Chapitre 16: Retrouvailles
Une dégringolade sur une dizaine de mètres, le long d'une pente terreuse qui lui écorcha le dos et les jambes et durant laquelle il eut le temps de penser à tous ceux qu'il aimait. Puis l'obscurité avec une forte odeur de moisissure et le bruit de vents furieux au-dessus de sa tête. La Faille avait laissé échapper sa victime et le souffle de sa rage raclait la moindre particule de vie qui s'accrochait à la surface de l'Ethérie.
Térence gisait, hébété, sur un sol spongieux dans une atmosphère surnaturelle, éclairée par la luminescence du petit garçon qui se tenait miraculeusement encore à ses côtés. L'agenceur finit par s'assoir. Il prit le temps d'une longue inspiration en dévisageant l'enfant.
— Tu m'as sauvé, petit ! Je ne comprends rien à ce qu'il m'arrive, mais c'est sûr, tu m'as sauvé. Si seulement tu voulais bien me parler.
Le blondinet le fixait, hermétique aux paroles chaleureuses qu'il recevait. Térence poussa un nouveau soupir et se redressa en gémissant. Il aperçut les écorchures dues à sa chute. De belles estafilades sur les jambes et sans doute des hématomes dans le dos et sur les bras. Rien d'alarmant au vu de la situation.
— Eh bien, voyons où tu m'as conduit... Je ne connais absolument pas cet endroit, pourtant je pensais avoir tout découvert en Ethérie. Peux-tu venir près du mur pour éclairer la paroi, s'il te plait ?
Confronté à l'incongruité de son monologue, Térence éclata d'un rire nerveux d'autant plus que le petit ne bougea pas d'un iota. L'agenceur se leva et s'approcha des pans rocailleux qui l'entouraient. Était-il dans une simple fosse ou y avait-il un passage souterrain quelque part ? Les murs suintaient d'humidité et une mousse végétale pourpre les avait colonisés. À tâtons, le rescapé chercha une issue ou une démarcation, tout autour de lui. La faible lueur émise par l'enfant ne lui permettait pas de se faire une idée de la surface totale de la cavité dans laquelle il avait échoué. Une grande zone sombre occupait la partie la plus éloignée et quand Térence décida de l'explorer, le petit l'accompagna, dévoilant une sorte de corridor qui s'enfonçait dans l'obscurité.
— Voilà donc la sortie. C'est bien là que tu veux que j'aille, n'est-ce pas ? C'est parti, je te suis.
Et malgré la situation dramatique qu'il vivait, l'agenceur de l'Ethérie se surprit à ressentir l'exaltation de la découverte. Le boyau souterrain serpentait sur des dizaines de mètres, la progression était rendue lente par le sol glissant, mais le blondinet qui le précédait produisait toujours une vive luminosité, chassant ainsi les ombres inquiétantes contre les murs. Au bout de quelques minutes, la perception d'un bruit, similaire à une incantation chuchotée, alerta Térence.
— Attends, Petit. Arrête-toi ! Eh ! Tu n'entends pas ce son ? Qu'est-ce que c'est ?
Bien évidemment, l'enfant ne prêta aucune attention aux injonctions anxieuses de son compagnon et poursuivit sa pérégrination de son pas feutré, effleurant à peine le sol, le corps oscillant de gauche, de droite, en mouvements graciles. Térence essayait toujours de percevoir le murmure qui l'avait effrayé quelques secondes plus tôt.
Pourtant ce ne fut que le silence troublant qui l'enserra et le laissa, le cœur battant, dans l'obscurité, alors que la lueur enfantine s'échappait au loin. Plus aucun son ne venait perturber l'humidité du boyau dans lequel l'agenceur se terrait. Et celui-ci se sentit soudain bien seul. Abandonné. Sans doute le dernier être vivant au cœur de l'Ethérie. Un long frisson lui parcourut l'échine tandis qu'une pellicule froide d'inquiétude l'enveloppa. Il fit appel aux énergies pour générer une boule lumineuse au creux de ses mains et rejoignit vite l'angelot blond qui lui servait d'escorte.
C'était fou comme la présence de cet enfant l'apaisait. Même si le petit être étrange ne communiquait pas avec lui, même s'il paraissait irréel et était peut-être tout droit sorti de son imagination fiévreuse, la vision de ce fragile corps éthéré le réconfortait.
