Chapitre 14: On compte les morts!
Sylvie et Nadine accueillaient les réfugiés. Après avoir été soulagées de voir apparaître les jumeaux, elles aidaient chaque rescapé à s'extirper de l'orifice. L'espace de sortie s'était tellement rétréci que son passage était devenu douloureux et dangereux. Chaque nouvel arrivant émergeait, hagard, la peau en feu et les terminaisons nerveuses affectées, si bien qu'il perdait ses sens et ne savait plus ni se mouvoir, ni s'exprimer. Les deux femmes dirigeaient, apaisaient avec des paroles douces, alors que Anthony et Téodor luttaient de leur côté comme ils le pouvaient pour maintenir le simulacre d'ouverture entre les plans.
Un étrange silence noyait la petite pièce, les corps se serraient, les larmes glissaient, la sueur froide qui collait chaque dos en disait plus que tous les mots.
Il y eut un « ploc » sonore qui fit sursauter en un bloc chaque réfugié.
- L'ouverture est fermée, réalisa Sylvie, consternée. Ils ne sont pas tous là.
Du regard, elle balaya les hommes et les femmes adossés au mur ou avachis au sol. Tous grimaçaient, haletaient, se tordaient de douleur. Elle repéra Clotaire, Luce, Christelle, Thomas Janson, mais il en manquait... beaucoup !
- Ils ne sont pas tous là ! hurla la mère de famille à l'adresse de Téodor et de Anthony.
Les deux hommes suffoquaient pliés en deux, les poings sur les cuisses. L'Ouverture avait cédé d'un coup. Ils n'avaient rien pu faire. Ils avaient tout donné.
Thys n'avait pas subi trop de lésions lors de son passage entre les plans. Il faisait partie des premiers à s'y être infiltré et seule sa peau avait frotté sur les parois d'énergie, laissant des plaques râpées d'un rouge vif sur son visage et ses mains. Il avait donc pu secourir sa sœur, vite secondé par Blandine et Damien.
Alors que les paroles de sa mère l'électrisèrent, son attention se posa sur un curieux amas de vêtements au sol. Il fallut plus d'une seconde à son cerveau pour analyser ce qu'il voyait et ordonner à son sang de pulser et à son cri de retentir.
- Marceline !
Le temps s'arrêta. Tous se figèrent et les regards convergèrent vers le garçon tremblant.
- Marceline ! Marceline ! hurlait-il en enlaçant la vieille femme recroquevillée sur le sol.
Complètement mou, le corps de la grande Ignure se laissait balloter par les étreintes désespérées du garçon. Téodor accourut et cria comme un fou quand il découvrit la dépouille de sa fidèle comparse. Aucun doute n'était possible. L'enveloppe était vide, exsangue. La Maître Ignure avait donné jusqu'à la dernière parcelle de sa propre énergie vitale pour secourir ses compagnons.
- Non, non, non ! s'époumona le Maître Arcan, sourd aux gestes d'apaisement d'Anthony et des autres Ostendes qui l'entouraient. Où il est le gamin ? Damien, viens vite ! Fais quelque chose ! ordonna-t-il.
Le jeune étudiant en médecine secoua la tête, livide. Il savait la demande de Téodor impossible à satisfaire. Le corps qui gisait à leur pied n'abritait plus la vie, pourtant, il s'exécuta. Un miracle l'avait bien ressuscité, lui, que tous avaient pleuré. Il se devait de tenter l'irréalisable.
Les mains jointes pour sentir pulser une onde énergétique en leur paume, il focalisa toute son attention sur la vieille Ignure. Mais comme il s'y attendait, malgré son extrême concentration, il fut incapable de trouver une parcelle de vie enfouie au creux de la chair ou à fleur de peau prête à l'envol. Pas la moindre particule active qu'il aurait pu étirer, choyer et cultiver pour éveiller ce corps. Il savait que tout était fini et sa gorge contractée à l'extrême lui faisait mal, ainsi que son ventre parcouru de spasmes. Pourtant, il perdura dans ce simulacre de réanimation pour laisser quelques minutes d'espérance encore à tous ceux qui l'entouraient.
