Chapitre 22 : Le Paradis avant l'Enfer
Mondstadt, maison des Shiota, âge de Mitsune : presque quatre ans
« Ma chérie, qu'est-ce-que tu fais ? »
Je lève la tête et vois ce sourire aimant si faux sur les lèvres de ma génitrice. Mais la moi enfant ne sait pas encore ce qui l'attend. Ici, je ne suis qu'une spectatrice depuis mon propre corps. Je ne peux pas agir, seulement subir.
Mes souvenirs de cette époque sont très flous, enfin dans ma conscience en tout cas. Souvent, ils se mélangent avec ceux que je me forge quand Maman me transforme en petite fille.
Cette époque, où tout allait bien, où ma génitrice était une mère normale. Qu'est-ce-que j'ai bien pu faire de travers pour qu'elle change autant du jour au lendemain ? Elle était si aimante... c'était impossible que ce soit faux, elle n'a pas pu jouer autant la comédie sans se faire griller par mon père ! Le problème vient forcément de moi... mais qu'est-ce-que j'ai raté, avant d'avoir mon alter ?
« Je te dessine Maman. », répond Mini-moi. « Parce que tu es belle, et que tu sauves des gens tout le temps ! Tu aimes ? »
Ce portrait de la femme qui m'a mise au monde n'est évidemment pas une de mes plus grandes réussites par rapport à ce que je suis capable de faire aujourd'hui, mais j'en étais visiblement très fière à l'époque. Même à cet âge, j'avais déjà une technique relativement supérieure à celle des autres enfants, c'est étonnant...
« J'adore ! C'est très ressemblant ! Tu as beaucoup de talent ma chérie ! », sourit Aiko après l'avoir regardé. « Tu viens m'aider à faire la cuisine ? Papa va rentrer d'ici une heure ou deux. On a le temps de lui faire des gaufres, si tu veux. »
« Oh oui !!! Papa adore ça en plus ! »
Sans attendre, Mini-moi débarrasse prestement ses affaires de dessin pour laisser Aiko installer le nécessaire pour cuisiner des gaufres un peu particulières, puisqu'on ajoute dans la pâte une généreuse dose de vin de pissenlit dans lequel on a fait infuser des chrysanthèmes à aubes fraîches, au lieu de rhum ou de fleur d'oranger. Et j'ai visiblement cueilli ces fleurs en rentrant de l'école avec Aiko, à en juger par le petit panier plein de fleurs à aubes rouges posé sur le plan de travail.
Aiko commence donc à pâtisser une fois qu'elle a déposé sur la table tout ce dont elle aura besoin. Elle indique de petites bricoles à faire pour Mini-moi, ce qui semble me ravir vu l'entrain que je mets à réaliser chacune d'elles. J'étais vraiment naïve quand j'étais petite...
« Alors, quand comptes-tu me raconter ta journée ? Tu es restée bien silencieuse sur le chemin du retour, tout va bien ? », s'inquiète Aiko.
« Oui oui Maman. C'est juste qu'il y a un nouveau dans ma classe. Les autres enfants sont vraiment méchants avec lui... »
« Tu sais pourquoi ? »
« Oui... apparemment, il vit avec sa famille et des loups dans le Territoire des Loups... du coup, tout le monde le traite de monstre, de bête, d'animal... ils étaient méchants. Il est différent, mais ça veut rien dire. Papa est différent, mais c'est le meilleur Papa du monde ! »
« C'est vrai. », confirme Aiko. « Tu es allé voir ce petit garçon ? »
« J'ai partagé mon déjeuner avec lui, des enfants d'autres classes avaient jeté le sien dans les toilettes... Maman, pourquoi il y a des gens méchants ? Pourquoi tout le monde ne peut pas être gentil ? »
« Il faut de tout pour faire un monde chérie, et les héros comme ta Maman sont là pour faire en sorte que les gens méchants ne fassent de mal à personne. », dit Aiko sur un ton rassurant.
Elle n'est clairement pas le meilleur modèle de héros, ça c'était certain...
« Tu étais où alors, quand les enfants s'en sont pris à lui ? »
« Et toi, as-tu fait quelque chose pour l'aider ? »
« Bien sûr. Je les ai fait fuir avec la prise d'arts martiaux que j'ai appris avec Neko Niisan hier. Je ne sais pas la faire, évidemment, mais c'était suffisant pour leur faire peur. Ensuite, je me suis arrangée pour être à proximité pour l'aider, au cas où. »
« Eh bien, tu vois ? Je n'avais pas besoin d'être là, tu faisais déjà tout à merveille. Tu seras une grande héroïne ma petite chérie ! », me félicite ma génitrice.
