Chapitre 30 : Un lendemain matin à l'infirmerie

Japon, Tokyo, Yuei, infirmerie, 1er juillet 2500, 7h20

« Pff... ce n'est vraiment pas la bonne saison pour chasser dans le coin, je n'ai rien trouver de plus que trois ou quatre lapins... », marmonna Mitsune, déçue du fruit de sa chasse matinale.

Elle passa sa langue sur ses crocs pour essuyer le sang qui y demeurait encore. Ce n'était pas avec cette partie de chasse qu'elle allait pouvoir avoir un petit-déjeuner décent pour une Kitsune en début de saison des amours, il fallait qu'elle aille demander à Lunch Rush s'il n'avait pas quelque chose qui lui conviendrait mieux.

Du revers de la main, elle s'essuya les lèvres, ayant consommé sa chasse à l'extérieur du bâtiment et étant rentrée aussitôt qu'elle fut terminée. Elle regarda ensuite le lit dans lequel Shoto dormait encore, dans la même position que lorsqu'elle s'était levée pour aller ranger son bazar de la veille, n'ayant pas pu le faire du fait de son effondrement, puis pour aller chasser. Il était allongé sur son flanc gauche, la chevelure mélangée et la bouche légèrement entrouverte. Il semblait enlacer le vide, puisqu'elle s'était réveillée sous sa forme de renarde dans ses bras, écrasée contre son torse et les dents prisonnières de la chemise de son uniforme, la tâche sombre et humide indiquant qu'elle l'avait très certainement mordillé en bavant comme avec Izuku avant lui. D'ailleurs, la tâche et l'empreinte de ses crocs y étaient toujours.

Elle se passa une main sur le visage, complètement rouge et mortifiée de gêne. Pourquoi fallait-il qu'elle mordille et bave sur les quelques personnes sur lesquelles son côté animal était disposé à dormir ? C'était tellement humiliant !

Finalement, elle décida de passer par la Liones Academy pour se rafraîchir, étant toujours dans son uniforme du Boar Hat devenu froissé. Elle laissa donc un mot sur la table de nuit pour prévenir Shoto, jetant à la poubelle celui qu'elle avait écrit au cas où il se réveillerait pendant sa chasse.

Japon, Tokyo, Yuei, infirmerie, 8h

« Voilà qui est beaucoup mieux... », murmura Mitsune en lissant la jupe de son uniforme de Yuei, lavée, changée et coiffée grâce à un rapide passage à la Liones Academy.

Elle désactiva le camouflage visant à cacher ses blessures, la seule personne susceptible d'entrer dans la pièce étant au courant de celle-ci, de même que le bicolore, puis posa au pied du lit sur lequel dormait Shoto deux paniers remplis d'affaires et de nourriture que Fuyumi lui avait confié pour son plus jeune frère. Elle avala ensuite le contenu d'un bento donné par Elizabeth et préparé par Ban la veille pour le petit-déjeuner de la Kitsune, ainsi que les compléments alimentaires prescrits par Recovery Girl. Ses amis étaient vraiment extras, elle avait beaucoup de chance de les avoir, même si sa grande sœur de cœur lui avait tiré les oreilles pour s'être (encore) surmenée. Mais bon, elle ne le regrettait rien car elle avait pu réaliser une œuvre qui surpassait toutes ses attentes, et toutes ses œuvres précédentes.

Une fois son petit-déjeuner avalé, elle s'attela à préparer celui de son camarade de classe encore endormi avec ce que Fuyumi avait mis dans un des paniers. Elle changea une table inutilisée en petite cuisine et se mit aux fourneaux, tentant de ne pas trop penser à la veille au soir. Shoto était incontestablement quelqu'un de bien, mais elle le sentait à la fois assez curieux quant à son histoire et déterminé à l'aider, un cocktail particulièrement dangereux puisqu'il devait connaître la vérité pour l'aider.