Téodor et Thys, en première ligne, étaient figés, dans l'expectative d'une annonce libératrice, pourtant leur esprit vagabondait déjà à la recherche de souvenirs chers, vécus avec la dévouée Marceline. Thys se rappela sa première rencontre avec l'Ignure au supermarché, elle l'avait gentiment renseigné sur son statut d'Éthers, alors que tous les autres le maintenaient dans l'ignorance. Et surtout c'était elle, au péril de sa vie, qui avait donné l'alerte lorsqu'il avait été séquestré chez les Le Tallec.
Téodor, lui, laissait défiler les années de complicité avec sa grande amie, ne sachant à quelle image s'accrocher. Adolescents, ils avaient passé ensemble leur premier cycle des transformations. Marceline, farceuse, lui en avait fait voir de toutes les couleurs. Puis ils ne s'étaient jamais lâchés, poursuivant leur formation en trio avec Rinata, ils avaient partagé tant d'épisodes inoubliables. La mort ne pouvait pas venir ainsi les séparer sans préparation.
Damien, penché sur le corps, décida qu'il était temps de cesser les simulations. Il ferma les yeux pour se centrer sur son cœur et se donner le courage d'annoncer la nouvelle:
- Je suis désolé, je ne peux plus rien faire. Il n'y a aucune molécule de vie dans son corps. Je ne l'ai pas senti s'évader ici. Je pense que tout son fluide vital s'est évaporé avant même son passage sur le plan terrestre.
Téodor secoua la tête avec énergie. Ses narines dilatées comme un buffle prêt à charger, il fixait Damien. Thys, à ses côtés, avait blêmi et s'était laissé glisser au sol, vidé, anéanti. Les autres, souvent une main sur la bouche pour ne pas libérer le cri d'horreur qui les tenaillait, communiaient du regard.
- Je... elle ne peut pas partir comme ça ! finit par vociférer, le grand Lux, les mèches blanches électrisées. Pas elle, pas Marceline, c'est la meilleure d'entre nous.
Comme une furie, il éjecta Damien qui se trouvait sur son passage et s'agenouilla auprès du corps de l'Ignure. Ses doigts crépitèrent, ses mèches se hérissèrent, dévoilant, au sommet de son crâne, la pierre de lune révoltée dont il déversa toute la puissance au niveau du ventre de Marceline, là où résidait son cristal de Jade.
- Absorbe ça, absorbe ça ! aboyait-il vindicatif devant l'assemblée d'Ostendes sidérés. Par les âmes bourriques des plus lents mollusques, qu'est-ce que vous attendez pour m'aider !
- Téodor, ça ne sert à...
D'un doigt furieux émana un souffle d'air qui projeta Damien quelques mètres plus loin et l'empêcha d'achever sa phrase. Le jeune homme se releva en titubant, hébété par la violence du Maître.
- Il perd la tête, chuchota Blandine en lui pressant le bras. Il est ivre de tristesse.
- Tu ne peux pas l'aider ? Prends-lui sa peine, conseilla Damien, livide. Regarde-le, il va s'épuiser, il vide son Ingéni.
- Je ne peux plus, j'ai trop absorbé. Il y a eu trop de morts. Trop de souffrance.
Elle désigna du menton la lourde silhouette de Marcel Targent, adossé au mur, les yeux dans le vague, qui marmonnait des adieux silencieux à son frère, complice d'une vie. Puis elle pressa la main du jeune médecin et lui montra Mélanie d'un geste tremblant. La petite se cramponnait à Mélia et les deux erraient dans l'espace contigu, cherchant des réponses à une question qu'elles étaient incapables de formuler. La petite Donnador venait de perdre le dernier parent qui lui restait.
Dans l'angle de la pièce, le front adossé au mur, Luce sanglotait. Bastien et elle espéraient se fiancer. Peu étaient au courant, mais Blandine qui s'était rapidement liée avec la Maître Aéquor était dans la confidence. La jeune femme laissa échapper un nouveau soupir quand ses yeux embués caressèrent un homme recroquevillé au sol, les genoux ramenés à sa poitrine.
