Chapitre 75 : Fête du printemps
Mondstadt, Hauts du Mornevent, Territoire des Loups, camp des Sept, place centrale, 21 mars 2501, 9h
« Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée... »
L'ensemble des Sept hocha la tête aux paroles de leur leader, face à une Miko légèrement dépitée.
« Enfin Kokomi, cette fête est importante pour les Hakushin. C'est ce jour-là qu'Ashaisha est née après tout, on se doit de la célébrer. »
« C'est faux, elle est née pendant l'automne. », rétorqua Mitsune.
« Comment elle sait ça ?!! », s'inquiéta Tohru.
« Et je peux savoir d'où tu tiens ça ? », l'interrogea la Grande Prêtresse.
« De son journal. », mentit la Kitsune blonde.
« Dans tous les cas, le clan a été fondé le premier jour du printemps et, ça, tu ne peux pas le nier. C'est important que nous le célébrions comme toujours. »
« Nous sommes en guerre Miko, célébrer cette fête ne va faire que nous faire baisser notre garde. »
« Tu sais Foxy, cela fait une semaine qu'il n'y a aucune attaque, je pense qu'on ne risque rien à faire la fête aujourd'hui. En plus, j'ai pas hyper envie de me mettre les Anciens Kitsunes à dos en ce moment. On a pas besoin de ça. Il suffit juste que la fête ne s'éternise pas et que tout soit terminé avant le coucher du soleil. Pas vrai Mani ? »
Izuku déglutit, pâle comme la chevelure de son aimé, plus que conscient que l'inévitable n'allait pas tarder à se produire.
« N-Non, les Sept ont raison... c'est trop dangereux... », souffla le vert. « Nyx n'attend sûrement que ça : qu'on baisse notre garde. On ne peut pas se le permettre, pas tant qu'on n'a aucun moyen pour empêcher Nyx de ressusciter ses soldats... »
« On en a un, mais je n'en ai pas parlé parce que je ne suis pas sûre que ce soit la meilleure solution... », soupira Tohru. « En bloquant mon propre pouvoir de résurrection, celui de Nyx sera automatiquement bloqué. Tout est une histoire d'équilibre. Mais si on fait ça, dans le cas où un allié perdrait la vie, je serai incapable de le ramener. »
« Alors, fais-le. On doit mettre toutes les chances de notre côté. », dit fermement Mitsune.
Izuku la regarda tristement. Bien entendu, elle savait qu'elle sabotait elle-même sa seule chance de revenir à la vie, mais elle se devait de penser à l'humanité d'abord. Et puis, elle n'était pas destinée à ressusciter, aucune de ses visions ne le montrait. Sans même qu'elle ne le lui explique, Izuku l'avait bien compris, et il aurait sûrement pris la même décision à sa place. Ils étaient des héros, elle était une déesse et lui un élu selon les critères de Titania. C'était dans l'ordre des choses que cela se passe comme ça, même si cela lui brisait le cœur.
« Tout le monde est d'accord ? », s'enquit l'Archon des Hommes.
Les autres Archons acquiescèrent, et les dieux sous leur commandement se plièrent à leur décision. Shoto était incertain, ayant un très mauvais pressentiment quant à cette décision, de même que Fenrir.
« Sweetie, tu es certaine que c'est la meilleure solution ? »
« On n'en a pas eu besoin jusqu'à présent, je suis persuadée qu'on peut s'en passer. », lui sourit Mitsune, confiante. « Dans tous les cas, c'est seulement temporaire, Tohru pourra ramener tout le monde à la fin de la guerre, n'est-ce-pas ? »
« Oui, je peux ramener une personne morte depuis des centaines d'années, mais il faut aussi que son âme le veuille, cela ne dépend pas que de moi. Mais c'est possible, que le corps soit en bon état ou non. S'il le faut, je n'aurai qu'à créer des vaisseaux pour accueillir les âmes ressuscitées. Mais ce ne doit être qu'une solution de dernier recours, je ne pourrai ramener chaque personne qu'une seule fois. Je refuse d'endommager les âmes. »
Les deux liés de Mitsune se détendirent avant de hocher la tête, semblant se ranger à l'avis de la majorité. Izuku fit de même, bien que supposant que Tohru ne disait pas tout car, sinon, Mitsune se serait vue dans des visions d'après la guerre.
« Bien, je vais m'en charger alors. Et, Mitsune, un peu de repos ne vous fera pas de mal. Les sentinelles nous préviendront en cas de danger, et la quasi-totalité de l'armée est capable de détecter l'ennemi à des kilomètres. Détends-toi un peu. », la rassura Tohru.