Qu'est-ce-qui a bien pu la faire changer du tout au tout ? Elle a l'air tellement sincère... pourquoi elle a soudainement changé ? Juste parce que j'étais devenue à moitié animal ? Parce que je ne lui procurais pas assez de joie ?
« Merci !! Du coup, on est amis lui et moi ! »
« Et tu veux l'inviter à ton anniversaire ? »
Mini-moi hoche la tête et Aiko sourit, avant de déposer un baiser sur mon nez. Elle se remet à son saladier plein de pâte à gaufre.
« Bien entendu. Comment s'appelle-t-il ? »
« Fenrir ! Il m'a dit que son Papa, c'est le Loup des Quatre Vents. Les dieux, ça existe vraiment ? »
« La question Katsuko, ce n'est pas si ça existe, mais si tu y crois. Cela fait toute la différence. », répondit la super-héroïne. « Qui d'autres veux-tu inviter ? »
« Personne... »
C'est vrai... je me sentais tellement différente des autres à l'époque, et cela s'est encore plus accentué après l'apparition de mon alter. J'avais l'impression de ne pas être à ma place. Je ne sociabilisais pas vraiment, mais je crois que j'ai toujours été sympa. Enfin, c'est ce que Lumine et Aether m'ont dit. Je crois qu'ils étaient les seules personnes à connaître un peu plus que mon prénom, mon ascendance héroïque et le son de ma voix, à cette époque-là, avant l'arrivée de Wolfy. A part Neko Niisan évidemment. Je me demande comment il va. Je ne l'ai pas vu depuis que j'ai intégré Liones... je lui dois beaucoup, sans lui je n'aurais pas vraiment pu aider Wolfy ce jour-là. Je n'ai jamais été partisane de la violence, mais la seule façon de convaincre ces brutes de ne pas recommencer était de passer par l'intimidation. Je l'ai beaucoup fait après l'apparition de mon alter, jusqu'à ce que Wolfy prenne confiance en lui et que le sien apparaisse. Maintenant, j'ai les capacités d'employer d'autres moyens pour empêcher ce genre de choses.
Ce n'est pas pour rien que j'ai fait en sorte d'avoir une grande maîtrise de l'alter d'Oneechan. Il me suffisait d'annuler l'envie de combattre des personnes en face de moi pour désamorcer le conflit. Quand j'ai commencé à faire ça, je devais avoir huit ou neuf ans, et ma vie est devenue nettement moins pénible en dehors de chez moi. La violence physique de la part des autres, à cause de mes attributs de Kitsune, a cessé d'exister, mais ce n'est pas ce qui fait le plus mal. Non, ce qui détruit le plus, ce sont les mots, les insultes, ce genre de choses. Je sais de quoi je parle...
« Tu ne veux même pas inviter les jumeaux ? », s'étonne Aiko. « Tu t'entends bien avec eux pourtant. »
« Je sais, mais on n'est pas spécialement amis. Quand je suis avec d'autres enfants, je ne me sens pas à ma place. »
« Même avec ce Fenrir ? »
« Non, pas avec lui. Mais je ne sais pas pourquoi. »
C'est aussi vrai. Pourquoi Fenrir était le seul avec qui je me sentais à ma place, à l'époque ? Nous n'avions pas encore nos alters, alors pourquoi ? Nous n'étions même pas encore liés.
« Vraiment pas ? »
« Non. Il a chanté une petite chanson pour me remercier ce midi, et là, c'était comme si j'avais compris qu'on serait toujours ensemble. »
L'art n'a pas besoin de mots... alors, c'était pour ça... notre passion commune pour les arts avait permis à nos cœurs de communiquer entre eux avant qu'on ne se rapproche...