- C'est Edmont, souffla-t-elle tendrement au creux de l'oreille de Damien. Un Aéquor qui a le cœur sur la main, toujours à se plier en quatre pour aider. C'est le premier à m'avoir secourue quand j'ai fait des crises d'angoisse à mon arrivée en Ethérie. Aujourd'hui sa femme est morte. Cinquante ans de vie commune, m'a-t-il dit tout à l'heure avec un sourire tremblant. Tu vois, je les ai tous assistés, j'ai absorbé de leur peine, j'ai endossé une partie de leur charge émotionnelle. Mais ils sont trop nombreux. Je n'en peux plus. Je suis pleine, Damien.
Le jeune homme prit alors le temps de contempler son amie. Le choc fut rude. La jeune Aguerris n'était que l'ombre d'elle-même. Son teint blafard faisait ressortir ses yeux noisette cernés d'auréoles verdâtres. Ses cheveux auburn avaient perdu leur ressort et pendouillaient ternes et informes. Sa silhouette replète, habituellement tonique et déterminée, s'affaissait, bras mous, dos rond, nuque raide.
- Ma pauvre Blandine, j'aurais dû m'apercevoir de ton état. On t'en demande trop, viens par là.
Damien saisit la jeune fille chère à son cœur et la berça en embrassant son front pendant que celle-ci sanglotait.
- Mais comment on va faire avec Téodor ? s'inquiéta-t-elle toute chancelante.
En effet, le Maître Arcan ne cessait de vitupérer en haranguant ses compagnons. Un flot tangible d'énergie s'évadait de son Ingéni, heurtait le corps de Marceline, puis s'évaporait dans la pièce.
- Elle n'absorbe rien, lui fit remarquer Antony avec douceur. Il faut arrêter, Téodo. Vous vous épuisez.
Le père de famille posa une main sur l'épaule du Maître pour le ramener à la raison, mais celui-ci, dévoré par la peine, se retourna vivement, montra les dents en aboyant:
- Un Ostendes n'abandonne jamais ! Je ne la laisserai pas !
C'est à ce moment-là que Mélia constata l'absence de Térence Plomb. Sa voix fragile percuta tous les esprits:
- Mais Térence n'est pas là ? Il était avec Marceline pourtant, il m'a relayée pour l'Ouverture. Térence !
L'horreur se lut immédiatement sur tous les visages, l'agenceur de l'Ethérie n'avait pas franchi l'Ouverture. Il était coincé là-bas, dans une Ethérie moribonde qui vivait ses tout derniers instants. Ce fut un électrochoc pour Téodor. Il cessa de s'acharner sur Marceline et observa chaque survivant. Il ne lui fallut pas plus de trois secondes pour paniquer. Il vit les larmes, les regards éteints et surtout il ressentit les vides. Plusieurs compagnons manquaient.
- Térence ? marmonna-t-il comme pour lui-même. Marcel ? Jonas ?
Il scrutait les visages à l'affut d'une réponse. Le silence affligé fut tout ce qu'il obtint. Mais l'absence la plus inacceptable, celle qu'il lui était intolérable et qu'il n'osait nommer de peur de voir un abîme s'ouvrir à ses pieds, c'était celle d'Anastasia.
- Où est-elle ? Ne me dites pas que ces chiens en costard l'ont tuée ! Où est... Anastasia ?
À cet instant, il était tout iridescent, entièrement nimbé d'une couche d'ondes électriques. Une bombe prête à imploser.
Personne ne répondit. Des regards roulaient, consternés, et ceux qui savaient n'osaient pas l'annoncer.
- Où est Anastasia ? vociféra le Maître Arcan, pointant un doigt grésillant, tour à tour, sur chaque Ostende.
Quand sa prunelle folle fusilla Thys, le garçon secoua la tête négativement et baissa les yeux. Tout était dit.
Téodor explosa, libérant une onde de choc qui frappa le groupe de plein fouet. Sylvie et Anthony qui avaient vu la catastrophe arriver eurent à peine le temps de nimber chaque rescapé d'une pellicule d'air qui joua le rôle d'un airbag en pleine collision.
Dans un silence consterné, chacun évalua les dégâts. Pas de perte humaine ni de nouveaux blessés grâce à l'intervention des parents des jumeaux. Par contre, les murs de la salle où ils étaient tous réfugiés avaient noirci. Sur un pan, une longue fissure se ramifiait en sillons disparates. De petits craquements inquiétants provenaient du plafond tout strié et lorsqu'une plaque de placoplâtre se détacha et s'écrasa lourdement au sol, les cris et l'affolement prirent le dessus.
