Chapitre 66 : Un style de danse embarrassant

Japon, Tokyo, Liones Academy, salle de danse, 16 août 2500, 10h

(anglais, français)

« Tu en as mis du temps, jolie Mitsune. Je pensais que tu allais me poser un autre lapin ! », fit une voix masculine, lorsque Mitsune entra avec Shoto dans la salle.

« Désolée... avoir... euh... j'avais des affaires personnelles à régler, mais je suis là maintenant. », s'excusa Mitsune.

Le grand jeune homme aux cheveux blonds et aux yeux noirs lui fit un petit sourire moqueur. Ses cheveux étaient plaqués en arrière avec du gel, dévoilant les parties rasées de son crâne, à gauche et à droite. Il portait beaucoup de maquillage noir autour des yeux et une tenue de sport grise et noire. A côté de lui, il y avait une jolie jeune fille aux cheveux bruns et aux yeux verts. Ils avaient tous les deux dans la vingtaine.

« Cela arrive ! Vous allez pouvoir vous mettre au travail, désormais ! », sourit la fille.

« Elle a raison. Et si on commençait par s'échauffer ? »

« Mitsu, tu comprends ce qu'ils disent ? », interrogea Shoto.

« Oui ! Mais j'ai du mal à parler français. Je reste compréhensible mais, malgré tous mes efforts, je n'arrive pas à parler français couramment. Je vais vous présenter en anglais. Lyla, je vais bien articuler et ne pas parler trop vite pour que tu puisses comprendre. »

« Désolée d'être un fardeau quand il est question de parler anglais... », soupira la brune.

« Ce n'est pas grave, je suis un fardeau en français aussi. Shoto, voici Jay et Lyla. Lyla joue à la secrétaire pour Antoine, le manager de Jay, quand Charlotte, sa secrétaire, est malade ou encore qu'elle a besoin d'aide. Jay, Lyla, voici Shoto, un ami à moi. Au même titre que Wolfy, il est mon lié. »

« Enchanté ! », s'inclina Jay, à la manière des Japonais.

« Ravie de te rencontrer ! », sourit Lyla.

« De même. », répondit Shoto.

« Mettons-nous au travail. Nous n'avons plus beaucoup de temps avant le festival. »

Mitsune hocha la tête, alors que le visage de Shoto se ferma. Il ne comprenait pas ce que Jay venait de dire, mais il avait clairement perçu le ton et le regard séducteurs de la rockstar. Lyla aussi, car sa mâchoire se serra de jalousie.

« OK... mais pas perdre temps à séduire moi. Ne pas prendre avec moi. Argh... français à moi horrible... », gémit Mitsune. « Je vais rester à l'anglais, c'est plus joli à l'oreille. Bref, il me semble que Lyla est ta petite amie, non ? Tu perds ton temps avec ton attitude séductrice, alors que tu as une copine aussi extra. »

« C'est la personnalité de Jay, même s'il est différent quand il quitte son masque de star. », soupira Lyla, qui avait saisi l'essentiel de la déclaration de la blonde.

« Oui eh bien, il devrait se comporter autrement. Il va finir par te perdre sinon. On peut être sérieux, Jay ? »

« Je suis toujours sérieux quand il s'agit de travailler. »

« Alors, range ton côté séducteur au placard. Cela marche sans doute sur scène, mais on est entre nous. Je ne sais pas comment tu es dans la vie réelle, mais je me souviens de toi comme quelqu'un qui adore la musique et qui est très travailleur et perfectionniste dans ce domaine. C'est ça, qui m'intéresse actuellement. »

« Comment tu peux savoir tout ça ? », demanda soudainement Lyla. « Antoine ne m'a jamais dit que tu avais connu Jay en personne avant... et comment tu sais qu'on est ensemble ? Avant qu'on échange des mails en vue de cet événement, on ne s'était jamais parlées toutes les deux. »

« Je suis une Kitsune. Avec le temps, j'ai appris à connaître le nom, la personnalité, l'âge, l'alter et la profession d'une personne juste en la regardant. Et, honnêtement, je ne vois pas ce que gagne Jay à séduire une fille de quatre ans plus jeune que lui, quand il a une copine comme toi. Et aussi, je sais reconnaître les gens qui sont aussi travailleurs que moi dans le domaine artistique, en plus du fait que Wolfy et moi avons discuté un peu avec lui il y a deux ans. »

« Bon, on va vous laisser travailler. Mitsu, je reste dans la salle au besoin, j'ai apporté des livres qui devraient m'aider avec mon alter, donc je ne vous dérangerai pas. »

« J'ai des choses à régler pour Antoine, mais je resterai à proximité de la salle de danse si vous avez besoin de moi. », renchérit Lyla.