« Tu es peut-être seulement naturellement plus sensible à ce que les autres renvoient, puisque ton père est un Kitsune. »
C'est vrai que Wolfy renvoie un niveau de loyauté bien supérieure à la normale, même quand il avait moins de quatre ans... maintenant que j'y pense, il suffit de voir Oneechan, Perce-Neige, Wolfy, Itoko-kun et Izuku, qui sont ceux qui sont vraiment proches de moi. Chacun possède un ou plusieurs trucs que les autres n'ont pas, ou pas autant. Oneechan est incroyablement tolérante et gentille, elle pardonne tout le monde et elle est prête à se ruiner la santé pour aider les autres. Perce-Neige est incroyablement buté, mais il est sérieux et dévoué envers ceux qu'il laisse approcher. Wolfy est d'une loyauté et d'un courage à toute épreuve, capable d'endurer les pires choses pour moi sans sourciller ou se plaindre le moins du monde. Quant à Izuku et Itoko-kun, ils réunissent à l'état pur un nombre incalculable de qualités exceptionnelles, certaines qu'ils ont en commun et d'autres qui leur sont propres, mais leur cœur est pur.
J'ai peut-être toujours été extrêmement sensible au monde qui m'entoure, même sans mon alter. Après tout, Nereus a quelques capacités de Kitsune sans même en être un...
« Ne te casse pas trop la tête avec ça chérie, ton père dit souvent qu'il faut parfois accepter de ne pas comprendre certaines choses. Certaines choses sont inexplicables pour nous, mortels. Peut-être que tu auras la réponse en grandissant. Tu as tout le temps pour comprendre, alors continue à faire tout ce que les enfants font. Profite de la vie ma chérie. »
Mini-moi hoche la tête une nouvelle fois. Ce serait bien le genre de Papa de dire ce genre de choses, effectivement. Elle le connaît bien apparemment, elle passe vraiment pour la mère parfaite. J'aurais presque pu y croire, si je n'avais pas mes souvenirs. Au lieu de ça, j'ai juste envie de vomir.
« Je t'aime Maman !! »
« Et je t'aime encore plus Katsuko ! », rit Aiko en enlaçant Mini-moi. « Je t'aimerai toujours ! »
Ma génitrice est vraiment la pire ordure qui n'ait jamais foulée cette planète. A part Nyx, bien entendu...
***
Japon, Tokyo, manoir des Shiota, âge de Mitsune : quatre ans et un jour
« Allez, souffle tes bougies ma petite Biche ! », s'enthousiasme Mamie Yukiko, la mère de Papa.
« Tu as quatre ans ! Tu grandis si vite... », soupire Papi Hiro, son mari.
« Eh oui ! Ma petite Mitsune va vite devenir une grande fille, pas vrai ? », sourit mon père.
Mini-moi lui sourit avant de chatouiller Itoko-kun, âgé de trois ans, assis sur la chaise juste à côté. Mon oncle vient m'ébouriffer les cheveux pendant que Tante Hiromi joue au paparazzi avec moi, tout comme Aiko.
Cela fait longtemps que je n'ai pas vu mes grands-parents paternels. Je sais juste qu'Aiko les a envoyés en maison de retraite à l'autre bout du pays quand j'avais six ans, afin de forcer mon père à s'installer à Tokyo, dans le manoir des Shiota, qui appartient à notre famille depuis plusieurs générations. Je ne les ai pas revu ensuite, Aiko sait être convaincante. D'après Itoko-kun, ils sont morts de chagrin en apprenant que mon père ne se réveillerait jamais, alors je n'aurai plus l'occasion de les revoir avant ma propre mort. Ils étaient très proches de Papa, surtout Mamie Yukiko, alors apprendre la nouvelle m'a plus attristée pour Tonton Akihiko qu'étonnée. Mamie faisait partie du clan, sa grande sensibilité et son fort lien avec Papa aura eu raison d'elle... quant à mes grands-parents maternels, je ne les ai jamais connus. Aiko n'arrêtait pas de dire qu'ils ne valaient rien, et qu'ils sont bien inférieurs à elle, à nous. Alors je ne suis jamais intéressée à eux, parce que j'ai longtemps renié ma génitrice et tout ce qui me relie à elle, y compris ses parents. J'imagine que c'est pour le mieux, au final. Du peu que j'en sais, ils avaient eux-mêmes renié Aiko et l'avaient mise à la porte, alors ils ne doivent pas vouloir avoir quelque chose à voir avec moi...
Avec le temps, j'ai carrément oublié à quoi les parents de Papa et Tonton Akihiko ressemblent. Mamie est blonde avec des yeux bleus, exactement comme le père de mon cousin, tandis que Papi a des cheveux noirs et des yeux rouges. Bien que faisant partie du clan Hakushin, Mamie n'était pas un Kitsune.
