Chapitre 23 : Ce monde, je vais le détruire !

Japon, Tokyo, manoir des Shiota, novembre, âge de Mitsune : cinq ans

J'ai mal. J'ai tellement mal. Ma tête bourdonne. Ma peau brûle. Ma peau crie. Ma peau hurle. Ma peau n'est que lave. Ma peau n'est que cendres. Je ne peux pas bouger. Je peux juste subir. J'entends d'horribles craquements. Je sais que c'est mon corps qui proteste.

J'ai chaud. J'ai froid. Ma voix est cassée à force de hurler et de pleurer. Mon visage n'est que sel. Je ne peux plus pleurer. Je n'ai plus de larmes. J'ai épuisé toutes mes réserves. Je ne peux que continuer à crier. Même si je n'en ai plus la force. Je n'ai plus aucune force. Je nage dans mon propre sang. Ou alors, c'est Mini-moi. Ou c'est nous deux. Je ne sais pas. Tout se mélange. Après tout, nous sommes la même personne.

L'air me manque. Je n'arrive plus à respirer. J'ai l'impression de suffoquer. J'ai l'impression de me noyer. Les coups pleuvent. L'acide pleut. Les lames de liquide pleuvent. Les insultes pleuvent. Tout pleut. Je ne vois rien. Je n'entends plus rien. Je ne sens plus aucune odeur. Je ne sens plus aucune texture. Mes sens sont trop amochés. Mais mon alter est toujours là. Il les remplace. Comme toujours. Mon alter a toujours supplanté mes sens une fois qu'ils étaient inutilisables.

Je vois son sourire sadique. Je vois chaque goutte d'acide, chaque goutte qui compose chacune des armes contondantes faite d'eau ou d'autres liquides. Je vois chaque impact entre ses pieds et ma peau. Je vois le tisonnier chauffée à blanc dans le feu qui brûle, derrière moi. Je le vois s'abattre sur ma peau. Je vois ses traits déformés par la haine, par l'extase, par l'excitation, alors qu'elle laisse appuyé le métal brûlant contre ma peau déjà déchiquetée. Un cri de souffrance s'arrache d'entre mes lèvres, et je la vois s'exciter encore plus.

Je sens chaque goutte d'acide faire fondre ma peau à petit feu. Je sens chaque goutte d'acide brûler mon corps. Je sens chaque goutte de liquide des armes contondantes me lacérer encore et encore la peau. Je sens chaque impact entre ses pieds et mon corps. Je sens le métal brûlant incendier ma peau. Je sens son sadisme. Je sens sa haine. Je sens son extase. Je sens son excitation. Je sens la douleur qui a pris possession de mon être. Je sens la souffrance, seule sensation qui habite mon corps. Mon corps brûle. Mon corps fond. Mon corps craque. Mon corps hurle. Tout mon être hurle.

J'entends le crépitement de l'acide et du tisonnier brûlant qui s'attaque à ma peau. J'entends les lames s'abattre sur mon corps. J'entends le bruit épouvantable de chaque coup. J'entends chacun de ses rires. J'entends chacune de ses supplications qui m'invitent à crier encore plus fort. J'entends chacune des insultes qu'elle me lance. J'entends chacune des immondicités que la force de l'habitude rend encore plus destructrices.

Qu'est-ce-qui s'est passé ? Pourquoi elle agit comme ça ? Pourquoi elle nous fait du mal ? Elle nous aimait, Papa et moi. Elle nous aimait. C'est ça, l'amour ?

Non Mini-moi, ce n'est pas ça l'amour. L'amour, ça ne fait pas ça. L'amour, ça peut blesser, mais pas à ce point. L'amour, ça fait pousser des ailes. L'amour, ça donne de la force. L'amour, ce n'est pas la violence. La violence n'est rien.

Je sais que tu ne m'entends pas. Tu souffres autant que moi, et tu ne sais même pas que je suis là. Je sais que, ce qui te fait souffrir par-dessus tout, qui nous fait souffrir par-dessus tout, c'est de savoir que Wolfy subit tout ça à cause du lien mis en place quelques temps après l'apparition de son alter. Pour toi, pour moi, pour nous, il endure depuis des années la pire des violences, les pires des insultes.

Je déteste ce pouvoir des fluides ! Je déteste ce pouvoir Hydro divin ! C'est à cause de lui que Maman a changé ! A cause de lui qu'elle est devenue folle ! Maman m'aime, mais elle a perdu la tête ! Je veux que tout s'arrête ! Qu'est-ce-que j'ai fait pour mériter ça ?! Je n'ai pas été assez gentille ?! Stop ! Stop ! Je vous en prie ! Barbatos ! S'il te plaît ! Aide-moi !

