Chapitre 30 : Ça fait juste partie de toi
Japon, Tokyo, extérieur de Yuei, 24 octobre 2500, 15h40
« C'est vrai que cette fresque surclasse tout ce que j'ai déjà fait, bien plus que ce que je croyais... », murmura Mitsune, la tête levée vers l'œuvre d'art qui ornait les murs extérieurs de Yuei.
Elle s'approcha un peu et s'amusa à retracer les contours du Shoto peint du bout de ses doigts, puis se décala un peu pour faire de même avec le portrait de son ami aux cheveux verts. Les heures de travail passées sur cette merveille artistique n'avaient pas servi à rien, c'était sans doute l'œuvre dont elle était la plus fière. Si, un an plus tôt, quelqu'un lui avait dit que sa plus grande fierté artistique serait à Yuei, elle lui aurait ri au nez tellement cela paraissait improbable !
Cependant, aussi réussie que soit cette fresque, elle ne voyait toujours pas en quoi elle pourrait l'aider à découvrir ses réelles convictions, ses véritables motivations.
« Tu le sais déjà Mitsune, au fond de toi. Tu dois juste arrêter d'essayer de comprendre pour ressentir davantage. », fit Kokomi, son esprit apparaissant dans un léger « pop ! ». « Mais tu as peur de le réaliser, n'est-ce-pas ? »
« Evidemment ! Que se passera-t-il si je découvre que mes véritables convictions ne sont pas aussi nobles que tout le monde le croit ? »
« Et si elles l'étaient ? Fais-toi confiance. »
« Je veux juste... être à la hauteur de ce qu'on attend de moi, mais je ne suis pas vous. Je ne serai jamais vous. Si je m'écoutais, je trouverais le moyen de stopper cette guerre autrement qu'en versant du sang ! »
« Peut-être le peux-tu. Tu n'as pas à essayer d'être moi, tu n'as pas à être moi. Sois juste toi. Ma plus grande force, c'était mon sens de la stratégie, mais tu as beau être une excellente stratège, ta propre force se trouve ailleurs. En toute objectivité, ta force est sans doute beaucoup plus puissante que l'était la mienne. »
« Ma... force ? Elle me vient de mon alter... »
« Pas cette force-là. », sourit Kokomi. « Tu ne t'es jamais demandée pourquoi les gens s'unissaient autant quand il s'agissait de t'aider ? Je t'observe depuis longtemps, j'ai bien vu comment les gens s'unissent pour te venir en aide. Il y a l'exemple de lorsque tu n'avais pas d'inspiration pour cette fresque, ou lorsque tes deux liés se sont entraidés pour faire venir Lilith au feu de camp et te faire plaisir. »
« Je ne vois toujours pas où vous voulez en venir... »
« Tu le sauras lorsque tu fermeras les yeux et que tu regarderas avec ton coeur et sans peur, Mitsune. Demande-toi quelle est ta plus grande force et d'où elle vient, et tu sauras la véritable nature de tes convictions d'unité. »
Sur ces mots, la première Archon Hydro disparut, laissant la dernière songeuse.
« Ma plus grande force... »
« T'es là. T'es difficilement trouvable ces derniers temps, aucun de tes camarades n'a pu me dire où te trouver depuis le début du mois. Fais attention, ta place dans la filière héroïque peut sauter à tout moment. »
Reconnaissant la voix, Mitsune se retourna, se retrouvant face à Hitoshi Shinso, de la seconde C.
« Rassure-toi Hitoshi, mon professeur principal est au courant des raisons de mon absence. Quant à ma classe, je ne leur ai pas dit où je partais, juste que je m'absentais quelques temps. Pourquoi tu me cherchais ? »
« Pour ça. »
Il indiqua du menton la fresque tout en venant à la hauteur de Mitsune.