« Calme-toi Mitsune... il ne peut pas deviner la vérité, même Elizabeth ne sait rien alors que je suis plus proche d'elle que de lui. Quant à Wolfy, il m'est trop loyal pour rompre la promesse qu'il m'a faite, donc Shoto ne peut découvrir la vérité d'aucune façon. La réalité est bien trop sombre et cruelle pour que quelqu'un d'autre que Wolfy la découvre. Même Itoko-kun ne le sait pas, malgré son côté serpent. Cela risque de changer quand on sera liés, mais pour le moment, je n'ai rien à craindre. Et puis, puisqu'il ne m'interroge pas sur mes blessures, cela veut dire qu'il respecte ma vie privée, il n'ira pas creuser plus loin, j'en suis certaine. Même s'il m'a promis de m'aider quitte à devoir m'arracher la vérité de la bouche, je doute qu'il le fasse vraiment, il est du genre prudent et il ne prend pas de risques inconsidérés. », tenta-t-elle de se rassurer, tout en cuisinant.

Rapidement, la délicieuse odeur du petit-déjeuner en préparation réveilla le plus jeune des Todoroki. Il mit un moment à reprendre ses esprits et à réaliser qu'il n'était pas chez lui mais dans l'infirmerie du lycée et qu'une odeur de nourriture aussi proche n'était pas un phénomène normal. Il se releva donc prestement, étouffant un bâillement, et remarqua la Kitsune qui était aux fourneaux d'une cuisine probablement issue de la métamorphose d'un objet quelconque. Elle avait revêtu l'uniforme du lycée et repris sa coupe de cheveux habituelle, signe qu'elle était levée depuis un bon bout de temps.

En l'entendant s'éveiller, les oreilles bougeant dans sa direction, Mitsune leva la tête sur lui, un grand sourire aux lèvres.

« Bonjour ! Pile à l'heure, je viens tout juste de terminer. Je ne sais pas si c'est identique à ce que Fuyumi te prépare, mais j'ai fait de mon mieux avec ses indications orales. »

Elle métamorphosa la cuisine en plateau, après avoir récupéré l'assiette dans lequel elle avait mis une pile de pancakes autour de laquelle tournait une colonne d'eau, probablement pour les refroidir rapidement. Elle déposa l'assiette sur le plateau et déposa le reste du contenu du panier contenant la nourriture, à savoir une bouteille de lait et un pot de confiture de myrtilles, tous deux froids, ainsi que des couverts. Elle versa le lait dans la tasse confiée par la seule fille Todoroki, une tasse simpliste blanche, après y avoir mis des perles de tapioca de différentes nuances de bleu et de violet, du fait des parfums qu'elles renfermaient. D'un coup de main démontrant une longue habitude, elle fit de larges mouvements de poignet avec une bouteille remplie de coulis de fruits rouges et déposa à la surface du lait une magnifique courbe, comme Fuyumi le lui avait expliqué.

Shoto la regarda faire un moment, étonné de l'habilité qu'elle démontrait à préparer le petit-déjeuner que lui faisait ordinairement sa sœur aînée alors même qu'elle ne l'avait jamais fait.

« J'imagine que travailler au Boar Hat apporte une certaine habileté à préparer des boissons et des repas... »

Une fois terminé, elle fit disparaître la colonne d'eau enveloppant les pancakes et alla déposer le plateau sur le lit, sur lequel il était toujours assis. Elle lui souhaita bon appétit puis commença à ranger ce qu'elle avait utilisé et qui n'était pas issu de la métamorphose d'objets. Il la remercia puis entama son repas.

« Tu es allée voir ma sœur ? », demanda Shoto en étalant de la confiture sur un des pancakes.

« Oui. Je me suis dit que, quitte à faire un crochet par Liones pour me rafraîchir et me changer, ce serait bien que je fasse la même chose pour récupérer le nécessaire pour toi. Fuyumi m'a donc donné le panier d'affaires qu'elle devait t'amener et en a préparé un autre avec le nécessaire pour te faire le petit-déjeuner quand je lui ai demandé ce que tu préférais manger le matin. Elle est vraiment cool, elle ressemble beaucoup à Rei. Tu as beaucoup de chance d'avoir une grande sœur comme elle. »

« Et Elizabeth ? », fit le bicolore en mordant dans le pancake.

« J'adore Oneechan, mais ce n'est pas pareil. Les membres d'une fratrie ont un lien très fort, un lien qu'équivaut à peine celui que j'ai avec Fenrir, qui est pourtant très fort aussi. J'adore Oneechan, mais je ne ressens pas ce lien que je ressens en elle lorsqu'elle parle à ses sœurs aînées ou quand Meliodas et Zeldris discutent. Ils se chamaillent souvent mais ils s'adorent... »

« Et Nagisa ? Vous êtes proches tous les deux, non ? »

Ayant fini de ranger, elle s'assit sur un tabouret près du lit, avec un petit sourire triste.

