Chapitre 27 : Promesse à un loup

Japon, Tokyo, Liones Academy, atelier de Mitsune, 23 juin 2500, 16h

« Non non non ! »

Mitsune arracha une page de son carnet à dessin et la réduisit en boule de papier avant de la jeter par-dessus son épaule. Cela faisait trois jours qu'elle avait reçu le sujet de son examen pratique, et elle n'avait toujours pas d'inspiration. Son atelier était jonché d'une multitude de feuilles réduites en boule, alors même qu'elle mettait toujours un point d'honneur à ne pas gaspiller du papier pour rien. Il lui restait encore très exactement une semaine avant l'examen pratique de ses camarades de classe, elle ne devait pas traîner. Mais, elle qui était toujours pleine d'inspiration, elle se retrouvait désormais souffrante du syndrome de la page blanche.

Tout en recommençant un croquis, elle lâcha un soupir, avant d'effacer avec sa gomme les traits qu'elle venait de tracer. Son sujet n'était pas si compliqué en apparence, mais il soulevait tellement de contradictions en elle que l'inspiration lui faisait défaut.

Illustrer ce qui est le plus important quand on est un héros.

Tel était son sujet. Mais elle ne savait pas dans quel sens elle devait prendre cet énoncé. Devait-elle prendre le mot « héros » dans le sens large, tel qu'il existait avant l'apparition des alters, ou dans le sens actuel, c'est-à-dire qu'on pourrait le remplacer par « héros pro » ? Et devait-elle illustrer ce qui était le plus important à ses yeux, ou ce qui était le plus important aux yeux de la société ?

Non, vraiment, elle n'en avait pas la moindre idée. Pour elle qui avait en horreur les pros et cette société qui faisait passer le classement avant ce que signifiait vraiment être un héros, ce sujet était cornélien, impossible à résoudre.

« Mitsune ? »

La concernée se retourna et remarqua que son camarade de classe/futur lié l'avait rejointe dans son atelier. Elle le salua et l'invita à rentrer, malgré les boules de papier qui jonchaient le sol. Le lycéen s'approcha, tandis qu'elle se reconcentrait sur son carnet à dessin.

Dire qu'elle était mal à l'aise quand il était là était un euphémisme. Dans un sens, elle était heureuse et soulagée qu'il veuille lui apporter son aide même si elle n'en voulait pas, mais dans un autre, elle se sentait coupable de l'embêter avec ses problèmes alors qu'il avait les siens et était furieuse qu'il se mêle de sa vie privée et veuille déterrer des choses qu'elle gardait soigneusement enfouies. Le fait qu'ils se lient après les examens ne lui donnait en aucun cas le droit de fouiller dans sa vie. Fenrir ne l'avait pas fait, lui. Il n'avait pas cherché à en savoir plus, même quand il avait fini par deviner la vérité. Il avait simplement mis brièvement le sujet sur le tapis, une seule fois, pour lui dire qu'il était là si elle voulait parler. Mais jamais, au grand jamais, il n'avait insisté comme Shoto l'avait fait quelques jours auparavant.

Elle-même ne lui posait jamais de question sur son passé, sur pourquoi il n'utilisait jamais ses flammes avant etc, alors même qu'elle brûlait de curiosité. Elle ne lui posait pas de questions, car c'était dans ses principes : la vie privée est privée, les gens ne doivent pas s'en mêler. On pouvait au mieux leur faire comprendre qu'on était là s'ils voulaient se confier, mais on ne devait en aucun cas fouiller dans leur passé, leur histoire, sans leur consentement. C'était un principe qui était naturel pour elle, elle qui pouvait prendre possession des gens, lire leurs pensées, et sentir, entendre et voir des choses indiscernables normalement, et ce, à tout moment. C'était un principe qui devrait être inhérent à toute personne un tant soit peu intelligente.

