Chapitre 41 : L'histoire de Shoto Todoroki
Mondstadt, Montagnes du guet, camp de Yuei, 21 juillet 2500, 19h
« Mitsune ? »
Occupée à préparer des cocktails énergisants pour sa classe, épuisée par leur entraînement du jour, Mitsune dressa les oreilles, indiquant à son interlocuteur qu'elle l'écoutait.
« Est-ce-que ça va ? »
« On est liés, tu devrais le sentir si je vais bien, non ? »
« Sauf que tu me bloques tes pensées et ton coeur actuellement. Donc je ne sais pas si tu vas vraiment bien ou si tu fais bonne figure. », justifia Shoto. « Je sais que tu as beaucoup souffert ce matin, je l'ai senti... »
« Je le sais, mais je vais mieux. », mentit Mitsune en se concentrant sur son shaker, emprunté au Boar Hat.
« Je suis désolé de ne pas être venu pour t'aider... »
« Tu avais ton propre entraînement à faire, et Miko impose le respect, c'est souvent impossible d'aller contre ses ordres. Et elle vous avait dit de ne surtout pas venir, que si je souffrais, c'était normal... en parlant d'entraînement ! Comment cela s'est passé pour toi ? »
Shoto ne répondit pas tout de suite, parfaitement conscient qu'elle n'allait pas bien et qu'elle essayait juste de détourner la conversation.
« Si tu vas vraiment bien, cesse de me bloquer tes pensées et ton coeur. Tu ne dois pas avoir peur de partager tes problèmes avec moi. Je suis ton lié Mitsune. Si tu as besoin de parler, je suis là. »
« Shoto, je vais bien. Je n'ai juste pas une histoire très joyeuse. Tu le sais, mon... mon père est dans le coma et je déteste ma génitrice. Toi, ta mère est à l'hôpital et tu détestes ton père. Tu devrais comprendre un minimum, non ?! »
« Justement. Je peux te comprendre, alors il ne faut pas que tu gardes tout pour toi. »
Elle ne répondit pas et remplit les verres devant elle de son mélange énergisant avant d'en préparer de nouveau pour remplir d'autres verres. Ochaco arriva et distribua les verres à leur classe, remerciant la Kitsune.
« Comment s'est passé ton entraînement avec la Grande Prêtresse ? », lui demanda la brunette.
Du coin de l'oeil, Shoto guetta la réaction de sa liée, mais elle ne réagit absolument pas, comme si elle avait dressé un énième mur protecteur autour de son coeur, ce qu'il ne doutait pas.
« Bien. J'ai continué à m'entraîner pour pouvoir me masquer dans l'eau. »
« Tu n'as pas besoin d'augmenter en puissance, comme nous ? », l'interrogea Tsuyu en arrivant.
« Pour ma maîtrise des fluides, certainement. », convint Mitsune. « Mais je ne l'utilise jamais directement, donc je n'en vois pas l'utilité. Quant à mon côté Kitsune, j'ai passé des années à perfectionner ma métamorphose, ma télépathie, ma force etc. Je me suis longuement entraînée pour pouvoir être en mesure de défendre les gens que j'aime. J'ai échoué une fois, quand j'avais huit ans. Ce jour-là, je me suis promise de ne plus échouer à les protéger... »
Shoto ressentit alors sa rage d'avoir été impuissante à l'époque, et sa volonté de ne pas laisser une telle chose de reproduire, signe qu'elle avait laissé tomber la barrière qui bloquait son coeur à son lié.