- On monte, suivez-moi ! commanda Sylvie.
Anthony agrippa Téodor qui, après son coup d'éclat, titubait comme un homme ivre. Aidé par Thys, il dirigea le Maître Arcan vers la sortie. En quelques minutes, tous avaient rejoint le charmant salon de la vieille Ignure alors qu'au sous-sol tout s'effritait, recouvrant le corps de Marceline de gravats.
Après le silence d'hébétude, quelques voix se manifestèrent pour exprimer leur incompréhension et commenter l'horreur vécue. Damien s'affairait pour panser les blessures les plus urgentes, secondé par Nadine, fière d'être utile.
Thys, Mélia, Mélanie et Briac assis sur la moquette couleur chair n'arrivaient pas à communiquer. Chacun prostré dans sa douleur se remémorait des instants effroyables. Mélanie, touchée trop souvent par la mort d'un être aimé, régressait dans un balancement de tête, annihilant toute pensée. Thys se revivait arbre et déplorait la perte de tous ses semblables. Mélia et Briac répétaient en boucle la dernière scène de leur passage par l'Ouverture pour voir à quel moment ils auraient pu changer le cours des choses.
Ce fut Sylvie une fois encore qui prit les devants et géra l'urgence.
- Mes amis ! lança-t-elle soudainement d'une voix forte qui en fit sursauter plus d'un. On vient de traverser une des pires épreuves de notre existence. Jamais on n'aurait imaginé que, de notre vivant, l'Ethérie disparaitrait. Jamais on n'aurait cru que les Indésiratas seraient capables d'envahir notre havre de paix. Mais ce n'est pas la fin, il faut se battre.
Son intonation déterminée suscita l'intérêt. Pourtant, les regards restaient éteints, les épaules basses et des pleurs secouaient bon nombre de rescapés.
- Rien n'est perdu, répéta la mère de famille. On peut encore sauver le plan terrestre. Pour ça, nous devons rassembler les cylindres manquants. Ma mère, Rinata, prépare la prochaine expédition en Antarctique. Le départ est imminent. Nous avons déjà trouvé quatre cylindres. Il n'en manque que trois pour décrypter le message de nos ancêtres et sauver notre planète. Nous sommes sur la bonne voie, ne baissons pas les bras.
- Quatre cylindres ? s'étonna Thomas Johnson. Quel est donc ce prodige ? Aux dernières nouvelles, nous n'en avions que trois, celui de Bosnie, ramené par Rinata, celui de Tiahuanaco et le dernier, trouvé à Yonaguni.
Pendant que le vieil homme énumérait leurs trophées, Sylvie contemplait son teint pâle, ses mains tremblantes, les multiples fissures du temps sur son visage. L'Aguerris, d'habitude impassible et solide comme un roc malgré son âge avancé, n'était plus que l'ombre de lui-même.
- Nous en avons bien quatre, Thomas. Le dernier vient d'être trouvé par Briac pendant son Oritis.
- Quoi, mais comment est-ce possible ! s'exclama Luce.
Son cri de stupeur fut relayé par de nombreux Ostendes.
- Mais c'est insensé ce que tu nous racontes, s'offusqua Thomas Johnson en scrutant Briac. C'est sans doute une ruse des Indésiratas pour nous dérouter.
Le jeune Péragore se ratatina sur lui-même. Il savait bien que ce moment allait arriver, qu'on lui reprocherait les horreurs que les siens avaient fait subir au clan des Ostendes et il n'avait pas la force de se défendre. Ces derniers jours avaient été trop éprouvants.
- Ce n'est pas du tout une ruse des Indésiratas, s'exclama Mélia. J'y étais et j'ai même pu entendre le message du cylindre. Alexander, le Sciens des Éthers Originels, nous avertit qu'il y aurait un quatrième cycle des transformations.
Cette fois tous parlèrent en même temps, sidérés par les révélations de Mélia. Téodor prostré jusqu'alors entre ses deux gardes du corps, Thys et Anthony, se redressa et une étincelle de vie anima ses petits yeux verts reptiliens. Pourtant il ne dit rien.
Ce fut Luce qui se chargea de faire le porte-parole de l'assemblée.