Pour ne plus le voir s'éloigner, Térence lui attrapa le bras et reçut comme un courant électrique dans sa paume, qui se propagea jusqu'à son cœur. Tout chamboulé, l'agenceur de l'Ethérie pressa les doigts de l'enfant. Ceux-ci étaient froids et mous, ce qui contrastait avec la vive chaleur qui avait sondé le corps du Maître Arcan quelques secondes auparavant. Il n'eut pas le temps de s'interroger davantage sur cette nouvelle incongruité, le bruit qui l'avait effarouché plus tôt avait repris. D'abord interdit, un doigt sur les lèvres pour intimer le silence à l'enfant, Térence laissa échapper un petit cri et se mit à courir en direction de la voix qui se précisait.
— Anastasia, Anastasia, clamait-il avec ferveur en trébuchant à tout va.
Il l'aperçut, son amie. Sa chère amie qu'il croyait avoir perdue. Agenouillée, au centre d'un cercle de gemmes miroitantes, elle tissait toujours le voile protecteur du Jécorum. Derrière elle, plus de dix mètres carrés d'une étoffe translucide de lumière poudroyaient en chatoiements argentés. Comme mue d'une vie propre, cette structure d'énergie ondoyait doucement, frissonnant parfois d'éclats cristallins.
Térence s'était arrêté à quelques pas seulement de la Maître Arcan. Rendu muet par la magie de l'instant, il contemplait la magnifique jeune femme à la peau d'ébène qui irradiait d'un halo violine alors que, les yeux clos, elle psalmodiait un chant, telle une douce prière.
— Anastasia, tu es vivante, finit par articuler Térence en s'agenouillant à ses côtés.
Il effleura son front. Quand elle ouvrit les yeux, elle ne parut pas le voir. Il eut peur d'halluciner. Vivait-il un mauvais rêve ? Peu à peu, le regard de la jeune femme s'éclaira. Elle reprit contact avec la réalité et porta une main à son cœur.
— Par les Éthers Originels, Térence ! Que fais-tu là ?
— Je... Je... Oh ! Anastasia, tu es vivante ! hoqueta l'agenceur en saisissant les épaules de son amie.
Il avait besoin de la toucher pour être sûr de la réalité de sa présence. La belle Maître Arcan lui sourit tristement.
— Mais pourquoi es-tu revenu ? le gronda-t-elle. On ne pourra plus jamais partir d'ici, tu le sais ?
— Oh ! Mon amie, je suis si heureux de pouvoir encore te parler. Oui, je sais que notre sort est scellé, je n'ai pas pu retourner sur le plan terrestre et je n'espérais même pas avoir la chance de te revoir vivante.
Le regard interrogatif d'Anastasia ne quittait pas l'agenceur, pourtant ses mains reprirent leur ouvrage. Ses longs doigts fins dansaient à quelques centimètres de son visage et entrelaçaient d'immatériels fils d'énergie pour constituer la protection indispensable à leur survie.
— C'est ce petit garçon qui m'a guidé, annonça l'agenceur. Tu le connais ?
Il désignait l'angelot blond qui se tenait droit comme un i à deux pas de lui.
Anastasia dirigea son regard triste vers le petit qu'elle examina quelques secondes. Elle haussa finalement les épaules.
— Non, je ne sais pas d'où il sort, mais c'est lui aussi qui m'a accompagnée ici. Puis il a disparu. Il est curieux cet enfant. Je n'ai pas l'impression qu'il soit vraiment là.
— Qu'est-ce que tu racontes ?
— Je ne perçois pas son souffle vital, on dirait un résidu de vie, c'est dur à expliquer. Pourtant...
Anastasia s'arrêta un instant. Ses mains restèrent en suspension, elle cligna une ou deux fois des yeux comme si elle essayait de se rappeler de quelque chose.
— Je ressens une aura familière qui émane de ce petit, reprit-elle. J'ai déjà perçu cette signature énergétique, mais je n'arrive plus à me souvenir de quand c'était.
Térence acquiesça. Il ne remarquait rien de particulier qui se dégageait de cet enfant, mais il était bien d'accord avec son amie, leur petit sauveur était vraiment étrange et n'avait pas l'air d'appartenir à leur monde.
— Et ce lieu ? demanda l'Agenceur. Tu le connaissais ?
D'un geste ample, il balaya la zone qui les entourait. Les gemmes, autour d'Anastasia, luisaient faiblement et, combinées à la lueur argentée que distillait le blondinet, elles créaient une ambiance intimiste et fantomatique.
