Chapitre 14 : Un esprit brisé

Âme de Mitsune, Chambre de l'Unité, 24 septembre 2500, 1h

« Mitsune, je t'attendais. »

La Kitsune s'avança un peu, alors que Kokomi Sangonomiya l'attendait sur la mosaïque.

« Comment vas-tu depuis la dernière fois ? », lui demanda la première Archon Hydro.

« Je suis perdue. », admit Mitsune. « Je ne sais pas quoi faire. J'ai beau réfléchir, il n'y aucun moyen d'arrêter cette guerre avant qu'elle n'arrive, d'arrêter cette guerre sans la moindre violence... »

« La Seconde Guerre des Archons est en effet inévitable. », confirma Kokomi. « Mais il y a d'autres moyens pour limiter le sang versé qui sont à ta disposition. Tu dois juste voir les choses sous un autre angle. Tu dois changer de point de vue, et revenir aux fondements de la personne que tu es. Tu ne pourras pas échapper éternellement à une plongée dans ton passé, Mitsune. »

« J'y suis vraiment obligée ? Je contrôle très bien mes pouvoirs d'Archon sans... »

« Ce n'est pas une question de contrôler ou non tes pouvoirs d'Archon. Ce sont les convictions d'un Archon qui font sa puissance, et ces convictions se construisent tout au long de leur existence. Ces convictions existent parce que l'Archon a vécu telle ou telle chose. Quelles sont tes convictions ? »

« Unir tous les gens, pour refonder le monde, pour créer un monde meilleur, un monde de paix sans la moindre violence. J'aspire à l'unité entre les gens du monde entier, y compris entre vilains et héros. Personne n'est foncièrement mauvais, pas les humains en tout cas. Pour ce qui est des dieux, je ne m'y connais pas assez pour me prononcer à ce sujet, mais je sais que les humains ne naissent pas mauvais. J'ai failli devenir une vilaine, mais on m'a aidé à revenir sur le droit chemin à temps. Les vilains sont simplement des gens qui n'ont pas été aidés, guidés sur le droit chemin. »

« Et ta mère, dans tout ça ? Penses-tu qu'elle soit née mauvaise ? »

« Aiko ? Non, elle n'est pas née mauvaise. Ce sont ses convictions à devenir la meilleure à tout prix qui ont asséché son cœur, tout comme pour le père de Perce-Neige. »

« Pourquoi veux-tu unir le monde ? Dans quel but ? »

« Je vous l'ai dit, pour créer un monde meilleur, sans violence. »

Kokomi ferma les yeux en baissant légèrement la tête, songeuse.

« Tu as mûri, tu as grandi Mitsune. Mais tu ignores l'essence, les origines mêmes de tes convictions. C'est en émergeant de l'ignorance que tu pourras te retrouver et régler ce conflit à ta manière. »

« Et en japonais, ça signifie quoi ? », demanda Mitsune en penchant la tête sur le côté, perdue.

« Il faudra que tu cherches par toi-même. », sourit Kokomi. « Je peux te guider, pour que tu te retrouves, mais il faudra plonger dans ton passé pour ça. Je ne te l'imposerai pas, c'est à toi de choisir si tu es prête ou non à le faire, mais tu ne pourras pas éternellement y échapper. »

Mécaniquement, Mitsune regarda ses mains. Affronter ce passé redouté, qu'elle refoulait toujours au plus profond d'elle, ce passé qu'elle peinait à accepter, ce passé qui la rendait laide, détestable à ses yeux mais pourtant magnifique, incroyable et inspirante selon Shoto... en était-elle capable ?

« N'y va pas, tu n'as pas besoin de souffrir encore... à quoi bon affronter son passé si c'est pour encore plus souffrir, alors que tu ne souffres plus maintenant ? N'y va pas, je t'en supplie. Cela ne va t'apporter que du malheur, et tu en as déjà assez eu. On en a déjà assez eu. Pourquoi ne pourrait-on pas vivre paisiblement ? »

Mitsune se retourna et crut tomber des nues en voyant une petite fille qui lui ressemblait comme deux gouttes d'eau, avant que ses yeux et une partie de ses cheveux ne changent de couleur. Elle ne semblait pas avoir plus de sept ans.