Les deux artistes hochèrent la tête et Lyla quitta, tandis que Shoto alla s'installer dans un coin avec son sac de cours rempli de livres, de sorte à ne pas les gêner. Jay et Mitsune s'assirent par terre pour discuter un peu de ce qu'ils allaient faire. Ils devaient monter sur scène durant le concert de l'après-midi, ils en faisaient l'ouverture. Mitsune avait ensuite plusieurs chansons à interpréter, bien qu'elle n'avait pas encore décidé lesquelles.

« C'est une chanson que je n'ai encore jamais interprété. On peut la transformer en duo et préparer une petite mise en scène avec un peu de danse. », proposa Jay en indiquant une chanson dans son porte-vue.

« Tu as déjà une idée de ce que tu veux comme mise en scène ? », demanda la Kitsune en lisant la chanson, fredonnant la mélodie à l'aide de la partition qui était avec.

« J'y avais déjà réfléchi, pour être honnête. Je voulais l'interpréter à mon prochain concert. Tu veux partir sur cette chanson ? »

« Je ne sais pas, j'essaie simplement de me projeter. Il faut faire ce qui est le plus simple pour nous, et je ne pense pas que tu arriverais à apprendre une de mes chansons en moins de quinze jours. Il faudrait que tu t'y mettes à fond, et on n'aurait pas le temps de préparer une mise en scène. »

« Monsieur Liones a dit à mon père que tu apprenais vite, ce sera plus simple pour toi d'apprendre une de mes chansons que l'inverse... »

« C'est ça. Ce qui risque d'être plus difficile, c'est la mise en scène. Je n'ai encore jamais fait de chansons ou de danses dans ton registre. Enfin si, dans le cadre des cours, mais, au niveau de la danse, ça n'allait pas du tout. J'avais l'air d'un balais ! »

« Je suis certain que tu exagères. J'ai vu quelques vidéos de tes danses que tu as envoyé à Lyla, et tu danses vraiment bien. »

« Je t'assure que, dans ton registre, je suis une calamité. »

Jay haussa un sourcil, sceptique, et Mitsune sut qu'elle ne pourrait le convaincre sans une démonstration.

« J'aimerais bien voir si tu es vraiment aussi nulle que tu le prétends. C'est peut-être juste un détail a travaillé. »

« Argh ! Plus jamais je ne danserai dans ce registre ! C'est super gênant ! », gémit Mitsune, devenant toute rouge.

« Parce que tu es nulle ou parce que tu trouves les mouvements en eux-mêmes gênants ? »

« Les deux... »

« J'aimerais quand même voir ce que ça donne, si tu veux bien. J'arriverai peut-être à trouver ce qui ne va pas réellement. Qu'on fasse une danse dans ce registre pour le festival ou non, cela pourra toujours t'être utile plus tard. »

Elle considéra ses arguments un instant, puis abdiqua. Il avait raison, même si elle était mortifiée à l'idée de faire une telle chose devant Shoto, bien qu'il était absorbé par son livre.

Dans un soupir, elle se leva puis s'éloigna un peu. Complètement gênée, elle exécuta quelques mouvements qu'elle aurait qualifié de « sensuel » chez quelqu'un qui savait les faire mais de « gênants » et « honteux » chez elle. Shoto ne put résister à la curiosité et leva légèrement les yeux de son livre pour la regarder. Elle était clairement tendue et ses mouvements n'avaient rien de fluide ou de naturel, comme il avait pu les voir si souvent, aussi bien quand elle combattait que lorsqu'elle dansait ou dans la vie de tous les jours. Cependant, il la trouvait malgré tout infiniment gracieuse, belle et élégante.

« Comme toujours... »

Shoto secoua vivement la tête pour chasser cette pensée ô combien véridique mais gênante et se força à se replonger dans son livre. Contrairement à ce qu'il pensait, Mitsune n'avait pas réagi à ses pensées, car elle ne les avait pas entendues. Le lien avait compris bien avant lui qu'il ne regardait plus Mitsune de la même façon qu'avant. Pourtant, Mitsune avait perçu qu'il trouvait son sourire trop beau pour qu'elle le perde. Sans doute l'avait-il trouvé éblouissant dès le championnat, quand elle était montée sur scène, bien avant qu'ils ne deviennent amis. N'importe qui dirait la même chose sur la blonde : son sourire pouvait faire fondre le plus gelé des coeurs.