Je me souviens un peu de mon anniversaire de cette année-là. Le jour J, Wolfy est venu pour qu'on joue et j'ai soufflé mes bougies avec lui et mes parents. Le lendemain, on est allés à Tokyo pour le week-end, pour que je fête mon anniversaire avec mes grands-parents paternels et la famille d'Itoko-kun.
Une nouvelle fois, Mini-moi souffle ses bougies et je l'entends faire un vœu adressé à Barbatos. A l'époque, j'étais loin de me douter qu'il était le petit androgyne de grande section qui ne cherchait qu'à s'amuser et qui chantonnait tout le temps. Âgé de cinq ans, Venti ne peut pas encore entendre les vœux que les gens lui adressent. Miko m'a enseigné que ce n'était possible qu'une fois qu'on a pris nos responsabilités.
Ce vœu, c'est de garder en sécurité le monde entier, de protéger ceux dans le besoin, que le monde soit en paix et uni.
Tiens ? J'aspirais déjà à unir le monde, à l'époque ? Pourtant, cette volonté n'est venue que plus tard, après qu'Aiko ait montré son vrai visage. Bâtir un monde uni était et est encore à mes yeux le meilleur moyen de faire en sorte que personne ne souffre sur Terre. Je voulais et je veux toujours que personne ne subisse toutes les horreurs que des personnes comme Wolfy, Perce-Neige ou moi avions vécu, la discrimination, la violence physique et mentale... comment j'aurais pu avoir cette volonté aussi tôt, quand tout allait bien ?
Papa coupe le gâteau et sert une part à chacun. On mange dans la joie et la bonne humeur jusqu'à ce qu'un événement étrange se produise. Je sens des oreilles me pousser sur la tête et mes oreilles humaines me brûler. Mon dos au niveau du bassin me fait souffrir également, jusqu'à ce qu'une queue velue sorte en faisant un trou à l'arrière de mon pantalon.
J'ai mal aux dents, aux mains, aux pieds, j'ai mal de partout. En même temps, j'ai l'impression que mes sens s'aiguisent tellement que je ne discerne plus rien. Je sens des crocs pousser de ma bouche jusqu'à dépasser légèrement de mes lèvres et mes ongles changer de forme, de texture, de solidité pour devenir pointus et étrangement plus solide qu'un tank. Je sens que c'est pareil pour mes pieds dans mes baskets.
L'apparition de mon alter Kitsune. Ce n'est pas vraiment le plus beau souvenir que je garde de l'utilisation de cet alter. En fait, j'avais eu une telle fièvre ensuite que j'étais restée comateuse pendant de longs jours. Je n'ai pas trop de souvenirs de ce qu'il s'est passé après l'apparition de mon alter. Enfin, bien entendu, mon inconscient va me faire vivre tout ça, j'imagine...
Je sens une rage et une haine incommensurable venir de devant moi. Je lève la tête, alors qu'Itoko-kun applaudit joyeusement dans ses mains, ravi par ce « spectacle » qui semble rendre fier ma famille, à l'exception d'Aiko. Je vois son regard haineux qui se pose sur moi. Son regard vert devient presque noir alors qu'elle me regarde telle qu'elle me regarde encore aujourd'hui. Mini-moi prend peur et se transforme en chaton blanc aux yeux verts, avant de s'enfuir à toutes jambes.
Japon, Tokyo, rues
Affolée et apeurée sans savoir pourquoi, Mini-moi court sur ses petites pattes vers je-ne-sais-où. J'ai l'impression que c'est son instinct qui la guide. Par contre, je me demande pourquoi elle s'est transformée en chaton et pas en renardeau. Le renard est la transformation la plus simple pour un Kitsune...
« Maman, regarde. Tu crois qu'il s'est perdu ? »
Mini-moi s'arrête brusquement, et je manque de m'étouffer mentalement en reconnaissant cette chevelure bicolore parfaitement séparée et ces yeux hétérochromes. Bien sûr, il n'a pas encore cette brûlure qui met magnifiquement en valeur son œil bleu – oui, je sais que je ne suis pas objective...
Mais qu'est-ce-qu'il fait là ? Tokyo est immense ! Quelle était la probabilité pour que Mini-moi tombe sur lui ?
Assez importante visiblement...