« Tu ne trouves qu'on souffre déjà assez, toutes les deux ? On n'a jamais demandé ça ! Tout ça, c'est la faute des héros ! Les humains sont cruels, les adultes sont cruels, l'humanité est égoïste et cruelle. Nous, on voulait juste peindre, on voulait juste être normales. Mais le sort a décidé qu'on ait ce foutu double alter et ce stupide pouvoir divin ! A quoi ça sert d'avoir ces pouvoirs, s'ils n'apportent que souffrance ?! Papa souffre, je souffre, tu souffres... les pouvoirs n'apportent que du malheur ! Et malgré tout ça, tu veux quand même replonger dans cet enfer ?! Pourquoi, hein ? Sous prétexte que l'homme que tu aimes te trouve belle à cause de cette souffrance ? Ne choisis pas en fonction d'un homme ! On a déjà assez souffert à cause des autres ! Pourquoi on ne pourrait pas penser à notre propre bien, pour une fois ?! », s'énerva la petite fille. « Tu es trop gentille ! Réveille-toi, fais ce qui te chante ! Pense à toi, parce que les autres ne le feront pas pour toi ! Les autres ne font que se servir de toi, alors pourquoi tous les unir ? Ce monde est pourri jusqu'à la moelle, il mérite de finir en cendres ! »

Mitsune resta interdite, blanche comme un linge. Qui était cette petite fille, habitée par tant de haine et de colère ? Pourquoi son propre coeur lui faisait mal, comme si elle savait que la fillette avait raison ?

« C'est la partie de toi que tu as refoulé, Mitsune. C'est la haine et la rage que tu as enfouis au fond de toi au fur et à mesure que tu revenais sur le droit chemin, mais elles n'ont jamais disparu. Elles sont toujours là, et elles n'ont cessé de croître. Elles n'attendent que le bon moment pour se venger. Elles sont la part « guerrière noire » de toi, l'iceberg dont tu n'as connu que la pointe jusqu'à présent, lorsque ta part guerrière prenait le dessus. Mais tu n'as pas à les écouter. C'est à toi de choisir ton chemin, sans perdre de vue tes convictions. L'obstacle le plus dangereux et le plus imposant que tu pourras trouver sur ta route, c'est toi-même. Ce sont tes craintes, ta haine, ta colère. Mais tes convictions doivent être plus fortes qu'elles, et tu dois savoir d'où elles viennent pour ça. Tu dois savoir comment elles se sont construites. »

« Je... toute seule... j'en suis incapable... je suis trop faible... »

« Mitsune, tu ne seras jamais seule. Depuis tes cinq ans, quelqu'un te tient la main et te guide, quelqu'un te soutient et te protège, qu'il soit présent ou non. Depuis que tu es toute petite, il y a toujours quelqu'un qui t'accompagne, même si tu n'en as pas conscience. Tu n'as jamais été seule, et tu ne le seras jamais. La Chambre de l'Unité, elle, elle sait qu'il y a toujours quelqu'un qui t'accompagne et te protège. »

« Et c'est qui ? Et c'est quoi la Chambre de l'Unité ? »

« C'est là où nous nous trouvons. Quant à l'identité de la personne qui t'accompagne depuis toujours, elle est enfouie quelque part, au plus profond de ton inconscient. Elle y est scellée, ce qui fait que tu as oublié chaque moment que tu as passé avec cette personne lors de tes cinq ans. C'est ton père qui l'a scellé. Il a scellé ce souvenir en toi, en cette personne, en sa famille et en Lilith. »

« Mais pourquoi ? »