— Non, je n'avais pas vu ça auparavant. On dirait un bunker. Il y a une autre pièce à côté avec une vasque vide. Il y a aussi un âtre et des pots en terre cuite qui contiennent des onguents que je n'ai pu identifier.
— Tu veux dire que quelqu'un vit ici ? Ce petit garçon et... ses parents, peut-être.
— Non, je ne pense pas. Tout semble abandonné, recouvert d'une belle épaisseur de poussière.
Térence, par habitude, lissa sa barbichette pour réfléchir aux propos de son amie.
— Tu as tout inspecté ? demanda-t-il brusquement, comme poussé par une idée subite.
— Je n'ai jeté qu'un coup d'œil, l'urgence c'est le Voile.
Elle lui désigna du menton les quelques mètres carrés de pure énergie qui frémissaient à ses côtés. Ses doigts graciles occupés à l'ouvrage ne faiblissaient pas et les mailles s'enchainaient. Térence acquiesça, mais ne la rejoignit pas dans sa tâche. Le front plissé, une main songeuse sur la bouche, il partit explorer la pièce qu'Anastasia lui avait décrite. Le petit le suivit, silencieux comme son ombre.
L'espace était assez exigu, mais bien équipé. Une vasque de pierre circulaire accrochée au mur semblait attendre le jaillissement d'une source d'eau. Une large plaque de granit accolée pouvait faire office de plan de travail sur lequel une dizaine de pots de terre reposait. Un cube en grès occupait le centre de la pièce et quatre petits blocs rangés tout autour figuraient des chaises accompagnant une table. Taillée dans la roche des murs, une multitude d'étagères abritait un tas d'objets de pierre ou de bois. Térence les parcourut rapidement du regard et il crut reconnaître tout un lot de récipients. Par contre, certains ustensiles lui parurent assez incongrus et il n'en devina pas l'utilité. Comme Anastasia l'avait souligné, une couche épaisse de poussière verdâtre tapissait toutes les surfaces. Il y avait bien longtemps que la vie avait déserté ces lieux. L'Agenceur, par réflexe, souffla sur les particules de moisissure qui colonisaient une plaque en ardoise. Le symbole des Ostendes, cette spirale emmanchée d'une flèche, apparut alors sur la tablette de pierre. Térence finit de la nettoyer avec sa manche et décrypta d'autres signes qui lui étaient totalement inconnus.
— Hé ! Anastasia, ça te dit quelque chose ça ?
Il interpella son amie tout en cherchant à déplacer la planchette d'ardoise pour lui montrer. Celle-ci, soudée à son socle, ne bougea pas, mais émit un singulier cliquetis qui rappela à Térence le bruit de mise en fonction des cylindres.
— Viens vite ! Je sens qu'il va se passer quelque chose ! J'ai touché un truc.
Par prudence, l'agenceur s'éloigna de la tablette et se plaqua contre la paroi humide. L'enfant, lui, resta au centre de la pièce et se mit à scintiller comme un sapin de Noël.
— Mais c'est pas possible ! Qu'est-ce qu'il se passe encore ? Anastasia ! s'époumona Térence angoissé.
La Maître Arcan le rejoignit en entrainant, dans son sillage, le Voile qu'elle ne pouvait se résoudre à lâcher.
— Que t'arrive-t-il ? C'est quoi ça ?
Aussi interloquée que son ami, la jeune femme s'arrêta, interdite, à bonne distance de la tablette qui grésillait et de l'enfant lumineux. Les deux Ostendes se jaugeaient, indécis. Devaient-ils intervenir ou attendre que le phénomène cesse ? Ce fut Térence qui s'enhardit après deux longues minutes de tergiversations intérieures. Il se rapprocha de la tablette et, d'un doigt hésitant, effleura le symbole des Ostendes. Aussitôt, les autres caractères devinrent luminescents.
— Je ne connais pas ces signes, dit-il. Ça te dit quelque chose ?
Anastasia le rejoignit, les sourcils froncés, la moue interrogative.
— Non, on dirait une sorte d'alphabet. Dommage que Rinata ne soit pas là. Elle pourrait peut-être nous éclairer sur leur signification.
— J'ai bien envie de tester. Ça ressemble à une télécommande ou même à une console, tu ne trouves pas ?
— Hum ! Térence, sois prudent. On ne sait pas ce que cela peut déclencher.
