Chapitre 15 : J'aime tes cicatrices
Japon, Tokyo, Yuei, Heights Alliance, bâtiment des secondes A, chambre de Mitsune, 24 septembre 2500, 7h
Mitsune remua doucement et Shoto, qui la regardait dormir avec un sourire niais sur la figure, vint faire courir ses doigts sur sa joue.
« Bon matin. », souffla-t-il quand il la vit ouvrir les yeux.
« Chalut... », bâilla la blonde.
Shoto se retira et elle s'étira de tout son long, avant de venir retrouver le confort et la chaleur des bras de son cher et tendre.
« Comment tu te sens ? », lui demanda ce dernier.
« Bien, mais je sens que le monstre est toujours là, endormi... »
« Qu'est-ce-que tu entends par « monstre » exactement ? »
« La créature qu'Aiko a fait de moi et que j'ai enfermé à quadruple tour tout au fond de moi. J'ai tellement nié son existence que j'avais oublié qu'elle était là. »
« Je me disais, aussi, que tu ne m'avais pas tout dit. Tu veux en parler ? »
Mitsune soupira. Bien entendu qu'elle voulait lui en parler, mais n'allait-il pas prendre peur ?
« Aucune chance, sinon je ne serai pas là actuellement. J'ai entendu tout ce qui passait par ta tête de détraquée, tout comme Fenrir. En fait, cela ne m'a presque pas étonné que tu perdes pied comme ça. »
« Ah bon ? », s'étonna Mitsune. « Pourquoi ? Je ne t'en ai pas parlé, vu qu'à force de nier cette partie de moi, je l'ai oubliée... »
« Depuis que tu m'as dit la réelle raison de ton refus de nous laisser combattre à tes côtés, j'ai compris qu'Aiko t'avait laissé beaucoup plus de séquelles qu'il n'y paraissait. Et même avant... lorsque je t'ai parlé de mon passé, au camp d'été... j'ai senti pourquoi tu n'osais pas t'opposer à ta mère malgré tout ce qu'elle te faisait endurer. En toi, tu as encore un tout petit peu d'amour pour elle, et c'est ça qui te fait inconsciemment te plier à sa volonté. Tu as encore le naïf espoir de la rendre fière, de la faire t'aimer telle que tu es. Et puis, cette violence qu'on a subi... elle laisse forcément des séquelles en nous. Ce sont des blessures qui ne se refermeront sans doute jamais, ou qui mettront beaucoup de temps à le faire en tout cas. Sachant ce que cela a été pour moi, je n'imagine même pas quelles séquelles Aiko t'a laissée, à force de te rabaisser plus bas que terre... »
La sentant trembler, il la colla davantage contre lui et lui caressa derrière les oreilles.
« Je suis là, maintenant. Quelles que soient tes craintes, je suis là pour t'aider à les surmonter Sweetie. »
Mitsune ne répondit pas et se blottit un peu plus contre lui.
« Perce-Neige... tu me trouves vraiment belle, malgré toutes mes cicatrices ? »
« Tu en doutes encore ? »
« Oui... parce que je ne me suis jamais trouvée belle avec toutes ces marques, que ce soit avant ou maintenant... »
Il ne répondit pas mais se redressa pour venir se positionner au-dessus d'elle. Elle le regarda, perplexe et les joues rouges. Elle n'eut droit qu'à un petit sourire avant qu'il ne vienne déposer une pluie de baisers, minutieusement, sur chacune de ses cicatrices, y compris sur les emplacements de sa peau où il y en avaient avant son changement d'apparence. Il ne les avait vu qu'une fois ou deux, mais il avait tellement observé sa liée à cette époque qu'il les avait toutes mémorisées.
« P-Perce-Neige ?! Que... »
Avec tendresse, il vint déposer un baiser sur son nez, se délectant de son visage rouge.
« Je te montre à quel point j'aime tes cicatrices, à quel point je te trouve magnifique avec. »
« Parce que, toi, tu t'es déjà trouvé beau avec ta... enfin... »
Doucement, elle posa sa main sur la brûlure de son lié, qui sursauta, comme à chaque fois qu'on le touchait là. Normalement, il n'aimait pas ça, parce qu'il était vraiment sensible à cet endroit, mais le toucher de sa belle ne l'avait jamais dérangé, que ce soit ici ou... ou ailleurs.
« Et toi, tu me trouves beau avec ? », murmura-t-il.
Cette fois-ci, elle détourna la tête pour masquer son embarras. En parler avec Nereus était une chose... le dire directement à son lié en était une autre !
Avec tendresse, Shoto ramena la tête de la blonde vers lui, afin qu'elle ne se dérobe pas. Son avis lui importait vraiment.
« Tellement... », réussit-elle à chuchoter au bout de quelques secondes, fuyant désespérément le regard du bicolore.
Rassuré, Shoto sourit et se pencha pour embrasser son front.
« Alors je n'ai aucune raison de ne pas me trouver beau avec cette brûlure. »
Délicatement, il se remit sur le matelas et enlaça sa liée.