« J'imagine que je n'ai pas trop le choix... »
« Non, c'est un ordre de votre souveraine ! », sourit l'Archon de la Création.
Les Sept levèrent les yeux au ciel, amusés. Il fallait dire que Tohru n'avait, au quotidien, plus rien de la prestance de la Reine de Celestia qu'elle avait autrefois. Pour autant, ils obtempérèrent malgré tout. Il y avait un risque, mais tout le monde avait besoin de relâcher la pression, et quoi de mieux que de fêter la renaissance de la nature ?
« Bon, d'accord. », soupira Mitsune.
« Tant mieux, parce que tout est prêt ! », affirma Miko.
Elle claqua des doigts et la grande place se para en un instant de décorations toutes plus florales et colorées les unes que les autres. L'emblème des Hakushin se peignit sur le centre de la place, il était assez grand pour servir à lui seul de piste de danse.
« Et si nous ouvrions les festivités, pour que tout le monde puisse profiter de ce cours instant de répit ? » proposa la Kitsune aux cheveux roses. « Kokomi, tu veux bien prendre la tête ? »
« Ai-je le choix ? »
« Nope, mais je serai ton partenaire de danse ! », affirma joyeusement Gorou en pointant le bout de son museau.
Mitsune lui sourit et lui tendit la main. Miko siffla pour ameuter tous les Hakushin, qu'elle avait sournoisement ramené au camp. D'origines, d'âges, de pays et de natures toutes plus différentes que les autres, la totalité des membres du clan étaient présents, enfin ceux qui avaient pu et voulu venir compte tenu de la situation. Pour la plupart, c'était surtout les membres les plus pieux du clan, ceux que Mitsune et Gorou voyaient toujours à chaque fête du printemps car venant faire un pèlerinage au temple à cette période de l'année.
Les non-Hakushin s'écartèrent tandis que les membres du clan formaient une chaîne menée par Mitsune, Gorou, Nereus, Elerinna et Miko. Les membres les plus âgées étant traditionnellement en charge de la musique, ils entamèrent donc les premières notes et les danseurs se mouvèrent dans une chorégraphie entraînante et énergique. La chaîne remuait en rythme, formant sans cesse des figures circulaires.
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Shoto ne lâcha pas sa belle du regard, un doux sourire sur les lèvres. Elle tournoyait avec une telle grâce, une élégance envoûtante, une énergie presque mystique. Comme souvent, il lui était impossible de ne pas la regarder, de ne pas fixer ses douces lèvres ourlées en un éblouissant sourire.
Sans qu'il ne s'en rende compte, la vision de Mitsune fut petit à petit remplacée par celle de Titania, alors que son unique œil gris devenait bleu glace. Cela alerta Izuku mais, avant qu'il ne puisse réagir, la Kitsune blonde était venue pour inviter son copain dans la ronde. Sans hésiter, il lui prit la main et elle l'aida à se relever, avant de l'entraîner dans le cercle. Comme si tout était normal, ils reprirent la danse, que Shoto ne connaissait pourtant pas mais qu'il exécuta avec la précision d'un maître.
Izuku eut soudainement l'impression d'avoir sous ses yeux la réponse à toutes leurs questions, mais il n'arrivait pas à mettre le doigt dessus. Comme lorsqu'il leur avait confié les artefacts de l'Unité, les yeux de Mitsune étaient dorés et ceux de Shoto toujours bleu glace. Cependant, cette fois-ci, cela semblait se maintenir, ce qui l'amena à penser qu'il n'avait peut-être pas rêvé, ce jour-là, tout compte fait.
« Eh, Mani, ça va ? Tu fais une tête bizarre... », s'inquiéta Fenrir.
Touché, Izuku lui embrassa le bout du nez avant de se blottir un peu plus dans ses bras, si c'était possible puisque l'hybride était pendu à lui en mode koala.
