens criaient. Les garçons étaient interrompus lorsqu’ils lisaient les pancartes dans le public ou quand ils prenaient la parole entre les chansons.
J’étais sûre que personne ne pouvait manquer les jeux de regard sur scène. Loam n’avait d’yeux que pour le plus jeune et vice versa, tandis que les trois autres avaient des traces d’inquiétude derrière les pupilles. Ça n’aurait pas été visible si les écrans derrière la scène ne retranscrivaient pas les images en direct. C’était un loupé du management.
En dehors de ce « petit » désagrément, le concert se passait merveilleusement bien. Par miracle, personne ne ratait sa partie, les garçons avaient des voix magiques et ils étaient tous incroyablement beaux. Si je n’étais pas déjà follement amoureuse de Will, j’aurais définitivement eu un coup de foudre pour lui ce soir.
Qui pouvait me blâmer ? Qui pouvait ne pas immédiatement aimer ce magnifique jeune homme de presque vingt-et-un ans portant un débardeur blanc qui laissait juste voir ce qui devait être vu - ses muscles discrets mais gracieux - ? Les milliers de personnes autour de moi n’allaient certainement pas me contredire. Les écrans montraient les quelques pointes de maquillage disposées sur son visage et j’étais sûre d’une chose : j’allais faire porter de l'eye-liner à cet homme plus souvent. Le crayon noir aux coins de ses yeux accentuaient le bleu qui conquérait (presque) tous les cœurs. Le mien, en tous cas.
« - Attends, celui-ci est drôle, » déclara Eze en se déplaçant vers Loam.
Ils étaient tous les deux sur la plate-forme surélevée, alors que mon copain était assis sur les escaliers et que les deux derniers s’étaient placés sur une branche de la scène chacun.
« - Où ? Attends, je le vois pas très bien. Mademoiselle avec les cheveux rouges - oui, vous - pouvez-vous lever la pancarte plus haut, s’il vous plaît ? Oui ? Merci beaucoup ! Alors, ce signe-là dit « You’re like my tea: hot & british ». Est-ce que vous êtes d’accord, Londres ? »
Oh, inutile de dire que oui, Londres était d’accord.
***
« - Vous pensez qu’ils sont rentrés ?
- Eileen, ma chérie, ils sont sûrement rentrés avant même qu’on ne sorte de la salle.
- D’accord, Ol. Laisse-moi reformuler. Penses-tu que notre fils est rentré dans sa chambre d’hôtel, installé et disposé à recevoir un appel de sa famille ?
- Laura ?
- Oh, il sera toujours disposé à recevoir un appel de votre part, vous savez.
- Pas de la mienne.
- Non, mais tu n’appelles jamais ton frère, toi.
- C’est pas vrai…! Okay, si, c’est totalement vrai. Enfin bref, on l’appelle ? Il est une heure du matin, je suis sûr qu’il est prêt. »
Quand le visage de Will apparut sur l’écran, je pus constater qu’il avait l’air épuisé. Ce qui me semblait le plus normal du monde, tout le monde ne pouvait pas animer une salle remplie de dizaines de milliers de personnes, chanter, danser et interagir avec plusieurs dizaines de personnes et rester frais toute la nuit.
« - Bonsoir, mes humains préférés.
- Oh, s’indigna Tim, je vais aller répéter ça à Eze, moi. »
Oh, si Will avait été physiquement présent avec nous, il aurait frappé son frère.
« - Comme tu veux, morveux. Dites, reprit-il en jouant avec les fils du pull qu’il avait enfilé, vous avez aimé le concert de ce soir ?
- Bien évidemment mon chéri, répondit sa mère. Vous étiez tous superbes et l’ambiance était top.
- Je suis fier de ce que tu as été capable d’accomplir, mon grand, ajouta son père.
- Je pense, je suis pas sûr mais je pense, taquina Tim, que t’as un talent. Et sans mentir, vous avez une communauté en or. Ils sont drôles et gentils, vos fans, et je dois avouer que ça aide vraiment à se mettre dans le concert.
- Et toi, mon chat ?
- Tu penses sincèrement que je vais être objective ? Ta voix est plus douce que tes caresses sur mon corps, ajoutai-je en français.
- Un jour, j’apprendrai le français, me promit-t-il.
- Ça fait plus de deux ans que tu lui dis ça, » fit Eileen en levant les yeux au ciel.
Elle m’enlaça l’épaule en prononçant ces mots. Eileen m’avait toujours traitée comme sa fille. J’aimais Will, mais qu’est-ce que j’aimais sa famille…
« - N’empêche que je le ferai. J’ai toujours envie de lire « Skies » en français, expliqua-t-il à sa famille.