« Parce que tu n'étais pas censée être amie avec cette personne, aux yeux d'Aiko. Si ton père n'avait pas scellé ces souvenirs, tu aurais tout simplement perdu la raison parce que tu formes avec cette personne un tout complet, et qu'il t'était donc inconsciemment inconcevable de t'éloigner d'elle. Alors, il a fait en sorte que ceux qui la connaissaient tout en te connaissant toi ne se souviennent plus de toi, afin que tes souvenirs ne puissent pas revenir et que tu puisses retrouver cette personne plus tard, naturellement. Le seul souvenir qu'il vous reste, à cette personne et toi, c'est une poinsettia en tissu rouge, sur lequel vous vous êtes faits une promesse. »

« Je... je me souviens de cette fleur en tissu, et de cette promesse... mais j'ai oublié à qui je l'ai faite... pourtant, je n'oublie jamais la moindre promesse qu'on me fait ou que je fais, et encore moins à qui. »

« Tu le sauras, le jour où cette promesse devra être tenue, ou avant. Tes souvenirs et ceux des autres reviendront à ce moment-là. Mais l'âme de cette personne a toujours veillé sur toi, inconsciemment. Elle t'accompagnera toujours. »

« J'ai l'impression que vous dites ça juste pour me rassurer... »

« Il y a de ça, en effet, mais c'est la vérité. Tu ne la devines pas, mais je la sens à chaque fois que nous nous voyons. »

D'un pas hésitant, Mitsune se dirigea vers la colonne de cristal qui représentait son élément, alors que Mini-elle continuait à vociférer la haine et la rage que Mitsune avait terré tout au fond d'elle. Peut-être était-il temps pour elle de commencer à avancer. Shoto le faisait déjà, après tout il avait choisi de faire son apprentissage chez son père, parce qu'il avait reconnu que c'était un bon héros, dans ses actions en tant qu'héros pro, en tout cas. Il avait reconnu son intelligence, sa perspicacité, son jugement en situation de crise... mais elle n'en était pas à ce point. Elle ne le serait jamais. Pendant onze ans, sa mère avait écrasé, brûlé, détruit la moindre petite étincelle de confiance en soi qu'elle avait, la moindre petite trace d'estime de soi. Elle avait piétiné sa fierté, son amour propre. Elle l'avait réduite à une créature de peur, de cendre, de rage, de haine, dépourvue d'humanité, une créature qu'elle avait enfermée au plus profond d'elle-même puis masquée avec son amour pour l'art et son sourire chaleureux. Comment reconnaître à cette femme quoi que ce soit de bien, à partir de là ?

Mitsune avait fui toute sa vie, et voilà où sa course l'avait menée. Dans cette salle où elle ne pouvait plus mentir à elle-même.

« Je... je ne peux pas Kokomi, je suis désolée... je ne peux pas. Je ne veux pas revivre une nouvelle fois ce que j'ai vécu. Elle m'a brisé, elle m'a détruit, de bout en bout. Sans Papa et l'art, jamais je n'aurais survécu. Maintenant que j'ai réussi à me reconstruire, je ne veux pas revivre cet enfer. »

« Tu veux fuir de nouveau. »

« Et je fuirai aussi longtemps qu'il le faudra. Kokomi, comment les dieux grandissent-ils ? »