Machinalement, elle se massa l'épaule tout en continuant à gribouiller dans son carnet, sous l'œil vigilant de Shoto. Cependant, il ne dit rien et se contenta de ramasser les boules de papier pour les mettre à la poubelle. Il avait bien remarqué que la jeune artiste n'était pas à l'aise avec lui depuis trois jours, et il avait bien compris que c'était dû à l'insistance dont il avait fait preuve lors de leur discussion, ce jour-là. Il avait un peu peur de l'avoir trop brusqué en insistant autant, mais il ne regrettait rien de ce qu'il avait dit ou fait. Si elle avait besoin d'aide, il l'aiderait, qu'elle le veuille ou non. Sinon, quelle que soit la réelle nature de ses problèmes, elle n'avancerait jamais. Les seules personnes qui la connaissaient vraiment ne semblaient même pas prendre conscience de la réalité qui était en face d'eux, et Fenrir n'interviendrait pas car il lui était beaucoup trop loyal. En revanche, il pourrait peut-être l'aider à aider Mitsune.

Une fois les boules de papier à la poubelle, il s'approcha et posa sa main gauche à l'endroit même où elle était en train de se masser la seconde d'avant, ce qui la fit sursauter.

« Shoto ? Que... »

« Tu as mal, tu te surmènes trop au Boar Hat et durant les entraînements avec tes amis. La chaleur devrait soulager tes muscles. », dit Shoto, se gardant bien de faire la moindre allusion à la réelle (supposée) raison de ces douleurs. « Tu t'en sors avec ton sujet d'examen ? »

Il entama des massages lents sur son épaule, sa main gauche dégageant une importante chaleur grâce à son alter, alors qu'elle soupirait.

« Non, c'est le néant dans mon esprit. Ma tête est aussi vide que celle de Denki quand il sur-utilise son alter... », soupira une nouvelle fois Mitsune. « Argh ! Cela m'arrive au pire moment ! Je n'ai jamais de panne d'inspiration en temps normal, même avant les examens ! Alors, pourquoi ?! »

Shoto avança un peu la tête pour jeter un coup d'oeil à l'écran d'ordinateur de la blonde, ouvert sur le sujet d'examen que lui avait envoyé Aizawa.

« Cela n'a pas l'air très difficile, tu fais à peu près la même chose en cours : tu illustres l'idée principale à retenir de chaque cours héroïque. Cela n'a pas l'air très différent de ce que tu fais en classe... »

« Tu n'as même pas idée d'à quel point c'est différent. C'est ultra vague et ambiguë comme sujet ! Dans quel sens dois- je prendre « héros » ?! Et aussi, je dois illustrer ce qui est important pour moi ou important pour la société ?! »

« Je vois ce que tu veux dire. Mais t'enfermer dans un atelier ne va pas t'aider à trouver l'inspiration. Tu es quelqu'un qui est toujours en action, l'inspiration pourra difficilement te trouver si tu restes cloîtrée ici. »

« Sortir ne va pas m'aider à comprendre ce qui m'est demandé... »

Elle déchira une nouvelle feuille de son carnet et la balança derrière l'épaule dont Shoto ne s'occupait pas. Ce dernier n'eut aucune réaction.

« Ces examens ont pour but de nous évaluer, nous. Les professeurs n'ont aucun intérêt à nous évaluer sur la façon d'être un héros à l'image de ce que la société attend, ils nous évaluent avant tout sur la façon dont on met en pratique les enseignements généraux que se doivent de connaître chaque héros. Je pense que c'est pareil pour toi, même si la voie est quelque peu différente. Jusqu'à présent, les tâches que les professeurs te donnaient à faire visaient à t'apprendre par l'art ce que nous, nous apprenions en nous entraînant. Si tu veux mon avis, tu devrais utiliser tout ce que tu as appris pour illustrer ce qui a le plus de valeur quand on est un héros. »

Mitsune détourna son regard de son carnet pour le poser sur le tableau en liège situé dans son champ de vision, sur lequel étaient punaisées des dizaines des feuilles en tout genre, autant des croquis de futurs dessins, tableaux ou fresques, que des croquis de vêtements, des partitions de musique ou des paroles de chanson.

« Ce qui a le plus de valeur quand on est un héros ? »

« Oui. »

« Mais à mes yeux ou selon le regard d'autrui ? »

« Comme je te l'ai dit, les professeurs évaluent les compétences inhérentes au métier de super-héros, pas notre faculté à nous conformer aux attentes de la société. Qu'est-ce-que l'essence d'un super-héros selon toi Mitsune ? Pour Izuku, c'est se mêler des affaires des autres, car il faut pouvoir se mêler des affaires des autres pour pouvoir les aider. Mais pour toi, qu'est-ce-que c'est ? »

« L'essence d'un super-héros... ce n'est certainement pas ce que les autres pensent... »

« Ne te préoccupe pas de ce que peuvent penser les autres. Un artiste, c'est censé mettre son art à profit pour faire passer un message, non ? Tu es une artiste, alors utilise ton talent pour leur montrer l'essence d'un héros à tes yeux. Réponds au sujet selon ta propre vision, tes propres convictions. »

Mitsune ne put lui répondre, car quelqu'un toqua à la porte de son atelier, avant que la porte ne s'ouvre.