- Lire est une chose, comprendre en est une autre, répliqua Oliver avec sagesse.
- C’est pas si difficile que ça, le français, protesta l’aîné des frères Taylor.
- C’est infernal à apprendre, jetai-je en réponse. Pourquoi tu crois que je suis venue écrire et éditer mes livres en Angleterre ?
- Parce que tu voulais trouver un beau châtain aux yeux bleus ? hasarda Tim.
- Nuh-uh, fit Oliver en secouant la tête. Ça, c’est que du bonus.
- Le bonus est toujours là, signala le bonus. Le bonus vous écoute.
- Oui mon chéri, répondit sa mère d’un air désintéressé.
- Laura, pourquoi tu t’allies avec tous mes proches pour faire de moi une victime ? se plaignit Will.
- Parce que tu es une victime, mon amour.
- Je t'ai déjà dit que j'adorais ta copine ? demanda Tim à son frère sur un ton de confidence.
- Oui, soupira mon partenaire. Environ sept fois par jour.
- Huit, en vrai, corrigea le plus jeune. Tu vois, j’avais raison. Tu m’écoutes pas quand je te parle, se plaignit-il.
- Bien sûr que si, je t’écoute, protesta Will. Tu m’apprends juste rien, je sais déjà qu’elle est la femme la plus exceptionnelle dans ce monde.
- Mh, je suis pas d’accord, contestai-je. Ta mère existe, je te signale.
- Oh, ma chérie, répondit Eileen.
- J’abandonne, déclara Will.
- Euh, t’as pas un concert, toi, demain ? Tu vas te lever tôt, tu devrais aller te coucher, papy, remarqua Tim.
- On verra quand tu reprendras les cours, morveux.
- Oui, oui. Allez, bonne nuit papy.
- Bonne nuit mon chéri, approuva leur mère.
- Bonne nuit champion, ajouta leur père.
- Bonne nuit, dors bien, finis-je.
- Bonne nuit à tous, je vous aime même si je vous aime pas, » fit Will avant de conclure l’appel.
« - Un thé ? » proposa rhétoriquement Mrs. Taylor.
Ce soir-là, je passai une petite heure avec ma belle-famille à discuter du concert, des projets de chacun et de tout et de rien autour de tasses de thé bienvenues dans nos mains refroidies par la soirée presque fraîche de mi-août à Londres.
Après avoir aidé Eileen à ranger les tasses dans le lave-vaisselle, je m'essuyai les mains sur le torchon. La mère de mon copain passa un bras autour de mon épaule et m'embrassa sur la joue pour me souhaiter bonne nuit. Nous sortîmes de la cuisine ensemble et je croisai Oliver devant la porte de leur chambre. Il me tapota virilement l'épaule avant de me dire de passer une bonne nuit.
Je passais dans le salon, puis le petit hall menant aux chambres et à la salle de bain des garçons. Je poussais la porte de la chambre de mon copain et la refermai derrière moi. Je sortis mon pyjama de mon sac de voyage et le revêtis. J’entendis Tim sortir de la salle de bain, je m’y rendis donc.
Me glissant sous les couvertures, j’envoyai un dernier message à Will.
Tout ici respirait Will, même si j’étais enveloppée par l’odeur des draps fraîchement lavés. Le choix des couleurs sur les murs, les dessins, les rares photos, les meubles. J’étais clairement dans son espace. Mais je me sentais chez moi. À la maison. J’étais la bienvenue au cœur de son intimité. Même si ça faisait techniquement deux ans que nous étions ensemble - en incluant notre pause dedans -, ça m’émerveillait toujours. Ça m’émerveillerait toujours. On ne me prendrait jamais l'affection et l'admiration que je ressentais envers lui, sa famille, et tout ce qui le représentait, lui.
Même au bout de deux mois, deux ans ou deux cents ans.
***
Ma maison était vide. J’étais seule dans la bâtisse et en même temps, j’avais déjà été plus seule. Là, j’étais en présence d’une bonne dizaine de personnages sortis de mon imagination, avec la participation d’inconnus.
Oh, et un peu Zoran et Loam aussi.
Pour rappel, le message que je voulais passer concernait la tolérance. Le bouquin pourrait servir de leçon pour, par exemple, Kasanov et Gaflica. Le livre n’était en rien similaire à leur situation réelle, puisque j’avais commencé à l’écrire avant d’apprendre qu’ils étaient ensemble, donc pas de risque juridique de ce côté-là. Aucun rapport, alors ça passait d’après l’avocat que j’avais consulté. En plus de l’expertise de Moï et d’un de ses amis. Et Tom m’avait juste envoyé un pouce vers le haut quand je lui avais partagé mon changement de scénario, qui, je le savais, signifiait quelque chose comme « C’est toi qui décide, je m’en fous ». Cette maison d’édition avait du bon, mais leurs salariés avaient définitivement besoin d’une formation sur la communication avec leurs clients.