Conscient que ses pensées commençaient de nouveau à divaguer dangereusement, il prit une profonde inspiration et se reconcentra sur son livre. Naturellement, il lui serait plus aisé d'étudier dans un lieu plus propice, comme la bibliothèque, mais il refusait de quitter la pièce tant que Jay y serait, bien qu'il se refusait d'en identifier la raison.

Jay, lui, sourit légèrement alors que la blonde revenait vers lui. Il n'était pas chorégraphe, mais il trouvait la jeune Shiota bien dure envers elle-même.

« Franchement, tu exagères. Ce n'était pas si mal, tu es juste trop tendue parce que ce style de danse te gêne horriblement. Tu dois juste te détendre et laisser parler ton corps. »

« Même pas en rêve ! Tu y es peut-être habitué, mais pas moi. »

« Je pense que, ce qui te gêne vraiment actuellement, c'est de danser de manière aussi osée devant le beau garçon là-bas ! », se moqua Jay, faisant exprès de ne pas parler anglais pour que Shoto ne puisse le comprendre, dans le cas où il écouterait d'une oreille distraite.

Mitsune rougit mais nia aussitôt en anglais, argumentant que cela l'avait toujours gênée de travailler ainsi. Ce n'était pas la première fois qu'on lui disait qu'elle était trop tendue à cause de la gêne.

« Je n'ai pas dit que le style de danse en lui-même ne te gênait pas, juste que cela en rajoute. Que ce soit lui spécifiquement ou les autres plus généralement, cela te gêne juste de présenter une facette plus... femme de toi. Je le conçois tout à fait, donc c'est à toi de voir si tu veux tenter le coup ou pas. On doit s'adapter aux talents de chacun, c'est comme ça qu'on réalise un vrai travail de groupe. »

« Je... je vais y réfléchir. En attendant, je te propose qu'on passe un jour ou deux à travailler la chanson. Peut-être que des idées de mise en scène nous viendront par la suite. »

Jay accepta cette proposition et il alla récupérer sa guitare, pendant que Mitsune commençait à s'imprégner des paroles et des notes inscrites sur la partition. Le festival était dans une quinzaine de jours, le trente-et-un août. Ils devaient exploiter ce cours laps de temps au mieux.

Japon, Tokyo, Liones Academy, salle de danse, 21 août 2500, 10h

« Non, je n'y arrive vraiment pas... », abandonna Mitsune en s'éloignant de Jay.

La rockstar française lui proposa de faire une pause, ce qu'elle accepta avec plaisir. Après deux jours à travailler intensément sur l'interprétation de la chanson en elle-même, Mitsune avait décidé de s'essayer de nouveau au style de danse qui allait le mieux avec. Elle n'avait rien à perdre, alors, en artiste persévérante qu'elle était, Jay et elle s'entraînaient depuis plus de deux jours, sans que la Kitsune ne fasse le moindre progrès. Elle n'arrivait juste pas à se débarrasser de la gêne qu'elle éprouvait rien qu'à l'idée d'exécuter ce genre de mouvements. Pourtant, le seul mouvement de ce style durait une dizaine de secondes, le reste relevait de mouvements qu'elle avait déjà fait, essentiellement avec Fenrir, quand elle jouait une fille amoureuse de quelqu'un d'autre ou de mouvements très basiques et visibles dans tout type de danse. Jay avait fait exprès d'imaginer une chorégraphie qui serait encore plus soft que ce qu'il avait l'habitude de faire, qui était lui-même bien plus soft que ce que d'autres artistes du même genre musical pouvaient faire. Et, bien évidemment, c'était précisément ce passage qui ne passait pas.

« Tu veux réessayer ? », proposa Jay après quelques minutes.

« Je ne vois pas l'intérêt de s'acharner, désolée Jay. »

« Il n'y a pas de mal. », lui sourit le blond. « Mais j'aimerais quand même essayer un dernier truc avant qu'on jette l'éponge. »

Mitsune haussa un sourcil, perplexe, et la star française lui fit le sourire qu'elle-même faisait à ses liés à chaque fois qu'elle leur signifiait de lui faire confiance. Jay se leva, faisant signe à Mitsune de faire de même. Elle l'imita puis Jay interpella Shoto, toujours en train d'étudier des livres sur son alter, s'efforçant de rester concentré.

« Qu'est-ce-qu'il y a ? », demanda le bicolore en levant la tête, sortant de sa lecture.