« Coucou, je dérange ? »

Shoto retira sa main, afin qu'elle puisse se tourner vers le nouveau venu.

« Salut Wolfy ! Non, tu ne déranges pas ! Je pense que j'ai besoin de me changer les idées quelques minutes... qu'est-ce-qu'il y a ? »

« Elizabeth vient de nous confirmer l'endroit de notre camp d'été. Camp Rock aura lieu au même endroit que le camp d'été de Yuei et de Kunugigaoka, à Mondstadt, mais dans les locaux de la Favonius Academy. C'est un peu plus bas, au bord du Lac de Cidre. »

« Notre terre natale... cela va nous faire un bien fou, ça va être génial ! Tu pourras voir ton lupical en plus ! »

« Il vit dans le Territoire des Loups, mais oui, je pourrai sans doute les voir. En plus, comme le temple de ton clan est à Mondstadt, la Grande Prêtresse voudra sans doute te voir, donc je pourrai certainement passer du temps avec Oniichan, il est devenu son garde du corps. Dans tous les cas, j'ai hâte de tous les revoir ! Devine qui il y aura aussi ! », dit joyeusement Fenrir.

« Euh... j'imagine qu'il y aura Aether, Lumine, Jean, Amber, Diluc, Kaeya, Venti... tout le monde quoi ! »

« Oui mais non ! Cette année, il y aura aussi la Liyue Academy et la Inazuma Academy ! Cela va être géant ! C'est le centenaire de la création de Camp Rock, les différents directeurs ont donc décidé de faire un camp commun cette année, pour fêter ça ! »

« C'est dingue que Yuei, la Liones Academy et Kunugigaoka fassent leur camp d'été quasiment au même endroit... », songea Shoto. « Sans parler de ces trois autres écoles. »

« Cela va être démentiel ! », s'excita Mitsune. « J'ai hâte de voir les progrès que Lumine a fait depuis la dernière fois ! On va pouvoir faire tellement de trucs, c'est géant ! En plus, on sera près de la cité de Mondstadt ! Tu vas voir Shoto, c'est magnifique ! Je vous ferai visiter, à tous ! Vous allez adorer ! C'est une cité pleine d'inspiration, c'est vraiment génial ! »

« C'est vrai que Mondstadt est un endroit génial pour les artistes. Mais si tu veux mon avis Foxy, ils seront trop occupés à essayer de te rattraper pour ça. Enfin, je suis certain qu'Izuku trouvera du temps, il s'intéresse à tellement de choses ! »

Mitsune haussa un sourcil sous le sourire presque béat de son meilleur ami. Il avait des étoiles plein les yeux et ses pommettes étaient légèrement rouges. Et ces signes, Mitsune les connaissait très bien chez lui.

« Ah non non ! Tu n'approcheras pas Izuku avant la fin de l'été ! », décréta la blonde.

« Quoi ?! Mais c'est mon ami aussi ! », protesta l'homme-loup.

« Ne me la fais pas à moi. Tu as la même tête que lorsque tu étais encore en crush sur Arthur, avant de savoir qu'il était hétéro et amoureux de moi. Je te connais mieux que toi-même petit loup. Donc je t'interdis de t'approcher de lui avant la fin de l'été. »

« Tu es injuste ! », bouda Fenrir, les oreilles et la queue pendant lamentablement vers le bas.

« C'est pour ton bien. Et le sien. Parce que je sais que tu t'en voudrais jusqu'à la fin de tes jours si jamais tu le forçais à faire quelque chose en étant sous l'influence de ta part animale. »

« Tu es amoureux d'Izuku Fenrir ? », demanda Shoto, pour être certain de bien suivre la conversation.

Le jeune homme-loup rougit furieusement en hochant la tête.

