Chapitre 65 : Le poids des visions
Japon, Tokyo, Yuei, Heights Alliance, bâtiment des professeurs, chambre d'All Might, 27 décembre 2500, 23h30
« All Might, je peux entrer ? »
All Migh, qui s'apprêtait à se préparer pour aller se coucher, y renonça pour aller ouvrir à son invitée. Il la laissa entrer et s'installer sur un canapé, puis lui prépara du thé comme s'ils étaient dans son bureau.
« J'attendais ta visite, Mitsune. »
« Ah bon ? », s'étonna la Kitsune, surprise.
« Oui. », confirma l'ancien numéro un. « Du jour au lendemain, tu passes d'artiste réticente à devenir une héroïne à déesse à la tête d'une armée devant combattre dans une guerre divine. Je pense être le mortel qui se rapproche le plus de ta situation, enfin quand j'étais encore en service. Tu n'as que quinze ans, tu ne peux pas endosser sans jamais avoir de doute un rôle qui demande des années d'expérience. »
« C'est logique... », soupira Mitsune.
« Je vais essayer de te guider du mieux possible, mais il faut que tu te confies pour ça. »
La blonde hocha la tête et inspira profondément.
« Je le sais. Mais puis-je vous poser une question avant ? »
« Je t'écoute. », sourit All Might.
« Avez-vous, à un moment donné de votre carrière, su... quand vous alliez disparaître ? »
La question surprit l'ancien numéro un, qui fronça les sourcils avant de hocher la tête d'un air grave.
« Oui. C'était peu après mon opération, il y a cinq ans. J'avais un coéquipier, Sir Nighteye. C'est là-bas qu'Izuku faisait son apprentissage. »
« Je me souviens de lui. »
« Il a su grâce à son alter que j'allais mourir très vite si je continuais à jouer les héros, et il a tout essayé pour me dissuader de poursuivre dans cette voie. En vain. »
« En vain ? »
« Oui. Mitsune, nous sommes tous voués à disparaître un jour. C'est un fait, c'est dans notre nature. J'avais le choix entre rester en vie plus longtemps en finissant par mourir comme un lâche, ou continuer à me battre quitte à donner ma vie pour la paix des Japonais. Il n'y avait pas de choix pour moi, un héros doit être prêt à mourir pour protéger les autres, c'est quelque chose d'inhérent à cette profession et à toutes celles qui consistent à protéger la population. »
« Comment avez-vous fait pour supporter une telle pression ? Je veux dire... on attendait de vous que vous réussissiez toujours, que vous gardiez toujours votre sourire, que vous soyiez toujours un pilier inébranlable pour les Japonais... comment avez-vous fait pour être la personne dont le Japon avait besoin sans flancher une seule fois, même face à la mort ? »
« J'ai souvent flanché, craqué, plus qu'on ne le croit. », avoua All Might. « Dans ces moments-là, je venais à Liones pour me recharger. Dans cette école... il y a toujours eu une atmosphère qui nous pousse à toujours se réinventer, aller plus loin, se relever encore et encore malgré les obstacles, surtout depuis que tu y es élève. Ce que je veux dire, c'est que, si j'ai pu continuer à sauver le monde avec le sourire, c'est parce que j'avais un endroit qui me pousse à repousser mes limites, encore et encore. C'est quelque chose qu'on retrouve à Yuei, l'esprit de compétition en moins, et cette atmosphère de dépassement de soi sans se mesurer aux autres mais en étant avec les autres... c'est ce qui me permettait de retourner au front, encore et encore. C'est un endroit que je voulais protéger, pour que d'autres personnes torturées comme toi trouvent leur voie. »
« J'ai du mal à saisir... »
« C'est simple : nous sommes humains Mitsune. Nous avons tous peur de la mort, et il y a toujours des moments où l'on craque sous la pression. Le tout est d'avoir des gens avec qui on peut se ressourcer, que l'on veut protéger plus que tout, et qui seront là pour nous aider, nous, l'humain derrière la figure héroïque. Pas tout le monde n'a les épaules pour supporter cette pression d'être la personne sur laquelle tout le monde compte, sans laquelle tout le monde flanche. Et, quoi que tu en dises, je sais que tu es capable de la supporter. Pour que le monde vive encore demain, tu es prête à tout, n'est-ce-pas ? »
Doucement, Mitsune hocha la tête.