« Bien sûr, on a un lien très fort mais... je ne sais pas vraiment comment l'expliquer... Après le lien sacré chez les hybrides, le lien qui unit les membres d'une fratrie est le plus fort qui existe. Après, il y a le lien entre les membres d'une famille et le lien profane chez les hybrides. Le lien que j'ai avec Wolfy équivaut à peine au lien fraternel parce que je partage tout avec lui, on se connaît depuis toujours donc on peut dire qu'il est mon frère, en quelque sorte. Mais ce n'est pas vraiment pareil. Le lien que Wolfy a avec son lupical est celui qui relie une personne à sa famille, parce qu'il a grandi avec eux, il les a toujours considérés comme sa famille. Mais avant d'être mon frère de coeur et mon lié, Wolfy était mon ami, ce qui est différent. Itoko-kun et moi avons un lien plus fort que celui que j'ai avec Wolfy, je l'ai toujours considéré comme ma famille, comme mon petit frère. Mais... je ne sais pas... c'est différent de ce que j'ai déjà vu pour Wolfy et son lupical, même si Itoko-kun et moi nous rapprochons quasiment du lien qu'ils ont. Ce n'est juste pas pareil, je suis fille unique et tous les frères et sœurs de coeur du monde n'y changeront rien, même quand le frère de coeur en question est mon lié ou mon cousin... je ressens toujours ce que Papa appelle un « manque fraternel ». »

« C'est dommage, tu ferais une grande sœur géniale, j'en suis certain. Tu prends toujours soin des autres, quitte à ne pas prendre soin de toi. »

Elle rigola légèrement devant ce presque reproche.

« Je sais, c'est plus fort que moi. Mais vu que mon... père... est dans le coma... j'aurais aimé qu'il me fasse un petit frère ou une petite sœur avec Maman... »

« Avec Manami ? », l'interrogea Shoto, surpris car ayant dit elle-même qu'elle détestait sa mère.

« Ah non ! », grimaça Mitsune. « Pas... elle ! Non, je parle de la tante d'Oneechan, du côté de sa mère. Elle s'appelle Lilith, mais j'étais très proche d'elle quand j'étais enfant, du coup je l'ai longtemps appelé Maman. Je l'appelle toujours comme ça, j'ai un peu de mal à perdre cette habitude. En fait, je n'en ai pas envie comme je la considère vraiment comme ma mère. Je ne la vois plus beaucoup car elle vit à Hosu maintenant. »

« Tu devais être contente de la revoir alors, durant le stage. », comprit Shoto.

« Tu n'imagines pas à quel point... »

Elle plongea sa main sous sa chemise d'uniforme pour en tirer un pendentif assez particulier. Suspendu à une chaînette dorée, il consistait en un cercle doré unique avec une orbe émeraude entourée d'un anneau d'or et lévitant au centre de la structure.

« C'est un catalyseur. Il appartient à la famille Hikari, la famille de la mère d'Oneechan. Maman m'en a fait cadeau quand j'étais enfant, et je l'ai toujours gardé sur moi depuis. »

« Un catalyseur ? »

« Oui, c'est une arme qui amplifie le pouvoir de son utilisateur et lui permet de l'utiliser tout autour de lui, pour faire simple. C'est un type d'arme inventé lorsque les seuls pouvoirs existants étaient des pouvoirs élémentaires. C'était il y a très longtemps, et ces armes ont été oubliés petit à petit, au profit des épées, des lances et des arcs, puis au profit des armes à feu et des alters. Il existe très peu de catalyseurs comme celui-ci, ce sont des trésors de famille généralement. Il y en a un dans le temple des Hakushin. »

« Donc il existe d'autres types de catalyseur ? »

« Oui, sous la forme de livre. Ce sont des catalyseurs beaucoup plus faciles à trouver en général, mais dont l'efficacité est amoindrie. Il existe quelques exceptions, mais généralement, les catalyseurs comme celui-ci rendent les pouvoirs plus efficaces... enfin bref ! J'ai hâte que les vacances arrivent pour pouvoir retourner à Hosu et voir Maman ! », affirma Mitsune, un grand sourire aux lèvres.