« Je te prenais pour une dingue quand t'es venue me parler pour savoir si tu pouvais me dessiner. J'avais pas trop confiance en les élèves en héroïque, à part peut-être Izuku. Je cherche pas d'amis, mais je le respecte, d'une certaine manière. »
« Je vois de quoi tu parles, il laisse une forte impression à quiconque croise son chemin, et dans le bon sens du terme... »
« C'est ça. Mais j'ai eu l'impression que t'étais différente des autres, alors j'ai voulu voir ce que tu avais en tête. Au final, je suis franchement pas déçu. Cette fresque est encore un sujet très prisé parmi les élèves de Yuei, même si on a fait un peu le tour de ce qu'il y avait à dire dessus. Elle est vraiment très réussie. »
« De toutes mes œuvres, j'avoue que c'est ma plus grande fierté. Mais pourquoi tu m'as fait confiance ? »
« J'ai pas parlé de confiance, même si c'était un peu ça. C'est juste que j'ai senti au fond de moi que placer ma confiance en toi ne pouvait qu'être bénéfique. Je sais fichtrement pas pourquoi, mais tu es plus que différente des autres, tu es unique. Avec cette fresque, tu nous as rappelé ce qui importait vraiment, aujourd'hui plus que jamais. Tu nous as rappelé que, même si les héros sont au centre de la scène, ils ne pourraient pas être aussi efficaces sans les autres organes de la société. Tu as adressé à chacun d'eux la reconnaissance qu'il mérite, et cela a permis à toute l'école de s'unir, de soutenir les apprentis héros de notre lycée. On a besoin de plus de gens comme toi, qui savent regarder au-delà des alters et des apparences, qui regardent les autres tels qu'ils sont, qui donnent aux autres la reconnaissance qu'ils méritent. Parce que c'est autour d'eux qu'on s'unit instinctivement. Et savoir unir les gens de cette manière, c'est un sacré don. Avec la chute d'All Might, tu joueras un grand rôle dans l'équilibre de la société quand t'auras ton permis. Ta capacité à unir les gens autour de toi... je suis certain que ça permettra d'instaurer une ère de paix qui durera, même si tu disparais. »
« Je n'ai pas ce pouvoir-là Hitoshi, celui d'unir les gens autour de moi. »
« Ce n'est pas ce que dit cette fresque, pourtant. Si tu n'avais pas ce pouvoir, comme un simple gribouillis sur un mur aurait pu avoir un tel effet sur notre école ? »
« L'art n'a pas de mot, elle parle directement à notre coeur, c'est tout. »
« Franchement, je suis pas un expert en art. Mais si l'art parle directement à notre cœur, c'est bien parce qu'il est issu du cœur de quelqu'un d'autre, voire même de son essence. Enfin, c'est ce que je crois. Y'a des gens qui sont spéciaux. On sait pas pourquoi, mais c'est comme ça. Ils ont un truc, un don, qui réunit les gens autour d'eux. Tu as reconnu Izuku comme l'une de ces personnes, cela se voit à la façon dont tu l'as représenté. Son truc, c'est jouer au héros. Ça fait partie de lui, ça n'a pas d'explication. Il est né comme ça, c'est tout. Enfin, je le connais pas vraiment, mais ça se voit dans sa manière d'agir avec les autres. »
« Oui c'est vrai, il est né comme ça. Sa volonté de devenir un super-héros a été grandement motivée par All Might, depuis son enfance, mais il a toujours eu ce truc qu'ont les véritables héros. », murmura Mitsune, se souvenant de tout ce qu'Elizabeth avait dit sur Izuku durant leur enfance et qu'elle avait appris de Fenrir.
« Ben moi, je crois que tu es de ces gens-là aussi, ces gens avec un truc. Si t'as pas conscience d'à quel point tu unies les gens autour de toi, c'est que c'est ça, ton truc. Ton truc, c'est unir les autres autour de toi grâce à ce que tu as dans ton cœur. C'est pas ton art qui unit les gens, c'est ce qu'il transmet. Et ce qu'il transmet, c'est ce qu'il y a dans ton cœur. Ça fait juste partie de toi. »
Mitsune ne bougea pas, les yeux légèrement écarquillés.
« Enfin bref, je voulais juste te dire que ton don d'unir les gens m'impressionne, et que tu peux compter sur moi si tu as besoin de quoi que ce soit. Bon, à plus. »
Sur ces mots, Hitoshi s'en alla, laissant la Kitsune qui aurait été moins sonnée si elle s'était pris une planète sur la tête. Elle n'avait jamais vraiment réalisé, même si on le lui avait dit très souvent, mais dès qu'elle avait un problème, tous ceux qu'elle connaissait s'entraidaient et s'unissaient pour lui venir en aide. Même quand c'était seulement pour lui faire plaisir, les gens s'unissaient. Tout le temps, les autres se démenaient pour lui venir en aide à leur manière, plus ou moins explicitement. Elle pensait que c'était parce qu'ils étaient attachés d'une manière ou d'une autre à elle, mais ce n'était peut-être pas la raison première.
Les élèves de Yuei ne la connaissaient pas, à part sa classe, mais, pourtant, ils s'étaient tous unis après avoir vu sa fresque. Ils s'étaient unis, sans s'être attachés à elle pour autant.
« Ça fait juste partie de toi. »
Une réponse toute simple, qu'Izuku lui avait déjà donnée quelques jours auparavant, mais qui ne trouvait en elle son sens que maintenant.