Perce-Neige lâche la main de sa mère et s'accroupit pour ne pas faire peur à Mini-moi. Il tend un peu la main et elle vint la renifler légèrement avant de miauler et de se frotter contre lui. Rei s'accroupit à son tour et inspecte le cou de Mini-moi pendant que Perce-Neige la papouille.
« Pas de collier... ce doit être un chaton errant, mais il semble si jeune... »
« Nya ? », miaule Mini-moi.
Perce-Neige a un sourire béat et prend délicatement Mini-moi dans ses bras pour la câliner.
« Shoto, attention ! », signale Rei. « Il est blessé, regarde. »
Elle indiqua la patte arrière de Mini-moi. Tiens ? Je n'avais pas senti qu'elle s'était fait mal. Pourtant, le sang qui coule sur sa patte indique bien qu'on a dû tomber.
« Il faut le soigner ! », s'affole Perce-Neige, avant de murmurer pour rassurer Mini-moi. « Ne t'inquiète pas mon beau, on va bien prendre soin de toi... »
Délicatement, Rei inspecte la patte blessée sans la toucher, pour ne pas l'infecter.
« Ce n'est rien de grave. Il suffit de désinfecter et de mettre un peu de glace sur sa blessure. Les animaux sont étonnamment résistants mon chéri. »
« Dis, on peut le ramener à la maison ? »
Perce-Neige lui fait la plus belle tête de chien battu que j'ai pu voir depuis ma naissance. Ses grands yeux hétérochromes supplient sa mère d'accepter. Bordel, il est tellement mignon, même en enfant...
« Il le faut, si on veut pouvoir le soigner. Il a l'air très jeune, j'ai peur qu'il ne s'en sorte pas tout seul, dans la nature. Il risque d'être une proie facile. Mais ne t'attache pas trop, d'accord ? »
Perce-Neige hoche vigoureusement la tête mais la façon dont il serre délicatement Mini-moi contre lui indique clairement qu'il s'est déjà attaché. Ce garçon est vraiment un amour ! A chaque fois que je découvre un truc sur lui, je ne l'aime que plus encore !
Rei et Perce-Neige se relèvent et font route jusque chez eux, Mini-moi dans les bras du bicolore qui s'efforce de lui tenir chaud.
Japon, Tokyo, maison des Todoroki, salle à manger
« Et voilà ! », déclare fièrement Perce-Neige en installant Mini-moi sur un coussin qu'il est allé chercher et qu'il a posé sur la table.
Rei ne tarde pas à revenir avec de quoi désinfecter la patte du chaton. Aussitôt, Mini-moi se met à miauler de peur mais Perce-Neige la rassure en murmurant à son oreille des mots doux, ses petits doigts caressant ses oreilles blanches. Mini-moi se met à ronronner, même pas dérangée par le produit que la mère des Todoroki vient d'appliquer sur sa blessure. Elle enroule ensuite une bande autour de la patte et veut la geler pour calmer la douleur du chaton mais Mini-moi miaule de nouveau, terrifiée en sentant le froid sur son pelage. Elle tente plusieurs fois de poser sa main, mais Mini-moi a sorti ses griffes et n'arrête pas de feuler à l'encontre de Rei.
« Tu veux que je le fasse, Maman ? », propose Perce-Neige. « Il semble bien m'aimer. »
A court d'options, Rei accepte et guide son fils dans la démarche. De sa main gauche, il continue à câliner Mini-moi, qui rentre presque aussitôt ses griffes. Posant délicatement sa main droite sur la bande, il se concentre pour geler seulement la bande et pas la patte par la même occasion. Mini-moi se laisse faire diligemment, sans broncher malgré le froid, ce qui surprend Rei.
« Je sais que tu adores les chats, mais jamais aucun ne t'a fait autant confiance en si peu de temps... »
Perce-Neige hausse simplement les épaules et, une fois son travail terminé, sort un bol et y met du lait. Il met le tout au micro-ondes quelques temps, avant de déposer le bol à côté du chaton. Mini-moi se relève, sans s'appuyer sur sa patte blessée, et renifle le contenu blanc quelques instants, avant d'y tremper la langue et de laper le liquide chaud, ravie.
Le bicolore rigole tout en gratouillant le dessus de la tête de Mini-moi, qui se met à ronronner une nouvelle fois.