Voyant l'air perplexe de sa liée, il reformula sa demande en anglais puisque c'était Jay qui l'avait appelé.

« Tu as quelques minutes à nous accorder ou tu dois encore étudier ? »

En réponse, le jeune Todoroki referma son livre après en avoir plié le coin pour pouvoir retrouver sa page ensuite. Il le posa au sol puis se leva pour rejoindre les deux artistes. Il ébouriffa affectueusement les cheveux de sa liée, noués en tresse lâche dans son dos, dans une tentative pour la réconforter du dépit qu'il voyait sur son visage. Il s'était efforcé de ne plus prêter attention à ce qu'ils faisaient, à la fois pour ne pas les déranger et aussi pour ne pas avoir à se questionner tout de suite sur ses réels sentiments pour la blonde. Il n'avait jamais connu l'amour, alors il attendait de pouvoir en discuter avec sa mère ou sa sœur. Pour le moment, sa priorité était de distraire sa liée pour qu'elle accepte le fait qu'elle ne pouvait agir tout de suite contre Nyx. Décoiffée, Mitsune protesta et tenta de replacer ses mèches, une incroyable bouffée de tendresse pour le bicolore montant en elle.

Jay ne perdit pas une seule miette de cette démonstration d'affection. Le peu de fois qu'il avait parlé avec Shoto, il avait fait preuve de beaucoup de neutralité, il ne montrait aucune émotion. Les seules qu'il daignait montrer étaient lorsqu'il s'adressait directement à la Kitsune. Et pour avoir vu les yeux de Lyla quand elle le regardait avec amour et tendresse, il était parfaitement en mesure de dire que le bicolore était amoureux de la blonde.

« Et elle aussi. », comprit Jay en voyant le regard et le sourire lumineux et doux que Mitsune adressait à son lié.

« Vous avez besoin de moi ? », demanda finalement Shoto. « Je dois t'avertir, Jay, que je suis très loin d'être un bon chanteur ou danseur, Mitsu peut en témoigner. »

« Tu t'en sors bien, je trouve ! », le défendit la concernée. « C'est sûr que tu ne peux avoir la dextérité des élèves de Liones, mais j'ai vu bien pire que toi au niveau de la danse. Le chant, je ne peux pas juger, je ne t'ai jamais entendu chanter. »

« Je ne suis pas très doué. »

« Lyla est exécrable en chant, c'est pire qu'une casserole ! », rigola Jay. « Pourtant, le plus beau cadeau qu'elle m'ait fait jusqu'à présent, en plus de son amour, c'était la reprise d'une de mes chansons qu'elle avait enregistré pour Noël. Elle l'avait chanté elle-même et l'avait fait avec beaucoup de patience. C'était horrible objectivement parlant, mais c'était tellement parfait à mes yeux. Elle ne pouvait pas me faire plus plaisir. Chaque jour, je découvre quelque chose qui me fait l'aimer encore plus et... »

« Je t'arrête tout de suite dans tes envolées lyriques Jay, on a autre chose à faire. », le coupa Mitsune.

Jay rit légèrement avant d'adresser un regard insistant de Shoto, qui détourna le regard, tentant de masquer sa gêne. Il n'avait jamais trouvé qu'il chantait particulièrement bien, mais il ne put s'empêcher de se demander durant une seconde si sa liée aimerait qu'il chante pour elle.

« Quand tu veux, je ne dirais jamais non ! », lui sourit la Kitsune.

« Euh ouais, bon... je vais y réfléchir... », marmonna Shoto.

Brièvement, Jay expliqua alors le problème qu'il rencontrait au jeune apprenti-héros. Cependant, celui-ci ne voyait vraiment pas ce qu'il avait à voir là-dedans. Et il commençait à avoir peur de découvrir ce que le Français avait en tête.

Il eut bien raison...

« Je voudrais que tu prennes ma place pour le mouvement qui pose problème à Mitsune. J'aimerais voir si le problème est toujours là si on change de partenaire. »

« J'ai longtemps essayé avec Wolfy, et j'en suis toujours au même point. », souligna Mitsune.

« D'après lui, le lien que tu as avec lui et celui que tu as avec Shoto est différent. Apparemment, le jeune Todoroki a plus d'emprise sur toi que quiconque. »

« Ah bon ?! »

« J'avoue que ça m'a souvent surpris. », admit le concerné. « Mais c'est uniquement parce que j'ai appris à décoder sa façon de penser, et que je n'ai pas peur de me faire mordre, au sens propre comme au figuré. »

« Bah merci ! », s'offusqua faussement la blonde.