Elle était juste comme ça. Elle avait toujours voulu un monde uni, bien avant que sa mère ne change. C'est lorsqu'elle avait cinq ans qu'elle a décidé de participer activement à l'unité du monde, pour de mauvaises raisons, certes, mais ça suivait toujours ce désir inconscient d'un monde uni. Puis elle avait grandi, elle avait mûri et changé, et le désir d'unir le monde, tout le monde, pour garantir la paix avait germé petit à petit en elle.
Sa conviction, c'était ça. C'était l'union même de ses convictions passées et futures. C'était unir tout le monde, pour que plus personne ne connaisse la terreur, la violence, pour que plus personne ne connaisse ce qu'elle avait vécu. Elle voulait sauver tout le monde, elle voulait tous les sauver et les unir, qu'ils soient à sa portée ou non.
Ils avaient raison. Ils avaient tous raison : Elizabeth, Fenrir, les Seven Deadly Sins, Izuku, Shoto, Elerinna, Kokomi, les Sept, Hitoshi, Nagisa... tous, tous avaient raison. Elle avait le don d'unir les gens. Pourquoi n'avait-elle jamais voulu les croire ?
« Il faut croire que je suis vraiment bornée... », murmura Mitsune avec un petit sourire. « Apparemment, il fallait une discussion avec quelqu'un qui ne me connaissait pas du tout pour que je capte... »
Ce don pouvait-il être sa force ? Après tout, elle s'était toujours battue pour les autres, c'était les autres qui lui donnaient sa force. Mais une guerre ne pouvait se résoudre aussi facilement, encore moins une guerre divine !
Elle avait besoin de réfléchir de manière plus pratique comment exploiter ce don qu'elle avait et qu'elle n'avait jamais exercé de façon consciente. Elle devait trouver le moyen pour que cette guerre ne soit pas sanglante, et ne pas reproduire les erreurs que les Sept originels avaient pu faire. Mais elle n'y arriverait pas toute seule, non.
Elle ne savait pas comment elle allait faire, mais elle ferait en sorte que la Seconde Guerre des Archons se termine mieux que la première. Pour ça, elle devait voir la situation dans sa globalité, elle devait connaître chaque levier à sa disposition avant de choisir lequel pousser.
« Pas si vite, Mitsune. », l'arrêta Kokomi en apparaissant.
La Kitsune la regarda, perplexe.
« Qu'y a-t-il ? »
« Tout d'abord, je dois admettre que tu m'impressionnes vraiment. Tu peux être très longue à comprendre certaines choses mais, quand tout se débloque, tu te mets en action assez vite. Tu penseras à remercier Izuku, c'est lui qui a demandé à Hitoshi de te parler, pour t'aider à comprendre qu'unir les gens fait partie de toi. Bien sûr, Hitoshi pense tout ce qu'il t'a dit, mais sans doute ne te l'aurait-il pas révélé si Izuku ne le lui avait pas demandé. Enfin bref ! Je te dis de ralentir un peu car tu as certes réalisé la nature de tes convictions, mais cela ne veut pas dire que la petite fille que tu as vu dans la Chambre de l'Unité a disparu pour autant. Avant de vouloir unir activement le monde, tu dois t'unir avec toi-même. Et tu dois faire face à certaines personnes pour ça, comme cette petite fille. »
« Et Aiko aussi, j'imagine... »
« Effectivement, mais ça peut même attendre après la guerre ça, si tu n'es vraiment pas prête. Aiko ne fait pas partie de toi, cette fillette en colère si. Mitsune, j'ai une question pour toi. »
« Je vous écoute. »
« Déteste-tu Aiko et Enji ? »
Mitsune ne répondit pas tout de suite, réfléchissant sérieusement à la question. Il était vrai qu'elle les haïssait, mais était-ce vraiment de la haine ?
« Je... je ne crois pas. En fait, je me demande si ce n'est pas ma rage et ma rancoeur qui m'ont fait croire que je les détestais. Je n'en suis pas certaine, pour être honnête, mais peut-être que je n'ai jamais haï qui que ce soit, que c'était simplement le reflet de toute cette rage et cette rancœur qui m'habitaient. »
« C'est une possibilité. Quand tu seras prête à faire face à cette fillette, je t'accompagnerai dans la Chambre de l'Unité. En attendant, fais ce que tu penses devoir faire tout au fond de toi, Mitsune. Je serai toujours là pour te conseiller et t'aider si tu en as besoin. »
« Je vous en remercie Kokomi. », sourit Mitsune.
« Avec plaisir ! Que vas-tu faire maintenant ? »
Mitsune regarda un instant la fresque et toucha du bout des doigts le portrait d'Izuku, avant de se tourner vers l'horizon, un air déterminé au visage.
« Je vais stopper cette guerre... à ma façon ! »
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