« Quelle étrange question... c'est Stacia elle-même qui nous élève. Nous n'avons pas de parents, car nos âmes ont été créées par Stacia. Nous pouvons tomber amoureux et avoir des enfants, mais nous donnons naissance à des corps sans âme. Les dieux naissent ainsi. Leur corps est enfanté naturellement par d'autres dieux, et Stacia crée ensuite une âme pour chacun de ces bébés. Mais les dieux veulent continuer à jouir de leur liberté et de leur sérénité, c'est pourquoi c'est Stacia qui élève chacun d'entre nous, jusqu'à ce que nous soyons assez sages et mûrs pour voler de nos propres ailes. Certains ne l'ont pas voulu, et l'ont servi personnellement, même après la perte de sa divinité. Ils ont servi sa famille et, à sa mort, ils ont veillé sur chacun de ses descendants sans interférer dans leur vie, comme le souhaitait Stacia. Les Sept étaient les premiers enfants dont le corps avait été enfanté par des dieux et pas créé par Stacia. Elle nous a élevé avec beaucoup d'amour et, une fois adulte, nous avons choisi de la servir éternellement en remerciement. Elle nous a confié à chacun le pouvoir d'un élément, ainsi que des terres à protéger et faire prospérer. Nous pouvions imposer notre propre idéal divin sur nos terres, mais nous devions toujours respecter les enseignements qu'elle nous avait transmis durant notre croissance. Pour chaque dieu, Stacia a été l'unique source d'amour parental, selon les termes des mortels. Après sa transformation en mortelle, il n'y a plus eu de nouveaux dieux, parce que seule Stacia avait le pouvoir de créer la vie, de créer une âme divine. Beaucoup d'âmes divines se sont réincarnées dans des corps divins engendrés par les dieux, mais ces dieux réincarnés ont été élevés sur Terre, par les divinités qui servent les Sept. »

« Oui, mais vous avez grandi dans la gentillesse, l'amour et la douceur de Stacia. Vous n'avez pas vécu la violence, le rabaissement, les cris, les pleurs, la terreur, les coups, les brûlures à cause de l'acide, les blessures qui saignaient mais que la personne censée être source d'amour se plaisaient à aggraver, seulement parce que vous étiez différents physiquement. C'est ridicule. Avec les alters, certaines personnes ressemblent à des aliens ! Pourquoi, juste parce que j'ai des oreilles, une queue, des crocs et des griffes, je devrais être considérée différemment de ces personnes tout autant éloignées d'un aspect humain mais qui sont pourtant traitées comme tout le monde ?! Vous n'avez pas vécu ça, non. Vous avez vécu la guerre, vous avez affronté la mort, vous vous êtes sacrifiée, mais jamais vous n'avez dû faire face à un enfer provenant de la personne censée vous aimer de tout son coeur, la personne qui vous a mise au monde ! Alors non ! Non, je ne peux pas ! Je ne veux pas revivre tout ça ! »

Kokomi baissa la tête, honteuse. Elle avait connu l'enfer de la guerre, le sang rouge sur l'herbe verte, les corps qui tombaient les uns après les autres, aussi bien des corps mortels que des corps divins, la mort qui nous hantait à chaque pas, la terreur omniprésente de mourir à chaque seconde qui passait... oui, elle avait connu tout ça. Sauf qu'elle l'avait connu alors qu'elle était prête à y faire face. Or, un enfant, même un enfant divin, n'était pas prêt à faire face à une telle violence. Cela pouvait le traumatiser à vie. Ce n'était pas étonnant que l'actuelle Archon Hydro refuse obstinément de revivre ça. Qui le voudrait ?

La première Archon Hydro regarda tristement le symbole de son élément, au-dessus du pilier.

« Stacia, toi qui n'arrêtais pas de dire que l'Homme était bon... comment en sommes-nous arrivés là ? Comment les Hommes en sont arrivés à un tel égoïsme, une telle cruauté ? », songea Kokomi.

Sa meilleure amie avait toujours sincèrement cru en la bonté de l'Homme, parce qu'elle ne les avait pas créés pour qu'ils deviennent mauvais. Elle leur avait laissé leur libre-arbitre, mais quelles dérives de celui-ci avaient pu permettre des actes aussi... en fait, elle n'avait pas les mots.

Elle, elle n'avait jamais eu le même optimisme que l'Archon de la Création. Elle était plus terre-à-terre, plus pragmatique, plus logique. La personne idéale pour diriger militairement les Sept, en soit. Elle savait chaque petit détail relatif à l'art de la guerre, elle était même la meilleure stratège à son époque. Elle connaissait chaque remède qui permettait de guérir, chaque sort de soin. Mais les blessures du cœur et de l'esprit, elle n'avait jamais su les guérir. Elle ne savait pas quoi faire pour aider cette Kitsune au grand cœur, forte mais brisée.