« Oui, c'est juste que... comment dire... j'ai eu l'intuition d'avoir sous le nez toutes les réponses à nos questions... c'est une sensation étrange, et je ne saurai pas dire ce qui fait que je sens ça. »
« Tu sais... je ressens la même chose... mais après, c'est peut-être parce que, plus tu me racontes des trucs sur Titania et sur Serafrost, plus j'ai l'impression de les voir en notre petit couple torturé par la vie... pas toi ? »
« Si, mais ce n'est pas impossible que ce soit parce qu'ils ont vécu une situation relativement similaire. Serafrost a été rejeté par sa famille, Titania probablement aussi, et Shoto et Mitsune ont été en quelque sorte rejetés par leur parent héroïque, en tant qu'humain je veux dire. Ils ne les considéraient que comme des outils, même pas comme des êtres à part entière. On sait très peu de choses au final, sur Titania et Serafrost, mais ce qu'on sait permet d'affirmer qu'ils ont probablement eu la même évolution que Shoto et Mitsune, bien que nos amis aient su sortir de leur situation ambiguë pour pleinement vivre leur amour, ce qui n'était pas le cas du Sithragon et de l'ancêtre de Mitsune... »
« J'imagine que tu as raison... »
Fenrir fourra son nez dans la chevelure sauvage de son copain. Ils étaient plus rêches qu'avant la guerre, ce qui lui fit esquisser un petit sourire triste. Cette guerre retirait en chacun d'eux la moindre étincelle d'innocence. Ils étaient obligés d'agir en adulte, particulièrement son amoureux et sa liée. Ils ne pouvaient pas faire toutes les bêtises qu'on faisait à leur âge. Ils mûrissaient de force, et cela se ressentait dans leur odeur, particulièrement dans celle de son cher Mani. Elle devenait de plus en plus boisée, et de moins en moins sucrée. Il n'allait pas s'en plaindre, il aimait toujours autant si ce n'est plus son tendre petit brocolis. Mais il se rendait compte d'à quel point ce conflit les changeait en profondeur, et il avait peur, peur que plus personne ne sache qui il est à la fin, lorsque la guerre les aura complètement changés. Il suffisait de voir Izuku : chaque jour, il devenait moins joyeux, moins solaire, plus triste, plus mélancolique. Ses sourires étaient plus ternes, son regard ne brillait plus vraiment. Dans quel état retrouverait-il son cher en tendre à la fin de la guerre ?
Izuku baissa la tête en sondant les pensées de son amant. Évidemment qu'il changeait, personne ne pouvait rester le même en étant impliqué dans quelque chose d'aussi horrible qu'une guerre. Mais il savait que ce n'était pas la raison du profond changement mental qu'il vivait.
Non, la raison était toute autre. Il avait toujours rêvé de devenir le numéro un, pour suivre les traces d'All Might, mais surtout pour aider le maximum de gens. Il souhaitait aider et protéger tout le monde, au péril de sa vie. Mais il n'était même pas capable d'empêcher sa belle-sœur de cœur de perdre la vie. Elle avait toujours cru en lui, personne d'autre qu'elle et All Might n'avait cru en lui, et il lui en était vraiment reconnaissant. Mais qu'avait-il fait, au final, pour lui rendre la pareille ?
Rien. Il n'était même pas capable de protéger le bonheur qu'elle avait si durement acquis. S'il ne pouvait pas protéger le bonheur de son amie, comment pouvait-il faire de même avec le reste de la population ?
« Mani, tu es sûr que tu vas bien ? »
« Oui oui. J'ai juste peur qu'on finisse par perdre quelqu'un dans cette guerre. J'aimerais pouvoir tout régler dans la paix... »
« Tout le monde le veut, à commencer par Foxy. Mais on n'a pas tout ce qu'on veut dans la vie, malheureusement... ne pense pas à ça aujourd'hui Mani. Aujourd'hui, on fait la fête. Relâche un peu la pression, je t'assure que tu fais des merveilles en tant que lieutenant de Watatsumi. Tu dois croire en toi, comme je ne cesserai jamais de le faire. »
Izuku lui fit un doux sourire et cala sa tête dans la nuque de son amoureux. La seule chose qu'il espérait désormais, c'était qu'il ne lui en veuille pas quand l'inévitable serait arrivé.
De leur côté, Mitsune et Shoto se câlinaient également, s'étant isolés du reste des Hakushin à la fin de la danse. Miko avait voulu parler à la Kitsune blonde de son acte durant la danse, qui était normalement intolérable puisque Shoto n'était pas un Hakushin, mais elle avait très vite renoncé : le bicolore était relié au clan, d'une manière ou d'une autre, et même si elle n'en connaissait pas la nature, cela était suffisant pour justifier sa présence dans des activités réservées aux Hakushin.
Assis dans leur coin, Mitsune était blottie contre Shoto. Ils étaient simplement l'un contre l'autre, leurs mains dotées des bagues de fiançailles, reliées, mais il n'en fallait pas plus pour qu'ils ronronnent de concert, se berçant mutuellement. Plutôt que de faire la fête comme les autres, ils restèrent toute la journée ensemble, profitant de la présence de l'autre et vivant sans un mot leur amour.
Mais les journées les plus ensoleillées...
« NON ! »
... sont généralement les plus drapées de noir.
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