Il ne viendra pas. Il n'entend pas tes appels. Il est trop jeune encore. Quand il les entendra, tu auras depuis longtemps cessé de l'implorer. Tu lui en voudras longtemps, quand tu sauras que c'est Venti, mais tu réussiras à lui pardonner grâce à Oneechan et Bartra. Et puis, Aiko n'a pas changé, elle a juste montré sa vraie nature. Elle ne t'aime pas. Elle ne nous aime pas. Elle nous déteste. Nous n'avons rien fait, et personne ne mérite de subir une quelconque violence.

J'entends la porte s'ouvrir. Papa est là ! Papa ! Fuis ! Pars ! Loin ! Elle va encore te frapper ! Encore te faire du mal ! Pars !

Il ne partira pas. Il nous aime trop pour ça. Il finira dans le coma à cause de nous, à cause de cet amour. C'est notre faute. C'est ma faute. Nous ne sommes pas assez fortes. Je ne suis pas assez forte pour protéger ceux qui me sont chers. Nous ne sommes pas assez rapides. Je ne suis pas assez rapide pour tous les sauver. Nous ne sommes pas assez courageuses. Je ne suis pas assez courageuse pour empêcher l'inévitable. Nous ne sommes rien. Je ne suis rien. Je ne suis rien, parce que je ne peux rien faire pour les sauver, pour les protéger. J'ai été incapable de protéger Papa. Je n'ai pas pu permettre qu'Imouto-chan partage ma vie. Mais c'est pour le mieux, elle aurait vécu le même enfer. J'ai été incapable de protéger Wolfy contre All for One. J'ai été incapable de protéger Fontaine contre Nyx. J'ai été incapable d'empêcher Katsuki de se faire enlever. J'ai été incapable de protéger Perce-Neige lors du camp. J'ai été incapable de protéger qui que ce soit. J'ai toujours été incapable de protéger qui que ce soit.

« Aiko ! Arrêtes ! Tu es en train de la tuer ! », s'écrie Papa.

« Arrête de dire des conneries ! Je la rends plus forte, et je l'empêche de se complaire dans ses beaux rêves d'unité ! Je lui apprends ce qu'est la vraie vie ! »

« Mais ce n'est qu'une enfant ! Elle n'a que cinq ans ! »

« Déjà cinq ans, tu veux dire ! Elle a tout ce qu'il faut pour surpasser All Might, et je m'assurerai qu'elle le dépasse ! Il faut bien que de sales bestioles comme vous servent à quelque chose ! Je t'ai baisé juste pour que tu me fasse un gosse puissant ! Je me serai bien passé de ces conneries d'oreilles et de queue, mais c'est le prix à payer pour réaliser mes rêves ! »

« Tu es en train de la détruire ! Un enfant a besoin de sa mère pour grandir ! »

« Mais je suis là ! », ricane Aiko, en continuant sa torture.

Mes yeux se ferment. Non ! NON ! NON !! Reste réveillée ! Continue à crier ! Continue à pleurer même si tu n'as plus de larmes ! Reste consciente ! Sinon, elle va s'acharner sur lui !

Combien de fois j'ai essayé de lutter pour ça... beaucoup trop, et j'ai échoué à chaque fois. Je ne suis qu'un échec. J'échoue toujours à protéger ceux que j'aime. Cette guerre, si c'est moi qui dirige nos troupes, on va perdre. Parce que je brise tout ce que je touche. Tout le monde mourra. J'échouerai en tant qu'Archon. J'échouerai à accomplir ce rêve qui m'accompagne depuis je-ne-sais quand.

C'est vrai, j'ai besoin de ma mère. Mais pas d'elle. J'ai besoin de Maman. Elle se démène pour moi, mais elle ne remplacera jamais un véritable parent. Je ne suis pas sa chair. Ce qui nous relie est moins fort. C'est toujours comme ça. Quand on est relié par le sang, notre lien est plus fort. Les familles de cœur qu'on se construit par la suite ne peuvent qu'espérer atteindre cette force.

Je me sens seule. Je me sens tellement seule. Je suis perdue. Je n'ai plus de repères. Les seuls que j'ai, c'est Papa, Wolfy et Maman. Je m'accroche à eux comme je peux. Je ne veux pas les voir partir. Je ne veux pas. S'ils partent, je sais qu'ils ne reviendront pas. Je ne veux pas être seule. Je ne veux pas être abandonnée. Ils peuvent me faire toutes les promesses qu'ils veulent, je ne veux pas qu'ils partent. Parce que je sais qu'ils partiront. Je sais qu'ils fuiront. Je sais qu'ils m'abandonneront. Mais je ne veux pas. Alors je m'accroche à eux, je refuse de les lâcher. Je ne veux pas.