« Autrefois, oui. Autrefois, j'aurais été prête à y laisser ma vie. Mais aujourd'hui, la vie de plusieurs personnes dépend littéralement de la mienne. Et j'ai tant gagné en quelques mois, je ne veux pas mourir alors que tout va bien pour une fois dans ma vie... »
Elle étouffa un sanglot en mettant la main sur sa bouche mais All Might le perçut malgré tout, ce qui l'intrigua.
« Qu'est-ce-que tu ne me dis pas ? »
Toujours la main sur sa bouche, elle leva son regard bleu plein de larmes sur son professeur.
« All Might... je vais mourir... je le sais... dans peu de temps... »
« Comment le sais-tu ? »
« Il y a une semaine... Albedo m'a confié une fiole sur laquelle il travaillait depuis le camp d'été, à ma demande. Son contenu devait me permettre de contrôler mes visions et de pouvoir en avoir à ma guise. Je l'ai bu et j'ai testé mes pouvoirs sitôt que les effets secondaires se sont estompés. »
« Cela fonctionnait ? »
« Oui. », confirma Mitsune. « C'est pourquoi j'ai essayé de voir dans l'avenir si Tohru nous cachait quelque chose, et si oui, qu'est-ce-que c'était. Wolfy sentait qu'elle préparait quelque chose dans notre dos, alors je me devais de faire en sorte d'infirmer ou de confirmer ses doutes. »
« Et c'est là que tu as vu que tu allais mourir ? »
« Pas exactement. », réfuta la blonde. « Une des règles de ce genre de pouvoirs, c'est qu'on ne peut pas voir sa propre mort. On ne peut pas savoir quand, où, ni comment on mourra. Sinon, cela peut entraîner la personne dans la démence, la folie, voire même dans les ténèbres car elle cherchera probablement à tout faire pour empêcher ça. »
« Alors, comment... »
« C'est simple. A partir du moment où je ne me suis plus vue dans les visions du futur, j'en ai déduis que j'étais morte. Je suis allée jusqu'au vingt-cinq ans d'Imouto-chan et je ne me suis vue nulle part dans le futur de chacun de mes proches, même d'Inari. C'était comme si je n'avais jamais existé. La seule chose qui permettait de savoir que j'avais existé, c'était la bague que portait encore Inari autour de son doigt. »
Elle leva sa main pour montrer sa propre bague de fiançailles.
« Il avait perdu toute faculté d'aimer, il ne ressentait plus rien, il s'était coupé de tout et de tout le monde... tous avaient fait leur deuil, mais pas lui... »
Mitsune serra la mâchoire pour tenter de reprendre son sang-froid, mais cela n'eut pas beaucoup d'effet. Elle se sentait dépassée et impuissante face à son propre avenir...
« Je ne sais pas quand je vais mourir, je sais juste que j'ai commencé à être absente des visions un peu après la fête sacrée des Hakushin, qui a lieu le premier jour du printemps. C'est la date légendaire lors de laquelle Titania, ou Ashaisha, peu importe comme on l'appelait, serait née. All Might, je ne peux pas... je ne peux pas risquer ma vie en sachant ça... en sachant dans quel état vivra Inari le reste de sa vie. Mais je sais que c'est inévitable... je ne sais vraiment pas quoi faire... »
All Might resta silencieux, afin de choisir ses mots avec soin.