« Y'a pas à dire : en cas de danger, on peut toujours compter sur toi ! », affirma Ochaco avec un sourire. « Tu n'hésites jamais à sortir des sentiers battus pour les autres ! Tu dis ne jamais utiliser tes fluides directement, mais tu l'as fait plein de fois : pour mettre Aizawa en sécurité lors de l'attaque du SCA, pour redonner de l'énergie à Izuku quand il s'épuisait à faire la chaise... »
« ... quand on a fait face à Stain. », ajouta Shoto. « Quand on devait rejoindre le campement avant le déjeuner et qu'on faisait face à plein de monstres... il y a plein de fois où tu as utilisé ton pouvoir des fluides pour nous aider, et sans même t'en rendre compte. »
« Hmpf ! »
Ce fut la seule réponse qu'ils obtinrent de la jeune Shiota, qui remplit les derniers verres vides et alla elle-même les servir à ses camarades, dans une tentative évidente de fuir la conversation.
« Elle doit vraiment détester Manami pour refuser d'admettre ça... », souffla Ochaco.
« Tu n'as même pas idée. »
Il prépara un plateau avec de quoi manger et boire pour Mitsune et lui, récupérant deux verres remplis de son mélange énergisant, puis attrapa son poignée au vol lorsqu'elle revint vers eux.
« Eeeeeh !! », s'écria-t-elle de surprise, se laissant bien malgré elle entraîner par son lié.
Il la tira vers un coin à l'écart du reste du groupe et la força à s'asseoir dans l'herbe lorsqu'il se baissa pour faire de même. Il déposa le plateau entre eux, alors qu'elle essayait de s'échapper, sentant qu'il allait lui tirer les vers du nez. Cependant, il agrippa de nouveau sa main pour la forcer à rester.
« Shoto, laisse-moi tranquille ! »
« Non. Il me semble que je t'avais promis de te raconter pourquoi je détestais mon père. »
Comme prévu, il vit ses oreilles se dresser de curiosité et elle se rassit diligemment, croisant les doigts pour que ce soit pas une tentative masquée de son lié pour lui faire parler de son passé. Elle prit en silence le bol rempli de sobas préparés par sa classe et commença à manger.
« Le mariage d'alter, j'imagine que ça te parle... », commença Shoto en s'emparant de son propre bol. « Mon ordure de père a développé une obsession de dépasser All Might, parce qu'il a toujours été considéré comme le deuxième meilleur seulement, malgré ses efforts. Il a donc cherché à concevoir un enfant capable de dépasser All Might, et il a payé très cher les parents de ma mère afin de l'épouser dans ce seul et unique but. Mon grand-frère, Toya, est né avec un alter de feu plus puissant que celui d'Endeavor, alors il a été le premier à subir son entraînement inhumain. Mais il avait une résistance à la glace, pas au feu, ce qui fait qu'il se brûlait à chaque fois qu'il utilisait son alter. Enfin, d'après Natsuo et Fuyumi, je ne l'ai pas vraiment connu... Enfin bref. A cause de ça, il a été considéré comme un échec, comme mes frère et soeur, de qui il était très proche. Quand je suis arrivé et que mon alter s'est déclaré, Endeavor a jugé que j'étais l'enfant parfait pour surpasser All Might, et il m'a formé. Sa formation était extrêmement dure, je vomissais souvent. Maman essayait de me défendre, mais il ne l'écoutait pas et la battait devant moi, tout comme il me battait pour m'enseigner à rester debout malgré la puissance des coups... »
Choquée, Mitsune resta silencieuse, écoutant le récit de son lié. Elle n'arrivait tout simplement pas à y croire. Comment un autre être humain, un autre pro qui était censé protéger les gens, pouvait être aussi cruel envers sa progéniture ? Combien d'autres personnes il y avait, dans son cas ? Un seul, c'était déjà beaucoup trop !
« J'ai longtemps été séparé de mes frères et sœurs, surtout de Toya, car il m'empêchait d'interagir avec eux pendant qu'ils jouaient. J'ai donc commencé à mépriser cette foutue formation qui m'empêchait d'être avec mes frères et sœur, ainsi qu'une haine envers Endeavor qui abusait de ma mère et moi. Elle m'a toujours soutenu, elle m'encourageait à devenir un héros comme All Might, à m'approprier mon pouvoir parce que le fait qu'il était hérité de mes parents ne signifiait pas que c'était leur pouvoir. Selon elle, je pouvais utiliser mes pouvoirs pour devenir qui je veux. »
« ... ils se seraient bien entendus... », murmura Mitsune pour elle-même.