Tout ça pour dire que ma maison était vide et silencieuse, malgré « The Story Of Us » qui résonnait dans mon salon. J’avais bougé mon poste de travail d’un étage parce qu’en bas, c’était vraiment vide et triste. Je songeai à déménager ou à adopter un chat ou un chien.
En vrai, je savais que j’allais finir par déménager et j’avais à peu près une idée de la période de temps qui me séparait de ce jour. Ça équivalait à un contrat du groupe, sachant que le contrat qui devait être signé en décembre était supposé durer un an et demi. À la fin de celui-ci, les garçons arrêteraient de vivre ensemble. À ce moment-là, soit je déménagerais afin d’emménager avec Will, soit il emménagerait directement avec moi ici. D’ici là, soit je déménageais pour m'installer dans une maison plus petite ou un appartement… Soit j'adoptais un animal. J'y réfléchissais.
Un autre jour, par contre. Un jour où je n’allais pas faire le tour du monde pour suivre mon partenaire. Ou un jour où quelqu’un de confiance pourrait rester chez nous pour s’en occuper.
Pas dans l’absolu, donc, à la réflexion.
La perspective d’une vie de tous les jours me réchauffa un peu. Je n’étais pas avec les garçons pour avancer sur mon roman mais j’allais sans aucun doute les appeler juste après. Pour leur deuxième nuit de tournée, ils étaient toujours à Londres mais ils prenaient le bus pour Manchester demain soir. Ils allaient nous manquer même si j’étais sûre de les voir tous les soirs sur les réseaux sociaux.
Plus tard dans la soirée, autour d’une heure du matin, après avoir éteint mon ordinateur à une heure saine, cuisiné un bon petit plat, mangé, pris une douche et m’être écroulée dans mon canapé, enroulée dans une couverture, je reçu un appel de mon copain. Je décrochai immédiatement.
« - Hey, chaton, comment ça s’est passé ?
- Salut Laura ! Je dirai plutôt bien. Même ambiance qu’hier, j’adore la foule. Y’avait un fan club de Greg dans la fosse, c’était drôle, » fit-il d’une voix fatiguée.
Le bassiste le méritait.
« - Ah ouais ? ris-je.
- Oui, je te jure. En plus, tu sais, sur une des chansons de Dean, il fait un solo.
-J’ai remarqué, oui. Il marche le long de la scène, je crois ?
- Exact. C’était de leur côté, ils sont devenus fous, vraiment, soupira-t-il.
- Ah mais je les comprends tellement ! »
Il lâcha un petit rire las et je m’empressai d’ajouter :
« - Toi, ça va ?
- Oui, répondit-il d’une voix atténuée, sûrement par un mouvement de sa main sur son visage.
- Mais encore ?
- Je me suis disputé avec le management avant le concert. Ça en devient épuisant. Toujours au sujet de Loam et Zoran. On marche comme des disques rayés.
- Oh…
- Et, euh…
- Oui ? l’encourageai-je.
- Ils m’ont dit, en résumé : « Ta gueule ou on ruine ta carrière », en gros. C’était pas formulé comme ça. Mais c’est leur arme une fois qu’ils n’ont plus d'arguments, et on ne peut rien renchérir à ça.
- Ils peuvent… Ils peuvent faire ça ?
- Laura, je te promets qu’en décembre, je relirai ces putain de contrats, que je les imprimerai dans mes paupières s’il le faut. Le pire là-dedans, ce qui me brise le plus le cœur, c’est que Zoran a entendu notre discussion, je le sais…
- Non… Il culpabilise, j’imagine ?
- Touché… Malgré ça, il a tout donné ce soir, je suis fier de lui dans ce sens-là. On a appris le métier d’acteurs, après tout. »
Sa remarque laissait un goût amer dans ma bouche et je me sentis de nouveau seule dans ma grande maison.
***
Ici, il faisait presque froid alors que ma mère m’avait envoyé un message pour me dire qu’il faisait doux à Paris et Dean avait posté une Story en lunettes de soleil - il faisait chaud à Porto.
Moi, je carburais au thé brûlant, étroitement entourée par un plaid. Je n’avais même pas le pull de mon père puisque ma folle de sœur l’avait récupéré.
Je venais de prendre une pause après avoir retravaillé mon texte pendant deux heures et demi d'affilée. Ladite pause consistait en une douche et un lavage de cheveux. En sortant de la cabine transparente, je constatai que Will m’avait envoyé un lien et un message.