« Un vrai coeur d'artichaut ! », soupira Mitsune. « Cela fait littéralement deux mois que vous vous connaissez ! Comment tu peux tomber amoureux de quelqu'un que tu connais depuis seulement deux mois ? »

« Tu n'y connais rien en amour Foxy. Les coups de foudre, ça existe. Et mon côté animal aime vraiment beaucoup Izuku. »

« Tout comme il aimait vraiment beaucoup Arthur. Tu es un coeur trop facile à prendre Wolfy. Cela fait même pas six mois que tu as renoncé à tes sentiments pour Arthur. Et avant ça, il y avait eu Aether, Kaeya, Diluc... »

« Oui bon... pas besoin de s'épancher sur ça... », rougit Fenrir.

« Si si. Tu as vraiment de la chance que je sois là à chaque fois, sinon tu te serais lié à au moins deux de ces garçons... donc il est hors de question que je te laisse approcher mon ami pendant l'été. »

« Argh... comme tu veux Foxy. Bon, de base, je venais juste te prévenir d'où aurait lieu notre camp d'été. Je vais retourner réviser. Ah oui ! Si jamais tu ne trouves toujours pas l'inspiration, toute l'école a fait un conseil de guerre ce midi à la cantine pour te trouver des idées. C'est Elizabeth qui les a toutes sur une feuille de papier, si tu veux. »

« Toute l'école s'est réunie juste pour l'aider à trouver l'inspiration ? », s'étonna Shoto.

« Eheh ! Oui ! Et je ne suis pas peu fier de dire que Foxy est un facteur d'union très important au sein de Liones ! Elle arrive toujours à unir les gens, peu importe la situation ! »

« Un facteur d'union... », répéta machinalement Mitsune.

Soudainement, son regard s'éclaira et elle s'empara de son carnet à dessin et de son crayon pour griffonner à toute vitesse dessus, sous le regard surpris de Shoto et celui ravi de Fenrir.

« L'inspiration vient de frapper, apparemment... », sourit Fenrir, en regardant sa meilleure amie noircir les pages de son carnet

« L'essence d'un héros... c'est tellement évident ! Un héros doit pouvoir unir les gens ! Pourquoi je me suis cassée la tête ?! Un héros doit être avant tout un facteur d'union ! »

Après plusieurs minutes à griffonner sur son carnet, elle partit en coup de vent avec ce dernier, déclarant qu'elle devait aller voir le directeur Nezu. Elle laissa ainsi en plan Shoto et Fenrir, avant de revenir pour déposer un baiser sur leur joue à tous les deux.

« Vous êtes les meilleurs les garçons ! Je vous revaudrai ça ! », s'exclama-t-elle avant de repartir aussi vite.

Fenrir rigola, alors que Shoto portait la main à sa joue, ne s'attendant absolument pas à ça. Sa réaction fit d'autant plus rire l'homme-loup.

« Il va falloir que tu t'y habitues Shoto ! Quand l'inspiration frappe à sa porte, rien ne peut l'arrêter ! »

« J'ai vu ça... c'est juste que... je ne l'avais encore jamais vu être prise d'inspiration comme ça. »

« Cette vague d'inspiration est assez rare, c'est vrai, même chez elle. Et, généralement, quand elle arrive, ce qu'elle produit est un pur chef d'œuvre, un trésor artistique. J'ai hâte de voir ce que ça va donner. »

« En tout cas, j'ai l'impression que ce camp d'été va être plein de surprises. », songea Shoto.

« Ah, ça c'est sûr. Quand je pense qu'il y a la saison des amours au milieu de tout ça... pfff ! C'est nul ! »

« Rien ne t'empêche de passer du temps avec Izuku, tu sais. Ce n'est pas parce que Mitsune est une Alpha supérieure à toi que tu dois forcément te conformer à ce qu'elle dit. »

« Je sais. », admit Fenrir. « Mais c'est aussi ça, d'être lié. C'est accepter d'obéir à l'autre pour se protéger soi et les autres. C'est accepter d'obéir à l'autre pour le plus grand bien. Foxy a raison à propos du fait que j'ai un cœur d'artichaut. Je suis quelqu'un de très sérieux, de calme et de mature généralement, mais je suis trop réceptif au charme de certains garçons. Je n'ai pas vraiment de style particulier, donc je ne sais pas trop ce qui fait que mon coeur s'emballe pour tel ou tel garçon, et la saison des amours me fait faire n'importe quoi. Parmi toutes celles qu'elle a cité tout à l'heure, j'ai failli apposer le lien sacré à deux d'entre elles, celui qui se crée via une morsure dans la nuque. »