« J'en suis certain... », répondit Shoto, sachant qu'elle parlait de son père et de Rei. « Et puis... et puis ma mère a fini par craquer. Elle n'avait plus la stabilité mentale pour m'élever, elle le disait elle-même au téléphone à ma grand-mère. Je l'ai entendu discuter avec elle, elle était vraiment détruite. Elle m'aimait, mais il était douloureux pour elle de regarder mon côté gauche car il lui rappelait Endeavor. Elle m'a vu et a perdu l'esprit en voyant mon côté gauche. Elle m'a jeté le contenu de la bouilloire qui sifflait au visage... »
Sa voix transmettait une douleur et une souffrance que Mitsune ne connaissait que trop bien, pour l'avoir expérimenté. Avec douceur, elle posa ses baguettes dans son bol et vint poser sa main sur la brûlure de son lié. Il sursauta, n'aimant pas être touché à cet endroit, mais il se laissa faire malgré tout.
« Oui, ici... », murmura-t-il, répondant à sa question muette. « Endeavor l'a envoyé à l'hôpital du fait qu'elle m'avait attaqué, et je lui ai dit que tout était de sa faute. Sans lui, Maman n'aurait pas pété un câble. Avec le temps, j'ai oublié ses mots de soutien et j'ai tout fait pour rejeter cette ordure. Je suis devenu froid et asocial, jusqu'à ce qu'Izuku m'ouvre les yeux au championnat. Il m'a rappelé sans le savoir les conseils de Maman. Même si j'ai hérité de mon alter de mes deux parents, c'est mon pouvoir, parce que c'est moi qui le fais grandir et qui l'utilise comme je veux. Je compte le faire grandir pour devenir un héros, un véritable héros, celui qui vient en aide aux autres. Quand bien même Endeavor souhaite que je le fasse grandir pour dépasser All Might, j'ai décidé de devenir un héros sans pour autant suivre le chemin tracé par cette ordure. Je respecte sa capacité en tant que héros, parce qu'il a beau être une ordure, il a résolu beaucoup d'affaires et sauvé énormément de gens, c'est pour ça que j'ai décidé de faire mon stage dans son agence. »
« Comment... comment tu as pu pardonner une ordure de son espèce ? »
« Je ne l'ai pas pardonné. Je le déteste toujours et il veut toujours que je le dépasse, alors je ne lui pardonnerai sans doute jamais. Mais même si j'ai hérité de son alter, c'est moi qui décide la façon dont je l'utilise. En refusant de l'utiliser de manière offensive, c'est comme accepter qu'Endeavor à une quelconque influence sur la personne que je veux devenir. Et dans un sens, c'était ça. Ressasser toujours le passé avec pour unique but de devenir le numéro sans mes flammes juste pour renier Endeavor... cela ne mène à rien. Izuku m'a fait réaliser que ce n'était pas le genre de héros que je voulais devenir et que c'était à moi de décider de ce que je voulais pour mon futur. Avoir l'alter de mon père ne signifiait pas qu'il devait avoir le contrôle sur ma vie, que je devais suivre le chemin qu'il m'avait tracé. »
Malgré elle, Mitsune repensa à ce que la fillette inconnue lui avait dit avant de partir. Shoto le perçut, mais jugea bon de ne rien dire, bien qu'il trouvait que cette fillette était dotée d'une grande sagesse malgré qu'elle soit une enfant.
« Tu es quelqu'un de fort Shoto, pour réussir à surmonter ces horreurs... », souffla Mitsune, désespérée de ne pas réussir à faire la même chose du fait que la vie de son père entrait en compte.