« Tu sais très bien que j'ai raison. Cependant, je ne vois pas en quoi cette légère différence pourrait faire un miracle. Si Mitsu n'est pas prête à danser comme ça, c'est son choix. Cela ne sert à rien de forcer les choses. », émit Shoto en avançant d'un pas, intimant muettement à Jay que, s'il comptait forcer sa lié, il devrait d'abord lui passer sur le corps.

« C'est justement pour ça que je veux que tu essaies, pour qu'on voit si c'est un problème de partenaire ou bien un problème davantage lié à elle-même. », répondit cependant Jay, sans se laisser démonter.

Shoto regarda sa liée, requérant son avis. Il ne comptait certainement pas accepter si elle ne voulait pas essayer.

« Ma persévérance finira par me perdre un jour... »

« Depuis quand la persévérance cause la perte de quelqu'un ? », voulut savoir Shoto. « C'est quelque chose de bien, au contraire. »

« J'ai inondé tout Mondstadt à force d'essayer de contrôler de grosses quantités d'eau pendant mon entraînement. Jean a eu du travail par-dessus la tête pendant des jours, déjà qu'elle est débordée en temps normal. », soupira Mitsune, dépitée.

Sentant sa stupéfaction et la lisant dans ses yeux légèrement écarquillés, elle ne put s'empêcher d'éclater de rire. Et lui ne put s'empêcher de sourire en entendant son rire cristallin. Une fois qu'ils se furent calmés, Mitsune déclara en anglais qu'elle voulait bien si Shoto acceptait. Ce dernier hocha la tête, bien que ne sachant pas quoi faire.

« Reste juste debout, face à Mitsune. Elle sait ce qu'elle a à faire, en théorie. »

Les deux liés hochèrent la tête de concert, indiquant qu'ils avaient compris. Shoto fit donc ce que Jay lui avait dit, un peu anxieux de savoir en quoi consistait ce fameux mouvement. Mitsune se mit à faire les cent pas, encore plus angoissée de faire ce mouvement avec Shoto qu'avec Jay. Percevant évidemment cette angoisse, qu'il mit sur le compte du fait qu'elle devait danser avec un novice pour faire un mouvement qui lui posait déjà problème avec un professionnel, Shoto lui envoya une vague d'apaisement avant d'échanger avec elle par télépathie.

« Tu n'es pas obligée, tu sais. Je ne t'en voudrais pas, ne t'en fais pas. Je ne veux pas que tu te forces si tu ne veux pas. », lui dit gentiment Shoto.

« Si si, je dois au moins essayer. C'est juste que... je ne sais pas trop... faire ce mouvement m'angoisse déjà assez, j'ai peur de faire quelque chose de mal sans le faire exprès, de te gêner sans le faire exprès. Et je ne veux pas que ça arrive, parce que tu vas fuir après, je te connais. Et je sais que ça va arriver, parce que ce mouvement est ultra gênant à faire avec quelqu'un que je connais tout juste, alors avec quelqu'un avec qui je suis liée... »

« Si tu veux vraiment le faire, je te promets de ne pas fuir si je suis gêné... pour cette fois. Cela te peine que je parte quand je suis gêné ? »

« Non, c'est drôle en général. Mais là, si ça foire et que tu fuis, je crois que je vais mal le prendre. », admit Mitsune, mi-figue mi-raisin.

« Je ne fuirai pas alors, cette fois. Je viens de te le promettre. Et je connais très bien la valeur des promesses pour toi, donc je ne te la fais pas à la légère. »

Elle ne répondit pas mais il sentit sa reconnaissance et sa fierté de l'avoir comme lié, ce qui le fit un peu rougir. Jay, attendant patiemment que sa partenaire de chant se mette en mouvement, s'écarta dès qu'elle amorça un pas décidé vers Shoto. Elle se plaça face à lui et se mit lentement dos à lui, pour ne pas trop le surprendre dans sa manœuvre. Le rouge lui montait aux joues rien qu'à l'idée d'imaginer faire ce mouvement, mais elle se fustigea en se disant qu'elle avait vécu bien, bien pire qu'une simple gêne à cause d'un mouvement de danse.

Doucement, sensuellement aurait dit Shoto, elle descendit en ondulant presque contre son corps. Un mince espace devait normalement les séparer encore, un espace assez fin pour que les deux danseurs puissent paraître collés l'un à l'autre mais assez épais pour assurer aux plus observateurs que la proximité était seulement simulée. Cependant, sans même que les deux liés ne s'en rendent compte, leurs corps se collèrent d'eux-mêmes l'un à l'autre, si bien que Shoto sentit très vite que tenir sa promesse allait être beaucoup plus compliqué que prévu.