« Je sais que ce n'est qu'une maigre compensation comparé à tout ce que tu as enduré dans ta jeune vie, mais laisse-moi te faire un présent. Cela ne remplacera pas ton passé torturé, mais j'espère que tu y trouveras tout de même un certain réconfort. C'est le moins que je puisse faire, toi qui as tant donné pour les autres sans recevoir l'amour qui t'était dû... »

« Hein ? »

Japon, Tokyo, Yuei, Heights Alliance, bâtiment des secondes A, chambre de Mitsune, 2h

« Kokomi ! », cria Mitsune en se redressant brusquement dans son lit.

La respiration haletante, Mitsune posa la main sur son cœur, comme si cela allait le calmer. Elle avait été éjectée si brusquement de la Chambre de l'Unité... et qu'est-ce-que Kokomi sous-entendait par « présent » ?

Une fois calmée, elle prit une seconde pour se repérer. Elle était consciente, ça c'était certain, même si elle avait été plongée dans un sommeil reposant la première et dernière fois qu'elle avait quitté la Chambre de l'Unité. Pourquoi était-elle réveillée ? Et, d'ailleurs, qu'est-ce-qu'elle fichait sur son lit, sous sa forme humaine ? Elle ne se souvenait pas de s'être couchée la veille...

Doucement, elle écarta les couvertures dans lesquelles elle était et se rendit sur son balcon pour profiter de l'air nocturne. Shoto l'avait sans doute endormi à coup de caresses derrière l'oreille. Cela la détendait tellement qu'elle s'endormait quand elle était trop fatiguée. Et, si son corps était reposé, son esprit était très loin de l'être. Il ne l'avait jamais vraiment été de toute manière, ce qui expliquait sa célèbre tendance à s'endormir en un clin d'œil.

« Foxy, tu ne dors pas ? », fit la voix murmurante de Fenrir.

Mitsune ne répondit pas et son meilleur ami vint l'enlacer avec une infinie douceur.

« Je t'ai entendu crier ton prénom d'Archon. Quelque chose ne va pas ? »

« Ce n'est pas mon prénom d'Archon que je criais. Enfin si, mais non. »

« Encore la Nymphe Watatsumi ? Qu'est-ce-qu'elle t'a dit, cette fois ? »

Mitsune soupira, ses attributs de Kitsune bas.

« Elle m'a juste fait prendre conscience de la vérité. J'ai fui toute ma vie mon passé. Tu sais, comment j'étais, avant. Dans l'état déplorable que j'étais. J'étais une fille sans foi ni loi, une créature de rage, de haine, envers quasiment toute l'humanité. Je les blâmais de m'avoir laissé souffrir, de ne pas voir à quel point ce monde était pourri ! Et j'ai beau croire fermement que personne ne naît mauvais, une part de moi est persuadée que ce monde est pourri jusqu'à la moelle et qu'il doit être purgé par le sang. Je... j'aime le monde, mais je le haïs plus que tout en même temps. Je veux sauver les gens, et je veux tous les tuer ! Je veux pacifier ce monde, mais je veux le faire saigner à blanc !! Je veux unir les gens, et je veux les voir s'entre-déchirer !! Je ne veux pas me venger, et je veux me venger !! Tous les humains ne sont pas pareils, mais ils sont tous cruels !! L'Homme est bon, l'Homme est foutu et pourri !! »

Comme mû par son instinct, Fenrir se détacha prudemment de Mitsune, alors que sa voix était de plus en plus empreinte de folie et qu'elle tremblait. Il avait l'impression que son esprit sombrait dans la démence, il le sentait. La bouée inconsciente qui empêchait son esprit brisé de sombrer dans la folie s'était évaporée. Il se doutait bien que ce n'était pas la faute de Kokomi. Mitsune avait réalisé par elle-même qu'elle avait fui toute sa vie, qu'elle s'était menti toute sa vie. Kokomi avait simplement tenté de la guider vers l'harmonisation de soi, l'harmonisation entre sa part guerrière et sa part artiste et pacifique.