« Tu me crois maintenant, ou il faut que j'embrasse toutes tes blessures à chaque fois qu'on se saute dessus pour que tu daignes me croire ? »
Blottie contre lui, la Kitsune devint toute rouge.
« Cela ne me déplairait pas... même si je te crois... », dit-elle lentement.
Shoto sourit un peu plus et resserra son étreinte.
« Tant mieux. Maintenant, s'il te plaît, explique-moi comment tu en es arrivée à te souvenir de ce « monstre », selon tes propres mots. »
« C'est un peu une longue histoire. »
« J'ai tout mon temps, je m'en fous des cours. On trouvera une excuse, compte tenu de l'agitation qu'on a causé hier soir. »
« Oui... »
Elle inspira profondément et lui raconta alors tout, depuis la première apparition de Kokomi dans le salon des Todoroki jusqu'à cette deuxième discussion dans la Chambre de l'Unité, sans oublier l'histoire de ses souvenirs oubliés car scellés par son père. Shoto comprit alors beaucoup mieux pourquoi personne de sa famille n'avait reconnu Mitsune, et pourquoi il ne se souvenait pas d'avoir eu Lilith comme enseignante. Lilith elle-même n'avait pas semblé le reconnaître, au feu de camp. Elle aussi, ses souvenirs avaient dû être scellés...
« Voilà, tu sais tout. », termina-t-elle. « J'ai compris l'importance de plonger dans mon passé pour mieux me retrouver, mais j'ai tellement peur de sombrer à nouveau, de replonger dans cet enfer... Aiko m'a tellement détruite... je ne veux pas revivre ça... pourtant, je veux me retrouver, ne plus être cette fille guerrière tout le temps... »
« C'est compréhensible. », admit Shoto. « Après, si tu veux vraiment te retrouver, il y a un autre moyen. La Nymphe Watatsumi a bien dit que la plongée dans ton passé était inévitable, mais tu n'as pas nécessairement besoin de t'y aventurer seule. »
« Qu'est-ce-que tu veux dire ? »
« La dernière fois que tu as plongé dans ton passé, tu avais ta mémoire de maintenant où tes souvenirs ne dépassaient pas l'âge que tu avais à telle année ? »
« Je me souvenais de tout. C'était comme si mon âme, telle qu'elle était au moment de cette plongée, s'était incarnée chez moi à différents âges. »
« Dans ce cas, il suffit que je sois là. Quand tu voudras que je te « ramène » dans le présent, tu n'auras qu'à m'appeler avec ton esprit. On est constamment connectés, sauf quand tu parles avec Kokomi dans cette Chambre de l'Unité. »
« Comment tu me ramèneras ? »
« Si j'ai pu te ramener à la raison deux fois, ce n'est pas ça qui va me faire peur Sweetie. »
« Oui, deux fois avec un Baiser de la Mort. »
« Comme si tu allais t'en plaindre. », ricana légèrement Shoto. « Au point où on en est, je n'ai plus vraiment de limites dans mes choix pour ramener ton esprit. »
« Tch ! »
Sa réaction, simulée pour masquer son embarras, fit rire le jeune Todoroki.
« C'est la troisième fois... et je suis encore plus accro à elle que je ne l'étais avant début septembre... tu causeras ma perte, Sweetie... »
En l'entendant rire, Mitsune sourit et vint caresser de son nez les oreilles rondes de son lié-« ami »-crush-amant. Il frissonna de plaisir, aimant beaucoup ce doux contact, même s'il lui faisait beaucoup moins d'effet qu'il n'en faisait à elle.
« Je t'aiderai à vaincre tes démons Sweetie, n'en doute pas. », lui souffla-t-il lorsqu'elle se retira suffisamment pour qu'il puisse voir ses yeux bleus.
Elle lui sourit tendrement et déposa un baiser sur son nez.
« Merci Perce-Neige. N'oublie pas que je suis là aussi, si tu as besoin d'aide ou d'une oreille attentive. Je sais que c'est difficile aussi pour toi, avec Endeavor. »
« Sûrement moins que toi, mais j'apprécie l'attention... »
Ce fut à son tour de déposer un baiser sur le nez de sa belle, puis il se retira délicatement.
« On ferait mieux de se préparer... je peux emprunter ta douche ? »
« Tu as des vêtements de rechange ? »
« Non, mais je suppose qu'une jolie artiste aux oreilles de renard va gentiment s'en occuper pour moi. », dit-il malicieusement.
En réponse, elle lui tira la langue et le poussa pour qu'il sorte du lit. Il se laissa faire en riant et ne prit même pas la peine de ramasser son pyjama, toujours constitué d'un débardeur et de son boxer. Mitsune le reluqua sans gêne alors qu'il se rendait jusqu'à sa salle de bain personnelle (quand on voulait de l'intimité, c'était mieux que les douches communes). Une fois qu'il eut refermé la porte de celle-ci, elle sortit à son tour du lit et fit apparaître entre ses doigts l'uniforme bien plié du bicolore et un boxer, qu'elle eut du mal à ne pas fixer au risque de s'imaginer l'enlever à Shoto. Elle les lui porta ensuite, consciente que les vitres de sa douche étaient opaques. Malgré tout, son imagination prit la relève de ses yeux et ce fut toute rouge qu'elle déposa précipitamment les affaires du bicolore ainsi que des serviettes pour lui, avant de sortir de la pièce.