L'agenceur détourna le regard de la tablette de pierre pour fixer son amie. Un rictus triste plaqué sur le visage, il la considéra avec attendrissement.
— Voyons Natie, que veux-tu qu'il nous arrive de pire ? On est coincés en Ethérie, à la merci de la Faille. On a peut-être quelques heures devant nous avant que tout soit anéanti. Tu t'échines à tricoter une protection dérisoire. Regarde la réalité en face. C'est fini pour nous. Alors, je crois que je vais appuyer sur un de ces signes et advienne que pourra. Au moins, j'aurai la satisfaction de combler ma curiosité.
Anastasia vacilla. Sa peau ébène perdit d'un coup sa clarté. Les propos de Térence venaient de faire éclater sa bulle de résilience. La vérité crachée si durement par celui qu'elle considérait comme son âme sœur l'avait assommée. Elle lâcha le Voile et porta une main tremblante à son visage. Le tissu d'énergie ondoya à ses côtés, miroitant de ses milliers de facettes irisées, puis s'échappa, poussé par un souffle invisible. Avec une légèreté folle, il papillonna dans le petit espace, puis choisit de draper le petit garçon de son auréole scintillante. La jeune femme se mordit les lèvres en contemplant ce spectacle incongru.
— Vas-y, concéda-t-elle. Tu as raison, je suis idiote de croire que je peux réparer toute seule l'Ethérie.
Jamais Térence n'avait vu la majestueuse Éther si affligée. Il la serra dans ses bras en silence et fit mine de ne pas apercevoir les larmes qu'elle essayait de cacher.
— Vas-y, répéta-t-elle, résolue, en se détachant un peu sèchement de son étreinte.
L'agenceur observa une nouvelle fois la tablette d'ardoise devenue luminescente. À côté du symbole des Ostendes, une douzaine de caractères énigmatiques attendaient d'être enclenchés. L'index hésitant, il pointa un cercle barré, puis il se ravisa et choisit une spirale qui se terminait par une tige souple dirigée vers le haut. À peine l'eut-il effleurée qu'un son guttural éclata au cœur de la pièce. Saisis de surprise, les deux Ostendes se tassèrent sur eux-mêmes pour se protéger d'un éventuel choc, tandis que l'enfant ne cilla même pas. La première stupeur passée, Anastasia et Térence se redressèrent, et le cœur tambourinant, essayèrent d'analyser la provenance du bruit singulier. Il n'émergeait pas d'un seul axe, mais était diffusé des quatre coins du petit espace. En hauteur, des trous dans lesquels s'inséraient des cylindres de roseau jouaient le rôle d'amplificateurs soniques.
La mélodie mélangeait des accords instrumentaux vibratoires à une voix rauque qui scandait des syllabes inintelligibles, répétées à l'infini. L'effet sur l'organisme était saisissant. En quelques secondes, Térence et Anastasia ressentirent leur corps se relâcher et le stress qui les habitait s'évanouit avec les formules cadencées. Malgré tout, l'agenceur interrompit l'alchimie en appuyant une nouvelle fois sur le symbole de la spirale.
— Qu'est-ce que c'était que ça ? clapit-il dans un silence consternant.
— De la musique, j'imagine, répondit son amie. Mais je pense que tu as bien fait de l'arrêter, elle me paraissait assez hypnotique, elle a peut-être un usage particulier.
Térence approuva d'un hochement de tête et se reconcentra sur la tablette.
— C'est fou ce truc ! Qui a fabriqué ça ? Qui a vécu ici ?
Anastasia secoua la tête. Elle n'avait aucune réponse à apporter à son compagnon. Ce fut elle, finalement, prise au jeu, qui appuya sur le second symbole, une tige ondulante qui traversait un cylindre. La touche s'éclaira alors que le cube en grès au centre de la pièce devint rougeoyant.
— Encore un phénomène incroyable, s'exclama Térence. On dirait que la pierre chauffe.
— C'est ça. Se pourrait-il que cette table serve de cuisinière, comme si une pierrade y était incorporée ?
Les deux Maîtres Arcans fixaient l'ilot central. La technologie qu'ils découvraient les laissait perplexes. La surface du grès était incandescente, pourtant aucune chaleur n'en émanait. Anastasia se risqua à la tapoter du bout de l'index, mais elle ne ressentit pas la morsure d'une brûlure. Térence expérimenta aussi en y déposant un bout de papier qui trainait dans sa poche. Celui-ci s'enflamma aussitôt. De surprise, il réappuya sur la touche de la console et le phénomène cessa instantanément.