« Mani ! Va chercher Shoto ! Tout de suite ! »

« A-Aye !! »

« Tuer... non, non... pas tuer, je dois unir les gens. Je dois les unir... pourquoi les unir ? Ils sont tous mauvais de toute manière ! Je vais faire saigner ce monde ! »

« Foxy ! Calme-toi ! », s'écria Fenrir.

Mais c'était comme si elle ne l'écoutait pas, comme si elle ne l'entendait pas. Elle était en train de perdre le contrôle, d'une manière inédite et dont il ne voulait sincèrement pas connaître la finalité. Elle se tenait la tête entre les mains alors que son esprit était complètement déséquilibré, happé par ce monstre enfantin que Mitsune avait vu dans la Chambre de l'Unité, happé par ce monstre qu'Aiko avait créé.

Par mesure de précaution, Fenrir passa en mode sauvage, se sentant soulagé que la pierre qu'il avait récupéré à Mondstadt garde sous contrôle sa part animale malgré la nuit.

« Foxy ! Calme-toi ! Tu n'es pas ce monstre assoiffé de vengeance ! Tu es une Kitsune ! Tu es gentille, pleine d'énergie, courageuse, altruiste, généreuse, toujours prompte à aider les autres, capable d'unir tout le monde avec un sourire ! Tu sais que tu ne veux pas tuer, que tu ne veux pas de cette vengeance ! N'écoute pas ce monstre qu'Aiko a créé ! Ce monstre, ce n'est pas toi ! Alors réveille-toi ! »

Elle resta sourde à ses supplications. Fenrir grogna d'impuissance en sortant ses griffes, prêt à attaquer si jamais elle se jetait sur lui pour faire de lui sa première (et peut-être dernière, à cause du lien) victime.

Soudainement, toute la pièce fut prise dans les glaces, en un clignement d'yeux. Le temps d'un souffle, une glace toute blanche et brûlante de froid avait recouvert la chambre, y compris le balcon, en passant par les pieds de Mitsune, la bloquant ainsi au cas où elle aurait envie de prendre la poudre d'escampette.

« Sweetie, je suis là. »

« Sweetie ? Depuis quand il l'appelle comme ça ? », releva Fenrir.

Shoto souffla sur une mèche bicolore qui lui tombait sur les yeux, tout en rejoignant lentement sa liée, qui continuait à marmonner sur la cruauté des Hommes et la nécessité de purger ce monde. Les véritables valeurs de la Kitsune brillaient de plus en plus par leur absence dans les propos de l'aînée des Shiota, ce qui était mauvais signe. Très mauvais signe.

« Sweetie écoute-moi ! », tonna Shoto, assez fort pour la faire sursauter.

Izuku et Fenrir mirent leurs mains sur leurs oreilles, la voix de Shoto ayant probablement réveillé toute la ville. La blonde se tourna, tremblante, et ses yeux bleus leur semblèrent ternes, tout d'un coup. Ils ne brillaient plus, ils étaient fades.

« Sweetie, c'est moi. C'est moi, Shoto Todoroki, ton lié. Ton lié qui a vécu presque la même chose que toi. Tu n'es pas seule, d'accord ? Tu n'es pas seule. Nous sommes là, je suis là. Je serai toujours là, je te l'ai promis. Je ne t'abandonnerai jamais, alors n'abandonne pas tes principes à cause de cette rage et de cette haine en toi ! Tu es plus forte que ça ! Tu as toujours ris au nez de tes démons, de tes peurs, alors ne flanche pas maintenant ! Moi non plus, je ne veux pas te perdre ! Moi aussi, je ne serai rien sans toi ! Alors, ne me laisse pas seul... ne me laisse pas... ne m'abandonne pas. »

Shoto serra la mâchoire pour s'empêcher de pleurer, mais une larme s'échappa quand même, avant de se geler instantanément à cause du froid mordant, qui commençait à faire éternuer Izuku et Fenrir. Il l'effaça sans délicatesse, sentant que son discours n'avait pas eu l'effet escompté sur l'élue de son cœur. Il devait essayer autre chose, avant qu'elle ne perde définitivement pied.