Cependant, son sourire s'éteignit bien vite lorsqu'elle se souvint d'un détail. Shoto ressentit son changement d'humeur et voulut l'interroger, mais elle sembla se refermer comme une huître car elle se leva du tabouret et y posa le panier avec les affaires de Shoto.

« Voilà de quoi te doucher et t'habiller. »

Sur ce, elle se dirigea vers la porte, mais Shoto l'interpella pour l'arrêter.

« Où tu vas ? »

« Je vais méditer un peu avant les cours. Tu devrais te dépêcher, il te reste peu de temps. »

« Mitsune, ça va ? »

« Oui oui... »

« Tu es sûre ? On dirait que tu viens de te souvenir de quelque chose qui te déplaît. Tu ne pourras peut-être pas voir Lilith, c'est ça ? »

Elle lui servit un regard d'avertissement pour qu'il se taise, mais il ne comptait pas en rester là, à son grand désarroi.

« Manami n'aime pas que tu ailles la voir ? »

« Mais qu'est-ce-que tu en sais ?! », s'énerva aussitôt Mitsune.

Shoto dissimula un petit sourire en mordant dans son pancake. Sa future liée était incontestablement prévisible, c'était assez facile de savoir lorsqu'on s'approchait de la vérité qu'elle tentait de cacher : elle s'énervait dès qu'on touchait un peu trop près du but à son goût. Ayant obtenu la réponse à son changement d'humeur, le jeune Todoroki n'insista pas plus.

« Tu as raison, désolé. En tout cas, merci d'être allée récupérer des affaires chez moi. Je suis certain que tu t'es très bien entendue avec Fuyumi. »

Comme il l'avait anticipé, la décision de Shoto de ne pas creuser davantage eut raison de sa colère, qui retomba aussi vite qu'elle était montée. Beaucoup pourraient croire qu'elle était bipolaire, mais c'était là simplement l'expression de sa nature de Kitsune. Elle était émotive et passait d'une émotion à une autre en un claquement de doigt. Elle lui fit un sourire ravi.

« Oui, elle est adorable ! Tu as beaucoup de chance de l'avoir. »

« Quand je vois la famille adoptive que tu as, je me dis que c'est toi qui en a. Ils sont vraiment prêts à tout pour toi. »

« Oui, je les aime beaucoup ! Oh euh... en passant... pardon pour ta chemise... »

Machinalement, Shoto baissa la tête et remarqua les empreintes de crocs et la tâche humide. Cependant, lorsqu'il releva la tête pour regarder l'adolescente complètement rouge de honte, il haussa simplement les épaules.

« Je m'y attendais. Ne t'en fais pas pour ça. Je trouve que c'est mignon, cela montre que tu me fais autant confiance qu'à Fenrir, Elizabeth ou Izuku. Et puis, ce n'est qu'une chemise. Tu as pu manger ? »

« Oui, Ban m'avait préparé un bento de petit-déjeuner qu'Oneechan devait m'apporter ce matin. J'ai aussi pris les compléments alimentaires, avant que tu me poses la question. Je suis une Kitsune de parole ! »

« Je n'en doute absolument pas. Je ne vais pas te retenir plus longtemps. Encore merci pour être allée récupérer des affaires, et aussi pour ce délicieux petit-déjeuner. C'est aussi bon que lorsque Fuyumi me les fait. »

« Travailler au Boar Hat apporte quelques avantages ! », rigola Mitsune. « Plus sérieusement, c'était avec plaisir. On se voit plus tard. Je ne serai pas très loin si tu me cherches. »

Shoto hocha la tête et la Kitsune sortit de la pièce. Tout en continuant de manger, il entreprit de synthétiser dans son esprit les informations qu'il avait obtenu, tout en essayant d'imaginer pourquoi Mitsune ne pouvait aller voir Lilith. Après tout, même si Aiko n'aimait pas que Lilith et Mitsune se voient, qu'est-ce-qui les empêchaient concrètement de se voir ? Qu'est-ce-qui pourrait empêcher la blonde d'aller voir sa mère de coeur ? Cette raison était-elle celle-là même qui expliquait pourquoi son père était dans le coma et pourquoi elle avait ces blessures, pourquoi elle détestait sa mère ?

« Cette fille est une véritable énigme... »

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