« Qui d'autre est au courant ? »
« Vous êtes le premier à qui j'avoue tout ça... »
« Et c'est pareil dans tous les futurs ? »
« Absolument tous. Sans exception. Peu importe le futur, c'est toujours pareil. Dans certains, Inari se suicide après la guerre ou alors, il tourne mal. Je... je ne veux pas de ça pour lui. Il a tant souffert, tout comme moi... je ne peux pas lui imposer ça... il ne le mérite pas... »
L'ancien numéro un hocha la tête, compréhensif. Les visions du futur de Shoto ne l'étonnaient pas vraiment, le jeune couple était si profondément attaché l'un à l'autre que la disparition de l'un entraînerait forcément la déchéance de l'autre. Cependant, cela soulevait une question qu'il devait poser, afin d'ouvrir les yeux à son élève.
« Mitsune, qu'est-ce-qui te fait vraiment peur ? Mourir, ou ce qu'il adviendra de Shoto après ta mort ? »
La Kitsune prit une gorgée de thé, entretenant le vain espoir que cela l'aide à se calmer, et essaya d'organiser ses pensées pour pouvoir fournir une réponse à son professeur.
« Je n'ai pas peur de mourir, si je sais que cela permettra de sauvegarder l'humanité. C'est ce à quoi je me suis engagée en tant qu'Archon Hydro et en tant que Maat. »
« Dans ce cas, c'est le futur de Shoto qui te fait vraiment peur. »
Doucement, Mitsune hocha la tête et posa sa tasse avant de ramener ses jambes vers elle et de les entourer de ses bras, comme pour former une bulle protectrice autour d'elle.
« Je ne sais pas quoi faire... et je déteste ça... je n'aime pas me sentir impuissante... »
« Tu aimes avoir le contrôle sur la situation. »
« Pas nécessairement, je déteste simplement n'avoir rien à tenter dans des situations où des vies sont en jeu. »
« Mitsune, je pense que tu devrais en parler à Shoto. », émit All Might après quelques secondes. « C'est ton petit-ami et ton lié sacré, je sais qu'il saura t'aider, comme il l'a toujours fait. Ce qu'il t'arrive me dépasse complètement... »
« Je ne peux pas lui dire... je sais comment il est... il va tout faire pour empêcher l'inévitable, ce qui fait qu'il sera toujours à cran, stressé, sur les nerfs. Il n'acceptera jamais l'évidence, et il va devenir fou... et je ne veux pas le voir comme ça... cela gâcherait complètement les quelques mois qu'il me reste à vivre avec lui... je ne veux pas que ça se termine comme ça... »
L'ancien numéro resta silencieux, incapable d'aider la jeune déesse.
« La seule chose que je peux te conseiller, c'est de continuer à agir comme tu l'as toujours fait : en suivant ton instinct. S'il t'a toujours mené à bon port, alors il le fera encore une fois. Mais n'oublie jamais Mitsune : ce qui compte, ce n'est pas la destination, c'est le voyage. »
Elle hocha la tête, compréhensive. Elle s'était doutée qu'All Might ne pourrait pas vraiment faire quelque chose pour elle, mais il l'avait, sans le savoir, aidée à se calmer et à ordonner ses pensées, à distinguer ce qui lui faisait vraiment peur, dans toute cette histoire, de tout le reste. Maintenant, elle devait reprendre le contrôle d'elle-même et préparer son départ, afin que sa mort ne signe pas la défaite des Sept. Elle devait avant tout se trouver un remplaçant, quelqu'un en qui elle avait pleinement confiance et qui saura assumer le rôle d'Archon Hydro ainsi que l'idéal de l'Unité jusqu'à ce que son véritable successeur naisse, et qui pourrait veiller sur ceux qui lui sont chers jusqu'à ce qu'ils se remettent de son décès.
Elle allait mourir, c'était inévitable, mais elle comptait bien faire en sorte de créer un autre futur, un futur différent, pour qu'aucun avenir de Shoto qu'elle avait vu ne puisse arriver. Elle refusait de laisser l'unique homme qu'elle avait aimé devenir une coquille vide, une ombre vengeresse, elle refusait de le laisser sans faire de son mieux pour qu'il reste sur le droit chemin, qu'il continue à aimer et à sourire, qu'il reste en vie. Elle trouverait le moyen pour empêcher l'avenir de ses visions d'arriver.
Elle n'avait pas le choix.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top