Avec sa main gauche, il créa une corde de feu qui arracha Mitsune à la glace pour la propulser dans ses bras. Sans attendre, Shoto l'embrassa avec le fameux Baiser de la Mort, celui-là même qui l'avait sauvé à Hosu et qui l'avait sauvé lui à Mondstadt. Elle se débattit de toutes ses forces mais il la plaqua brusquement contre un mur gelé, bloquant les bras et les jambes de sa belle avec des cordes de feu qui gelèrent aussitôt, de sorte à l'emprisonner de tous les côtés. Gênés et gelés, Fenrir et Izuku décidèrent de sortir de la pièce mais restèrent dans le couloir malgré tout, après avoir fermé la porte.

Shoto se colla un peu plus contre sa liée, qui tentait de se libérer des cordes gelées et du baiser du bicolore. Il laissa son désir, son amour pour elle filtrer à travers le baiser, ondulant presque involontairement contre elle. Si elle devait perdre pied, soit. Mais ce serait de la manière dont il l'aurait décidé !

Après quelques dizaines de secondes, il entendit les cordes de glace exploser. Il n'eut pas le temps de réagir que des mains fines et douces se glissaient dans sa chevelure mélangée, y passant et repassant frénétiquement alors qu'elle lui rendait ardemment son baiser. Cependant, cela ne dura pas longtemps car Shoto dût se détacher, à bout de souffle. Mitsune grogna de mécontentement et reprit aussitôt ses lèvres, enroulant des longues jambes autour de la taille du jeune Todoroki. Celui-ci se laissa faire quelques secondes, puis descendit ses baisers vers la nuque découverte de la blonde. Elle balança la tête en arrière, haletante, alors que des gémissements sortaient de sa bouche.

« Encore... »

« Encore quoi, Sweetie ? », fit Shoto avec un sourire en coin, sentant que le « monstre » en Mitsune s'était rendormi.

Il fit rouler sa langue sur la douce peau de sa nuque et elle gémit longuement. En même temps, il posa sa main gauche sur le mur gelé et fit disparaître en un clin d'œil la glace. Comme Mitsune la fois précédente, il verrouilla porte et fenêtres avant de fermer les rideaux avec un ruban de feu recouvert d'une fine couche de glace, afin qu'il ne brûle rien.

Il souleva ensuite sa liée par les cuisses pour mieux la plaquer contre le mur puis la dévêtit de son vêtement de nuit, qu'il envoya quelque part dans la pièce. Il laissa ses lèvres se perdre dans la si douce poitrine de sa belle, qui soupira avant de lâcher un petit cri quand il commença à la titiller avec ses lèvres, ses dents, sa langue.

« Inari... », gémit Mitsune.

Ayant un peu étudié les coutumes des Kitsunes, Shoto se souvint de la valeur de ce surnom. Il rougit intensément et arrêta ses attentions pour remonter vers le visage de sa belle.

« Shosho, Perce-Neige, et maintenant Inari ? J'ai droit à tout une pléthore de surnoms, on dirait... », lui susurra Shoto.

En réponse, elle écrasa sa bouche contre celle du bicolore, et il répondit avec enthousiasme à ce baiser sans aucune douceur. Sans rompre leur échange, il mit ses mains sous ses fesses pour pouvoir la porter. Il l'allongea avec douceur sur son lit et se débarrassa de son propre haut.

« Tu vas voir, je vais bien m'occuper de toi, Sweetie... »

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