« Et c'est grave ? »

« Même très grave. Ce lien, et donc la morsure à cet endroit précis, est réservé à la personne qui partagera la vie de l'hybride. La morsure à cet endroit ne peut se faire que durant un moment très... bref, je n'ai pas besoin de te faire de dessin j'imagine. Ce lien, c'est un peu comme le mariage à l'église : rien ne peut le briser, sauf la mort d'un des deux partis. Chaque hybride ne peut en avoir qu'un à la fois, contrairement au lien qui m'unit à Foxy. Par opposition au lien sacré, on l'appelle le lien profane, et un hybride peut en avoir en grand nombre. C'est pour ça que Foxy ne veut pas que j'approche Izuku cet été. Mais notre côté animal n'est pas quelque chose qui peut être dompté, donc je sais que Foxy va rester sur ses gardes cet été, comme à chaque fois que la saison des amours arrive et que je suis amoureux de quelqu'un. Donc tu n'as pas à t'en faire pour Izuku, tout ira bien. »

Shoto hocha simplement la tête, conscient que Mitsune était vraisemblablement habituée à ce genre de choses et que son ami ne craignait donc rien. Il décida donc d'embrayer sur un autre sujet, pour essayer d'avoir des réponses.

« Et en dehors de ça, tu lui obéis toujours ? »

Fenrir fronça les sourcils, ne comprenant pas où le futur lié de sa meilleure amie voulait en venir.

« Ce n'est pas parce que je suis à moitié loup que je vais obéir aveuglément à quelqu'un comme un bon toutou, lié ou non. »

« Je sais, je ne parlais pas de ce genre de chose. », le rassura Shoto.

« Alors, qu'est-ce-que tu veux dire ? Je n'obéis à Foxy que dans des moments qui le nécessitent, comme à l'approche de la saison des amours. C'est valable dans l'autre sens, mais sinon on se laisse mutuellement notre libre-arbitre. Le lien ne doit pas être utilisé comme un prétexte pour réduire l'autre à la servitude. »

« Je le sais aussi Fenrir. Non, je parlais plutôt de quand tu lui proposais ton aide et qu'elle la refusait. Tu décides de l'aider contre son gré ou tu laisses couler ? »

« Cela dépend pour quoi. Il y a des sujets sur lesquels il vaut mieux ne pas insister, crois-moi. Si tu veux savoir quelque chose Shoto, demande-le moi franchement et n'essaie pas de tourner autour du pot s'il te plaît. Je vois bien que tu as quelque chose à me demander. »

« Comme tu veux. Je veux être certain que, si tu n'aides pas Mitsune à propos de ses blessures, c'est bien parce qu'elles cachent un sujet trop grave sur lequel elle t'a fait promettre de ne rien dire, et non pas parce que tu n'as pas envie de l'aider. En clair, je veux être certain que ton inaction a bien pour raison ta loyauté envers elle, et que ce ne soit pas dû à une quelconque indifférence de ta part. »

Fenrir blêmit et s'empressa de fermer la porte pour éviter qu'on ne les écoute, ce qui ne fit que confirmer au bicolore qu'il se passait quelque chose de bizarre.

« Elle te l'a dit ? Non, attends, c'est impossible. Elle ne le dit jamais à personne. »