Elle entreprit alors de remettre ses vêtements et de ranger un peu le bazar qu'ils avaient mis. Elle répara aussi les objets cassés ou endommagés par la glace de Shoto et changea les draps, malgré le manque d'envie. L'aération de la pièce allait effacer toute effluve du parfum de Shoto, de toute manière, alors autant mettre des draps propres...
Lorsqu'elle termina, son lié sortait à peine de la salle de bain, uniforme parfaitement enfilé et cheveux bien coiffés et séparés. Mitsune grimaça, ce qui inquiéta le bicolore.
« Qu'est-ce-qu'il y a ? »
« Je commence vraiment à en avoir ma claque de tes cheveux séparés. »
Sa réponse le fit éclater de rire, car il ne s'attendait absolument à une telle remarque, sortie avec autant de franchise, sans gêne.
« Tu me préfère au saut du lit, quand je ressemble à un épouvantail ?! »
« Pas nécessairement, je te préfère quand je mets le souk dans tes cheveux. »
Comme pour appuyer ses mots, elle lui ébouriffa les cheveux en riant, ce qui eut pour effet de les mélanger un peu. Cependant, malgré qu'il mettait des plombs chaque matin à séparer ses cheveux, il ne s'en formalisa pas. Le sourire de sa belle était bien trop radieux pour ça.
« Bon, à moi de prendre ma douche ! Ensuite, p'tit déjeuner parce que j'ai la dalle ! »
« Je vois ça, tes crocs commencent à pousser. », répondit Shoto avec un sourire moqueur.
Mitsune récupéra son uniforme et des sous-vêtements, avant d'adresser à son lié un sourire et un regard lourds de sous-entendus.
« Ce n'est pas que mon estomac qui a faim... »
Pour accompagner son propos, elle se passa la langue sur ses dents, comme elle avait l'habitude de le faire avant d'entamer le fruit de sa chasse, ou juste après l'avoir consommé. Aussitôt, Shoto se mordit la lèvre inférieure alors que son regard s'assombrissait de désir. Elle rit légèrement puis s'échappa en direction de sa salle de bain, fière que son réflexe de prédatrice lui fasse autant d'effet.
Elle fila sous la douche et, sous le jet d'eau brûlante, elle se demanda un instant si elle ne devrait pas se déclarer à son lié. Il y avait une tension sexuelle entre eux, elle l'avait bien compris, mais elle se demandait d'où elle venait, de son côté. Pour elle, c'était évident, même si c'était Fenrir qui l'avait forcé à se l'avouer. Si elle le désirait autant, c'était parce qu'elle l'aimait d'autant plus. Elle le désirait uniquement parce qu'elle l'aimait depuis bien plus longtemps qu'elle n'en avait conscience. Mais comment se déclarer à lui ? En plus, toutes les filles du lycée lui courraient après, pourquoi serait-il spécifiquement amoureux d'elle ? Le lien ne créait pas l'amour...
Un jour, elle serait pourtant obligée de lui dire, ne serait-ce que pour avoir la conscience tranquille. Elle voulait une déclaration aussi exceptionnelle qu'il l'était à ses yeux. Mais comment ? Une peinture ? Non, les œuvres iconographiques pouvaient être interprétées d'un millier de façons différentes, elle le savait bien pour l'avoir étudié dès ses premières années de classe d'art à la Liones Academy. Une chorégraphie ? Trop subtil, Shoto était très loin d'être un expert en danse, il y avait trop de chances qu'il ne comprenne pas. Avec simplement des mots ? Non plus, c'était trop banal. Elle voulait quelque chose qui soit à la hauteur de l'homme qu'elle aimait. Une mélodie ? Pas seule, en tout cas. Shoto avait toujours joué franc-jeu avec elle, dès le début, alors elle se devait d'être aussi franche et claire que lui. La musique ne racontait rien à proprement parler, c'était la manière dont on l'utilisait, ce qu'elle évoquait en chacun, qui permettait d'établir un sens à celle-ci, un sens qui pouvait être collectif ou propre à chaque personne.
Une chanson, alors ? Oui, c'était une bonne idée. Elle n'avait jamais écrit de chansons d'amour, mais Fenrir saurait sans doute l'aider, et ses amis aussi. Oui, c'était sans doute la solution qui correspondait le mieux à ce dont elle avait envie pour cette déclaration. Et puisque l'art était son langage et sa nature profonde, elle allait lui écrire la plus belle chanson de l'histoire des chansons d'amour. Elle allait lui montrer à quel point elle, la vraie elle, l'aimait. Il ne lui restait plus qu'à se mettre au travail...
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