« Je vais voir ce que je peux lui trouver pour la nuit. Demain, on l'emmènera au vétérinaire pour savoir s'il a une puce, afin de retrouver son propriétaire, s'il en a un. »
« Nya ? »
« Nya ! », répète Perce-Neige avec une bouille idiote mais tellement adorable.
Rei s'en va lorsque son fils et Mini-moi entament une discussion en miaulant. Dans mon propre corps, j'aurais grimacé, vu les fautes que Perce-Neige fait en parlant le chat. Heureusement qu'en se transformant en un animal, les Kitsunes savent automatiquement parler la langue de cet animal... il n'y a que la langue des Kitsunes, celle des renards, celle des loups, celle des serpents et celle des chats que je comprends, et seulement celle des Kitsunes, celle des loups et celle des serpents que je sais parler sans me transformer, moins celle des serpents que les autres tout de même...
Après un moment, Rei revient avec un grand carton dans lequel elle a mis des affaires de son fils, puisque Mini-moi ne semble faire confiance qu'à Perce-Neige. Il doit vraiment y avoir un truc qui fait que je lui fais autant confiance, même sans le connaître. C'est beaucoup plus fort qu'avec Wolfy, quand je l'ai rencontré. Je ressens les émotions de Mini-moi, et elle a l'impression de le connaître depuis des millénaires. C'est vrai que j'ai eu aussi cette impression pendant longtemps, avant qu'on devienne amis, mais j'ai mis ça sur le compte de toutes ces soirées mondaines où Aiko me traînait et où il était tout le temps. Mais, apparemment, cela vient d'ailleurs...
« Par contre, on n'a rien qui puisse faire office de litière... j'espère qu'elle ne fera pas dans la maison, ton père va s'énerver sinon... »
Aussitôt, Perce-Neige prend Mini-moi comme s'il voulait la protéger. C'est vraiment qu'avec moi qu'il a cet instinct de protection ? Au camp, il avait dit qu'il n'hésiterait pas à se mettre en danger pour me protéger, moi et uniquement moi. Pourtant, la façon dont il traite Mini-moi sans la connaître montre bien qu'il protège n'importe qui...
Non, ça n'a pas de sens.... Perce-Neige semblait réellement sincère quand il m'a dit ça... mais pourtant, ce serait la solution la plus logique. Malgré tout, quelque chose en moi me souffle qu'il me manque des informations, et que la réponse n'est pas si simple. Argh !
« Ecoute-moi Flocon, c'est très important. », dit sérieusement Perce-Neige en levant Mini-moi à hauteur de son regard.
« Nya ? »
« Tu ne dois pas faire pipi ou caca dans la maison, d'accord ? Si tu as envie, tu viens me voir et je t'ouvre pour que tu puisses aller dehors. C'est vraiment important Flocon. »
Mini-moi hoche la tête, alors que Rei hausse un sourcil.
« Flocon ? »
« Oui, je trouve que ça lui va bien. On ne va quand même pas l'appeler le chaton ou il jusqu'à ce qu'on trouve son propriétaire. »
« Ah... peu importe. Tu crois vraiment qu'il a compris ce que tu lui as dit ? »
« Nya ! », acquiesce Mini-moi.
« Oui ! », affirme fièrement Perce-Neige.
Décidément, il fait fondre mon coeur, peu importe son âge...
« Allez, viens Flocon ! On va t'installer dans ma chambre ! », décide Perce-Neige. « Je peux Maman ? »
« Si tu veux, mais fais attention. Un chat, ça a des griffes mon chéri. Et des crocs. »
« Oui, mais Flocon est un amour. »
Il dépose doucement Mini-moi dans le grand carton avant de récupérer le bol de lait chaud. Avec Rei, ils vont dans sa chambre. Je ne l'ai jamais vue avant aujourd'hui, mais elle est identique à sa chambre à l'internat. Impossible de deviner que c'est la chambre d'un enfant...
Rei pose le carton près du lit de son fils et celui-ci dépose le bol là où il sait qu'il ne se prendra pas les pieds. Mini-moi saute du carton pour retourner boire le lait chaud quelques secondes, puis revient se frotter à Perce-Neige.
« Flocon t'a adopté, visiblement. », s'étonne Rei.
« Ça s'attache si facilement un chat sans propriétaire ? »
« Pas à ce point, à ma connaissance. Enfin, on verra demain. Je vais voir ce qu'on peut lui donner à manger. »
Perce-Neige et Mini-moi hochent la tête de concert puis Rei sort de la pièce, visiblement ébranlée par cette synchronie.