« Je ne suis pas idiot, je sais très bien que les blessures qu'elle prétend se faire en s'entraînant avec vous viennent d'ailleurs, qu'elles ont une raison bien plus sombre. Je sais très bien que, le jour où je leur ai servi de modèle, si elle a réussi à retranscrire aussi fidèlement sans être troublée les émotions que j'essaie de cacher, c'est parce qu'elle a déjà peint des centaines de fois ces mêmes émotions. Je ne prétends pas m'y connaître en art, bien au contraire, mais j'ai vu Mitsune quand elle est chamboulée. Je l'ai vu une fois, quand elle s'est réveillée après qu'elle ait perdu les pédales à Hosu. Elle ne ressent pas du tout à moitié, et elle est très empathique, elle ressent facilement les émotions des autres. Si c'était la première fois qu'elle peignait ses émotions, je pense que cela se serait vu sur son tableau. Quant à ses blessures, elles ne sont pas visibles. On ne peut les deviner que lorsqu'on la voit réagir à la douleur qu'elles lui procurent ou qu'elle se masse pour faire passer la douleur. Ces blessures sont invisibles, même quand elle porte des vêtements qui devraient les dévoiler, comme la jupe de son uniforme ou son costume d'héroïne qui est à bustier. », expliqua Shoto. « Elle me l'a dit lors du championnat : il faut se méfier des apparences avec elle. La métamorphose est un art à part entière et elle en est au sommet, sans aucun doute. Vous l'aimez tous énormément à la Liones Academy, ces blessures ne peuvent venir de vous, et je sais aussi que vous ne resteriez pas impassibles si vous aviez conscience de toutes ces blessures. Ce qui signifie qu'elle vous les cache délibérément, qu'elle utilise la métamorphose pour que personne ne les voit et qu'elles sont causées en dehors de la Liones Academy. Mais toi, tu es son lié depuis très longtemps, et tu es à moitié-loup. Tu es donc probablement le seul au courant, mais également le seul qui ne peut pas agir à cause de la loyauté que tu as envers elle et que ton côté loup exacerbe au point qu'agir reviendrait à la trahir pour toi. Donc je voulais être certain que, si tu n'agissais pas, c'était bien pour cette raison. »

Fenrir déglutit, choqué du raisonnement du bicolore. Ils n'étaient pas encore liés, et il n'était même pas à moitié animal, mais pourtant, il avait implacablement deviné quelque chose que même Elizabeth ou même Merlin n'avaient compris. Il ne connaissait pas encore toute l'histoire, mais il allait la deviner très vite si ça continuait. Cependant, parce qu'il avait vite deviné au tournoi que Shoto était dans la même situation que Mitsune, le choc laissa place à la résignation.

« Évidemment, tu ne pouvais que le deviner, même si je ne pensais pas que ce serait aussi rapide. Et je sais que tu devineras très vite la raison de tout ça. »

« Ah bon ? Pourquoi ? »

« Vous êtes à peu près dans la même situation tous les deux... ce n'est pas étonnant que tu ais décodé les signes si vite... tu as raison, en partie du moins. Si je ne fais rien, c'est parce qu'elle s'oppose fermement à ce que je l'aide, parce qu'elle sait que j'en subirai les conséquences au même titre qu'elle, donc elle m'a fait promettre de ne pas intervenir. Mais c'est aussi parce que parler à un mur serait plus efficace. Elle est extrêmement têtue, elle refuse tout bonnement de considérer la seule solution qui pourrait la sortir de cet enfer... »

Fenrir soupira, se laissant glisser le long du mur pour s'asseoir au sol, comme si le poids de la vérité et de la culpabilité était trop important pour lui.

« Je peux la comprendre. A sa place, je refuserais certainement de la considérer également, tant elle est cruelle. Je lui ai fait une promesse, et même si ce n'est pas logique, je ne peux pas la rompre. J'en suis tout bonnement incapable, alors que je sais qu'il vaudrait mieux pour elle que je ne la tienne pas. Je lui suis loyal, aussi bien en tant qu'ami qu'en tant que lié. Je ne peux rien faire, tu ne sais pas à quel point ça me ronge Shoto... j'aimerais tellement pouvoir agir, mais je ne le peux pas. Je ne le peux pas à cause de cette fichue promesse et à cause du fait qu'elle est plus bornée qu'un âne. J'ai déjà essayé de l'aider malgré tout, sans m'en mêler physiquement comme j'aimerais, mais un mur serait plus coopératif. Je ne peux rien faire de plus que ce que j'ai déjà essayé. Et si j'en parle à quelqu'un qui n'est pas au courant, ce sera comme la trahir... du coup, je ne sais pas vraiment quoi faire... »

Le coeur de Shoto se serra, alors que des larmes coulaient du regard hétérochrome de Fenrir, ses oreilles basses et son corps voûté comme s'il était âgé de plusieurs centaines d'années. Il avait encore du mal à saisir toutes les informations que l'homme-loup sous-entendait, mais il ne comptait pas lui poser des questions, cela ne ferait que remuer le couteau dans la plaie de son incapacité à parler sans la trahir. Shoto n'était pas au courant de tout, Fenrir ne pouvait donc pas parler plus précisément que ce qu'il avait déjà fait.