- Mais à quoi nous sert cette information maintenant ? L'Ethérie est détruite. Il n'y aura plus de cycle de transformation, plus de passage de l'Oritis.
Mélia serra les poings. L'intervention de Luce la déstabilisait. L'Ethérie vivait ses dernières heures. Il n'y aurait plus jamais de cycle d'apprentissage, plus jamais d'évolution possible pour l'espèce humaine. La jeune fille se sentait en grande partie responsable de cette situation. Elle, la Clairvoyante qu'ils attendaient tous, avait failli à sa mission. Elle n'avait pas vu le danger pointer. Elle avait été trop préoccupée, ces derniers jours, par l'attitude de sa tante et l'Oritis de Briac.
Comme s'il percevait son trouble, Thys vint se placer à ses côtés. Il lui prit discrètement la main, qu'il pressa en signe d'encouragement. Briac marqua aussi son soutien en se rapprochant des jumeaux. Ainsi épaulée, Mélia sentit poindre l'espoir et voulut le partager avec tous ces visages ravagés qui attendaient d'elle un nouvel élan.
- Je sais que rien n'est perdu, et que l'on doit croire en l'avenir. Je le sais, car je suis clairvoyante et vous devez avoir foi en moi ! Notre quête doit continuer, je le sens au plus profond de mon être.
Ses paroles énoncées avec ferveur eurent un véritable effet galvanisant. Malgré leur peine et leur abattement, la plupart des Ostendes acquiescèrent. Sylvie, reconnaissance de l'intervention bienvenue de sa fille, en profita pour reprendre le contrôle du groupe.
- Il faut maintenant que l'on fasse un peu le point tous ensemble et que l'on s'organise, proposa-t-elle, ses yeux balayant la bonne trentaine de réfugiés. On doit d'abord prendre contact avec les Maîtres Arcans de chaque zone pour savoir si toute l'Ethérie est affectée. Qui veut bien s'en charger ?
- Je m'occupe de ça ! répondit aussitôt Thomas Johnson. Je sais que la Faille s'est emballée dans la plupart des zones pour avoir reçu, avant ce désastre, des appels désespérés de nos amis du Canada, d'Inde et d'Afrique du Sud. Comme je ne pourrai plus utiliser le réseau d'ondes électromagnétiques de l'Ethérie, j'aurai besoin d'un portable. Quelqu'un voudrait-il m'en prêter un ?
- Tiens, prends le mien, proposa aussitôt Sylvie. J'espère que tu parviendras à joindre tous les Maîtres Arcans, j'ai l'impression que la Faille déstabilise aussi le réseau téléphonique.
Chacun sortit alors son mobile pour constater les dires de la mère de famille.
- Autre chose, poursuivit Sylvie. Je pense qu'il faudrait enterrer et rendre un dernier hommage à Marceline entre nous. Sa mort doit rester cachée pour l'instant. Nous ne pouvons pas nous permettre une enquête qui soulèverait trop de questions et nous empêcherait d'agir à notre guise alors que le temps presse.
- Tu as raison, convint Anthony. En plus, la maison de Marceline est placée sur un nœud tellurique, même si les énergies sont perturbées, c'est quand même un lieu de ressource pour nous.
- Et puis, il y a l'ouverture au sous-sol, ajouta Thys.
- Non, fiston. Je pense que l'on ne peut plus avoir d'espoir de ce côté-là, répliqua son père.
Thys grommela et serra les poings dans ses poches. Lui, il voulait croire à un dernier sursaut de l'Ethérie. Il n'était pas le seul, Mélia pinça les lèvres, alors que Téodor, les yeux clos, avachi sur un fauteuil, laissa échapper un grognement.
Le maître Arcan n'était pas prêt encore à ouvrir les yeux et à affronter la réalité. Il avait perdu trop de compagnons, et surtout, pour la première fois, perdu le contrôle de son corps et de ses émotions.
Sylvie envoya un regard désolé à ses enfants, s'attarda quelques secondes sur le visage crispé de Téodor et reprit le cours de son plaidoyer.
- Bien, il faut aussi que l'on mette en commun tous les éléments que l'on a sur l'attaque aujourd'hui.
Elle savait que revivre les instants tragiques était la dernière chose que ces victimes avaient besoin, pourtant ils devaient tous comprendre comment cela était arrivé.
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