« On a de la chance, Papa est en mission assez loin, donc il n'est pas là jusqu'à demain soir ! », sourit Perce-Neige. « On va pouvoir s'amuser ensemble. Qu'est-ce-que tu veux faire ? »
Mini-moi commence à arpenter la chambre en reniflant tout, ce qui fait un peu plus sourire mon futur lié.
« Oui, bien sûr, tu veux pouvoir te repérer dans ma chambre. Pas de soucis ! Je te laisse faire ton petit tour du propriétaire »
Il prend de quoi dessiner et s'installe sur son futon. Très vite, Mini-moi revient vers Perce-Neige en miaulant. En rigolant, il installe le chaton sur ses cuisses et continue à dessiner sous l'œil vigilant de Mini-moi. Par moment, elle lui donne des coups de museau pour le faire dépasser, avec un miaulement rieur, mais Perce-Neige ne s'en formalise pas, bien au contraire. Il finit par abandonner son dessin pour jouer avec Mini-moi. Aussitôt, le chaton bondit sur ses pattes et mon futur lié s'amuse à poursuivre Mini-moi à travers la chambre. Il n'arrête pas de rire aux éclats, ce qui l'empêche de pouvoir attraper le petit chat.
Jamais je ne l'ai entendu rire comme ça. C'est un rire innocent, pur, véritable, libre, qui illumine tout sur son passage. Jamais je ne l'ai entendu rire comme ça, ni autant. Ce rire... il pourrait me provoquer un arrêt cardiaque tellement il est beau. Il est beau, beau, comme son sourire, comme son regard, comme cette brûlure qu'il haït encore aujourd'hui à cause de sa signification.
Je crois que j'ai perdu toute objectivité depuis longtemps quand il s'agit de lui... je l'aime tellement... c'est dommage qu'il ait perdu ce si beau rire à cause de son père. Ses rires d'aujourd'hui sont vrais et beaux, mais ils n'éclatent pas aussi librement que ceux de sa version enfant, avant que son père ne lui fasse connaître l'enfer sur Terre. Endeavor a souillé son innocence d'enfant, il l'a carrément détruit, entièrement. Tout comme Aiko m'a détruite.
Papa est venu me chercher, enfin Mini-moi, chez les Todoroki le lendemain soir, avant qu'Endeavor ne rentre. Perce-Neige n'est pas très content, car la visite chez le vétérinaire lui a fait espérer qu'il puisse garder Mini-moi, puisqu'elle n'a rien qui permet d'identifier sa famille.
« Comment on peut être sûrs que Flocon est vraiment à vous ?! », dit sèchement Perce-Neige en serrant Mini-moi dans ses bras.
« Mon jeune ami, le chaton que tu tiens dans tes bras, c'est ma fille. », répondit avec douceur Papa. « Son alter s'est déclaré hier et j'imagine que la transformation lui a fait peur. »
« Flocon, tu le connais ? », demande le bicolore en regardant le chaton.
« Nya ! », approuve Mini-moi.
« Elle aurait déjà dû reprendre sa forme humaine depuis un bon bout de temps. Sans entraînement, une transformation ne peut être tenue plus d'une seconde ou deux. »
« C'est inquiétant ? », veut savoir Rei.
« Pas vraiment. La peur est une émotion puissante, ce doit être elle qui la maintient transformée. »
Il se garde bien d'exprimer son étonnement vis-à-vis de la transformation en chat et pas en renard.
« C'est faux ! », s'énerve Perce-Neige. « Flocon n'a pas peur avec moi ! »
« Shoto, mon chéri, nous devons rendre à cet homme sa fille. »
« Comment il savait que Flocon était là, d'abord ?! », s'obstine mon futur lié.
Il est vraiment buté quand ça me concerne, même enfant...
« Mon alter m'offre des sens plus développés que la normale. Je savais qu'elle était là, mais je voulais lui laisser du temps pour se calmer, la transformation en hybride peut affoler la personne qui la subit. », explique mon père. « Ma chérie, regarde-moi. »
Diligemment, Mini-moi s'exécute et Papa lui fait un sourire rassurant.