« C'est là qu'est notre différence Fenrir. »

L'homme-loup leva un peu la tête, ne comprenant pas ce que le bicolore voulait dire.

« « A cause » de ta loyauté envers Mitsune, tu ne peux pas agir sans la trahir, et ton côté loup fait que la loyauté est la plus importante des valeurs pour toi, tu ne peux pas l'outre-passer. Mais ce n'est pas mon cas. Je suis un humain sans part animale, je n'ai pas cette contrainte. »

« Que... qu'est-ce-que tu comptes... faire ? »

« Ce que je lui ai dit il y a trois jours : l'aider quand elle en aurait besoin, même si elle refuse mon aide. Qu'elle le veuille ou non, c'est ce que je ferais, même si je dois la forcer à me raconter certaines choses difficiles pour ça, même si je dois fouiller dans son histoire. Je n'ai pas peur qu'elle se mette en colère, m'attaque ou me déteste à cause de ça. »

« Mais... tu ne la connais pas vraiment... pourquoi veux-tu l'aider ? »

« Je ne sais pas vraiment. », admit Shoto. « Quand j'ai compris qu'on cachait les mêmes émotions, la même souffrance, j'ai décidé de lui venir en aide de mon mieux, peut-être pour lui apporter le repos qu'Izuku m'a apporté lors du championnat, je ne sais pas trop. Mais je veux l'aider, et je suis sûrement le seul à pouvoir le faire. Je suis le seul parce que personne d'autre que toi et moi sommes au courant. Ce n'est pas quelque chose qu'on peut raconter aux autres, ce n'est pas à nous de choisir cela. Je suis le seul à pouvoir l'aider, parce que personne d'autre n'aura le cran de lui tenir tête quand elle refuse d'avoir de l'aide. Je me trompe ? »

Fenrir secoua la tête négativement pour lui indiquer que, non, il ne se trompait pas.

« Je ne la forcerai à parler que lorsque je jugerai que c'est nécessaire. »

« Et tu comptes faire comment le reste du temps ? »

« Agir comme d'habitude avec elle, tout en assurant ses arrières et en essayant de découvrir le fin mot de cette histoire. Je sais que tu ne m'en diras pas plus, et je le respecte, donc je dois mener l'enquête. Fenrir, je vais aider Mitsune. Même si on ne devait pas se lier au final, je l'aiderai. »

« C'est vrai ? Tu ne dis pas ça pour me faire plaisir ? »

« Non, je te le promets. »

L'homme-loup hocha doucement la tête et essuya ses larmes avant de se remettre sur ses pieds.

« Merci... pardon pour ce moment de faiblesse, je n'avais encore jamais pu me confier à quelqu'un à propos de ça. Hum... je ferai de mon mieux pour t'aider, dans ce cas. Si mes souvenirs sont exacts, ta mère est dans le même hôpital que le père de Foxy... »

« Oui, effectivement. »

« Dans ce cas, je peux te dire que la raison pour laquelle il est dans le coma... c'est la même raison pour laquelle Foxy a ces blessures. Aussi, son service au Boar Hat ne finit pas à dix-neuf heures pour rien, c'est l'heure à laquelle le gymnase de Liones ferme. Depuis le temps, tu as dû comprendre qu'elle n'a pas passé l'examen d'entrée de Yuei de son plein gré... »

« J'ai pu le remarquer, oui. Merci pour ces informations Fenrir, je suis certain que ça va m'aider. »

« Je l'espère... en attendant... prépare-toi à avoir mal... crois-moi que, en tant que lié, on ressent aussi la douleur au moment où Foxy a de nouvelles blessures de cette origine, on la ressent à la même intensité qu'elle. Et fais-moi confiance, cela ne fait pas du bien, bien au contraire... »

« Ne t'inquiète pas pour ça. Mon père m'a longtemps battu pendant mon enfance, je pense que ça ira. On verra bien. »

Fenrir hocha de nouveau la tête puis proposa au bicolore de lui offrir un verre à la taverne, pour oublier un peu toute cette noirceur. Conscient que c'était aussi une excuse pour qu'il puisse passer du temps avec Izuku, Shoto accepta malgré tout. Ils quittèrent donc l'atelier pour rejoindre le Boar Hat, qui n'allait pas tarder à ouvrir...

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