« Juste regarde-les »
Je cliquai curieusement sur le lien qui me redirigea vers une vidéo Youtube qui durait une quinzaine de minutes. Je branchai mon sèche-cheveux et appuyai sur la vidéo. Dean finissait sa ligne, puis il se pencha au bord de la scène. Je haussai les sourcils. Il envoya un baiser dans le public et se redressa. Un drapeau arc-en-ciel dans les mains. Zoran s’approcha de lui et récupéra son micro le temps que Dean accroche le drapeau autour de ses épaules, puis il récupéra le micro avant de s’éloigner en sautillant tel le brùnaidh qu’il était.
Je pris une mèche entre mes doigts et la séchai méticuleusement. Sur l’écran, Dean continuait le concert en entamant la chanson suivante, le drapeau toujours drapé autour des épaules. Je passai à la mèche suivante. Deux minutes plus tard, une rose et un nouveau drapeau arc-en-ciel furent lancés sur la scène. Dean fit un geste maladroit en direction d’Eze - de ce que je reconnaissait de la chorégraphie, ils étaient tous en train de chanter un refrain. Eze se déplaça vers les deux objets, qui avaient atterri près de Zoran. Il se pencha et tendit d’abord la rose au plus jeune qui glissa la rose dans ses cheveux, puis le mancunien toujours agenouillé articula quelques mots auxquels l’orphelin acquiesça. J’éteignis le sèche-cheveux. Les derniers mots venaient de « White Pillow Red Blood » et je savais que les prochains mots devaient être prononcés par Eze. Zoran les chanta. Mon ami avait posé son micro au sol pour nouer le drapeau autour de son cou.
Je rallumai le sèche-cheveux et continuai à me sécher les cheveux tout en regardant les minutes suivantes du concert d’hier soir. Pendant une dizaine de minutes, le concert se déroula normalement, avec Dean et Eze qui agissaient comme des super-héros avec leurs capes arc-en-ciel.
Puis, pendant « Behind The Walls », écrite et composée par Zoran et Loam, et chantée presque exclusivement par eux, les trois autres garçons semblaient s’être concertés. Normalement, Zoran chantait le premier couplet, puis le refrain était chanté par le groupe, ensuite, Loam chantait le couplet suivant et le refrain était de nouveau chanté par les cinq garçons. Or, cette fois, ni Will, ni Dean, ni Eze ne chanta, récoltant deux regards paniqués de la part du couple. Will haussa les épaules et les sourires remplacèrent l’inquiétude. Pendant ce temps, Dean et Eze couraient presque afin d’atteindre la plate-forme en hauteur. Une fois en haut, Dean attrapa les mains de son meilleur ami et le fit tournoyer, sécurisant les micros entre leurs doigts. Ils faisaient une ronde, dansaient, riaient. Totalement hors chorégraphie. Et, vraiment, ça plaisait à tout le monde. Zoran et Loam, chacun sur leur branche de la scène, s’en tenaient à leur ballet, des mouvements lents. Originellement, ils étaient supposés tourner autour de Dean et Will, mais cette fois, ils tournaient sur eux-même, le regard plus souvent fixé sur l’autre que non. Mon copain observait simplement la foule. La caméra retransmise sur les écrans derrière la scène zooma sur les deux zigotos en arc-en-ciel. Ils souriaient et saluaient le public, ils envoyaient des clins d’œil dans une direction que je devinais être celle du couple.
J’adorais cette scène, son chaos et sa signification.
« Et ils n’ont rien eu de la part du management », m’apprit le message suivant.
« Sérieux ? C’est gros, là » répondis-je, assortissant le tout d’un émoticône pleurant de rire.
« J’avoue je comprends pas non plus. Bon, je dois te laisser, on est dans l’avion pour Madrid. »
« Bisous, je t’aime »
« Je t’aime »
***
« Salut Laura, on vient juste d’arriver à Madrid, on nous emmène à l’hôtel. Tout le monde se joint à moi pour te souhaiter une bonne nuit. Je pense très fort à toi, je t’aime, mon cœur. Bisous, dors bien. »
***
4 609 mots. Mhhh non j'ai pas exagéré.
Que dire, que dire... Un peu d'humour dans ce monde de brutes.
J'adore victimiser Will, c'est une passion chez moi.
Pas de chapitre la semaine prochaine, par contre. J'ai pas encore assez avancé, j'ai pas mon week-end. Mais J'vous promets que ça se passera bien.
(faites moi confiance.)
J'espère que le chapitre vous a plu !
Bonne nuit,
- Alex.
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