— C'est tellement étrange, s'exclama Anastasia. Qui a inventé tout ça ? Pourquoi cet endroit nous était-il complètement inconnu ?
— Je suis aussi perdu que toi, répliqua son compagnon. On dirait une technologie du futur ou ce pourrait-il que ce soit un vestige des...
— ... des Éthers Originels ? conclut en même temps que lui Anastasia.
Cette constatation excita les deux Maîtres Arcans. C'était ça, ils étaient pratiquement sûrs maintenant d'avoir trouvé une cache des Éthers originels. Un lieu vieux de plusieurs milliers d'années qui renfermerait les traces de leurs ancêtres. Stimulé par cette découverte,Térence appuya frénétiquement cette fois sur un nouveau symbole, trois petites courbes parallèles. Aussitôt, un glougloutement sourd s'éveilla des profondeurs, puis l'eau jaillit dans la vasque, soulignant les sculptures fines qui cisaillaient son pourtour. Avant que le petit bassin ne déborde, l'eau se dévidait en filet dans une rigole qui longeait le mur et finissait par retourner au cœur de la Terre.
— C'est ingénieux, pas de perte. Une sorte de circuit d'eau de source, s'extasia Térence. Tu as vu, Natie ? On va peut-être pouvoir survivre quelque temps ici. Il y a sans doute des vivres aussi.
Plein d'euphorie, il pianota sur deux nouvelles touches. La première, une fourche tordue, révéla une trappe dans le sol. Ils y découvrirent des buches de bois et des dizaines de caisses. Mais ils n'eurent pas le temps d'en explorer le contenu, la deuxième touche, un simple rectangle, activa tout un mécanisme qui les déconcerta. Le mur à l'opposé de la vasque vibra. Un nuage de poussière s'éleva tandis qu'un craquement sourd retentit. Aveuglés par les particules volatiles qui les faisaient suffoquer, les deux Maîtres Arcans paniquèrent et tentèrent de fuir la pièce, croyant que le plafond s'effondrait. Pourtant, tout se stabilisa rapidement. La poussière se déposa sur le sol, alors qu'Anastasia et Térence toussaient encore et se frottaient les yeux.
— Qu'est-ce que c'était ? demanda la Maître Arcan en se raclant la gorge.
— Oh ! regarde ça ! s'égosilla Térence dont les yeux larmoyaient pour se nettoyer de la poussière. Il n'y a plus le mur du fond.
En effet, une nouvelle pièce s'ouvrait maintenant devant eux. En s'approchant, ils comprirent que la cloison s'était tout simplement enfoncée à la verticale, dans un interstice prévu à cet effet.
— Mais c'est fou, répéta plusieurs fois l'Agenceur, une main sur la tête pour marquer son trouble.
— Qu'est-ce qu'on a là ? s'interrogea Anastasia, les yeux brillants d'excitation.
Tous deux s'avancèrent pour explorer le nouvel espace libéré. Et ils restèrent figés au seuil de la pièce. Anastasia étouffa un cri, alors que son compagnon poussa un juron.
Devant eux, s'ouvrait un coin nuit, comportant seulement deux couchettes suspendues. Ce n'était pas leur étrange tissu fin composé de microcapsules ou les bras hydrauliques les soutenant qui les ébahit, mais ce qu'elles contenaient: deux corps momifiés. Quelques touffes de cheveux roux et secs s'accrochaient encore sur les crânes, une peau dure et grisâtre comme de l'étain modelait les visages. La surprise passée, les Maîtres s'approchèrent avec précautions. Ils observèrent les restes humains, visiblement d'une femme et d'un homme, emportés dans leur sommeil.
— Par les Éthers Originels, qui sont-ils ? Et que leur est-il arrivé ? demanda Anastasia, une main plaquée sur la bouche pour masquer son émotion.
Elle contournait les hamacs, cherchant des indices qui lui auraient permis de les identifier. Térence, troublé, se lissa la barbichette avant de répondre.
— J'ai l'impression que nous sommes en présence d'un couple d'Éthers Originels.
Et après quelques secondes d'hésitation, il reprit d'une voix rauque:
— Ceux-là ont sans doute été les otages de la Faille il y a plus de douze mille ans. Voilà notre destinée, Natie. Prisonniers à jamais de l'Ethérie.
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