Non, elle ne m'aime pas... elle ne veut pas me rendre plus forte... pourquoi elle s'en prendrait à Papa, sinon ? Elle ne m'aime vraiment pas... mais elle m'a promis de toujours m'aimer. Qu'est-ce-que j'ai fait ? Pourquoi ? C'est censé faire ça, un héros ? C'est ça, un héros ? Une personne qui sauve la société mais qui détruit sa famille ?

Je hais les héros ! Tous ! Tout ça, c'est à cause des héros ! Ils ne devraient pas exister ! Je vais tous les détruire ! Je vais détruire tout ce qu'ils ont ! Ils vont tous payer ! Je vais construire un monde tellement uni que même les vilains seront nos amis ! Et là, on aura plus besoin d'eux ! Je leur rirai bien au nez ! Ils seront devenus inutiles ! De toute manière, ils sont inutiles ! Ce sont juste des vilains déguisés en héros ! Les héros des contes, ils font toujours le bien, au péril de leur vie ! Ils aiment tout le monde, ils s'en fichent d'être puissant ou riche !

Je vais les faire payer ! Ce monde, je vais le détruire ! Je vais le détruire, je vais le détruire comme elle me détruit, comme elle détruit Papa ! Je vais le châtier, le déchiqueter, le faire brûler, le faire fondre, je vais le cogner jusqu'à ce qu'il s'effondre en miettes à mes pieds, jusqu'à ce que l'odeur de la poussière emplisse mes narines, jusqu'à ce qu'un silence chaotique soit la seule chose que mes oreilles entendent, jusqu'à ce qu'un monde en ruines soit la seule chose que je puisse toucher. Je vais le réduire en miettes ! Je vais le détruire, je vais le réduire en cendres et je trouverai le moyen d'unir tout le monde pour bâtir un monde meilleur, un monde uni, un monde sans violence, un monde d'amour et de paix. Un monde d'équilibre. Un monde d'unité. Les héros seront tellement inutiles que je pourrai les écraser sous la semelle de ma basket, sous mes pattes de Kitsune. Je les détruirai, en détruisant ce qui les rend indispensables : un monde en proie à la violence.

Et tout ça, je le ferai sans rien utiliser qui me relie à ce monstre. Je le ferai qu'avec mon alter de Kitsune, je le ferai qu'avec le surnom que Papa me donne, Mitsune. Et, jamais, au grand jamais, je n'utiliserai ce pouvoir qui sommeille en moi ! Je n'en ai pas besoin !

Je suis à moitié inconsciente, mais mon esprit voit encore mon sang qui coule en sillons fins sur mes mains. Un rouge incandescent, sombre, libre, qui goutte sur ce parquet devenu presque noir à cause du sang versé. Un rouge vengeur, un rouge déterminé. Un rouge révolutionnaire.

Ce monde, je le bâtirai sans devenir une héroïne. Je ne suis pas comme elle ! Je vais dessiner, je vais peindre, je vais chanter, je vais jouer, je vais écrire, je vais danser pour détruire ce monde ! L'art nous conduira vers la vérité ! L'art impacte profondément les gens, sans violence, sans insulte ! Alors je vais tous les utiliser. Quand tu seras devenue inutile, Aiko, je me ferai un plaisir de t'écraser si fort que tu finiras dans le cœur incandescent de la Terre. C'est là qu'est ta place.

Va brûler en Enfer !!

Non. Ce n'est pas comme ça qu'il faut faire. Tu ne peux pas apporter l'unité avec un désir de vengeance. Pour pacifier le monde en l'unissant, tu dois d'abord être toi-même en paix ! La haine et la colère sont mauvaises conseillères ! Ton art n'unira pas les autres comme ça ! Ton art reflète celle que tu es, et il va refléter toute ta rage et ton désir de vengeance ! Tu n'emploies pas du tout la bonne méthode !!

« Pourquoi veux-tu unir le monde ? Dans quel but ? », m'a demandé Kokomi la dernière fois.

« Je vous l'ai dit, pour créer un monde meilleur, sans violence. », lui ai-je répondu, sûre de moi.

Mais non... c'est faux. Cela me coûte de m'en rendre compte et de l'admettre, mais ce n'est pas pour une cause aussi noble. Ce n'est pas la vraie raison. Ce n'est pas la raison originelle. A l'origine, je voulais simplement me venger d'Aiko. Je voulais tout détruire, je voulais détruire les héros. Et, au fond, c'est toujours la raison pour laquelle je veux construire un monde uni.

Si je veux unir le monde entier... c'est juste par vengeance. Ce n'est pas pour le monde, pour les autres. C'est pour moi, pour accomplir ma vengeance de gamine de cinq ans.

Parce que c'est ce que je suis encore, au fond : une enfant, que haine, rage et vengeance rongent.

Juste une enfant.

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