« Tout va bien, d'accord ? Je sais que la transformation peut être perturbante, je suis passé par là aussi, mais je t'assure que tout va bien. Tu n'as pas à avoir peur ma chérie, je suis là pour t'aider, et ta Maman aussi. Tu n'as pas à avoir peur de ton alter, au contraire. Avec tes sens, tu pourras aider plein de gens, et je sais que c'est quelque chose d'instinctif chez toi. Tu n'as pas à avoir peur, on t'aidera à t'habituer à ta nouvelle apparence. »
Mini-moi hoche doucement la tête et se redresse pour faire quelques léchouilles à Perce-Neige, pour le remercier. Elle saute ensuite de ses bras et Papa s'accroupit pour être à sa hauteur.
« Il faut que tu te concentres ma chérie. Concentre-toi de toutes tes forces sur ton apparence humaine, avec précision. Commence par les pieds, puis remonte lentement. Ne te précipite pas, cela ne sert à rien. Voilà, comme ça... », murmure Papa en voyant les pattes arrières de Mini-moi commencer à se transformer en pieds.
Mon premier retour à mon apparence humaine se déroule ainsi, millimètre par millimètre. Le corps de chaton se transforme lentement en un corps humain, avant de se dépourvoir de toute la fourrure blanche, des moustaches, de la truffe et des yeux de chat. Les vêtements que Mini-moi portait avant sa transformation apparaissent de nouveau juste après la disparition de la fourrure. Seuls subsistent les oreilles, la queue, les crocs et les griffes de chat, qui se changent en ceux d'un Kitsune.
A peine la transformation achevée, Mini-moi s'effondre, sombrant dans l'inconscience. Comme ce n'est pas mon cas, j'ai le loisir de voir Perce-Neige se jeter sur Mini-moi pour la rattraper et la soutenir.
« Alors c'est vrai... », murmure Perce-Neige, déçu. « Tu vas partir... »
Il soupire, luttant pour maintenir Mini-moi debout.
« Je ne sais pas si tu m'entends, mais viens me voir dès que tu as besoin d'aide. Je serai toujours là pour toi... », souffle-t-il.
Il a dit ça si bas que même moi j'ai du mal à saisir ce qu'il a dit. J'ai juste entendu la dernière phrase qu'il a dit.
Ce garçon n'est vraiment pas commun, c'est certain... à quel moment tu dis ce genre de choses à une presque inconnue que tu prenais pour un chat trois minutes avant ? Il est vraiment unique en son genre...
C'est peut-être pour ça que je suis autant attirée par lui. J'ai l'impression que, instinctivement, Mini-moi-chat est allée le retrouver, sans même le connaître. C'est vraiment bizarre...
Papa s'approche et soulève Mini-moi pour la prendre dans ses bras, la détachant de Perce-Neige, avant d'ébouriffer les cheveux du bicolore.
« Merci d'avoir pris grand soin de ma fille, mon garçon. Que puis-je faire pour vous remercier, tous les deux ? »
« Ce n'était rien. », sourit Rei. « N'importe qui aurait fait la même chose, pas vrai Shoto ? »
Triste, il hocha tout de même la tête.
« J'espère que je la reverrai, je l'aime bien... »
« Si les Archons le veulent, mon jeune ami. », dit Papa avec gentillesse. « Tu es encore très jeune, il se peut que tu ne te souvienne même pas d'elle consciemment. Si cela se trouve, tu la rencontreras de nouveau, sans la reconnaître. »
Tu ne crois pas si bien dire, Papa...
« C'est pas courant des filles avec des oreilles et une queue d'animal. », justifie Perce-Neige. « Ce ne sera pas trop compliqué de la reconnaître. »
« Tu sais, mon jeune ami, c'est la personnalité de ma fille qui reste dans les mémoires, pas son apparence. Passez une bonne soirée, et encore merci. »
Rei lui souhaite un bon retour chez lui et Papa emmène Mini-moi loin de chez les Todoroki. Tout commence à s'assombrir brusquement autour de moi, signe que je vais bientôt faire un bond dans le temps de mes souvenirs, et je n'ai que le temps d'entendre Perce-Neige parler avant que tout ne devienne noir.
« Mais, au fait Maman, comment ils s'appellent ? »
Qu'est-ce-qu'un nom ? Tu me protégerais toujours autant, que je m'appelle Katsuko, Kokomi, Mitsune ou encore Flocon... et c'est l'une des nombreuses raisons pour lesquelles je t'aime, Shoto Todoroki...
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