La manœuvre ne dura que quelques secondes, nécessaires à Mitsune pour finir accroupie au sol, avant que Shoto ne joigne machinalement leurs mains gauches et ne fasse pivoter la blonde face à lui. Profitant du geste, qui faisait partie de la chorégraphie, Mitsune poursuivit la danse en se relevant exactement comme c'était prévu. Elle se retrouva alors complètement écrasée contre le torse du bicolore.

Le mouvement avait duré seulement quelques secondes, mais il avait suffi à éveiller une sensation étrange chez les deux liés rouge tomate, qui ne la ressentirent alors pas chez l'autre. Leurs corps se réchauffaient tandis que leur bas-ventre se tordait, comme pris à un feu intarissable. Leur souffle était court, leurs pupilles éclipsant la couleur de leurs iris et les crocs de Mitsune s'allongèrent légèrement. La blonde, qui connaissait les signes chez elle mais ne les attendait pas si tôt, voulut se détacher avant de faire une bêtise, mais Shoto l'en empêcha. Elle sentit la bosse contre son entrejambe, ce qui la fit devenir presque violette tant elle rougissait.

« Shosho ? », lui murmura-t-elle.

« Je... désolé... », souffla Shoto d'une voix rauque. « Je sais que... si on se détache... je vais fuir... pour mourir de honte... quelque part... »

« Alors... ça... je te l'interdis. Fuis, mais ne meurs pas. »

« Je suis nul... »

« Non, normal... je t'avais dit... que ce serait gênant. »

Cette fois, lorsqu'elle voulut se détacher, il la laissa faire. Il lui adressa un regard complètement gêné mais noir de quelque chose qui la fit frisonner d'envie, puis quitta en catastrophe la pièce en direction des toilettes pour hommes. Mitsune, elle, se téléporta dans son atelier, où elle s'y enferma à clé, après avoir averti Jay qu'elle reviendrait dans quelques minutes.

« Pourquoi ça arrive maintenant ? L'apogée de ma saison des amours est à la fin de l'été normalement... », murmura Mitsune pour elle-même.

Elle s'enveloppa d'un tourbillon d'eau glacée qui la fit violemment frissonner mais l'aida à reprendre ses esprits. Elle ne savait pas si c'était réel ou pas, mais elle avait senti une différence par rapport à quand elle avait fait cette manœuvre avec Jay. Les mouvements avaient été parfaitement fluides, et pas saccadés comme avec Jay. Cette fois-ci, elle s'était sentie beaucoup plus détendue, bien que toujours aussi gênée, et aussi plus assurée. Et, tout au fond d'elle-même, elle appréciait tout particulièrement la façon dont Shoto avait réagi. Il lui plaisait indéniablement, Nereus l'avait forcée à se l'avouer, mais, si jamais sa propre réaction n'avait pas de lien avec la fin de la saison des amours, alors son attirance pour le bicolore allait bien plus loin qu'un simple coup de cœur.

Elle s'évertua à chasser ses pensées malsaines, qu'elle pensait maintenir cacher à Shoto en fermant son esprit alors qu'il s'agissait juste du lien qui empêchait ce type d'échange. Après avoir repris la maîtrise d'elle-même, elle retourna dans la salle de danse. A son grand bonheur, Jay ne lui fit aucune remarque sur ce qu'il s'était passé, se contentant simplement de dire que le problème, à part sa gêne, était le partenaire, sans développer.

« J'ai appris de Lyla que tu maîtrisais les illusions. Tu saurais en faire en plein show, histoire de tromper le public ? Comme ça, le public sera content et tu ne te ridiculiseras pas sur scène. On ferait d'une pierre deux coups... »

Comprenant instantanément où il voulait en venir, Mitsune eut un petit sourire en coin.

« Je peux faire bien plus que de petites illusions scéniques, donc ce ne sera pas un problème. »

« Dans ce cas, je te propose qu'on travaille le reste de la mise en scène. Demain, on répétera le tout pour s'accorder et ajuster ce qui doit l'être. »

« Et ensuite ? »

« Ensuite, tu pourras te consacrer à préparer tes propres shows. On fait comme ça ? »

« On fait comme ça ! Au travail ! »

« Ça marche ! Ou, comme vous dite au Japon, aye ! »

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