« J'en ai eu la force, parce que quelqu'un a eu le courage de me faire comprendre que je faisais fausse route. Si je te raconte tout ça, c'est parce que Fenrir m'a dit qu'on avait une histoire similaire, sans plus d'informations. Alors, je voulais que tu connaisses la mienne pour que tu saches que, le jour où tu voudras me raconter la tienne, je saurai très bien de quoi tu parles, ce que tu as enduré, parce que je l'aurai vécu moi-même. Tu n'es pas obligée de me parler de ton histoire si tu ne t'en sens pas capable, je voulais juste que tu connaisses la mienne et que tu saches que je te protégerai du mieux possible jusqu'à ce que tu ais la force de m'en parler, et même après. Tu pourras toujours compter sur moi, je te l'ai déjà dit, que ce soit simplement pour puiser la force dont tu as besoin ou pour te confier. Tant que je peux t'aider un minimum sans connaître ton histoire, je ne te forcerai pas à parler. »
Elle ne répondit pas tout de suite, mais laissa échapper quelques larmes. Sentant qu'elle allait craquer, il posa son bol de sobas et l'attira contre lui.
« Pleure si tu en as besoin, tu sais que je ne te jugerai jamais. »
Seuls des sanglots lui répondirent, alors que Mitsune relâchait les larmes qu'elle avait courageusement retenu toute la journée. Elle libéra la souffrance et le désespoir qu'elle avait ressenti durant son entraînement avec Miko et qu'elle n'arrivait pas à oublier.
Ce soir-là, Shoto put sonder son coeur jusqu'au plus profond de son âme et y retrouva la tristesse, la peur et la déception, que la rage, la haine et la rancoeur camouflaient, ces mêmes sentiments qu'il avait détecté juste après s'être lié à elle, sans pour autant réussir à en connaître l'origine. Ce soir-là, sans rien connaître de précis sur sa relation avec sa mère, il comprit pourquoi elle restait quand même, de manière inconsciente, sur le chemin qu'elle lui avait tracé. Pour autant, il ne lui dit rien, car elle n'était pas prête à l'accepter. C'était encore beaucoup trop tôt. A la place, il rassura sa liée du mieux possible en lui transmettant des vagues d'apaisement, Fenrir lui ayant expliqué comment faire quand il avait appelé Izuku très tôt le matin même pour lui souhaiter bonne chance pour son entraînement. Ainsi, il réussit malgré lui à endormir la Kitsune, assommée par les multiples vagues d'apaisement transmises par son lié.
« Décidément, tu t'endors vraiment n'importe où... », murmura le jeune Todoroki.
« Shoto, ramène-la au temple. », raisonna la voix de la Grande Prêtresse dans son esprit.
Cependant, il s'y refusa, car elle avait obligé sa liée à souffrir sans qu'il ne puisse l'aider. Miko lui expliqua alors qu'elle avait décidé de changer sa façon de l'entraîner, afin de, non pas l'obliger à utiliser ce pouvoir, mais la préparer afin qu'elle puisse s'en servir sans danger si jamais elle décidait sur un coup de tête de l'utiliser. A contrecœur, il construit donc un pont de glace pour rejoindre le temple, repérant les traces du matin-même de sa liée. Il la coucha dans son lit une fois que Miko lui eut indiqué sa chambre et lui laissa un mot pour lui expliquer pourquoi elle était au temple.
« Merci Shoto. », lui fit Miko.
« Si je ressens encore la moindre souffrance à cause de votre entraînement, j'interromps le mien pour venir la chercher. », prévint le bicolore avant de partir.
Tout en remontant le pont de glace, il croisa les doigts pour que l'entraînement de sa liée soit moins dur psychologiquement. Il ne servait à rien de la confronter à son passé encore et encore si elle n'était pas prête à s'en défaire. Enfin, c'était son avis, tout du moins...
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